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00:00 Romain Le Quignou. Bonjour, vous êtes cofondateur d'Eurocreative, un think tank français sur les pays d'Europe centrale et orientale.
00:06 Merci d'être avec nous. Alors on a déjà dit beaucoup de choses avec Caroline. Il y a cette réunion des MAE à Kiev aujourd'hui, des 27,
00:13 évidemment très symbolique, au lendemain de ce résultat et à l'heure où Robert Fitzhauer est donc chargé d'entamer ses pourparlers,
00:22 ses discussions après ce résultat à 23%. Qu'est-ce que ça vous inspire à vous ?
00:26 Bonjour. La victoire de Robert Fitzhauer, ancien Premier ministre, à trois reprises en Slovaquie, montre que le bloc national populiste
00:34 a remporté ses élections devant le bloc démocratique composé d'une myriade de partis aux identités politiques différentes.
00:41 Dans les médias internationaux, dans les médias français, on parle beaucoup de l'arrêt du soutien de la Slovaquie envers l'Ukraine.
00:49 La Slovaquie qui, avec le gouvernement précédent, a été un soutien inconditionnel à l'Ukraine, parmi les plus importants en Europe
00:56 et plus largement au sein de l'Alliance Atlantique. Monsieur Fitzhauer a dit que ce soutien va s'arrêter, au moins en termes de livraison militaire.
01:04 C'est quelque chose qui va tenir. Après, l'Ukraine n'est pas forcément le sujet principal. Il a été un sujet important au niveau de l'élection.
01:12 Ça a été un sujet clivant entre les différents partis politiques. Mais il l'a rappelé hier dans sa conférence de presse.
01:19 Il l'a dit, les Slovaques ont d'autres problèmes que l'Ukraine. Et on retrouve cette analyse aussi dans les médias nationaux.
01:26 Ici, l'Ukraine n'est pas fondamentalement le sujet d'inquiétude numéro un. C'est un sujet d'inquiétude, évidemment.
01:32 Mais il y a aussi le possible, probable retour du système de corruption généralisée mis en place par le SMER dans les années 2010,
01:40 avec des défaillances au niveau de l'État de droit, avec des défaillances au niveau du système démocratique.
01:46 C'est la vraie inquiétude ici, notamment à Bratislava, où la population a voté très majoritairement contre Robert Fitzhauer et le SMER.
01:53 À quoi doit-il sa victoire alors aujourd'hui ?
01:56 Sa victoire, il la doit à plusieurs facteurs. Tout d'abord, il y a eu la coalition gouvernementale qui est en place depuis 2020,
02:06 suite aux événements, à l'assassinat qui a été mentionné dans le reportage de Yann Kouchak, du journaliste.
02:13 Le gouvernement qui a pris le pouvoir en 2020 a multiplié les erreurs politiques, a multiplié les frasques, les scandales,
02:22 même, dirons-nous, notamment à travers le premier ministre, l'ancien premier ministre Igor Matovitch.
02:27 Donc, Fitzhauer a bénéficié de ces erreurs, a bénéficié de l'instabilité de la coalition, qui a fini par tomber à la fin de l'année 2022.
02:37 Il a aussi réussi à mener une campagne populiste qu'il a commencée dès 2020 avec la crise sanitaire,
02:45 où M. Fitzhauer s'est tourné vers des théories conspirationnistes, où a mobilisé une partie de la population slovaque,
02:51 désabusée à la fois par le gouvernement, mais aussi mécontente du rôle de la Slovaquie, de la position de la Slovaquie au sein de l'Union européenne.
02:59 Et puis, il a utilisé aussi la guerre en Ukraine, donc l'invasion russe sur l'Ukraine.
03:05 Un petit peu de la même façon, je dirais, en mobilisant cet électorat, désabusé par la situation,
03:11 en surfant sur une rhétorique pro-russe, russophile, qui est partagée par une partie assez importante de la population,
03:19 qui est due à l'histoire, qui est due à l'identité slovaque complexe.
03:23 Et donc, il a surfé aussi sur cette désinformation russe et a fait de l'Ukraine un enjeu crucial de ses élections,
03:29 en disant plus ou moins que soutenir l'Ukraine, c'est soutenir le système.
03:34 Et il mobilise évidemment un narratif pro-russe, qui remet en question le soutien à l'Ukraine,
03:40 qui fait appel au narratif de paix, qui fait appel aussi à une reprise du dialogue avec le Kremlin.
03:46 C'est une rhétorique qui est assez similaire à celle de Viktor Orban qu'on peut trouver en Hongrie,
03:51 et qui dit que les Slovaques n'ont finalement pas à aider l'Ukraine,
03:56 et que l'intérêt majeur pour la Slovaquie en ce qui concerne cette guerre,
04:00 aux portes de la Slovaquie, la Slovaquie a une frontière avec l'Ukraine,
04:04 l'intérêt principal pour la Slovaquie, c'est d'éviter une guerre généralisée.
04:07 Donc on est totalement dans la même situation.
04:09 Et lui a tendance à dire que plus longtemps dure la guerre, plus risqué ce sera pour des pays comme la Slovaquie, notamment.
04:14 Il y a Moscou justement, vous parlez beaucoup de Russie, qui a réagi tout à l'heure,
04:19 qui dit qu'elle suivra l'évolution de la situation en Slovaquie après cette victoire.
04:23 C'est une réaction somme toute assez neutre.
04:27 Robert Filsot a été chargé ce matin d'entamer des pourparlers,
04:31 on sait qu'il doit trouver des partenaires pour former cette coalition.
04:34 Ça va être compliqué ou pas ?
04:36 Il y a un point essentiel.
04:38 Cette coalition a été envisagée depuis quelques semaines, quelques mois déjà,
04:42 compte tenu des sondages.
04:45 En place, on aurait donc une coalition qui serait dirigée par le SMER SD,
04:50 avec à sa tête Robert Tito en tant que Premier ministre,
04:54 en coalition avec le Parti Hlas,
04:56 qui est une scission qui a été fondée en 2020 suite à la chute du pouvoir,
05:01 et avec le Parti National Slovaque, le SNS.
05:04 C'est une coalition qui est très probable,
05:06 qui n'est pas encore garantie, mais qui est très probable.
05:09 L'intérêt principal, ça va être de voir l'accord qui pourra être fait
05:13 entre Robert Filsot et Peter Pellegrini,
05:15 ou lui aussi, ancien Premier ministre,
05:18 et ancien bras droit de M. Filsot, qui aujourd'hui est à la tête du Hlas.
05:22 C'est véritablement le point principal.
05:26 Hlas est dans une position qu'on peut qualifier de "faiseur de roi".
05:29 On peut s'attendre à un partage des pouvoirs, peut-être,
05:32 entre Robert Filsot et Peter Pellegrini.
05:34 Il faut garder en tête que l'élection présidentielle slovaque
05:37 aura lieu à la fin de l'année prochaine.
05:40 Cet accord nous permettra aussi de connaître les lignes rouges
05:43 qui seront fixées par les uns et les autres,
05:45 la ligne politique, en somme, qui sera définie.
05:48 Absolument. Je pense que c'est l'un des indicateurs principaux.
05:52 Ce sera de voir quels seront les membres du gouvernement qui seront nominés.
05:56 Et est-ce que Robert Filsot sera enclin à donner des garanties à Bruxelles ?
06:02 Je pense qu'il y a notamment un portofolio qui va être important,
06:06 à surveiller, sera la nomination du futur ministre des Affaires étrangères.
06:11 Est-ce que ce sera une personnalité, dirons-nous,
06:14 qui tiendra par exemple un discours véhément sur l'Ukraine,
06:17 ou une personnalité identifiable et qui donnerait des garanties à Bruxelles, notamment ?
06:23 On en parlait avec Caroline il y a quelques instants.
06:25 Les Européens qui vont être extrêmement attentifs, évidemment,
06:28 à ce qui va se passer dans les semaines à venir.
06:31 Aux autres scrutins qui vont être organisés également dans l'année,
06:34 dans deux semaines il y aura la Pologne, un peu plus tard il y aura l'Autriche.
06:39 Bien sûr.
06:40 Oui, comme votre collègue l'a dit, il y a une attention spécifique
06:45 sur le groupe de Visegrad qui est à mettre en place.
06:47 Je ne suis pas forcément d'accord avec toute la description qui a été faite,
06:50 mais en tout cas c'est un enjeu fondamental.
06:53 Viktor Orban est probablement la personne la plus heureuse ce matin,
06:57 ou même hier matin, en Europe, puisque la victoire de Robert Filsot
07:02 permettrait à Viktor Orban de sortir de son isolement au sein du groupe de Visegrad.
07:06 Isolement qui est simple à expliquer.
07:08 Viktor Orban a tenu depuis février 2022 des positions qui sont irréconciliables,
07:14 à la fois avec le gouvernement en place en Pologne, le PiS,
07:19 mais aussi avec les gouvernements qui étaient en République tchèque et en Slovaquie.
07:24 Cela pourrait changer compte tenu des positions de M. Filsot
07:28 en tant que politique étrangère, donc sur l'Ukraine,
07:30 mais aussi plus globalement sur la Russie, même potentiellement sur la Chine.
07:34 Donc reste à voir un petit peu comment cela peut évoluer.
07:39 Mais l'impact crucial sera évidemment aussi les élections polonaises.
07:43 Aujourd'hui, si l'on suit les sondages,
07:45 le PiS est en position de gagner à nouveau les élections législatives
07:48 qui auront lieu le 15 octobre prochain.
07:50 Reste à savoir s'ils seront capables de former une coalition.
07:54 Aujourd'hui, la position à la fois de la Hongrie
07:57 et du probable nouveau gouvernement slovac n'est pas acceptable pour Varsovie.
08:02 Néanmoins, est-ce que Varsovie, avec un gouvernement PiS
08:06 et potentiellement une majorité instable ou l'impossibilité de former une majorité,
08:11 cela pourrait amener Varsovie à être assez silencieuse,
08:14 voire ambiguë, comme on a pu le voir ces dernières semaines, sur la question de l'Ukraine,
08:18 ce qui laisserait la République tchèque assez isolée.
08:21 Donc c'est peut-être le vrai point de ces élections.
08:25 Merci beaucoup Romain Lequine, merci d'avoir été notre invité du jour.
08:28 Merci beaucoup Caroline également pour le décryptage.
08:30 Le PiS, j'ajoute, partie droit et justice, partie nationaliste au pouvoir donc en Pologne,
08:35 donné en tête par les sondages,
08:38 qui pourraient effectivement remporter ce prochain scrutin prévu dans deux semaines,
08:41 mais qui aurait du mal également là aussi à former une majorité.
08:44 Je voudrais qu'on voit peut-être ces images avant de refermer cette page.
08:47 Hier, d'importantes manifestations avaient lieu.
08:50 Des centaines de milliers d'opposants au gouvernement polonais
08:52 se sont rassemblés à Varsovie.
08:55 Rassemblement organisé à l'appel du parti Plateforme Civique.
08:59 Voilà pour ces images.