Le Règne animal, une fable écologique ? - Le Cercle

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Les chroniqueurs du Cercle débattent autour d'un film sortant en salles ou en diffusion sur CANAL+
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Transcription
00:00 Dans le règne animal de Thomas Caillère, un père, joué par Romain Duris, cherche à sauver sa femme d'une maladie mystérieuse
00:07 et embarque son fils, Paul Kircher, dans un monde en proie à une vague de mutations.
00:12 Est-ce que ça vous a donné des ailes ou des écailles, Simon ?
00:15 Des ailes, des écailles, des poils, des plumes, de la truffe.
00:18 C'est un film qu'on a attendu pendant des années, sinon des décennies, dans le cinéma français.
00:23 Qu'on soit ou non amateur de cinéma fantastique, de science-fiction et globalement des cinémas de l'imaginaire,
00:29 on voit bien que depuis quelques années, depuis une quinzaine d'années, ça frémit.
00:34 Il y a de plus en plus d'auteurs, mais aussi de producteurs, de distributeurs et parfois d'exploitants
00:39 qui essayent de donner leur chance à ces univers-là de cinéma,
00:42 où on va tenter de mélanger les genres, où on va avoir des bébêtes,
00:44 où on va avoir des idées qui secouent un petit peu les traditions contemporaines de notre cinéma français
00:50 et nous ramènent aussi un petit peu à d'autres traditions de fantastique, de genre,
00:55 qui sont aussi très hexagonales, en fait, si on remonte à avant la Seconde Guerre mondiale.
00:59 Mais tout simplement, depuis toutes ces années, on ne trouvait pas de film qui arrive à allier l'originalité,
01:03 une grande rigueur d'écriture, qui ne soit pas non plus, on va dire...
01:06 - Le fait de trouver notre French touch.
01:07 - Ben oui, mais voilà, on avait beaucoup de films qui étaient souvent des échos un petit peu déformés
01:11 de ce qui pouvait se faire, des identités remarquables américaines en la matière ou anglo-saxonnes.
01:15 Et là, tout d'un coup, voilà un film fantastique français qui est parfaitement inclassable,
01:20 pourtant qui est totalement dans son genre, qui est incroyablement créatif,
01:23 qui est d'une inventivité, d'une technicité et qui est partageur à un point incroyable.
01:30 On a connu les premières vagues de fantastique ou d'horreur française,
01:34 on les avait appelées les French Frayers et ça avait été d'ailleurs porté beaucoup par Canal+ à l'époque,
01:38 mais on sait que c'était des films...
01:40 A l'étranger, ils étaient surnommés les New French Extremity,
01:43 c'était dire, comme on avait envie un petit peu de choquer ce qui se faisait,
01:46 et là, on n'a pas envie de choquer, on a envie de surprendre et...
01:49 - Et d'offrir un spectacle total.
01:50 - Et d'offrir un spectacle, voilà, un très grand spectacle.
01:51 - Il y avait déjà, Émilie, une petite touche de fantastique qui avait été amorcée dans Les Combattants en 2014,
01:57 ça glissait un petit peu.
01:58 - Oui, il ne l'avait pas complètement prévu, il a dit que c'est petit à petit qu'il est arrivé au fantastique
02:02 et ce que je trouve très réussi, comme dans Les Combattants, c'est le côté mash-up, en fait,
02:06 et c'est ce que tu disais, Simon, c'est qu'il arrive en fait à combiner ensemble plusieurs univers
02:10 qui, a priori, n'ont rien à voir, à savoir le fantastique, la fable écolo, le film sur l'adolescence,
02:16 donc ça, c'est un truc qui réussissait sur Les Combattants,
02:17 qui réussit de nouveau sur ce film de manière, je pense, avec encore plus d'amplitude,
02:22 il a mis quand même beaucoup de temps aussi à faire le film,
02:24 et moi, forcément, j'ai un peu envie, vu que c'est un film de genre, de tirer le fil psychanalytique,
02:29 parce qu'il y a une scène, moi, qui m'a terrassée dans le film,
02:31 c'est une scène de nuit dans la forêt où l'adolescent se met à la mer,
02:36 il n'y a pas de mer dans le film, et donc il se met à appeler sa mère dans la nuit, la forêt.
02:40 - On a pleuré ensemble.
02:41 - Voilà, c'est une scène où je pense que tout le monde, à ce moment-là, ne s'y attendait pas, il s'est mis à pleurer,
02:44 et je me suis dit, en fait, ce film, c'est un grand film sur l'absence de la mer,
02:49 et apprendre à vivre avec ces créatures, c'est comment apprendre à vivre avec un manque, en fait,
02:55 et c'est ça que j'adore aussi, c'est que le film, c'est aussi une métaphore de qu'est-ce que c'est qu'un monde sans femmes, quoi.
03:03 - Mais même l'idée même de la mutation, comme il l'utilise, c'est vraiment à la croisée de toutes les problématiques,
03:08 enfin, les enjeux contemporains, l'écologie, la transmission, le monde, les peurs, la peur de l'autre.
03:12 - Peut-être ce qu'on peut dire, c'est que la grande idée, je trouve, de scénario qu'il a, c'est de ne pas prendre le patient zéro,
03:17 c'est-à-dire que quand le film commence, c'est déjà depuis plusieurs mois, donc on ne se demande pas de comment c'est arrivé,
03:23 de qu'est-ce qui va se passer, etc.
03:24 Dans la société, c'est déjà admis, et la question, c'est comment on fait avec ?
03:27 Comment on fait avec ? Ces gens sont là, ça va continuer, l'épidémie va continuer, qu'est-ce qu'on fait avec ça ?
03:33 Et à partir de là, il construit son film, et c'est pour ça que c'est beau.
03:36 - Et on est axé sur les personnages, effectivement.
03:38 - On est axé sur les personnages, et en même temps, il y a un travail fou sur les créatures,
03:42 parce qu'il a pris vraiment le temps de faire un atelier, il a fait un atelier créatures, pour ne pas faire un truc tout numérique.
03:48 Et avec cette idée géniale que les effets spéciaux, ils sont eux-mêmes hybrides.
03:52 Le film est hybride, et les créatures sont hybrides, c'est-à-dire qu'on va utiliser au maximum les acteurs, y compris, on va leur faire parler aux oiseaux.
04:00 - Il faut dire que vous parlez aux oiseaux ? Qu'est-ce qui se passe ? Je vous sens un peu chafouin pourtant.
04:04 Vous faites partie du fan club d'Adèle Exarchopoulos ?
04:07 - Oui, pourtant... - Ça vous a pas emporté ?
04:09 - Non, en fait, je suis un peu un canard, c'est-à-dire que je commence à m'envoler, mais pas très très haut.
04:14 J'arrive pas totalement à complètement décoller.
04:16 J'ai l'impression que le film est véritablement hybride, comme les personnages du film, les créatures, ce qu'on appelle les créatures dans le film,
04:22 c'est-à-dire évidemment pris à la fois entre, on va dire, une tentation naturaliste française et quelque chose de l'ordre du cinéma de genre ou du cinéma fantastique.
04:29 Donc, inventer un naturalisme fantastique, je pense que c'est l'ambition du film, et c'est même l'ambition théorique du film.
04:35 Il m'a semblé que le film, parfois, restait pour moi trop peut-être emprisonné dans sa gang naturaliste.
04:42 J'avais l'impression, parfois, au niveau des enjeux entre les personnages, au niveau des enjeux psychologiques dont tu parlais, par exemple,
04:48 à un moment donné, je me suis dit "c'est un film qui oublie presque d'être bête".
04:50 C'est-à-dire, ce que je veux dire par là... - C'est vrai, ça nous arrive...
04:53 - Non, non, non, non ! - Non, non, non, non !
04:55 - Simon, ce que je veux dire par là, c'est que je n'ai pas eu véritablement l'envolée animale totale que j'aurais voulu prendre.
05:01 Je demande pas au film d'être veracétacool, ce que je lui demande quand même, à un moment donné...
05:04 - Tant mieux ! - C'est de partir complètement dans l'animalité...
05:09 - Mais oui, attendez, on va rester un peu trop...
05:11 - Je trouve que le film a une poésie absolument folle parce que, justement, en n'utilisant pas à tout prix les effets numériques,
05:18 les fonds verts ou les chimères numériques qu'on peut voir dans plein de films américains, il refuse une sorte d'hyperréalisme.
05:23 Et donc, on reste toujours du point de vue de l'humain. Et il y a quelque chose que je trouve très beau dans cette fable écologique,
05:29 qui peut comme ça avoir une vocation antispéciste, mais en vrai, c'est quand même sur l'humain, c'est sur l'affiliation, c'est tout ça.
05:35 C'est vraiment tout ce goût pour la bricole dont tu parlais. C'est un peu cette mystique de la bricole que faisait Cocteau.
05:42 C'est-à-dire qu'un homme qui va voler, il lui colle des ailes dans le dos. C'est ça qui se passe. Et il lui laisse son jogging.
05:47 Et tout d'un coup, on est avec lui. - C'est la part d'enfance du film, je suis d'accord avec toi.
05:50 Il y a une forme d'innocence, cette croyance très primaire. Et il n'y a aucune ironie, jamais, dans le film. Il n'y a aucun ricanement.
05:57 Et ça, ça fait beaucoup de bien. - Mais il y a beaucoup de drôlerie partout. - Non mais j'y vois des images.
06:01 - Mais moi, j'aimerais bien vous montrer des images parce qu'à mon sens, elle bat en brèche la tentative veule de Fred de faire du mal aux filles.
06:07 Alors, c'est tout simplement, c'est le début du film. Histoire de vous montrer un peu comment ça se passe.
06:10 - Tiens, mets ça. - Non, papa, ça pue le vieux poulpe. Je mets pas ça.
06:15 - Ah non, écoute, tu fais un effort. Pour une fois que tu viens... T'as vu le retard qu'on a, déjà ?
06:19 - Je t'avais dit que j'avais un truc à faire aujourd'hui. - Quel truc ? Jouer à la console avec tes deux potes débiles ?
06:24 - Ecoute, t'avais dit que j'étais pas obligé de venir. Sans moi, tu seras à l'heure, donc c'est ta faute.
06:28 - Attends, tu te fous de moi ? Alors, primo, tu sais...
06:31 Un père qui s'engueule avec son fils à propos d'un rendez-vous à l'hôpital.
06:35 Tout ça pourrait sembler assez banal, si ce n'est que... Tiens, on va sortir de ce véhicule.
06:40 Et là, tout de suite, la composition de l'image, le sens de ce qui se passe et la tension entre ces personnages va commencer à dévisser.
06:47 - T'arrêtes ton cirque. - Cet univers devient un petit peu surprenant.
06:51 - Regarde un petit peu ces voitures qui ont l'air vides et tout d'un coup...
06:54 Tiens. Le fantastique, le surnaturel, va surgir. Mais surgir de quelque chose qui a une grande apparence de banalité.
07:01 * Bruit de tirs *
07:03 Une simple ambulance. Et évidemment, on va couper juste avant que vous découvriez ce qui va être une des premières scènes de bestiole du film.
07:09 Mais la grande force du film, c'est ça. C'est de savoir dans quel contexte de cinéma il arrive, de nous attraper, de nous surprendre.
07:16 Parce qu'il va, petit à petit, faire voler en éclats à peu près toutes nos attentes.
07:19 Et justement, ces attentes un peu, on va dire, de vérisme fantastique, je trouve, pour aller pas dans l'humour à proprement parler, mais dans la fantaisie.
07:26 Il y a beaucoup de séquences qui sont pleines de fantaisie.
07:28 - Oui, et de capter aussi la folie de l'époque qu'on a expérimenté avec le Covid, à savoir de vouloir se maintenir coûte que coûte dans la normalité.
07:34 - Il avait commencé à écrire avant, t'as exprimé ça. - Il avait écrit juste avant et qui a été confirmé. Son écriture a été confirmée.
07:39 - Mais c'est deux ans d'écriture. Il faut quand même le dire. C'est un scénario hyper solide. Les personnages sont fouillés et les thèmes...
07:44 C'est marrant parce que toi, tu parles de... - C'est drôle aussi, vous en parlez pas, mais c'est drôle.
07:48 - Et le personnage d'Adèle Exarchopoulos, parlons-en, qui est une gendarme assez extraordinaire.
07:54 Et alors c'est marrant parce qu'elle s'est battue, parce qu'au départ, elle voulait jouer le rôle d'une femme oiseau.
07:59 Et ça aurait été très bien aussi. - Ça aurait été mieux.
08:02 - Mais non, mais Tom Mercier, Tom Mercier, Tom Mercier, extraordinaire dans le personnage de Fix, parce que ce qu'il faut bien comprendre, c'est que...
08:08 - De l'homme oiseau, c'est ça. - Oui, Fix, c'est l'homme oiseau. Il faut faire des choses absolument...
08:13 Non mais il faut dire que c'est le film le plus étonnant de la rentrée. Voilà !
08:17 - Très bien. Je valide. Je voulais vous laisser vous entretuer.
08:20 - Merci. - Merci à vous.
08:22 Merci à tous !
08:24 [SILENCE]

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