Category
🗞
NewsTranscription
00:00 Il est 7h47, c'est donc aujourd'hui la journée mondiale du droit à l'avortement et on en
00:06 parle avec notre invitée Joy Morty.
00:08 Cette comédienne native de Dijon vient de publier un livre, La Fabrique du silence,
00:12 dans lequel elle évoque le manque d'accompagnement après une IVG.
00:15 Elle est notre invitée donc Stéphanie.
00:17 Joy Morty, avant de parler de votre livre, vous avez peut-être entendu ici sur nos ondes
00:22 cette conseillère familiale du planning en Côte d'Or qui souhaite organiser des groupes
00:29 de parole justement pour mieux accompagner les femmes qui ont ou qui vont aborter.
00:33 Est-ce que c'est ce qui vous a manqué ?
00:35 C'est une très belle démarche, oui vraiment.
00:37 Ce qui manque c'est de ne pas se sentir seule.
00:39 On a l'impression en fait qu'on est très accompagnée sur l'instant, le moment où
00:44 on avorte.
00:45 D'un point de vue médical, on sait ce qui va se passer, on est très au clair là-dessus.
00:49 Pour l'après, c'est très flou.
00:51 Personne n'en parle vraiment.
00:52 Bon ben on va expulser quelque chose quoi, c'est pas tout à fait très bien amené
00:57 ou très bien préparé.
00:58 Et pour l'accompagnement psychologique ou pour l'accompagnement après, en tout cas
01:04 à l'époque, ça commence un petit peu à évoluer parce que les médecins en parlent
01:06 beaucoup, les psychiatres en parlent beaucoup maintenant.
01:08 Donc c'est en train un petit peu d'évoluer mais à l'époque, ou en tout cas il y a un
01:13 an ou deux, c'était vraiment très faible l'accompagnement sur ce point-là.
01:17 Le titre de votre livre c'est "La fabrique du silence".
01:20 On voit bien que ce mot "silence" il est très fort.
01:23 Ça se rapporte à quoi exactement dans votre cas ? C'est le silence après ? C'est le
01:27 silence de l'entourage ?
01:29 En fait ce qui est particulier avec l'avortement c'est que comme c'est un choix, c'est difficile.
01:33 On a le droit de disposer de notre corps mais ce droit n'est pas facile à exercer.
01:37 Il y a plein de choses qui viennent de la culpabilisation des médecins parfois, et
01:42 peut-être un peu trop souvent.
01:43 Des affiches qu'on verrait dans la rue, des campagnes anti-avortement.
01:48 On est un peu submergé.
01:50 Déjà on est avec sa propre culpabilité parce que c'est un choix qui est difficile.
01:53 C'est difficile en fait pour la femme.
01:59 Il y a plein de choses qui se passent dans la tête et on n'est pas aidé je trouve
02:03 autour.
02:04 Mais nous on contribue à ce silence.
02:05 C'est pour ça que j'ai appelé ça "La fabrique du silence" aussi.
02:06 C'est que la femme n'ose pas toujours en parler de ça.
02:09 Aujourd'hui, votre IVG remonte à 2016.
02:12 Est-ce que pendant cette année les choses ont un petit peu évolué ?
02:17 Elles ont complètement évolué je trouve.
02:19 Vraiment.
02:20 Les paniques familiaux maintenant proposent des choses.
02:21 Le site officiel du gouvernement à l'époque disait "Méfiez-vous des faux témoignages,
02:26 des soi-disant traumatismes ou des soi-disant problèmes après un avortement".
02:31 Maintenant sur le site on nous propose d'être accompagnés et on nous dit "Si ça vous
02:36 arrive, ça n'est pas pour toutes les femmes heureusement, mais si ça vous arrive, on est
02:41 là, vous pouvez être accompagnés et voilà comment faire".
02:43 Vous voulez dire que si c'est difficile après cette IVG-là, ça peut être compliqué psychologiquement
02:50 d'affronter la vie aussi après, malgré un choix qu'on ne regrette pas ?
02:53 Tout à fait.
02:54 C'est hyper important ce droit.
02:56 On est là pour ça aussi, pour le défendre.
02:58 Je ne cesse d'en parler dans mon livre parce que ma peur c'était que le sujet soit un
03:01 peu pris par des anti-avortements et donc je le revendique vraiment dans mon roman en
03:07 permanence.
03:08 Ce roman "La Fabrique du silence" est un moyen de ne pas garder ça pour soi.
03:12 C'est vraiment ça le plus important aujourd'hui en 2023 ?
03:14 Oui, je trouve.
03:15 Le message qu'il faut faire passer ?
03:16 C'est ça, d'en parler, vraiment.
03:18 Il n'y a pas de honte à avoir avorté et il n'y a pas de honte non plus à ne pas l'avoir
03:22 vécu très bien.
03:24 On peut dire "c'est mon choix, je suis pour l'avortement, l'avortement c'est formidable,
03:29 c'est une chance qu'on a mais pour moi ça a été un petit peu difficile, j'ai eu besoin
03:32 d'aide".
03:33 On a entendu ce matin aussi dans nos journaux des Dijonaises, des Dijonnais expliquer s'ils
03:38 trouvaient ce sujet encore tabou et on entend quand même que la jeune génération parle
03:42 plus ouvertement, plus librement du sujet.
03:44 Ça aussi c'est un changement ?
03:45 Je trouve, oui.
03:46 On parle plus librement de l'avortement en soi, de l'acte, mais on parle encore très
03:52 difficilement de l'après quand c'est difficile.
03:54 J'ai été contactée par énormément de femmes depuis que j'ai sorti mon roman et ça me
03:58 touche beaucoup, qui me remercient d'aborder le sujet et qui me remercient d'en parler
04:01 parce qu'elles l'ont vécu aussi comme ça.
04:03 On le sait, le planning familial n'est pas présent dans toutes les villes de France,
04:07 malheureusement.
04:08 Et donc cette écoute, cet accompagnement, où est-ce qu'on peut le trouver si on a fait
04:12 ce choix-là et qu'on souhaite être accompagné au mieux, d'être accompagné par des professionnels
04:17 et puis aussi peut-être des proches trouver de l'aide ?
04:19 Je pense qu'en parler à ses proches c'est important et de ne pas être seule, de dire
04:24 "ça ne va pas très bien, j'ai besoin d'être un peu aidée, d'être un peu entendue ou
04:29 écoutée".
04:30 Aller voir aussi son médecin, lui en parler, aller voir pourquoi pas un psychologue, un
04:36 psychiatre, une association c'est possible aussi en faisant attention parce qu'il y
04:39 a des associations anti-avortement qui sont un petit peu dissimulées, on ne le voit pas
04:42 tout à fait sur le site et on se rend compte que c'est un petit peu limite.
04:45 Donc voilà, faire attention pour les associations, aller voir les bonnes associations, mais je
04:50 crois que le site officiel maintenant propose une petite liste d'associations qui peuvent
04:54 aider les femmes.
04:55 On est en 2023 et pour ce jeudi, journée mondiale du droit à l'avortement, on le sait, c'est
05:00 un droit qui aujourd'hui est limité dans certains pays.
05:03 C'est dangereux, il faut continuer à tenir bon.
05:06 Il faut continuer vraiment ce combat, il faut continuer à en parler et à défendre ce
05:09 droit.
05:10 Tout à fait.
05:11 Comment ? Donc en parlant ?
05:12 En parlant, en ne lâchant rien.
05:14 Là je discutais avec une digenèse que j'ai rencontrée dans le cadre de la sortie de
05:18 mon roman et qui me disait une fois il y avait une affiche sur un arrêt de bus, j'ai régué
05:22 la mention IVG, c'était meurtre ou je sais pas quoi, elle a régué, elle a dit non,
05:28 elle a marqué choix à la place, c'est des petites choses comme ça où mine de rien
05:31 bon ben quand on voit ça en barrage on enlève.
05:35 C'est un combat de tous les jours.