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Retrouvez le discours prononcé par Laurent Fabius, Président du Conseil constitutionnel, à l'occasion du 65e anniversaire de la Constitution en présence du Président de la République

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Transcription
00:00 Monsieur le Président de la République,
00:04 Madame la Première ministre, Monsieur le Président du Sénat,
00:10 Madame la Présidente de l'Assemblée nationale,
00:11 Messieurs les ministres, Monsieur le Commissaire européen,
00:16 Monsieur le Président de la Cour de justice de l'Union européenne,
00:21 Madame la Présidente de la Cour européenne des droits de l'homme,
00:27 Madame la Présidente de la Cour constitutionnelle de la République italienne,
00:30 Monsieur le Président du Tribunal constitutionnel fédéral d'Allemagne,
00:36 Monsieur le Président de l'Association des cours constitutionnels francophones,
00:41 Mesdames et Messieurs les Présidentes et Présidents,
00:45 Mesdames et Messieurs les Hautes personnalités,
00:48 Chers collègues et amis, Mesdames, Messieurs.
00:54 Le 4 octobre 1958, il y a donc exactement 65 ans,
01:00 jour pour jour, était promulguée la Constitution de la Vème République.
01:06 Adoptée quelques jours plus tôt par référendum,
01:10 son texte est publié au journal officiel le lendemain.
01:16 Il est signé par René Coty, alors président de la République,
01:22 par le général de Gaulle, alors président du Conseil,
01:25 et par les 23 membres du gouvernement.
01:28 Le surlendemain, Michel Debré, garde des Sceaux ministre de la Justice,
01:33 y oppose le Sceaux de la République.
01:36 Parmi les innovations importantes que comporte cette Constitution,
01:41 son titre VII, intitulé le Conseil constitutionnel,
01:46 en définit les attributions et dispose que ces décisions,
01:52 je cite, ne sont susceptibles d'aucun recours,
01:56 elles s'imposent au pouvoir public et à toutes les autorités
02:00 administratives et juridictionnelles.
02:03 Fin de citation.
02:04 Monsieur le président de la République,
02:06 merci très chaleureusement à vous et à tous nos hôtes d'avoir
02:13 accepté notre invitation à venir célébrer ici même ce 65e
02:20 anniversaire qui est donc à la fois l'anniversaire de notre
02:24 Constitution et l'anniversaire du Conseil constitutionnel.
02:28 Mesdames et Messieurs, les jugements portés depuis
02:33 1958 par les responsables concernant notre Constitution
02:38 sont très divers.
02:39 D'aucuns l'estiment parfaite, voire intouchable,
02:44 d'autres veulent tout simplement sa mort,
02:50 d'autres encore proposent sa révision sur tel ou tel aspect,
02:53 et il est même arrivé, semble-t-il,
02:55 que certains passent d'une opinion à l'autre.
02:58 Comme président du Conseil constitutionnel,
03:02 je n'ai pas à prendre parti.
03:03 En revanche, je puis rapidement formuler à l'occasion de ce
03:09 double anniversaire quelques observations sur la Constitution,
03:13 le Conseil constitutionnel et sur un sujet souvent évoqué,
03:17 le référendum.
03:20 Analysant notre histoire nationale,
03:23 on ne peut qu'être frappé, par contraste avec les époques
03:28 précédentes, par la stabilité qu'a permise
03:32 cette Constitution adoptée sous l'impulsion décisive du général de Gaulle.
03:37 En dépit des secousses et des crises parfois profondes qu'a
03:42 connues notre pays, la Constitution de la Vème
03:45 République surpasse désormais en longévité toutes ses devantières,
03:50 65 ans déjà.
03:53 Cette stabilité constitue un atout,
03:58 à condition bien sûr qu'elle soit conciliée avec les exigences
04:02 d'une démocratie moderne et vivante.
04:05 Cette stabilité n'a pas cependant été une fixité.
04:12 Je parlerai volontiers à son propos de stabilité adaptative,
04:17 car son histoire ne fut certainement pas un long fleuve tranquille.
04:23 La Constitution a dû prendre en compte certaines évolutions de
04:27 la société, ainsi que des besoins apparus essentiels,
04:31 comme la construction européenne,
04:34 comme la décentralisation ou encore la protection de l'environnement.
04:40 La pratique institutionnelle elle-même a tantôt été plutôt
04:45 présidentialiste, tantôt plus rarement,
04:49 davantage parlementariste.
04:51 Pas moins de 24 révisions constitutionnelles sont
04:55 intervenues, aucune depuis 2008.
04:59 Et il faut bien convenir qu'il existe une sorte de malaise
05:05 démocratique, attesté par plusieurs signaux,
05:08 notamment des taux élevés d'abstention,
05:11 malaise dû à toute une série de causes,
05:15 mais qui n'est sans doute pas dénué de tout lien avec nos
05:19 institutions et leurs pratiques.
05:21 Il y a donc matière à réflexion et le cas échéant à initiative.
05:26 J'ajoute que le rapport des Français avec leur Constitution
05:31 n'est pas exactement le même que celui des citoyens d'autres
05:35 pays avec la leur.
05:37 Dans le cas, par exemple, de nos voisins et amis allemands,
05:41 il existe une proximité chronologique évidente entre la
05:48 loi fondamentale allemande et le retour à la démocratie.
05:51 Dans le cas des États-Unis, c'est même proximité entre la
05:58 Constitution américaine et l'accession à l'indépendance.
06:02 Chez nous, indépendance et démocratie préexistaient au texte
06:07 de 1958.
06:08 De là, sans doute, une perception citoyenne de notre
06:12 Constitution qui n'est pas aussi intime que dans ces deux pays.
06:18 Est-ce un signe ?
06:20 Je fais souvent observer que la plus grande avenue de Washington
06:25 s'appelle l'avenue de la Constitution,
06:28 tandis qu'on chercherait en vain, dans notre capitale,
06:32 plus même une ruelle de la Constitution.
06:36 Mesdames et Messieurs, ce sont les parlementaires de
06:40 l'Assemblée nationale et du Sénat qui votent la loi.
06:42 Mais dans une démocratie comme la nôtre,
06:45 où s'applique la hiérarchie des normes,
06:48 la loi doit respecter des principes,
06:52 une norme supérieure, la Constitution.
06:55 Pour être effectif, le respect de ce que nous appelons
06:58 le bloc de constitutionnalité doit être vérifié avec impartialité.
07:04 C'est la raison d'être du Conseil constitutionnel,
07:07 qui n'est donc pas un arbitre politique,
07:10 mais le juge de la constitutionnalité des lois.
07:14 Responsabilité éminente qui requiert de ses membres
07:18 compétence, expérience et indépendance.
07:21 Voilà sans doute pourquoi beaucoup les appellent les sages.
07:25 Le Conseil constitutionnel de 2023 exerce à peu près les mêmes
07:31 attributions qu'à l'origine,
07:33 c'est-à-dire vérifier la constitutionnalité des lois et la
07:36 régularité des principales élections.
07:38 Mais en réalité, il a évolué profondément.
07:42 S'il a pu être qualifié à ses débuts,
07:46 je cite, de "chien de garde de l'exécutif",
07:49 ce qui n'était ni tout à fait aimable,
07:54 ni tout à fait inexact,
07:57 il est devenu en quelques décennies une véritable
08:02 cours constitutionnel,
08:03 même s'il a conservé son appellation de Conseil.
08:06 On sait que cette évolution profonde a connu trois principales
08:11 étapes, 1971, 1974 et 2008,
08:17 avec la création des précieuses questions prioritaires de
08:23 constitutionnalité, évolution qui a été confortée par notre jurisprudence.
08:27 Nous veillons particulièrement avec le Collège qui m'entoure
08:32 qui s'est heureusement féminisé,
08:34 à approfondir deux orientations majeures,
08:37 la juridictionalisation du Conseil et son ouverture tant nationale
08:42 qu'internationale, et je crois que toutes deux ont progressé.
08:45 C'est-à-dire que l'évolution du Conseil est achevée.
08:49 Des questions nouvelles se posent et se poseront,
08:53 auxquelles il ne saurait être apporté de réponse en faisant
08:58 abstraction du contexte européen.
09:00 Des interrogations existent aussi sur telles modifications que,
09:05 selon certains, il conviendrait d'apporter aux dispositions qui
09:08 nous régissent.
09:09 J'en citerai une parce qu'elle fait désormais consensus,
09:13 la suppression de l'appartenance de droit au Conseil des anciens
09:18 présidents de la République, qui ont d'ailleurs renoncé à y
09:21 siéger.
09:22 Cette appartenance ne se justifie plus.
09:27 Monsieur le Président, il existe chez beaucoup de
09:30 citoyens, vous avez eu l'occasion vous-même de le souligner,
09:33 le souhait d'être davantage associés aux décisions qui les
09:37 concernent.
09:38 Ce souhait se traduit notamment par une demande de davantage de
09:42 référendums et sur davantage de sujets dans le cadre d'une
09:47 démocratie plus vivante.
09:48 En 65 ans de Vème République, ont eu lieu neuf référendums
09:54 nationaux, le dernier remontant à 18 ans.
09:58 Comment, sur le plan juridique, en quelques mots,
10:03 se présente aujourd'hui cette question qui est souvent évoquée ?
10:07 S'agissant du champ du référendum national,
10:11 il s'agit d'apporter une réponse par oui ou par non à l'égard
10:19 d'un texte, qu'il s'agisse d'une loi ordinaire,
10:22 dans le cadre défini par l'article 11 de la Constitution,
10:24 ou d'une révision de celle-ci dans le cadre de son fameux
10:28 article 89.
10:29 Dans le premier cas, le texte soumis à référendum
10:33 doit porter, au terme de l'article 11 actuel,
10:37 je cite, sur l'organisation des pouvoirs publics ou sur des
10:41 réformes relatives à la politique économique,
10:44 sociale ou environnementale de la nation et aux services
10:47 publics qui y concourent, ou tendant à autoriser la
10:50 ratification d'un traité qui, sans être contraire à la
10:53 Constitution, aurait des incidences sur le
10:56 fonctionnement des institutions.
10:58 En clair, tout référendum doit porter non sur un slogan flou et
11:06 passionnel, mais sur un texte précis de loi.
11:10 S'agissant de la procédure référendaire,
11:14 elle comporte plusieurs intervenants,
11:16 le président de la République, le Parlement,
11:17 le Conseil crucial, le peuple.
11:20 Sans doute, ce ne fut pas la pratique suivie
11:23 lors des référendums de 1962 et 1969,
11:28 mais c'est le droit constamment respecté depuis lors.
11:33 La jurisprudence donne désormais exprésément compétence au
11:37 Conseil constitutionnel pour, en amont,
11:40 contrôler notamment la validité du décret de convocation des
11:44 électeurs et donc la régularité de la question posée.
11:48 En revanche, aucun recours n'est recevable devant nous envers un
11:52 texte, une fois celui-ci adopté par référendum.
11:56 S'agissant enfin du référendum d'initiative partagée,
12:01 le Conseil vérifie le respect des conditions exigées par la
12:05 Constitution.
12:06 Jusqu'ici, aucun référendum de ce type n'a pu cheminer jusqu'à
12:11 l'organisation effective d'un scrutin référendum.
12:15 Dès juin 2020, nous avons publiquement formulé à ce sujet
12:21 plusieurs recommandations, dont je cite la première.
12:25 La mise en œuvre de la procédure du référendum d'initiative
12:29 partagée a fait apparaître plusieurs incertitudes et suscité
12:35 certaines interrogations qui méritent d'être évoquées,
12:38 même s'il n'appartient pas au Conseil constitutionnel de les
12:42 trancher.
12:44 En premier lieu, la procédure reste dissuasive et
12:47 peu lisible pour des citoyens susceptibles de soutenir une
12:51 proposition de loi, dès lors que le nombre de soutiens
12:55 à atteindre est très élevé, environ 4,7 millions,
12:59 et que même dans le cas où ce nombre serait atteint,
13:04 la tenue d'un référendum n'est qu'hypothétique à un examen du
13:10 texte par les deux assemblées suffisant à mettre un terme à
13:14 la procédure.
13:15 Ce constat me semble demeurer actuel.
13:19 De ces données juridiques parfois peu connues ou mal connues,
13:25 il résulte enfin que les prescriptions de la Constitution
13:28 relative au référendum peuvent certes être modifiées,
13:32 mais à la condition de suivre la procédure de révision prévue
13:37 par la Constitution dans son chapitre intitulé précisément
13:41 de la révision.
13:43 Monsieur le Président, d'ici quelques heures,
13:47 dans beaucoup de villes, de métropoles et d'outre-mer,
13:50 sera célébrée la Nuit du droit, initiée il y a cinq ans,
13:54 et dont nous nous réjouissons qu'elle soit un succès.
13:58 Cette célébration matinale en est une sorte de prélude.
14:05 Dans un monde brutaliste où le droit international,
14:10 les lois nationales, la séparation des pouvoirs et les
14:14 grandes libertés sont souvent et gravement bafouées,
14:18 la France comme l'Europe doivent défendre et incarner le respect
14:25 du droit et de l'état de droit.
14:27 Étymologiquement, une Constitution,
14:31 c'est ce qui nous tient ensemble.
14:34 Soyez assurés, Monsieur le Président de la République,
14:37 vous qui veillez au respect de notre Constitution,
14:40 que le Conseil constitutionnel continuera de remplir pleinement
14:46 la mission qui est la sienne.
14:49 Merci.
14:50 (Applaudissements)
15:03 Merci beaucoup, Monsieur le Président.
15:11 Madame la Première ministre, Monsieur le Président du Sénat,
15:15 Madame la Présidente de l'Assemblée nationale,
15:18 Messieurs les ministres, Monsieur le Premier ministre,
15:20 Monsieur le commissaire, Monsieur le Président du Conseil
15:25 constitutionnel, Mesdames et Messieurs les présidentes
15:28 et présidents de cours constitutionnelles étrangères et
15:31 de cours européennes, Monsieur le Vice-président du Conseil
15:34 d'État, Monsieur le Président du Conseil économique,
15:37 social et environnemental, Madame la Défenseur des droits,
15:41 Monsieur le Premier président de la Cour des comptes,
15:44 Mesdames et Messieurs les parlementaires,
15:47 Mesdames et Messieurs les membres du Conseil constitutionnel,
15:50 Mesdames et Messieurs en vos grades et qualités, chers amis.
15:53 Merci, Monsieur le Président, pour votre invitation,
15:57 vos mots, et merci tout particulièrement aux membres du
16:03 Conseil constitutionnel, pas simplement pour votre accueil
16:05 aujourd'hui, mais pour votre engagement,
16:09 votre travail en toute indépendance,
16:11 tout particulièrement durant ces mois où,
16:13 parfois, dans notre République,
16:16 la pression a pu se faire un peu inhabituelle sur vos travaux.
16:19 Je vous remercie d'avoir, avec placidité,
16:26 fermeté et conscience, fait votre devoir.
16:29 L'anniversaire que nous commémorons aujourd'hui est
16:33 celui d'une Constitution devenue la plus stable de toute notre histoire.
16:36 Vous venez de le rappeler.
16:37 Le secret de cette stabilité se trouve dans l'esprit même du
16:43 texte de 1958.
16:46 Et veiller au respect de la Constitution,
16:48 comme c'est la charge du chef de l'Etat au terme de son article 5,
16:51 c'est aussi être scrupuleusement fidèle à son esprit.
16:55 L'esprit de notre Constitution, voulu et proposé par le général
17:00 de Gaulle au français,
17:01 puise sa source dans des principes essentiels dont la
17:06 substance pourrait être définie par trois mots,
17:08 je voudrais ici développer, transmission,
17:12 révolution et action.
17:15 La transmission d'une histoire dont nous sommes les dépositaires,
17:18 la révolution comme principe de renouvellement perpétuel et
17:23 l'action au service de nos concitoyens.
17:25 Transmission, il est souvent dit que la Constitution de 1958 est
17:31 une synthèse, plus qu'une synthèse,
17:32 elle est la transmission d'une longue histoire de France.
17:35 Revenant sur l'immédiate après-guerre dans ses
17:39 mémoires d'espoir, le général de Gaulle écrivait que sa
17:42 grande querelle consisterait désormais à doter la nation d'une
17:46 République capable de répondre de son destin.
17:48 Cette République, le général en avait dessiné les
17:54 principes à Bayeux en 1946.
17:56 Elle devrait comporter un Parlement composé de deux chambres,
18:01 élus selon des modalités distinctes,
18:03 et le discours de Bayeux établissait surtout le rôle du
18:05 chef de l'État élu plus largement,
18:07 placé au-dessus des partis et dont procéderait directement le
18:10 gouvernement responsable devant l'Assemblée.
18:13 L'objectif était clair, que nos institutions démocratiques
18:17 nouvelles compensent par elles-mêmes les effets de notre
18:21 perpétuelle effervescence politique.
18:23 C'est-à-dire, pourrait-on dire aujourd'hui,
18:27 en même temps prendre en compte le pluralisme consubstantiel aux
18:32 démocraties et à notre nation,
18:34 et refuser que les querelles si fréquentes et les manœuvres de
18:38 rapprochement et d'éloignement des partis et des groupes,
18:40 les tensions qui les animent, fassent dériver l'action
18:43 publique vers l'impuissance ?
18:44 Et pour cela, instauré comme garant et arbitre,
18:50 ce président élu d'abord largement,
18:51 pour reprendre la formule de Bayeux,
18:53 par la totalité du suffrage universel ensuite,
18:56 président de la République de qui dépendrait la définition et la
18:59 composition et donc l'orientation de l'exécutif,
19:01 rendu de ce fait indépendant des autres pouvoirs.
19:04 Cette République, respectueuse du pluralisme et enfin capable
19:10 d'agir dans le temps long, cette République répondant au
19:14 caractère de la nation, miroita pendant 12 ans dans les yeux
19:17 de ceux qui l'espéraient.
19:18 Gaulliste, bien sûr, mais aussi responsable de cette
19:22 quatrième République qui s'achevait dans l'impuissance,
19:25 faisant le constat amer qu'il n'avait ni le temps ni les moyens
19:28 de conduire l'action du gouvernement lorsqu'il le dirigeait.
19:31 Et bientôt, la guerre d'Algérie rendit intenable l'instabilité
19:35 ministérielle et la perte de l'autorité de l'État.
19:39 Cette cinquième République, donc, vit le jour le 4 octobre 1958.
19:44 Le texte en avait été écrit l'espace d'un été.
19:48 L'engagement avait été pris que les Français se prononcent,
19:51 ils le firent le 28 septembre 1958.
19:54 82 % d'entre eux répondirent oui à cette cinquième République.
19:59 C'était considérable.
20:00 Une fois établie, cette nouvelle République serait-elle
20:04 capable de répondre de son destin ?
20:07 Le général de Gaulle et ceux qui l'entouraient en avaient la certitude.
20:10 Le peuple français formait pour cela ses voeux d'espoir.
20:14 De manière irréfutable, en tout cas,
20:17 le texte répondait de notre histoire, de sa rigueur,
20:20 de sa grandeur, en bloc.
20:23 La cinquième République est l'héritière de la Révolution française.
20:28 En témoignent les tout premiers mots de son préambule.
20:30 Le peuple français proclame solennellement son attachement
20:35 aux droits de l'homme et aux principes de la souveraineté
20:37 nationale tels qu'ils ont été définis par la déclaration de 1789.
20:42 Passe dans ses mots ce souffle, ce refus du privilège et de la
20:46 fatalité qui trame toute l'histoire de notre nation,
20:49 selon Michelet, celle d'un vieux pays capétien
20:53 devenu nation souveraine.
20:54 Ainsi, au fil de chacun de ces articles,
20:59 le texte de 1958 déroule la chaîne des temps français.
21:04 En retenant les progrès et en repoussant les excès.
21:06 Le débat entre un État représentatif et un État
21:10 démocratique avait agité Sieyès, Mirabeau et les premiers
21:13 révolutionnaires.
21:14 La Constitution de 1958 tranche en combinant les deux.
21:18 La souveraineté nationale appartient au peuple qui l'exerce
21:21 par ses représentants et désormais aussi par la voix du référendum.
21:24 Puisante aux sources premières des républiques passées,
21:29 elle réussit à allier les principes d'un régime
21:32 parlementaire avec la force de gouverner d'un exécutif,
21:36 enfin assuré de pouvoir agir.
21:38 De Bonaparte et de l'Empire est conservée mais transcendée
21:43 cet idéal d'un État capable de tenir l'unité de la nation et
21:47 d'assurer l'indépendance du pays.
21:48 De la Seconde République est conservée et augmentée l'idéal
21:54 démocratique et fraternel, une République qui assure aussi
21:57 à chacun sa dignité sociale.
21:59 De la Troisième République, notre Constitution retient les
22:02 grandes lois de liberté, liberté de la presse,
22:05 d'association, liberté syndicale, tant et tant de libertés nouvelles
22:08 qui démontraient que l'idéal républicain,
22:11 au fond, n'était plus seulement les mots de Gambetta,
22:15 Jaurès, Briand, Valdez-Crousseau, Clémenceau, Blum,
22:18 mais devenait, là aussi dans la trame du pays,
22:21 une école communale, un instituteur, un maire,
22:25 un préfet, une poste, une gare.
22:28 De la Troisième République, notre Constitution a enfin
22:31 mérité de la laïcité, notre laïcité qui n'assigne
22:36 aucune identité définie par la culture,
22:38 la religion ou l'origine, protégeant ainsi la liberté
22:41 de conscience.
22:42 De la Quatrième, enfin, demeurent dans notre
22:46 Constitution les droits du préambule de 1946,
22:50 eux-mêmes inspirés par le Conseil national de la résistance,
22:53 droits nouveaux, politiques, économiques et sociaux,
22:56 qui enrichissent notre tradition de solidarité.
22:59 Au fond, 1958 referme la quête du bon gouvernement,
23:05 ce moment politique ouvert par la Révolution française.
23:08 Loin de l'esprit de sortie de la Révolution qui agitait les
23:12 Bonaparte du 18 brumaire ou du 2 décembre 1851,
23:16 loin de l'esprit de contre-révolution qui guidait les
23:19 sinistres créateurs de l'État français du maréchal Pétain en
23:22 juillet 1940, cette Constitution représente
23:25 l'avènement d'un régime qui combine la liberté et l'autorité,
23:29 l'ordre et le pluralisme, la démocratie et l'unité dans un
23:33 mélange heureux, français, républicain.
23:37 Il nous a fallu, pour y parvenir,
23:41 et c'est ce qui doit nous donner beaucoup d'humilité devant ce texte,
23:46 il nous aura fallu un consulat, deux empires,
23:49 deux rois de France de la branche des Bourbons,
23:51 une monarchie de juillet, un État français et quatre républiques.
23:55 Mais désormais la Ve République, forte de ses 65 ans,
23:59 est inscrite dans le temps long de l'histoire de France.
24:01 En 1958 comme aujourd'hui, cette Constitution est une
24:05 évidence parce qu'elle est une réconciliation après la
24:09 césure politique de la Révolution.
24:11 Cette Constitution est l'aboutissement,
24:16 elle est la traduction politique de l'esprit public français,
24:19 elle est tout à la fois un régime et un projet.
24:25 Ce régime, ce projet sont exprimés dans son premier article,
24:28 celui qui précisément contient tous les maillons de notre chaîne
24:31 républicaine.
24:32 La France est une République indivisible,
24:35 laïque, démocratique et sociale.
24:37 Tout est dit et chaque mot compte.
24:40 C'est notre contrat social, propre à notre pays,
24:46 nourri par son histoire, le contrat passé par chaque
24:49 citoyen avec la nation et par la nation avec elle-même.
24:53 Indivisible, laïque, démocratique et social,
24:57 les quatre piliers de l'idéal des Lumières,
25:00 de la Constituante et de la Convention.
25:02 Sur eux repose l'école de nos instituteurs,
25:06 cette école qui émancipe et forme nos citoyens.
25:08 Sur eux repose notre sécurité sociale et notre système de
25:12 solidarité nationale.
25:13 Sur eux repose notre justice, garante de liberté,
25:17 d'égalité et fraternité.
25:18 Sur eux repose notre souci constant de faire prévaloir
25:22 l'ordre républicain contre toutes les formes d'oppression
25:25 ou de décivilisation.
25:26 Sur eux repose notre rapport au monde,
25:29 notre ambition de porter partout le progrès humain,
25:32 moral et matériel.
25:35 Sur eux repose cette idée, la nation,
25:39 qui est notre communauté de destin,
25:41 est aussi le premier degré vers l'universel.
25:45 Adossé à ce socle fondamental, enraciné du premier article,
25:52 la Constitution déploie ses titres, ses chapitres, ses articles.
25:55 Elle déploie surtout la force de ses institutions au service de ce
26:00 projet républicain.
26:01 Elle donne au peuple et à ses représentants les moyens d'agir.
26:06 Elle offre à la nation ce qu'il faut pour répondre de son destin.
26:09 Même avant son adoption, la fièvre réformatrice
26:14 permit, dès le mois de mai 1958, de mettre en œuvre des
26:18 transformations profondes.
26:20 Et en quelques mois, les grands serviteurs de l'Etat
26:23 devenus ministres et d'anciens ministres qui avaient conforté
26:26 l'autorité de l'Etat révolutionnèrent quasiment tout,
26:29 de la justice des mineurs au centre hospitalier universitaire,
26:33 réformes longtemps remisées, et une fois installée la
26:35 Constitution, leur offrit les moyens d'aller encore plus
26:38 loin et plus vite dans leur ambition pour la France.
26:40 En quelques années, l'économie fut assainie,
26:44 le commerce extérieur ouvert, le marché commun bâti,
26:46 les bases de notre dissuasion étaient jetées,
26:49 l'Algérie devenait indépendante, l'armée se rénovait radicalement,
26:53 la pilule contraceptive était autorisée,
26:56 notre rang de puissance indépendante a fermi quand notre
26:59 culture rayonnait, cette République,
27:01 sœur des Trente Glorieuses, favorisait le progrès économique
27:05 qui seul garantit l'indépendance de la nation.
27:07 Ce fut un moment de régénération.
27:11 Un souffle français.
27:17 La République se renouvelle, elle reste la République,
27:20 écrit encore le général de Gaulle à propos de cette époque.
27:23 Comme en écho aux mots de Charles Péguy qu'il inspire à temps,
27:27 une révolution n'est pas une opération par laquelle on se
27:30 contredit, c'est une opération par laquelle réellement on se renouvelle.
27:34 Cette Constitution suscita bien une révolution fidèle à
27:41 l'enseignement de 1789.
27:44 Elle a à cet égard la force qui permet d'agir,
27:47 et en particulier dans les moments de bascule que nous traversons,
27:51 parce qu'elle porte un projet républicain en lui donnant les
27:54 moyens institutionnels de trouver sa voie,
27:56 parce qu'elle repose sur la souveraineté du peuple,
27:58 parce qu'elle est fondamentalement démocratique.
28:00 Certes, la Ve République n'acquit d'une crise majeure qui,
28:06 le 13 mai 1958, du fait des événements d'Alger,
28:09 autorisa le retour du général de Gaulle aux affaires.
28:13 Sans doute François Mitterrand, de son point de vue,
28:15 pouvait-il la considérer, selon ses mots,
28:17 comme l'enfant d'un coup de force immédiat devenu un coup d'État permanent.
28:21 Mais le fait est que, des quatre républiques précédentes,
28:26 elle fut la première république à succéder à une république,
28:29 et qu'à travers le temps, vous l'avez rappelé,
28:32 Monsieur le Président, elle a su, in fine,
28:34 rassembler autour d'elle toutes les forces politiques du pays.
28:38 Mais notre Constitution, hier comme aujourd'hui,
28:43 peut-être même aujourd'hui davantage qu'hier,
28:45 est pleinement démocratique.
28:47 Dès son adoption en 1958, cette France guidée par une
28:52 administration dévouée et un personnel politique rassemblé
28:56 n'avait en rien perdu en vigueur démocratique.
28:59 Si le gouvernement pouvait faire adopter par une procédure nouvelle
29:03 le fameux article 49.3 des textes majeurs,
29:07 il arriva que le gouvernement fut mis en minorité et même renversé.
29:12 Mais l'action et la conduite de l'État ne s'interrompaient pas.
29:15 Et depuis 1958, conformément à l'idéal des Lumières,
29:19 la souveraineté du peuple préside à toutes nos évolutions institutionnelles.
29:23 Cette souveraineté est parfois directe.
29:26 Les référendums permettent à de nombreuses reprises de l'exprimer
29:29 pour des questions dont l'importance le nécessitait.
29:32 En cela, le référendum est un choix souverain de la nation
29:35 regardant son avenir.
29:36 Cette souveraineté du peuple s'accorde aussi avec l'idéal
29:40 d'État de droit.
29:43 Car un régime qui respecterait l'État de droit,
29:47 j'entends parfois cet argument monter dans nos temps,
29:51 au fond, j'entends les deux, je voulais y répondre ici,
29:54 un régime qui respecterait l'État de droit
29:56 mais aurait perdu le sens de la souveraineté du peuple,
29:59 ne serait plus une république.
30:00 Il pencherait vers un gouvernement juridictionnel.
30:04 À l'inverse, un gouvernement élu qui ne respecterait plus
30:09 l'État de droit,
30:11 reviendrait à acquiescer la tyrannie de la majorité,
30:14 la persécution des minorités, l'oppression des oppositions.
30:17 Une république tient toujours sur cet équilibre,
30:22 le plus souvent harmonieux, entre la voix du peuple
30:26 et la force de nos droits fondamentaux.
30:28 Une république, c'est un peuple qui s'exprime
30:32 et se détermine de manière souveraine
30:33 mais au sein d'un univers de valeurs démocratiques
30:36 qu'il a précédé et lui-même.
30:40 Et il y survivra.
30:41 Aussi, les évolutions de notre Conseil constitutionnel,
30:46 avec d'abord la faculté de saisine des parlementaires,
30:49 puis la question prioritaire de constitutionnalité,
30:51 permirent chaque fois d'assurer que la République
30:54 demeurait la République et que la Constitution
30:56 demeurait la Constitution.
30:58 Car comme le proclame l'article 16 de la déclaration de 1789,
31:03 "Sans séparation des pouvoirs et garantie des droits,
31:05 point de constitution."
31:08 La nôtre permet ce mariage de la souveraineté et de nos valeurs,
31:13 de forces démocratiques et d'intangibles qui nous fondent.
31:18 Cette souveraineté du peuple, enfin,
31:21 s'enchasse dans notre Europe.
31:22 Le Conseil constitutionnel a dans son office la charge
31:26 de s'assurer que la mise en conformité de nos lois nationales
31:29 avec les règles européennes que nous choisissons
31:31 respecte chaque fois l'identité constitutionnelle de la France.
31:34 L'Europe n'est donc jamais une dépossession
31:38 c'est au contraire la saisie plus forte de notre avenir
31:42 en toute souveraineté.
31:43 Et il fallait sans doute cette Constitution-là
31:47 pour nous permettre de bâtir l'Europe telle qu'elle est.
31:50 Parce que cette Constitution est si française
31:52 dans son article 1er, dans l'histoire qu'elle récapitule,
31:55 qu'elle nous permet de nous dépasser avec confiance,
31:58 d'être pleinement français et européen.
32:01 Constitution de transmission de notre histoire républicaine,
32:06 Constitution qui permet la régénération,
32:09 la rénovation et même la révolution,
32:12 sans se perdre ni se renier de manière démocratique
32:16 par la souveraineté du peuple et l'Etat de droit.
32:19 Constitution qui clôt la quête du bon gouvernement
32:22 et met en place le vrai gouvernement républicain,
32:25 celui qui agit ou se démet,
32:27 celui qui avance et répond de ses actions,
32:30 celui qui demeure tant qu'une majorité contraire
32:32 n'existe pas.
32:35 Constitution qui nous permettra aussi, j'en suis sûr,
32:37 de relever les défis du temps
32:39 et de surmonter les obstacles devant nous.
32:42 Car cet anniversaire de notre texte constitutionnel
32:44 le plus pérenne advient dans un moment de doute.
32:48 Nous vivons un triple des règlements,
32:50 celui du climat, de la civilité et de l'ordre international.
32:54 Ces secouss sont un retentissement plus grand qu'ailleurs
32:57 pour notre nation.
32:59 Nos vies quotidiennes, comme notre imaginaire français,
33:01 sont façonnées par nos paysages, notre terre, nos saisons
33:04 et la crise climatique bouleverse tout cela.
33:07 La France porte une vision de la civilité, de la fraternité,
33:10 de la civilisation humaniste.
33:13 Et la place, comme le pouvoir grandissant des réseaux sociaux,
33:16 bouscule cet ordre.
33:18 La France, fidèle à un pacte séculaire
33:20 avec la liberté des peuples,
33:22 défend la coopération des Etats, la paix,
33:24 l'union des bonnes volontés en faveur du bien commun.
33:27 Quand des puissances impériales
33:28 brisent toutes nos règles universelles,
33:30 les règles naient elles aussi au temps des Lumières,
33:33 à commencer par le respect de la souveraineté des Etats
33:36 et de leur intégrité territoriale.
33:39 Oui, en France, cette nation si politique,
33:42 ce pays bâti par la volonté autour d'une langue et d'un Etat,
33:46 ce pays où l'unité est un combat a toujours recommencé,
33:49 ces bouleversements menacent tout particulièrement
33:53 de ronger notre cohésion.
33:55 Et je crois à ce titre que cette Constitution,
33:58 notre République, peuvent une nouvelle fois
34:01 nous permettre de garder notre avenir entre nos mains.
34:05 Alors une Constitution ne peut pas tout.
34:07 Et face à ces défis du temps, on voudrait parfois voir,
34:10 dans le changement d'un texte constitutionnel,
34:13 la réponse aux situations que nous vivons.
34:16 Elle ne peut pas tout, et la morale publique,
34:19 le sens des responsabilités, l'exemplarité des élites,
34:22 comme le sens du devoir de chaque citoyen,
34:25 sont des fondements qui ne dépendent pas d'un texte,
34:29 mais sont notre sursaut à tous.
34:32 C'est d'ailleurs là la vraie leçon de 1958.
34:36 Mais cette Constitution, je le crois,
34:37 permet de trancher tous les nœuds gordiens
34:39 qui sont devant nous.
34:42 A la fois régime présidentiel et parlementaire,
34:44 capable de pencher nettement vers le premier en temps de crise
34:46 et vers le second par temps calme,
34:49 caractère hybride, impur, c'est ce qui fait sa force.
34:53 L'histoire l'a prouvé, et elle a survécu durant ces décennies
34:58 à temps de crise.
35:00 Dès lors, cette Constitution stable, souple,
35:03 adaptative, comme vous l'avez dit, M. le Président,
35:06 parce qu'elle permet d'agir, est un bien précieux à préserver.
35:10 De là où je suis, c'est ainsi que j'entends la charge
35:12 qui m'a été 2 fois confiée par les Français.
35:17 Je ne crois pas qu'il soit dans l'intérêt de la France
35:18 ni dans la cohérence de son histoire de changer de République.
35:22 Je le dis comme président investi du devoir de la défendre,
35:26 mais aussi avec la conviction du citoyen
35:29 qui, pendant ces années, a observé et réfléchi
35:31 au mouvement de notre peuple,
35:33 à ce que nous apprend notre histoire
35:36 et à ce que nous devons conclure
35:38 des accidents des autres démocraties.
35:41 Pour moi, ce serait tout à la fois inutile et présomptueux
35:45 nos institutions conservent, pour toutes les raisons
35:47 que je viens d'évoquer, toutes leurs forces.
35:51 Aussi, pour préserver la Constitution,
35:53 non seulement dans ses ressorts,
35:55 mais aussi dans l'adhésion que les Français lui portent,
35:57 il faut d'abord la faire vivre,
36:00 user de tout ce qu'elle permet
36:01 et s'interdire tout ce qu'elle ne permet pas,
36:03 et ne céder à aucun débat, aucune mode du moment
36:05 qui consisterait à dire que appliquer la Constitution
36:09 deviendrait non démocratique, ne serait plus à la mode.
36:13 Dans ce programme a priori banal, réside une grande ambition.
36:17 Croyez-moi.
36:19 Car notre Constitution dispose d'outils légitimes
36:23 et leur usage est toujours justifié,
36:24 sauf à raturer notre histoire républicaine,
36:27 sauf à remettre en cause le principe même
36:28 d'un gouvernement républicain,
36:31 de celui-là en particulier, avec son équilibre réel
36:33 façonné par l'esprit, les institutions et la pratique.
36:37 Notre Constitution comporte aussi des limites,
36:41 des points de transgression,
36:43 entre autres l'intangibilité du droit d'asile,
36:46 l'égalité des citoyens devant la loi.
36:49 Et sauf, comme je l'ai dit à l'instant,
36:51 à vouloir nier notre héritage, obscurcir notre horizon,
36:53 il faut s'abstenir de les franchir.
36:56 Mais préserver la Constitution, ce n'est pas l'affiger.
37:00 Cela suppose d'agir.
37:03 En 1958, ce fut sa raison d'être.
37:07 Et elle demeure.
37:08 Agir pour protéger au quotidien
37:11 contre les grands bouleversements du monde,
37:12 pour tenir chaque jour la promesse et l'ordre de la République,
37:15 pour rebâtir l'unité de la nation.
37:18 Je crois dès lors que notre Constitution mérite
37:20 d'être révisée quand cela est nécessaire,
37:22 tout en s'assignant 2 impératifs majeurs,
37:25 être conséquent et être cohérent.
37:28 La réforme institutionnelle
37:29 doit toujours répondre à ces 2 nécessités.
37:31 On ne révise pas la Constitution sous le coup de l'émotion
37:34 pour répondre à des modes ou pour la beauté du geste.
37:38 C'est là un acte grave,
37:39 c'est la raison pour laquelle il n'est jamais simple à accomplir.
37:43 La Constitution a, chacun le sait,
37:45 accueilli des changements profonds.
37:47 L'élection du président de la République
37:49 au suffrage universel direct,
37:51 la saisine du Conseil constitutionnel,
37:52 le quinquennat, la responsabilité pénale du président,
37:56 l'extension du champ référendaire,
37:58 des pouvoirs nouveaux du Parlement,
37:59 la reconnaissance des droits de l'opposition.
38:01 Elle a accueilli les évolutions de notre temps,
38:04 celles en tout cas qui s'inscrivent
38:05 dans notre idéal républicain,
38:07 l'inscription de l'interdiction de la peine de mort,
38:09 l'égalité entre les femmes et les hommes
38:11 ou la charte de l'environnement.
38:14 Elle doit accueillir demain de quoi permettre de retrouver
38:17 le sens de notre destin.
38:20 Et quelles sont, sans être exostif ici,
38:25 les principales attentes auxquelles il nous faut répondre aujourd'hui ?
38:28 D'abord, permettre aux citoyens d'être sans doute
38:32 davantage sollicités et mieux associés.
38:36 A cet égard, la question de l'extension du champ référendaire
38:40 est aujourd'hui posée par de nombreuses formations politiques.
38:45 En son temps, François Mitterrand avait souhaité
38:47 l'élargir à tous les sujets de société,
38:50 en particulier l'école, où se joue en effet tout.
38:54 Jacques Chirac puis Nicolas Sarkozy l'ont étendue
38:56 à un certain nombre de réformes économiques,
38:58 sociales, environnementales.
39:00 Il existe encore des domaines importants
39:03 pour la vie de la nation qui échappent au champ
39:04 de l'article 11 de notre Constitution.
39:07 J'ai ouvert ce chantier à Saint-Denis
39:09 avec l'ensemble des forces politiques
39:12 représentées au Parlement et avec le président du Sénat,
39:15 la présidente de l'Assemblée, le président du CESE.
39:19 Et je souhaite que nous puissions trouver collectivement
39:22 les moyens de mener à son terme ce chantier
39:25 en lien étroit avec les présidents de nos assemblées.
39:29 Mais disons-le avec clarté,
39:30 étendre le champ du référendum
39:33 ne peut permettre et ne saurait permettre
39:35 de se soustraire aux règles de l'Etat de droit,
39:37 comme je l'ai rappelé.
39:39 De même, la souveraineté populaire
39:42 peut également s'exprimer directement
39:43 à l'issue d'un référendum d'initiatives partagées.
39:48 Cette procédure utile est aujourd'hui
39:50 excessivement contrainte.
39:53 Sa mise en oeuvre doit être plus simple
39:55 et les seuils permettant son usage,
39:57 comme peut-être ses procédures, devraient dès lors être revus.
40:01 Et son champ devrait également être élargi
40:02 pour s'identifier à celui du référendum
40:04 d'initiatives présidentielles du même article 11.
40:08 Champ du référendum, donc, qui doit pouvoir être discuté
40:11 et peut-être s'ouvrir à de nouvelles questions,
40:13 simplification de la procédure
40:15 du référendum d'initiatives partagées.
40:18 Mais au-delà de cela, une 3e question émerge
40:22 derrière le sujet du référendum,
40:24 celle qui consiste aussi à établir des garanties solides
40:28 pour éviter la concurrence des légitimités.
40:32 J'ai été frappé durant ces dernières années
40:34 en écoutant nos concitoyens, comme plusieurs formations politiques,
40:38 au fond du ressentiment qui était né
40:42 du vote de 2007 revenant sur les résultats
40:45 du référendum de 2005.
40:47 Et il nous faut en tirer la substantifique moelle.
40:53 Et cette question, au fond,
40:56 de la bonne articulation entre les légitimités démocratiques
40:59 est une question essentielle
41:02 qu'il nous faut trancher dans la réforme du référendum.
41:05 Vouloir faire un référendum sur le sujet
41:09 qui vient d'être débattu par le Parlement
41:11 et d'être tranché par une loi,
41:14 n'est, je crois pas, de l'ordre du bon gouvernement,
41:16 car il ferait bégayer la République
41:19 et consisterait, en quelque sorte,
41:22 à créer un système permanent de balancier
41:24 où ce que le Parlement aurait décidé une année,
41:28 un référendum d'initiative partagée
41:30 pourrait le défaire un an, deux ans, trois ans plus tard.
41:34 Très rapidement émergerait la question légitime
41:36 à quoi sert le Parlement.
41:39 A l'inverse, si le peuple sollicité par un référendum
41:44 venait à décider de tel ou tel sujet
41:46 et que le Parlement pouvait y revenir
41:48 un an, deux ans plus tard, dans les mêmes termes
41:51 et défaire ce qui venait d'être dit,
41:54 le peuple se sentirait légitimement floué.
41:57 Nous avons aussi, dans le cadre de cette réforme,
42:01 je crois essentielle et que nous ne devons pas écarter,
42:04 évité toute forme de confusion
42:07 et préserver la force de notre démocratie représentative,
42:13 préserver, évidemment, la force de la démocratie directe
42:16 et de ses voix,
42:17 mais assurer leur respect réciproque
42:20 et la bonne organisation de ses expressions.
42:23 Sinon, l'une et l'autre se brouillerait, s'affaiblirait,
42:25 et c'est toute la République qui en perdrait cet équilibre
42:28 et cette force que je défends depuis tout à l'heure.
42:31 Il reste qu'à sortie de ces 7 garanties,
42:35 les modifications du champ,
42:38 des procédures de référendum et de cette bonne articulation
42:43 sont, je crois, de nature,
42:45 à répondre aux aspirations démocratiques de notre temps.
42:50 Mais je crois là que ça n'épuise pas l'aspiration
42:54 à plus de démocratie et la volonté qu'ont aussi
42:57 nos concitoyens à être mieux associés
42:59 à la fabrique de la loi,
43:01 pour en renforcer la légitimité,
43:03 pour que celle-ci soit également préparée encore différemment.
43:07 J'ai porté depuis 6 ans
43:08 plusieurs innovations démocratiques en l'espèce.
43:13 Le Conseil national de la refondation,
43:15 que nous devons amplifier et aménager,
43:17 a renversé la logique descendante de l'action publique,
43:19 constitue une vraie réforme de l'Etat menée à bas bruit
43:22 vers plus d'efficacité, de démocratie dans nos territoires
43:26 et une meilleure association de tous nos concitoyens,
43:28 y compris dans l'action publique au quotidien,
43:31 tout en respectant strictement la séparation des pouvoirs.
43:35 La réforme du Conseil économique, social et environnemental
43:38 au terme de la loi organique du 15 janvier 2021
43:41 a permis aussi de renforcer cette Chambre
43:45 et de favoriser, d'organiser la consultation des citoyens,
43:49 suite à la fois au grand débat
43:52 qui avait suivi la crise des Gilets jaunes
43:54 et à la Convention citoyenne sur le climat
43:57 et à la lumière de ce que nous avions bien
43:59 et moins bien fait, innovation en temps réel
44:02 de notre vie démocratique.
44:03 Nous avons pu, par la loi organique,
44:05 bâtir une nouvelle manière de nous organiser.
44:08 Les conventions citoyennes, comme celles sur la fin de vie,
44:11 permettent de construire un débat ouvert,
44:17 éclairé par les meilleurs experts
44:20 et dans les meilleures conditions,
44:21 et je le crois très profondément,
44:23 de mieux préparer les projets de loi
44:25 et d'éclairer le législateur comme le peuple.
44:28 Ils ne sont en rien concurrents du travail
44:31 ni du gouvernement ni du Parlement,
44:32 et encore moins de la voix référendaire,
44:34 mais ils viennent compléter cette vitalité.
44:36 Je crois que ces innovations démocratiques
44:40 qui figuraient dans le projet constitutionnel
44:42 discuté en 2018,
44:44 qui ont pu être traduites par un changement organique,
44:47 sont complémentaires de la question du référendum
44:51 et consolident, j'en ai la conviction,
44:54 une démocratie plus délibérative
44:57 et favorisant une meilleure participation
45:00 de nos concitoyens.
45:02 L'autre grand sujet
45:05 est celui également de l'organisation renouvelée
45:08 de notre action publique dans certains territoires,
45:12 en particulier ceux dont la singularité
45:14 impose des adaptations constitutionnelles.
45:17 L'avenir de la Nouvelle-Calédonie
45:20 exige un cheminement commun
45:23 qui nécessitera à coup sûr une révision constitutionnelle.
45:27 C'est un sujet en soi.
45:30 La Corse, par sa singularité insulaire et méditerranéenne,
45:35 compte tenu, il faut bien le dire,
45:37 des insuffisances de la mise en oeuvre
45:39 de la loi organique existante
45:42 et à la lumière de la situation politique
45:44 de la dernière décennie,
45:47 ouvre la voie à une forme d'autonomie dans la République
45:52 et en fonction de ce que les forces politiques
45:56 sauront faire cheminer.
45:59 Indivisible, en effet, ne signifie pas uniforme.
46:03 L'idéal républicain est assez fort
46:05 pour accueillir les adaptations, les spécificités,
46:07 les particularités.
46:09 L'unité de la France,
46:10 après tant de siècles de centralisation,
46:12 dont chacun aujourd'hui perçoit la limite et les impasses,
46:16 supportera cette répartition nouvelle des pouvoirs mieux,
46:19 je le crois profondément,
46:21 notre unité sera plus forte.
46:24 Et à ce titre tout particulièrement,
46:26 l'ensemble de nos Outre-mer
46:27 doivent pouvoir être mieux reconnus
46:29 dans notre Constitution.
46:31 Et si le consensus se dégage en ce sens,
46:34 donner lieu aussi à des évolutions
46:35 du texte constitutionnel.
46:38 Mais au-delà de ces collectivités,
46:41 toute notre architecture territoriale est à repenser.
46:44 Parce que depuis 40 ans, l'idéal de démocratie locale
46:47 a organisé l'empiétement, la concurrence parfois,
46:50 la coexistence en tout cas de collectivités et de l'Etat,
46:53 parfois des collectivités entre elles,
46:55 sans que l'écheveau des compétences
46:58 ne soit réellement tranché.
47:00 Cette décentralisation inachevée
47:03 produit de l'inefficacité pour l'action publique,
47:06 elle produit aussi de la perte de repères pour nos concitoyens.
47:09 Qui est responsable de quoi ?
47:11 Quand et comment sont désignés les dits responsables ?
47:14 Quels impôts concourent à quels services publics ?
47:17 Une grande majorité de Français
47:19 ne connaissent plus les réponses à ces questions simples.
47:22 Je l'ai dit au début de mon propos,
47:23 la République a gagné dans les urnes
47:25 et dans l'esprit des Français
47:26 quand elle a su leur offrir la clarté et la légitimité.
47:32 Le Sénat, par ses travaux, a commencé à éclairer
47:34 cette question.
47:36 Et à l'heure où nous avons besoin de nous unir,
47:38 nos maires et plus largement tous nos élus locaux
47:41 confortent aussi de tout leur dévouement
47:43 notre cohésion nationale.
47:45 Il nous faut aider, les aider, à agir mieux,
47:51 parfois, lorsque c'est nécessaire, à adapter les normes,
47:55 à leur donner plus de liberté,
47:56 mais laquelle doit aller avec plus de responsabilité
47:59 et de clarté démocratique.
48:03 Pour toutes ces raisons, j'ouvrirai ce chantier
48:05 d'une nouvelle étape de la décentralisation
48:07 avec l'ensemble des forces politiques
48:09 et en coordination étroite avec le président du Sénat
48:11 et la présidente de l'Assemblée nationale.
48:15 Référendum, décentralisation.
48:19 Au fond, vous le voyez, il s'agit là de donner plus de force
48:23 à la souveraineté populaire,
48:25 de retrouver plus d'efficacité
48:28 par plus de clarté des responsabilités.
48:31 C'est, je le crois, l'esprit profond de nos institutions.
48:37 Au-delà de ces 2 grands axes qui me paraissent nécessaires
48:41 aujourd'hui pour répondre aux défis du temps,
48:47 je ne peux ici être exhaustif,
48:49 mais je ne veux pas manquer de mentionner aussi
48:52 plusieurs autres sujets qui ont émergé ces dernières années.
48:56 Des initiatives parlementaires ont été prises il y a quelques mois
48:59 pour inscrire dans la Constitution la liberté des femmes
49:01 de pouvoir recourir à l'interruption volontaire
49:03 de grossesse.
49:05 J'exprimais mon souhait le 8 mars dernier
49:07 que nous puissions trouver un texte
49:08 accordant les points de vue entre l'Assemblée nationale
49:10 et le Sénat et permettant de convoquer un congrès à Versailles.
49:14 Je souhaite que ce travail de rapprochement
49:16 des points de vue reprenne pour aboutir dès que possible.
49:20 Ces projets de révision sont déterminants.
49:23 Je sais aussi qu'ils n'épuisent ni toutes les volontés de réforme
49:26 ni toutes les préoccupations légitimes.
49:28 L'idée d'inscrire la protection du climat
49:30 au coeur de nos normes constitutionnelles
49:31 peut s'avérer aussi un signe d'engagement de notre nation
49:34 en train d'inventer son propre chemin de progrès,
49:37 de science et de justice
49:39 dans la lutte contre le réchauffement climatique,
49:41 mais avec ou sans cette mention constitutionnelle
49:44 et dans l'intervalle qui nous sépare
49:46 de cette éventuelle révision,
49:47 soyons fidèles à l'esprit de notre République
49:50 et donc agissons dans le cadre qui est déjà le nôtre
49:53 avec ambition et unité.
49:55 Enfin, la question de l'indépendance du parquet,
49:58 l'amélioration des procédures législatives
50:01 ne saurait être exclue.
50:02 Elles avaient donné lieu d'ailleurs à des 1ers travaux
50:05 et il nous appartiendra ensemble dans les mois à venir
50:08 d'apprécier si une majorité est possible
50:10 dans cette direction.
50:13 Mesdames et messieurs, en 1958 comme aujourd'hui,
50:18 la nation est dotée d'une République
50:22 capable de répondre de son destin
50:24 parce qu'elle est aux proportions de notre histoire
50:26 et qu'elle abrite, qu'elle résume, qu'elle poursuit.
50:29 Cette République est en quelque sorte
50:32 à la mesure de notre avenir.
50:35 Pour cela, devons la défendre,
50:39 chacun en ce qui nous concerne,
50:41 défendre cette République,
50:42 défendre cette Constitution qui est la nôtre
50:44 en la faisant aimer, en l'enseigner.
50:46 Je vous remercie pour votre engagement en la matière.
50:49 Donnons-la à voir là où se forment les esprits républicains,
50:52 à l'école, dans nos services publics,
50:54 dans toutes les trajectoires individuelles
50:56 qui triompheront des assignations.
50:59 Faisons-les vivre dans nos institutions
51:01 à la place qui est chacun la nôtre.
51:04 Notre tâche de citoyen, notre devoir
51:09 est précisément de défendre cette République
51:12 et cette Constitution, de les transmettre.
51:16 Ces valeurs viennent de très loin dans notre histoire,
51:19 et si nous en sommes chacun les garants,
51:21 elles sauront triompher de toute fatalité.
51:25 Et c'est ainsi que nous pourrons répondre de notre destin
51:29 et décider souverainement de notre avenir
51:32 pour nous-mêmes et par nous-mêmes.
51:34 Un avenir pleinement français, souverain,
51:39 d'un pays qui se projette en Europe
51:41 et rayonne dans le monde.
51:43 Je vous fais confiance pour ce travail de chaque jour.
51:47 Je vous remercie. Vive la République et vive la France.
51:50 (...)

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