• l’année dernière

Visitez notre site :
http://www.france24.com

Rejoignez nous sur Facebook
https://www.facebook.com/FRANCE24

Suivez nous sur Twitter
https://twitter.com/France24_fr#

Category

🗞
News
Transcription
00:00 Bonjour Frédéric Thomas, merci de répondre à ces quelques questions.
00:02 Vous êtes docteur en sciences politiques, chargé d'études au CETRI,
00:05 c'est un centre de recherche basé en Belgique, on espère vous voir.
00:08 Bonjour à vous.
00:09 La dernière mission étrangère avait traumatisé les haïtiens,
00:14 elle avait apporté le choléra, fait plus de 10 000 morts,
00:16 il y avait eu aussi des massacres, des violences sexuelles.
00:20 En quoi cette nouvelle force serait différente ?
00:22 En quoi peut-elle apporter un quelconque bienfait aux haïtiens ?
00:26 Malheureusement, elle risque fort de répéter les mêmes erreurs,
00:30 elle ne peut pas être différente,
00:31 d'autant plus qu'il ne s'agit pas d'une mission usienne.
00:33 Donc le contrôle sur cette mission va être problématique,
00:38 elle intervient dans un territoire, dans des zones urbaines,
00:40 dans un quartier populaire densément peuplé,
00:43 où le risque d'abus, de non-discernement, de non-distinction
00:47 entre la population civile, les membres des armées est grand.
00:50 Et il ne faut pas compter sur le gouvernement haïtien
00:53 pour exercer un contrôle sur cette mission.
00:55 Malheureusement, bien qu'on prétende avoir tiré les leçons du passé,
00:59 on risque de les répéter.
01:00 Et effectivement, la Chine s'est abstenue lors du vote hier soir.
01:04 Elle souligne le manque de gouvernement légitime,
01:09 il n'y a pas eu d'élection depuis 2016 en Haïti.
01:11 Elle dit aussi que sans autorité crédible,
01:14 tout soutien extérieur ne peut guère avoir des effets durables.
01:18 Il y a du vrai dans ce qu'elle dit.
01:22 Oui, c'est paradoxal que ce soit la Chine qui rappelle ces quelques vérités.
01:28 Donc on a un gouvernement en place depuis l'assassinat de Jovenel Moïse,
01:32 le président, en 7 juillet 2021.
01:35 Donc depuis plus de deux ans,
01:36 un gouvernement qui n'est pas légal,
01:38 qui n'a pas de légalité par le vote,
01:40 qui n'est pas légitime, qui est très impopulaire,
01:42 dont le bilan social, économique et politique,
01:45 et qui est régulièrement accusé d'être lié à ces bandes armées.
01:49 Donc on est face à un paradoxe
01:50 où vient la communauté internationale prétend venir lutter contre les bandes armées
01:56 en répondant à un appel d'un gouvernement
01:58 lui-même accusé d'être en soutien complice de ces bandes armées.
02:03 Le cœur du problème aujourd'hui en Haïti, c'est la guerre des gangs.
02:08 C'est une guerre de territoire.
02:10 Elle règne sur une bonne partie de la capitale de Port-au-Prince.
02:13 Selon l'ONU, les gangs sont plus nombreux et mieux armés que la police.
02:17 On parle de 600 000 armes aujourd'hui en circulation en Haïti.
02:21 Elles viennent d'où ces armes ?
02:24 Elles viennent principalement, sinon exclusivement des États-Unis.
02:27 C'est la raison pour laquelle la Chine a fait pression au sein du Conseil de sécurité
02:32 pour que l'embargo sur les armes soit étendu,
02:36 pas seulement au chef de gang, mais à tout le pays.
02:40 Parce que de fait, toutes ces armes,
02:42 Haïti ne produit ni armes ni munitions.
02:44 Or, elles se trouvent en quantité entre les mains des bandes armées.
02:48 Mais c'est-à-dire, qui donne ces armes ?
02:51 Ce sont des Haïtiens qui vivent aux États-Unis et qui font passer des armes en Haïti ?
02:57 Oui, on soupçonne très fort la diaspora,
02:59 mais maintenant les bandes d'armes sont en marché libre aux États-Unis.
03:02 C'est très facile d'acheter des armes, y compris des armes d'assaut aux États-Unis.
03:07 Et du côté haïtien, le port est une vraie passoire.
03:12 Une police est une douane corrompue.
03:16 Et donc c'est très facile aussi, une fois que les armes arrivent en Haïti, de se les procurer.
03:21 Et ça n'aurait pas été ça, plutôt le cœur du problème ?
03:24 Ce qu'il aurait fallu faire pour aider les Haïtiens ?
03:27 Oui, c'est le point de vue chinois.
03:32 De dire que plutôt que de recourir à une intervention spectaculaire,
03:36 il y a des mesures plus simples, notamment celle de l'embargo sur les armes.
03:40 Le problème, c'est qu'on ne veut pas remettre en question ni la politique intérieure américaine,
03:45 ni la stratégie diplomatique internationale.
03:48 Et on continue à miser sur le déploiement d'une force internationale
03:53 qui viendrait en soutien au gouvernement actuel, en vue, à moyen terme, d'élections.
03:59 Or, tout cet enchaînement que vous avez fait est très problématique et constitue plutôt un leurre.
04:06 Mission internationale qui sera dirigée par les Kélians.
04:11 Pourquoi eux ? C'est plutôt surprenant.
04:14 Très concrètement, parce que ce sont les seuls qui ont accepté de prendre la tête de cette mission.
04:19 Donc l'ONU s'était refusé à prendre la tête.
04:23 Washington a appuyé cette mission, mais ne voulait pas elle-même prendre le leadership.
04:29 Elle s'est tournée vers le Brésil et le Canada, qui ont refusé.
04:33 Pas d'autres candidats potentiels, au vu des expériences passées et de la crainte de se retrouver enlisés
04:39 dans une situation inexplicable en Haïti.
04:42 Et donc le Kenya, pour aussi des raisons de politique, de se placer sur la scène internationale,
04:48 a répondu positivement à l'appel de Haïti et aux pressions de Washington.
04:55 Parce que même si c'est le Kenya qui coordonne cette mission,
04:58 il ne fait guère de doute que la stratégie et le financement logistiques
05:03 seront très largement aux mains de Washington.
05:06 Les Américains n'auraient pas pu figurer dans cette mission ?
05:10 La population ne l'aurait pas acceptée ?
05:13 Non, on est une population haïtienne.
05:17 Mais ça aurait été aussi sujet à de nombreuses critiques aux États-Unis,
05:21 au vu des expériences passées.
05:23 Et aussi on sait quand cette mission va commencer dans les prochaines semaines,
05:26 on ne sait pas quand elle va se terminer.
05:28 Parce qu'on voit, on sait très bien que la clé de la solution au problème, à cette crise,
05:34 c'est la politique.
05:35 Or ce n'est pas en soutenant ce gouvernement-ci qu'on va déboucher sur une solution politique.
05:41 Merci pour votre attention.

Recommandations