Corse : Vers une autonomie ?

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Transcription
00:00 -On en parle avec Bruno Cotteres,
00:02 politologue, chercheur au Cevipop.
00:04 -Bonsoir. -C'est une avancée historique
00:06 pour l'autonomie de la Corse ?
00:08 -C'est une avancée, quand même.
00:10 Le fait d'inscrire dans la Constitution,
00:12 c'est le moment clé de l'allocution du chef de l'Etat
00:15 devant l'Assemblée de Corse.
00:17 Inscrire dans le marbre de la Constitution,
00:20 c'est une portée à la fois symbolique
00:22 mais aussi juridique extrêmement forte.
00:24 Il a parlé même de lois organiques,
00:27 qui vont être derrière pour développer ce que la Constitution
00:30 va dire à propos de la Corse.
00:32 Donc, de ce point de vue-là, inscrire dans la Constitution,
00:35 ce serait quelque chose de très important.
00:38 Il a parlé d'un article spécifique.
00:40 Après, sur le reste, ce sont des propositions
00:43 autour desquelles il y a eu beaucoup de propositions,
00:46 favoriser le bilinguisme en Corse,
00:48 lutter contre l'incroyable spéculation foncière en Corse.
00:53 Donc, c'est vrai qu'il y a quand même
00:55 un peu d'intérêt historique, en particulier sur cette idée
00:58 d'inscrire la spécificité, l'insularité corse
01:01 dans la Constitution. -Ca ne sera pas
01:03 une autonomie contre l'Etat ni une autonomie sans l'Etat.
01:07 Il parle aussi qu'il n'y a pas de ligne rouge,
01:09 il y a l'idéal de la République.
01:11 On sait que la République est indivisible,
01:14 mais on peut y faire entrer cette spécificité.
01:16 -C'est la complexité de l'affaire.
01:19 On voit bien dans le discours du chef de l'Etat
01:21 qu'il a en permanence mélangé les deux idées,
01:24 l'autonomie, la reconnaissance de la spécificité corse,
01:28 la reconnaissance de l'insularité,
01:30 et en même temps de l'inscrire dans la République.
01:33 C'est vrai que très vite, très tôt dans son discours,
01:36 après un hommage vibrant, au fond,
01:38 à la Corse au moment de la libération du pays,
01:42 très vite, le chef de l'Etat a quand même posé
01:45 le périmètre de la discussion en citant de nombreuses reprises
01:49 l'idée de la République, l'idée de l'attachement des Corses
01:52 à la continuité territoriale.
01:54 Il a clairement exclu l'idée d'une indépendance,
01:57 un jour, de la Corse. -Mais on est dans une autonomie.
02:00 -On est dans une autonomie. Il en a appelé à développer
02:03 un autre modèle, de ne pas aller chercher le modèle
02:06 dans les régions italiennes ou corses,
02:08 mais de développer une sorte d'autonomie à la française,
02:12 à la Corse. -Est-ce qu'il veut en faire
02:14 le marqueur de son quinquennat ?
02:16 Il y a eu 18 mois de discussions entre le gouvernement
02:19 et les responsables politiques locaux.
02:21 Il a beaucoup souligné, à la fois l'important travail
02:24 qui a été fait entre le ministère de l'Intérieur,
02:27 les élus locaux.
02:28 Il a aussi beaucoup souligné l'apport de l'Etat
02:32 en termes de sécurité, de santé,
02:34 la construction d'infrastructures, d'hôpitaux.
02:37 On voit que le chef de l'Etat, peut-être,
02:39 à travers la question de la Corse, est en train de tracer une ligne
02:43 pour donner plus de sens à son 2e mandat,
02:45 la question d'une réflexion sur les institutions.
02:48 Il va réfléchir à la Corse, inscrire la Corse dans la Constitution.
02:52 Ca va peut-être aussi soulever d'autres interrogations
02:55 sur la modernisation de nos institutions,
02:57 leur adaptation à un monde... -Lié de référendum, éventuellement.
03:01 -On voit que sur le sujet des institutions,
03:04 le chef de l'Etat a tourné autour de cette question,
03:06 même si au début, il nous disait qu'il allait faire
03:09 quelque chose sur les institutions.
03:12 Il a parlé de l'adaptation du mode de scrutin
03:14 pour les élections locales en Corse.
03:17 Il a parlé de faire plus de réformes institutionnelles.
03:20 Il a donné six mois, en tout cas,
03:22 côté calendrier, aux groupes politiques corses
03:24 pour arriver à un accord avec le gouvernement
03:27 sur un texte constitutionnel et organique.
03:30 L'Assemblée de Corse, pour l'instant,
03:32 n'a jamais réussi à se mettre d'accord autour d'un texte.
03:35 Est-ce qu'elle va se mettre d'accord sur un texte ?
03:38 -On a retrouvé une méthode assez classique
03:40 chez le chef de l'Etat. Il montre qu'il est ouvert
03:43 aux propositions des forces politiques.
03:46 Il en appelle aux forces politiques de dire
03:48 "Mettez-vous d'accord". Bien sûr, il y a une autre dimension
03:51 dans le fait d'en appeler à "Mettez-vous d'accord".
03:54 Il va avoir besoin, pour faire valider tout ceci,
03:57 d'une majorité des 3/5 du Congrès,
03:59 la Réunion de l'Assemblée nationale...
04:01 -C'est pour la réforme de la Constitution.
04:04 -Il va falloir bien un moment donné
04:06 que les formations politiques nationales,
04:08 en particulier aux Républicains,
04:10 qui ont une autre approche sur la question de l'autonomie
04:14 de la Corse, il va falloir que l'Assemblée de Corse
04:16 se mette d'accord, sinon, les formations politiques
04:19 ne seront pas au rendez-vous pour donner la majorité.
04:22 -Ca risque de ne pas passer.
04:24 -C'est une question ouverte.
04:26 Pour le chef d'Etat, c'est un sacré échec, si tel était le cas.
04:29 -En Corse, est-ce qu'il y a des mouvements indépendantistes
04:33 jeunes, peut-être plus radicaux que l'exécutif actuel ?
04:36 -C'est vrai qu'on a vu, au printemps de 2022,
04:39 dans la foulée de l'assassinat de Yvan Colonat en détention,
04:43 on a vu que le feu avait pris à la Corse à nouveau.
04:45 Le chef de l'Etat a dit qu'il fallait tourner cette page
04:49 définitivement, mais l'important, c'est de répondre
04:52 aux aspirations de cette jeunesse corse
04:54 qui se sent tenue à l'écart, pas reconnue dans sa spécificité,
04:58 même si, aujourd'hui, on sait que peut-être que l'époque
05:01 du nationalisme corse le plus radical est derrière nous.
05:04 -Ca, c'est derrière nous.
05:06 On entendait un témoignage de ce Corse qui disait
05:09 que le plus important, c'est le développement de l'île.
05:12 Est-ce qu'il y a une dichotomie entre le développement,
05:15 l'aspect de développement, et l'aspect autonomique ?
05:18 En fait, ce sont deux logiques, deux problématiques différentes.
05:22 -On a très bien trouvé ces deux problématiques
05:25 dans le discours du chef de l'Etat. Il a beaucoup axé, au début,
05:28 son discours sur l'aide de l'Etat à des projets structurants,
05:33 l'aide de l'Etat aux collectivités territoriales de la Corse,
05:37 l'appui extrêmement fort en matière de santé,
05:40 en matière de lutte contre la criminalité.
05:43 Il a beaucoup insisté là-dessus pour montrer
05:45 que s'il répondait à l'aspiration à l'autonomie,
05:48 il faisait passer le message que sur les grands domaines régaliens
05:52 de l'action publique, la Corse ne pouvait pas faire
05:54 sans l'Etat. -Est-ce qu'il peut s'inspirer
05:57 des modèles Nouvelle-Calédonie ?
05:59 Il y a eu un changement du statut de la Nouvelle-Calédonie.
06:02 Est-ce que ça peut aider cette avancée ?
06:04 -Ca s'inscrit dans une même gamme de questions.
06:07 Il va y avoir besoin d'une adaptation
06:09 de la Constitution pour la Nouvelle-Calédonie.
06:12 Ca devrait arriver en 2024.
06:13 On voit qu'il y a une réflexion du chef de l'Etat
06:16 sur ces questions. De toute façon, ces questions,
06:19 elles font l'objet d'une réflexion en profondeur
06:21 dans notre vie politique. On voit beaucoup de personnalités
06:25 qui se positionnent sur la question du périmètre de l'Etat
06:28 par rapport aux collectivités territoriales,
06:30 le rôle du local dans l'action publique.
06:33 On a traversé la crise du Covid.
06:35 On voit que différentes crises ont souligné le besoin
06:38 de mettre en place des règles de l'Etat au niveau local.
06:41 C'est une problématique plus générale.
06:43 -Elle concerne surtout la Nouvelle-Calédonie,
06:46 peut-être ses territoires d'outre-mer,
06:48 beaucoup plus que l'hexagone lui-même, non ?
06:51 -Bien sûr.
06:52 -Là, il n'est pas question d'avoir un modèle...
06:55 -Bien sûr.
06:56 -Il n'est pas question de dire aux Basques
06:58 de prendre un des plus autonomes ou aux Bretons.
07:01 On reste dans la divisibilité de l'Allée.
07:03 -Voilà. Nos outre-mer ont des difficultés terribles,
07:07 parfois, certains sont même dans des situations dramatiques.
07:10 On apprenait il y a quelques semaines
07:12 qu'il y avait un vrai problème dramatique
07:14 d'approvisionnement en eau à Mayotte.
07:17 De l'eau, un jour sur deux ou un jour sur trois.
07:19 Il y a des problèmes considérables.
07:21 -Qui n'ont peut-être rien à voir avec le statut.
07:24 -Oui, mais avec les questions de développement économique.
07:27 Le chef de l'Etat veut tenir les deux bouts de la chandelle.
07:31 On retrouve un Emmanuel Macron tel qu'on le connaît
07:34 sur d'autres dossiers.
07:35 C'est la même... D'une certaine manière,
07:37 c'est la même idée à propos de la modernisation politique
07:40 et économique de la France.
07:42 Pour lui, il fait un peu un tour entre ces deux idées.
07:45 -Politiquement, est-ce que ça risque de coincer ?
07:48 Qui serait les partis politiques les plus réfractaires
07:51 à une autonomie de l'île ?
07:53 -Du côté des formations politiques,
07:55 il y a certaines formations politiques
07:57 qui sont toujours en pointe sur l'idée
07:59 de préserver le plus possible l'unité nationale.
08:02 Du côté, par exemple, des Républicains,
08:04 qui ont un pilier de leur doctrine politique,
08:07 mais même à gauche, ça peut provoquer,
08:09 peut-être à l'intérieur de la gauche,
08:11 des différenciations.
08:12 A gauche, il y a certains qui sont très sur l'idée
08:15 de la République est une et indivisible.
08:18 Dès qu'on reconnaît, par exemple,
08:20 le particularisme linguistique, le bilinguisme,
08:22 certains vont y voir peut-être, on va dire,
08:25 une sorte d'entrée dans quelque chose
08:27 qui casserait, au fond, le modèle,
08:30 en tout cas, un pilier du modèle national français,
08:33 qui est notre unité de langue.
08:34 -Ca voudrait dire qu'un référendum,
08:37 sur cette question, pourrait être à l'ordre du jour,
08:39 pour éviter de passer par le Congrès ?
08:42 -Je pense que c'est assez difficile.
08:44 Le sujet du référendum sur ces questions
08:46 est un sujet, je crois pas, que le chef de l'Etat
08:49 ait ça en tête.
08:50 Le sujet du référendum, on sait que c'est toujours
08:53 un peu compliqué, puisqu'on dit souvent
08:55 que convoquer un référendum, les électeurs ne répondent
08:58 pas à la question, mais sur la popularité de l'exécutif,
09:02 qui est en eau extrêmement tiède, autour de 30 %,
09:04 entre 25 et 30 % de popularité,
09:06 Emmanuel Macron a d'autres sujets
09:08 sur lesquels il a peut-être l'envie
09:10 d'organiser des référendums, la question de la fin de vie,
09:13 peut-être, à un moment donné, la question des institutions.
09:17 -Ca pourrait être dans la question des institutions ?
09:20 -Ca pourrait être dans la question des institutions,
09:23 mais visiblement, c'est pas l'option choisie.
09:25 -Merci beaucoup, Bruno Cotteres, pour votre analyse.

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