7 MINUTES POUR COMPRENDRE - Comment protéger nos écoles de la menace terroriste ?

  • l’année dernière
De nombreux rassemblements et hommages sont prévus ce lundi 16 octobre dans toute la France, alors que dix personnes sont toujours en garde à vue après la mort de l'enseignant tué lors d'une attaque au couteau vendredi dans un lycée d'Arras. Ce lundi marque également le troisième anniversaire de la mort de Samuel Paty, , un hommage lui sera rendu à Conflans-Sainte-Honorine.
Transcript
00:00 -Mickaël, ce qui est terrible, c'est qu'il y avait des signaux faibles,
00:02 d'ailleurs qui ne sont pas des signaux faibles,
00:03 qui sont des signaux forts, et que ces signaux, en fait,
00:06 ce sont à peu près les mêmes que ceux évoqués par les collègues
00:11 de Dominique Bernard après le drame d'Arras.
00:14 -Alors, il y a eu une sous-estimation évidente de la menace,
00:17 mais il faut dire qu'en 2020, on ne pouvait pas imaginer
00:20 qu'un terroriste venant d'un autre département,
00:23 ce que Gilles Kepel appelle le djihadisme d'atmosphère,
00:25 se radicalise seul, cherche une cible pendant des mois,
00:29 et la trouve.
00:30 Mais ce qui est vrai, c'est qu'on a sous-estimé, par exemple,
00:33 l'aspect viral des vidéos qui ont été diffusées
00:36 pour menacer Samal Batti,
00:38 celle du père de famille,
00:39 donc du père de la jeune élève qui a menti,
00:41 qui est à l'origine de l'engrenage.
00:43 On a sous-estimé la vidéo de l'islamiste Abdel Hakim Sefrioui,
00:48 qui a effectivement diffusé une sorte de poison islamiste,
00:51 de poison à l'encontre de Samal Batti.
00:54 Et c'est ce qui a alimenté, d'ailleurs, cette rumeur,
00:57 ce qui fait que même dans la cour de l'école et en dehors du collège,
01:01 Samal Batti était perçu comme quelqu'un de raciste
01:04 et quelqu'un qu'il fallait cibler.
01:06 Voilà, donc ça, ça a été totalement sous-estimé.
01:08 Ce qui a été aussi sous-estimé par les services de renseignement,
01:12 c'est le fait que, donc, un terroriste pouvait venir d'ailleurs.
01:16 Et il y a quand même quelque chose d'extraordinaire,
01:18 c'est que le 12 octobre, alors que les vidéos ont été diffusées,
01:22 le service de renseignement des Yvelines dit
01:24 "situation apaisée, en gros circulée, n'y a rien à voir",
01:27 alors que la situation était incandescente.
01:30 - Cédric Fech, le reporter de première édition,
01:32 est à Conflans-Saint-Honorin, ce matin,
01:33 forcément une journée particulière, un hommage particulier,
01:36 avec cette minute de silence, tout à l'heure à 14h,
01:39 trois ans jour pour jour après l'assassinat de Samuel Batti.
01:42 Qu'est-ce qui a changé en termes de sécurité
01:44 aux abords du collège de Conflans ?
01:46 - Par exemple, au moment où je vous parle,
01:51 vous voyez là, je vais vous montrer,
01:52 il y a deux voitures de police qui sont là-bas,
01:55 il y a une voiture de la police municipale aussi qui tourne,
01:57 mais vendredi, au moment de l'attaque à Arras,
02:01 ici, on a eu l'impression de revivre les événements
02:04 d'il y a trois ans à trois jours près,
02:07 avec énormément de similitudes.
02:09 Et d'ailleurs, les parents de Samuel Batti
02:10 étaient en train d'assister à un hommage pour leur fils
02:13 au moment de l'attaque à Arras,
02:14 et c'est en rentrant chez eux au moment d'allumer la télévision
02:16 qu'ils ont appris l'attaque à Arras,
02:18 et la mère de Samuel Batti s'est confiée à nos confrères du Point
02:20 pour dire "la mort de Samuel n'a donc pas suffi,
02:23 c'est une répétition tragique".
02:25 Alors, pour parler des hommages,
02:27 il y aura ici, dans l'ancien collège de Samuel Batti,
02:30 des hommages comme partout en France.
02:31 Là, les professeurs sont en train d'arriver,
02:33 ils vont pouvoir parler ensemble jusqu'à 10h.
02:35 À 10h, les élèves arrivent, minute de silence à 14h.
02:38 Évidemment, ces hommages à Dominique Bernard,
02:40 le professeur d'Arras, seront fusionnés
02:42 aux hommages qui étaient prévus pour Samuel Batti ici,
02:45 et en plus ici, à 18h30, à Conflans-Saint-Honorin,
02:48 place de la liberté, il y aura un rassemblement
02:50 qui a été prévu avant le drame d'Arras,
02:52 autour d'un monument qui a été érigé
02:54 un an après la mort de Samuel Batti.
02:56 C'est un livre ouvert puisque Samuel Batti était
02:58 professeur d'histoire-géographie ici, dans ce collège.
03:00 Comme vous d'ailleurs, François de Sosa,
03:02 et c'est important que vous soyez avec nous ce matin,
03:04 vous êtes le cofondateur du collectif Vigilance Collège-Lycée
03:06 qui a été créé justement après l'assassinat de Samuel Batti.
03:09 Après le drame d'Arras, François,
03:11 est-ce que vous diriez que rien n'a été fait
03:14 depuis Samuel Batti, depuis trois ans ?
03:17 Je ne dirais pas que rien n'a été fait,
03:20 malgré tout, d'un point de vue institutionnel.
03:22 Depuis 2020, on a par exemple le déploiement
03:25 d'un grand plan de formation à la laïcité
03:27 aux valeurs de la République,
03:29 qui vise à former l'ensemble des personnels
03:32 de l'éducation nationale aux questions de laïcité,
03:37 à la façon dont on peut traiter ces questions
03:39 en classe avec les élèves.
03:41 Parce qu'en fait, il faut savoir que là,
03:44 on est dans un cas de figure aussi,
03:46 on est dans un contexte où les collègues,
03:49 les professeurs, nous avons tous besoin
03:52 d'être réarmés aussi intellectuellement
03:54 pour se sentir plus affirmés
03:59 et pour pouvoir mener le combat.
04:01 Parce que le combat, il va être long,
04:03 il est culturel aussi,
04:05 et il va se dérouler aussi dans nos classes.
04:08 Évidemment, le point de vue sécuritaire est essentiel,
04:12 mais il y a autre chose derrière ça.
04:14 Oui, ce qu'il y a, en fait, c'est ce que vous dites aux élèves.
04:17 Vous nous avez dit, dans nos classes,
04:19 il faut que nous soyons outillés
04:20 et qu'on se sente soutenus.
04:22 "L'école restera un rempart contre l'obscurantisme",
04:25 dit Emmanuel Macron ce matin.
04:27 Vous êtes prof d'histoire-géo,
04:28 un rempart contre l'obscurantisme.
04:30 Mais comment vous faites rempart face à des élèves
04:32 qui, de plus en plus, vous contredisent, vous provoquent ?
04:36 On fait rempart au quotidien, en fait.
04:40 On fait rempart parce qu'on y croit aussi.
04:42 Si on s'est lancé dans cette carrière-là,
04:46 c'est parce qu'au fond de nous,
04:47 on croit justement dans le rôle de l'école,
04:49 dans le sens de l'école.
04:51 Monsieur Macron le dit très bien,
04:53 que l'école est un rempart contre l'obscurantisme,
04:56 mais c'est quand même un rempart qui a des failles.
04:58 Qui a des failles parce qu'il y a eu quand même des renoncements
05:01 depuis un certain nombre d'années,
05:02 même si, encore une fois,
05:04 il y a une certaine prise de conscience trop lente,
05:07 trop faible, mais une prise de conscience qui émerge,
05:10 à cause des drames, il faut le dire, à cause des drames.
05:13 Et ensuite, il faut quand même aussi avoir en tête
05:16 que l'école n'est qu'un morceau du puzzle, si vous voulez.
05:20 On a face à nous des élèves qui sont surconnectés,
05:24 surinformés.
05:25 Notre parole, en fait, si vous voulez,
05:27 n'est qu'une parole parmi parfois des dizaines d'autres.
05:31 Et c'est aussi pour ça qu'il faut, comment dire,
05:35 nuancer le rôle qu'on peut avoir.
05:38 - Daniel Fasquell, quand on ne peut pas anticiper,
05:40 comme ça a été le cas, bien c'est la sécurité qui prend le relais.
05:43 Quelles mesures avez-vous prises ?
05:45 Est-ce qu'il faudrait des portiques, des vigiles à l'entrée des écoles,
05:49 comme ne l'exclut pas d'ailleurs le ministre de l'Éducation nationale ?
05:52 - Moi, j'ai une école primaire, un collège et un lycée dans ma commune.
05:56 Je suis moi-même enseignant à l'université,
05:58 donc je me sens très, très concerné, évidemment,
06:00 par tout ce qui se déroule.
06:01 J'ai immédiatement mobilisé la police municipale,
06:04 qui est aux côtés de la police nationale, assure une présence
06:07 et des patrouilles aux abords des établissements scolaires de ma commune.
06:12 J'ai des caméras de vidéosurveillance,
06:14 qui surveillent en permanence ce qui se passe aux abords des écoles,
06:18 du collège et des lycées.
06:21 Et puis par ailleurs, on a mis en place un dispositif alerte attentat
06:24 au sein de l'école primaire,
06:25 ce qui n'est pas le cas forcément de toutes les écoles primaires de France.
06:28 Moi, ce que je demande, c'est tout simplement qu'on fasse un audit de sécurité
06:31 de l'ensemble des établissements de France
06:33 et qu'ensuite, on prête des mesures durables.
06:36 Il est évident que là, dans l'émotion, le regard de ce qui s'est passé,
06:39 on a pu les uns et les autres,
06:41 quand on a la chance d'avoir une police municipale, la mobiliser,
06:43 mais ce n'est pas le cas de toutes les communes de France.
06:45 Donc c'est la responsabilité avant tout de l'État.
06:47 Moi, je demande effectivement à ce qu'on étudie,
06:50 mais cette fois-ci sérieusement et définitivement,
06:52 la mise en place de portiques.
06:54 Mais ça ne suffit pas forcément.
06:56 Quand j'étais étudiant à Paris, il y avait un vigile à l'entrée de l'université.
07:00 Je pense que la question de la présence de vigile,
07:02 peut-être pas partout, mais au moins dans certains endroits, s'impose.
07:05 Mais dans tous les cas, il ne faut pas que l'émotion passée,
07:08 on referme le dossier, comme ça a été le cas il y a quelques années,
07:10 mais que cette fois-ci, on prenne vraiment des mesures définitives
07:13 pour mettre en sécurité nos enseignants,
07:16 les élèves, qu'on fasse de l'école à un certain niveau.
07:19 Et pas véritablement, c'est le but du président de la République,
07:22 mettons en place des moyens pour faire en sorte de faire de notre école à un certain niveau.
07:26 Merci. Merci d'avoir été en direct avec nous.
07:29 Bon courage à tous les enseignants qui nous regardent
07:32 pour cette journée si particulière.
07:34 Merci Michael. On rappelle que ce soir est diffusé sur BFM TV à 20h50
07:39 les trois volets de votre enquête consacrée à Samuel Paty dans Ligne Rouge.

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