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Tous les jours, une personnalité s'invite dans le monde d'Élodie Suigo. Mardi 3 octobre : le comédien et ancien membre du GIGN, Philippe B. alias ATON. Il publie aujourd’hui, un livre qu’il a coécrit avec Jean-Luc Riva, un ancien militaire, "Se préparer au pire !" aux Editions Albin Michel.

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Transcription
00:00 Bonjour, Athon.
00:01 Bonjour.
00:02 Vous êtes aujourd'hui comédien et auteur.
00:03 Et pourtant, il n'y a pas si longtemps que vous étiez un membre du GIGN, un gendarme
00:07 d'élite, soit 15 ans de bons et loyaux services, dont les faits d'armes vous ont valu d'ailleurs
00:11 la Légion d'honneur, que vous ne portez pas aujourd'hui.
00:13 Non, non, non, je la garde pour moi.
00:14 Parce que c'est ce que vous dites, vous la gardez pour vous.
00:17 Votre vie a basculé alors que vous n'aviez que 16 ans, en regardant la télévision, avec
00:21 l'assaut du GIGN qui tentait de déjouer la prise d'otages de cet état marinien.
00:25 Il faut dire que votre adolescence a été marquée par des camarades qui n'étaient
00:30 pas tendres avec vous.
00:31 Donc vous avez vécu le harcèlement scolaire avec cette envie de devenir autre chose et
00:35 donc de devenir une terreur pour pouvoir vous défendre, puisque en face, l'institution
00:39 ne répondait pas à vos questionnements et à vos signalements.
00:42 Avec Jean-Luc Rivard, ancien militaire qui a passé 25 ans à l'étranger, dans les
00:46 renseignements, vous publiez aujourd'hui même « Se préparer au pire » chez Albain
00:49 Michel.
00:50 Le sous-titre est assez explicite « Faire face à la violence ». Ça fait à la fois
00:54 peur et en même temps, quand on ouvre cet ouvrage, on se rend compte que le sous-titre
00:58 est beaucoup plus fort que ce que vous indiquez à l'intérieur, car vous nous préparez
01:02 finalement un peu au pire, vous nous proposez des alternatives si on devait être confronté
01:07 à des situations dramatiques.
01:09 Pourquoi ce livre ?
01:10 En fait, c'est venu suite à… en étant témoin de toutes les violences qu'on peut
01:16 voir au quotidien.
01:17 Alors je regarde les infos, comme tout le monde, parfois je fais une pause et puis quand
01:21 j'y retourne, ça me revient en pleine face.
01:24 Et puis à un moment donné, je fais référence à mon passé, à mon vécu, à mon expérience,
01:29 où moi-même j'ai réussi à trouver quelques solutions.
01:32 Et souvent, quand je rencontre des amis ou des gens que je connais peu, peu importe,
01:38 qui m'exposent justement face à un ancien GIGN, on expose ses problèmes un peu de sécurité.
01:43 Et je me suis rendu compte, pratiquement à chaque fois, j'arrivais à trouver, à proposer
01:48 des solutions.
01:49 Alors parfois elles conviennent, parfois ça nécessite un peu de travail, un peu d'entraînement.
01:53 Mais en fait, quand on s'y met, quand on s'intéresse au sujet, qu'on n'est pas
01:58 seulement attentiste vis-à-vis du gouvernement, vis-à-vis de la police, on peut individuellement
02:04 ou collectivement prendre un certain nombre de mesures qui peuvent effectivement vous
02:08 protéger.
02:09 Et donc à un moment donné, c'est devenu, au vu de l'actualité, on est surchargé
02:14 de violences.
02:15 On s'est dit avec Jean-Louis, il faut qu'on le fasse ce livre.
02:18 En tout cas, ce livre, quand on le parcourt, il donne effectivement des clés pour certaines
02:23 situations et finalement dans les situations du quotidien.
02:26 Vous ouvrez par exemple avec les sites de rencontres et vous donnez des clés pour essayer
02:33 de se défendre, en tout cas d'éviter de vivre le pire, notamment quand on est une
02:37 femme.
02:38 Je vais vous laisser en citer quelques-uns des exemples.
02:40 Mais en premier, déjà, il faut éviter les sites gratuits.
02:43 En deux, pour vérifier les photos, il y a des méthodes à appliquer.
02:47 Pareil, si on obtient un rendez-vous, il y a des méthodes à appliquer pour éviter
02:52 de se retrouver dans des situations à ne pas pouvoir prévenir.
02:55 C'était important justement pour vous de nous expliquer tout ça.
02:58 Oui, parce que j'ai des amis, je vais dans les salles de sport, on discute, on échange.
03:02 Et c'est vrai que les gens ont beaucoup recours aux sites de rencontres, mais sur les sites
03:06 de rencontres, il y a de tout.
03:07 Et on ne sait pas à qui on a affaire à l'autre bout de l'écran.
03:11 Donc, il y a un certain nombre de choses à demander qui sont légitimes, j'estime pour
03:15 une femme dans une époque où elles sont clairement visées, attaquées, demandées d'être rassurées.
03:21 Donc, si la personne ne rassure pas, c'est déjà mauvais signe.
03:24 Si en l'occurrence, elle rassure, une partie du chemin de la confiance peut être fait,
03:30 mais ce n'est pas suffisant.
03:31 Donc, on explique justement dans ce livre un petit peu toutes les démarches à suivre.
03:35 Et puis, on écrit, on fait un récit en fait d'une situation qui se dégrade au fur et
03:40 à mesure.
03:41 Et qu'est-ce qui peut être pris comme mesure pour justement éviter le pire ?
03:44 C'est assez dramatique d'ailleurs, parce qu'à chaque fois, vous partez de témoignages
03:49 que vous avez vraiment entendus.
03:51 Ah oui, pour la grande majorité.
03:53 Et puis même qu'on voit dans l'actualité, il n'y a pas besoin d'aller chercher loin
03:57 pour avoir des témoignages, malheureusement.
03:58 La violence, elle va prendre de plus en plus de place selon vous, Athone ?
04:03 Disons que...
04:04 Alors moi, je ne fais pas de politique.
04:06 Moi, je me qualifie avec Jean-Luc Rivard.
04:07 On est plutôt des techniciens.
04:09 Je ne suis pas visionnaire, mais c'est vrai que quand on voit ce sentiment d'impunité
04:14 qui ne cesse de croître, on voit que la police, elle est surchargée, que les dossiers au niveau
04:21 de la justice, ils croulent sous les dossiers, que les prisons sont pleines, que les petites
04:26 peines ne se font pas forcément, que des gens sont relâchés très, très vite.
04:30 Il y a beaucoup de récidivistes.
04:31 Donc, à un moment donné, il faut compter sur soi.
04:34 Il faut arrêter d'attendre.
04:35 Il faut compter sur soi.
04:37 Donc, qu'est-ce qu'on peut faire ?
04:38 Et ce livre, il répond, je pense, en grande partie.
04:41 C'est vrai que, à cette question-là sur la violence, on pourrait être amené à se
04:46 poser la question qui est devenue un peu un gimmick dans la jeune génération.
04:50 Mais que fait la police ?
04:51 Vous y répondez à ça quand même.
04:53 La police, elle est débordée.
04:54 La police, elle a des moyens, mais derrière, elle n'est pas forcément suivie.
04:57 Alors moi, j'ai été assez préservé en étant au GIGN.
05:00 C'est vrai qu'on est une unité vraiment spéciale, à part.
05:04 On est déployé sur des grosses crises, crises majeures où là, tout le monde est dépassé.
05:08 Donc, forcément, nous, on fait notre action.
05:11 On a notre utilité.
05:12 Mais ce qu'il y a, c'est que je pense que pour les collègues qui sont sur le terrain
05:16 au quotidien, il y a une surcharge de travail au niveau des procédures.
05:20 Il faut prouver le bien fondé de leurs actions.
05:24 Et derrière, au niveau du gouvernement, au niveau de la justice, c'est assez compliqué
05:29 aussi.
05:30 Alors moi, je ne jette la pierre à personne.
05:31 Ni au gouvernement, ni à la police, ni à la justice.
05:34 Mais je fais un constat, en fait.
05:36 Je suis fatigué d'essayer de comprendre, de décortiquer.
05:40 Je pense qu'on en est tous là.
05:41 Je suis fatigué aussi d'attendre des mesures qui ne viennent pas.
05:45 Et encore une fois, je ne suis pas politique.
05:47 Donc moi, je me suis posé la question avec Jean-Luc Riva.
05:50 On s'est interrogé, on s'est dit, nous, à notre niveau, qu'est-ce qu'on peut faire ?
05:53 Qu'est-ce qu'on peut proposer ?
05:54 Et les gens dans mon entourage proches à qui j'ai partagé justement ces clés qui
05:59 sont dans le livre, les mettent en place petit à petit et ça devient une habitude.
06:05 Et ce n'est pas de la paranoïa.
06:06 Ils ne vivent pas plus mal.
06:07 Par exemple, vous parlez du terrorisme, qui est effectivement une violence qu'on affronte
06:11 tous ensemble, qui malheureusement ressurgira à un moment donné, que ce soit ici ou ailleurs.
06:16 Et vous expliquez quand on rentre dans une salle de spectacle, par exemple, c'est ça
06:20 aussi être vigilant.
06:21 C'est en premier lieu de repérer les issues de secours en cas de problème.
06:23 Bien sûr.
06:24 En avant-propos, j'explique qu'en 2015, en février 2015.
06:28 Donc si je resitue, on était après Charlie Hebdo et on était avant le 13 novembre, le
06:36 Bataclan.
06:37 On montait en vigie pirate écarlate et les salles de spectacle, on leur proposait de
06:41 prendre des agents de sécurité pour faire des fouilles de sacs.
06:44 Et il y avait un marché, donc aller conquérir auprès des directeurs de salles de spectacle.
06:51 Et j'ai un ami qui m'appelle, qui me dit écoute, pour étayer un petit peu nos propos,
06:55 est-ce que tu pourrais nous présenter un peu le terrorisme ?
06:57 Alors moi, j'étais au GIGN à ce moment-là.
07:01 J'ai dit écoute, c'est totalement gratuit, mais effectivement, si on peut les prévenir
07:06 de ce qui peut se passer, c'est bien.
07:08 Donc j'y vais et je présente la situation sur le terrorisme.
07:12 Je dis voilà, nous sommes tous considérés comme des mécréants.
07:15 Et là, il y a des directeurs de théâtre qui me disent mais pas du tout.
07:17 En fait, Charlie Hebdo ont été attaqués parce que chez Charlie Hebdo, ils ont manqué
07:21 de respect aux prophètes.
07:22 La police a été attaquée via Clary Saint-Jean-Philippe parce qu'elle représentait les
07:27 forces de l'ordre.
07:28 Et puis l'hypercachère parce que c'est suite conflit israélo-palestinien et parce
07:32 que c'était des juifs.
07:33 Mais nous, on est dans la culture, on n'a rien à voir avec ça.
07:35 Mais je dis mais ça, c'est votre point de vue.
07:36 Mais vous ne connaissez pas la politique étrangère de François Hollande, enfin du gouvernement
07:40 et de la France, qui est extrêmement violente.
07:43 Et en réponse à cette guerre, l'arme du pauvre, c'est le terrorisme.
07:47 Donc il y a des menaces et elles vont être mises en application.
07:51 Et je crains que les salles de spectacle soient des cibles.
07:55 Là, il y en a eu beaucoup qui m'ont pris pour un parano, pour un fou.
07:59 J'étais assez surpris, mais j'ai continué.
08:03 Et ils m'ont dit bon, alors qu'est-ce qu'on peut faire ? Comment ça va se passer ?
08:06 J'aurais dit, en fait, ça peut être un véhicule piégé qui peut être devant la
08:10 porte, qui va faire péter, qui va créer une brèche, la confusion.
08:13 Ils vont rentrer, ils vont tuer un maximum de personnes.
08:15 Ensuite, ils feront des otages et ils les garderont comme boucliers contre la police.
08:20 Et puis, peut-être même qu'ils seront un suicide en se faisant exposer.
08:24 Et j'étais pris pour un fou.
08:25 Et quelques mois après, c'est arrivé.
08:29 Alors là, après, nous, on avait réduit les temps d'alerte au niveau du GIGN.
08:33 Et là, mon ami m'appelle, il me dit écoute, ils veulent tous que tu refasses la conférence.
08:39 Et moi, j'étais occupé, j'étais au GIGN à cette époque-là.
08:42 Et voilà.
08:43 Et ils m'ont demandé quel conseil, enfin ceux qui restaient, mais quel conseil vous
08:48 pourriez nous apporter ? J'ai dit, en fait, la priorité, ça va être de gérer les flux.
08:52 Il va falloir que justement les personnes qui sont dans la salle de spectacle puissent
08:55 quitter cette salle le plus rapidement possible.
08:57 Donc, des portes qui sont où une à deux personnes peuvent passer, il va falloir les
09:02 élargir, donc faire des travaux.
09:04 Ils m'ont dit oui, mais ça coûte de l'argent.
09:05 Mais j'ai dit, c'est une question de choix.
09:06 Ensuite, il va peut-être falloir faire des pièces de confinement, des petites pièces
09:10 où on va s'entasser, mais qui seront par balles.
09:12 Alors, qu'est-ce qu'une balle de Kalachnikov ? Comment ça se passe ? Donc ça, on peut
09:15 renseigner.
09:16 Je sais pas, c'est une situation qui fait appel au catastrophisme et ça fait peur.
09:22 C'est inévitable de se dire qu'il faut toujours penser avec la peur, visser au ventre
09:27 pour éviter la violence.
09:28 Je pense pas que ce soit la peur, mais moi, j'ai toujours grandi avec cet adage qui dit
09:32 un homme averti en vaut deux.
09:34 En fait, c'est la gestion de crise.
09:36 Toutes les, à chaque étape, ce qu'on peut rencontrer de pire et quelles solutions on
09:41 va apporter.
09:42 Donc, on en a plusieurs.
09:43 Et en fait, à partir du moment où on s'est rendu compte qu'à partir du moment où on
09:45 anticipait psychologiquement le pire, c'est pas une question de créer une peur, mais
09:52 c'est d'anticiper, de prévenir.
09:53 Et bien, en fait, ça nous crée des chemins raccourcis au niveau du cerveau et des gestes.
09:58 Et on est beaucoup plus réactif.
10:02 Et c'est ce qui fait aussi la qualité du GIGN.
10:04 Vous-même, vous avez été touché par le harcèlement scolaire quand vous étiez enfant.
10:09 Oui, très jeune, très, très jeune.
10:11 J'étais fils unique, un peu naïf sur la collectivité.
10:15 Alors, fils unique et en même temps très attiré par les autres.
10:19 Forcément, quand moi, j'étais seul le soir, j'avais qu'une envie, c'était de retourner
10:23 à l'école le lendemain pour retrouver les camarades.
10:25 Donc, un peu même euphorique.
10:27 Et ça créait, j'avais un comportement qui pouvait prêter à la moquerie parce que j'étais
10:33 un peu dans la folie, l'euphorie de retrouver les autres.
10:37 Et peut-être un petit peu excessif.
10:38 Et puis, physiquement, pas spécialement fort, pas grand, même petit.
10:44 Et ça suscitait la moquerie.
10:46 Et ça m'a suivi à l'école primaire où, à un moment donné, mon père m'a...
10:52 Moi, j'ai eu honte d'expliquer un petit peu à mon père.
10:54 Et c'est pour ça que je comprends que beaucoup n'en parlent pas et en viennent même à se
11:01 suicider.
11:02 Alors, moi, j'en étais pas à venir à penser au suicide.
11:04 Mais vraiment, c'était extrêmement dur.
11:09 En fait, le soir, c'était les mots.
11:10 C'était tous les mots que je prenais ou les coups que je prenais.
11:13 Moi, j'assimilais ça à une lapidation, en fait.
11:17 C'est toutes les pierres.
11:19 Et chacun, en fait, va jeter sa pierre.
11:21 Alors, elle n'est pas forcément grosse, mais c'est la succession de toutes ces petites
11:24 pierres qui, à un moment donné, vont créer des grosses blessures et des grosses failles.
11:27 Et quand on est seul le soir dans son lit, en fait, on se dit « je suis faible, je suis
11:33 inadaptable à ce monde ». Et c'est vrai qu'on en vient à se poser des questions sur
11:38 son utilité, sur ce qu'on peut faire dans ce monde, est-ce qu'on va y grandir, est-ce
11:42 qu'on va pouvoir y évoluer ?
11:43 Et en fait, j'avais des...
11:46 C'est mon père qui m'a orienté assez jeune vers les films américains, vers les héros
11:52 qui étaient Stallone, Schwarzenegger, Jean-Claude Van Damme.
11:55 Et j'y ai trouvé en fait un refuge.
11:57 Et pour moi, quand on était fort physiquement, quand on était musclé, déjà, ça créait
12:02 une carapace pour encaisser les coups.
12:03 Et en plus de ça, ça pouvait faire peur aux autres.
12:06 Je le faisais exprès pour vraiment que la peur change de camp.
12:11 Et ça a marché.
12:12 Vous étiez donc...
12:13 Vous êtes devenu une terreur au fil du temps.
12:15 Et il y a eu un déclic le jour où vous avez défénestré un élève.
12:20 C'est quand même lourd, grave.
12:21 Et là, vous avez été sévèrement sanctionné.
12:23 Mais je crois que ça a créé un déclic dans votre tête que vous étiez allé trop loin.
12:26 Oui, oui.
12:27 Mais disons que ça faisait plusieurs mois que ça durait.
12:30 J'en avais averti certains professeurs.
12:34 Je disais...
12:35 Alors à l'époque, il faut savoir que je faisais beaucoup de sports de combat, des arts
12:39 martiaux et du full contact.
12:40 Et j'étais plutôt...
12:42 J'avais plutôt un bon niveau.
12:43 Et en fait, j'avais quand même peur qu'il y ait une altercation et que ça dépasse
12:48 un petit peu ce qui s'est passé.
12:51 Notamment, ça a été très, très violent.
12:53 Et j'avais averti les professeurs.
12:55 Je leur ai dit...
12:56 Voilà.
12:57 Parce que je ne voulais pas avoir une position de victime.
12:58 Je ne voulais pas cette position.
12:59 Je me disais voilà, là, on m'ennuie et je pense qu'à un moment donné, ça va craquer.
13:03 Donc faites quelque chose.
13:04 À votre niveau, faites quelque chose parce que ça va mal finir.
13:06 Je vais peut-être prendre des coups de manière excessive parce qu'ils sont plusieurs.
13:10 Ou alors c'est moi qui vais en donner, mais vraiment fort.
13:12 Et je n'ai pas eu d'écoute.
13:14 Aucune écoute.
13:15 Rien.
13:16 Ça ne les concernait pas.
13:18 Et à un moment donné, on s'est retrouvés dans un réfectoire.
13:20 Et là, j'ai décidé que ça allait être ce moment-là.
13:23 Il y avait du monde.
13:24 C'était fait exprès.
13:25 Il y avait peut-être 700 élèves dans le réfectoire.
13:28 C'était un gros lycée de 2200 élèves.
13:30 Et j'ai choisi ce moment-là.
13:32 Donc je me suis levé de ma table.
13:34 Je suis allé les voir parce qu'ils m'avaient insulté, mais comme ils faisaient très régulièrement.
13:37 Et là, il y en a un qui s'est levé, qui m'a pris à la gorge.
13:40 Je l'ai prévenu.
13:41 Mais à chaque fois que j'ai prévenu que j'allais user de force, on ne m'a jamais
13:45 pris au sérieux.
13:46 Donc en fait, pour être pris au sérieux, il fallait vraiment aller loin.
13:49 Et je suis allé loin.
13:50 Donc j'avais une vitre derrière moi.
13:52 Il n'était pas question que je prenne un coup, que je bascule.
13:54 Donc j'ai choisi que ça allait être lui, qu'elle ait passé à travers cette vitre.
13:57 Je l'ai déséquilibré.
13:58 Je lui ai mis une droite.
14:00 Il est passé au travers et je me suis acharné.
14:02 Mais vraiment, j'ai porté les coups.
14:03 Je me suis retrouvé, bon, alors moi je ne l'ai pas scalpé volontairement, mais il
14:07 se trouve que la vitre était en biseau et ça l'a scalpé.
14:09 Il y a eu deux ans de chirurgie esthétique, ça a été assez lourd.
14:11 Et j'ai continué à frapper, frapper, frapper.
14:14 Et j'ai assumé.
14:16 J'ai été viré du lycée pendant quelques jours.
14:18 Après, j'étais vraiment stigmatisé comme une terreur, mais c'était plus confortable
14:22 pour moi.
14:23 Voilà.
14:24 Alors, je ne dis pas que c'est la solution.
14:25 Loin de là.
14:26 Mais il y a une prise de conscience à avoir.
14:29 Et je pense que...
14:30 Alors, j'ai porté longtemps ce fardeau de la culpabilité.
14:33 Vous l'avez revu ? Non, on a échangé quand j'ai sorti mon premier livre.
14:39 Alors, je ne regrettais pas l'acte.
14:40 L'acte, je ne le regrettais pas parce qu'il a permis de mettre un stop au harcèlement
14:44 scolaire.
14:45 Par contre, je regrettais les conséquences sur Mathieu, ce jeune homme qui avait six
14:52 ans de plus que moi, quand même à l'époque.
14:54 J'ai regretté qu'il porte une cicatrice à vie.
14:59 J'ai regretté que ça aille aussi loin.
15:00 Et lui m'a envoyé un message en me disant qu'il était surpris que j'ai ce sentiment
15:07 de culpabilité.
15:08 Et lui, de son côté, en fait, il s'est retrouvé à l'hôpital et abandonné des autres.
15:12 Parce qu'ils étaient plusieurs à jeter ces pierres sur moi.
15:16 Il a été le seul à prendre les coups.
15:18 Et derrière, en fait, le harceleur s'est retrouvé tout seul.
15:21 Et ce n'était même pas lui qui me harcèlait le plus.
15:24 C'est ça le pire.
15:25 C'est qu'il a été poussé par les autres à agir, à en venir aux mains avec moi.
15:29 Et les autres, en fait, n'ont pas été inquiétés.
15:31 Dans ce livre, vous parlez du harcèlement qui est devenu véritablement un fléau.
15:35 Il y a peu, le jeune Nicolas s'est suicidé à Poissy, victime de harcèlement scolaire,
15:40 justement.
15:41 Pourtant, ses parents ont eu un échange avec, d'une part, l'élite albaissement dans lequel
15:44 il se trouvait.
15:45 Et d'autre part, avec le rectorat, une énorme polémique vient d'être déclenchée à la
15:50 suite de la publication de la lettre envoyée par le rectorat à cette même famille, accusant
15:55 les parents de reprocher au personnel de direction du lycée professionnel dans lequel Nicolas
16:00 se trouvait, leur passivité face à un supposé harcèlement subi par leur enfant, en leur
16:05 rappelant que les dénonciations calomnieuses étaient possibles de 50 ans d'emprisonnement
16:11 et de 45 000 euros d'amende par le code pénal.
16:14 Le résultat, c'est que Nicolas s'est suicidé de plus en plus et depuis très longtemps,
16:20 finalement, attone.
16:21 On encourage les jeunes à parler, mais effectivement, on a le sentiment que rien ne se passe en
16:24 face et limite de parler devient quelque chose de malsain.
16:29 C'est le sentiment qu'ils ont.
16:30 Oui, parce qu'il n'y a pas d'écoute.
16:31 Une lettre, ce n'est pas une réponse à un enfant harcelé.
16:36 Ce n'est pas une réponse, ce n'est pas une écoute.
16:39 L'humain est où là-dedans ? Il n'y a pas d'humain, il n'y a pas d'humanité.
16:44 Nous, dans le livre, on a décidé de traiter le harcèlement scolaire d'un point de vue
16:49 du harceleur.
16:50 Peu, les parents qui liront ce livre pourront peut-être identifier un enfant harceleur
16:57 et dire "mon fils, je pensais qu'il avait du caractère, il ne se laisse pas faire".
17:00 Non, en fait, il va plus loin que ça.
17:02 C'est que son caractère, il le fait subir aux autres.
17:05 Donc, c'est un harceleur.
17:06 Et on a des mots qui ne sont pas tendres envers l'enfant.
17:09 Et peut-être même que cet enfant, s'il est harceleur, c'est peut-être qu'il n'est
17:13 pas bien non plus dans sa peau.
17:15 En fait, on essaie vraiment de trouver l'origine du mal.
17:17 Parce que si on ne traite que les harcelés et qu'on ne traite pas les harceleurs, je
17:22 pense qu'on fait fausse route.
17:23 Vous avez eu envie de vous en sortir.
17:26 Il y a eu un déclic, c'est effectivement l'assaut porté par le GIGN à Marignane.
17:31 Ça a été une porte ouverte sur une possibilité, un avenir meilleur, un avenir qui vous convenait
17:38 le plus ?
17:39 Ah oui, pour moi, il fallait canaliser un peu cette violence, ce sentiment d'injustice
17:44 qui me poussait parfois à être violent ou à faire usage de la force, mais d'une manière
17:49 un peu démesurée.
17:50 Et c'est vrai que le GIGN, je trouvais que la cause était noble.
17:53 Je trouvais que le GIGN combattait l'injustice, combattait la violence, la violence injuste.
18:01 Et j'allais pouvoir justement exercer.
18:04 Ce n'est pas le but d'exercer la force, parce qu'au GIGN, on n'est pas là-dedans.
18:07 On est vraiment pour préserver la vie, essayer vraiment de faire rempart.
18:11 Et même, on fait rempart, c'est-à-dire, j'ai même cette image à Marignane où les
18:16 gendarmes du GIGN se mettent avec leur gilet pare-balles, qui n'arrêtent pas toutes les
18:20 balles, parce qu'on voit qu'il y a beaucoup de blessés, il y a une dizaine de blessés,
18:24 mais ils se mettent face justement entre les terroristes et les passagers.
18:29 Et je trouvais ça extrêmement courageux, extrêmement noble.
18:32 Et ensuite, l'usage de la force, il se fait en fonction de ce qu'il y a en face.
18:35 Et pour moi, oui, ça a suscité vraiment une vocation et un sentiment d'utilité.
18:40 C'était vraiment pour la population, j'avais trouvé ma place.
18:43 En 2015, lors des attentats de Charlie Hebdo, vous étiez sur le terrain, je le précise,
18:47 avec comme mission celle de neutraliser les deux terroristes responsables de la tuerie,
18:51 donc les frères Kouachi.
18:52 Vous avez reçu la Légion d'honneur pour saluer l'ensemble de votre carrière.
18:58 Vous avez quitté le GIGN, pourquoi ?
18:59 Alors, je n'ai pas eu vraiment le choix.
19:01 J'ai été blessé au cervical en 2007, ça a traîné aux premières opérations en 2010.
19:05 On a réussi à me maintenir au GIGN, ça a été assez dur quand même de garder cette
19:09 aptitude et en 2017, j'ai été opéré et puis j'ai échoué en 2018.
19:15 Il fallait se rendre à l'évidence que ce n'était plus possible.
19:17 Ça vous manque ?
19:18 Alors non, je n'ai pas vraiment de manque.
19:21 J'ai une nostalgie parfois de certains moments.
19:23 C'est l'esprit de camaraderie, c'est quand on est à la salle de sport, qu'on se réunit,
19:28 c'est qu'on se chambre les uns les autres, cet esprit de compétition saine.
19:31 Et puis, ce moment avant l'assaut où on est tous ensemble, en fait, quand on fait
19:35 corps, on est dans une colonne, on se tient tous par l'épaule et on fait ce qu'on
19:40 appelle la pince, c'est-à-dire que le premier va lever le bras pour dire qu'il est prêt.
19:45 Et le dernier de la colonne, une fois qu'il est prêt physiquement, mentalement et techniquement,
19:50 il presse l'épaule de l'avant-dernier, qu'il presse l'épaule de l'autre et ça remonte.
19:54 Et en fait, il y a un sentiment vraiment, on sent quelque chose que je ne sens pas ailleurs.
19:59 En fait, je n'ai pas senti ça dans le civil pour l'instant.
20:03 Je suis un jeune civil pour l'instant.
20:05 Merci beaucoup à Ton d'être passé dans le monde des laudis sur France Info.
20:08 Merci beaucoup à vous.
20:09 Ça s'appelle "Faire face à la violence, se préparer au pire" avec effectivement
20:13 Jean-Luc Rivas qui vous accompagne dans cette aventure.
20:16 Alors, c'est pas du tout pour faire peur, mais pour mieux anticiper.
20:22 Effectivement, il vaut mieux lire ces pages.
20:24 Notamment, c'est très intéressant, même sur les sites de rencontres.
20:27 Ça donne énormément de clés pour éviter de se retrouver dans des situations dramatiques.
20:31 Merci beaucoup.

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