Ysaora Thibus, championne du monde d’escrime, concilie préparation pour les JO de Paris et vie d’entrepreneuse, sans jamais négliger les combats qui lui tiennent à cœur : celui de la représentation des femmes dans le sport et de la santé mentale.
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00:00 Je me souviendrai toujours de ma première séance avec ma psy.
00:02 Elle m'avait dit « une athlète heureuse est une athlète performante ».
00:05 J'ai grandi en Guadeloupe et je commençais l'esprit à l'âge de 7 ans.
00:12 Je suis un peu tombée amoureuse du sport.
00:14 J'ai une famille qui m'a toujours soutenue dans mes choix,
00:17 mais je ne pensais pas en arriver là.
00:19 Je n'ai jamais vraiment rêvé d'aller aux Jeux olympiques.
00:22 Moi, ce que j'aimais, c'est vraiment aller tous les jours à la salle.
00:25 C'était comme une deuxième famille.
00:26 J'ai beaucoup aimé le sport de combat, le côté très ludique
00:30 qu'il y a dans les scrims et très complet.
00:32 Je suis qui est de la Guadeloupe à l'âge de 17 ans.
00:34 J'ai déjàabord intégré un peu l'espoir
00:38 dans le sud de la France avec Saint-Provence.
00:40 Après, j'ai intégré l'équipe de France à l'INSEP,
00:43 qui est un peu la maison du sport olympique français.
00:47 Aujourd'hui, j'ai choisi mon entraîneur, mon coach de scrims,
00:52 ma préparatrice physique, ma psychologue.
00:54 On a beaucoup de séances dans une semaine,
00:57 des séances psychologiques, physiques, spécifiques,
01:00 qui se découpent dans la semaine.
01:02 Toutes les semaines sont un peu différentes
01:03 en fonction des compétitions, du moment de la saison,
01:06 de ce qu'on essaie de travailler.
01:08 Le scrim, déjà, c'est un sport où il y a beaucoup de discipline,
01:10 de respect de l'adversaire, de l'arbitre.
01:13 Ce sont des valeurs qui m'ont un peu forgée.
01:16 Et aussi la résilience.
01:17 Dans le sport, on voit souvent les victoires,
01:21 mais derrière, c'est beaucoup de défaites,
01:22 de remises en question, de doutes.
01:24 Comment se remettre en question, progresser,
01:26 analyser ses défaites et repartir.
01:28 Je pense que c'est l'une des valeurs principales
01:31 de ne pas abandonner et de continuer de croire en soi.
01:34 Dans ma carrière sportive,
01:36 j'ai connu des moments très, très beaux,
01:39 dont je suis très, très fière,
01:40 mais aussi des moments un peu moins cools,
01:43 des moments difficiles,
01:44 où je me suis vraiment beaucoup remise en question.
01:47 Et les Jeux olympiques de Tokyo sont l'un de ces moments-là
01:51 où je n'ai pas réussi à avoir la médaille en individuel.
01:54 C'était l'objectif de ma carrière.
01:56 Et ça m'a vraiment amouchée.
01:59 J'avais l'impression que ce n'était pas la première fois
02:01 que je vivais ce moment-là,
02:02 et qu'il n'y avait pas nécessairement de prise de conscience
02:04 autour de la santé mentale des athlètes.
02:06 Je pense qu'en tant qu'athlète,
02:07 on est sujet à beaucoup de pressions,
02:10 beaucoup de compétitions,
02:11 où on doit toujours prouver inlassablement les résultats.
02:14 Et aussi nous-mêmes,
02:15 on grandit dans cet univers où on n'est jamais satisfait.
02:19 Et j'étais un peu devenue à ce stade-là,
02:21 où c'est soit je gagnais et que j'étais satisfaite,
02:24 et même soulagée,
02:25 ou soit je perdais et c'était un peu la fin du monde,
02:28 l'effondrement, c'était vraiment une phase dépressive,
02:30 pour mettre les mots là-dessus.
02:32 Dans ces moments-là, on se parle très mal,
02:35 on n'est pas bienveillant envers soi-même du tout.
02:38 Et je pense que ça, c'est des mécanismes qui sont créés
02:42 et qui sont aussi entretenus dans le milieu sportif,
02:45 parce qu'on demande toujours à l'athlète d'être un champion,
02:48 d'être le meilleur au monde.
02:49 Et sinon, le reste, c'est que de l'échec.
02:52 Donc j'avais envie d'ouvrir la parole là-dessus,
02:54 parce que j'avais l'impression que je le vivais,
02:55 mais que d'autres athlètes passaient par là aussi.
02:57 J'ai la chance d'être bien entourée.
02:59 J'ai continué mon suivi psychologique
03:01 avec ma psychologue Myriam Salmi,
03:03 qui me suit depuis des années.
03:05 Libérer la parole sur ce sujet m'a aussi beaucoup aidée.
03:07 Je pense que c'était une étape importante pour moi.
03:09 Essentiel, c'est un média qui parle du sport féminin,
03:13 mais qui met en avant les sportives féminines
03:16 et qui a vocation de leur donner une place, une voix,
03:19 pour qu'elles puissent s'exprimer et raconter leur histoire.
03:21 Le constat, c'était qu'encore en 2021,
03:24 quand je l'ai créée en 2020,
03:26 d'ailleurs pendant le Covid,
03:28 il y avait encore une sous-médiatisation du sport féminin
03:31 et une invisibilisation de ces histoires,
03:33 de ces narratifs qui sont inspirants pour moi,
03:36 de plein de femmes que j'ai rencontrées dans mon parcours
03:38 et que j'avais tout simplement envie de mettre en avant.
03:40 Je pense qu'aujourd'hui, j'ai pris beaucoup de recul.
03:43 Avant, je définissais beaucoup mon estime de moi sur mes résultats.
03:46 Donc l'athlète prenait beaucoup le pas sur ma vie.
03:50 Aujourd'hui, je laisse beaucoup plus de place à la femme.
03:53 J'ai d'autres intérêts que le sport et je m'écoute énormément.
03:56 Je fais tout simplement des choses qui me nourrissent
03:58 et qui me construisent personnellement en tant qu'athlète et en tant que femme.
04:01 C'est un peu un équilibre à avoir, à juger, à prioriser.
04:04 Forcément, on a des objectifs élevés,
04:06 qui sont les Jeux Olympiques, la médaille d'or.
04:08 Donc des fois, on doit laisser aussi la place
04:11 à tout ce qui est la préparation, performance et l'athlète.
04:13 Je me souviendrai toujours de ma première séance avec ma psy.
04:16 Elle m'avait dit qu'une athlète heureuse est une athlète performante.
04:19 Ça, c'est quelque chose qui me suit encore à l'heure de jouer.
04:22 [Musique]