• l’année dernière
Bienvenue dans ce nouvel entretien historique avec Eric Fournier, spécialiste de la Commune ! Alors que nous avons fêté les 150 ans de la Commune en 2021, quelle est la véritable trace que cet événement a laissé dans l’Histoire ? Notre invité a justement étudié les usages mémoriels de cet épisode insurrectionnel. Nous ferons ensemble un rapide résumé de la Commune pour se rafraîchir la mémoire avant de questionner son fonctionnement et son héritage. Quels usages politiques en sont faits, pourquoi faut-il la commémorer ou pas ? Il y a beaucoup trop de questions et jamais assez de temps pour défricher un sujet pareil, alors profitez bien de ces deux heures et bonne écoute !

Sommaire :

00:00:00 : Introduction et présentation
00:03:20 : Qu'est-ce que la Commune
00:16:15 : La semaine sanglante
00:23:14 : Des Communes ailleurs qu'à Paris ?
00:27:30 : Pourquoi la Commune a autant marqué les esprits ?
00:34:08 : La Commune, communiste ou anarchiste ?
00:36:53 : Un héritage législatif ?
00:40:05 : La Banque de France préservée
00:44:40 : Positon de la Commune sur les colonies
00:46:20 : Pourquoi d'autres révolutions du XVIIIe ont moins eu d'impact que la Commune ?
00:50:10: Pourquoi la Commune est lue comme une expérience démocratique.
00:53:18 : L'héritage de La Commune
01:04:25 : Le rôle des femmes et Louise Michel
01:11:50 : Le quotidien de la Commune et la propagande Versaillaise
01:25:13 : La Commune vue par les Prussiens
01:28:36 : Les enjeux mémorielles de la Commune
01:30:52 : Et si la Commune avait eu gain de cause.
01:32:39 : Les ressources bibliographiques et filmiques
01:45:32 : Conclusion
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Transcription
00:00:00 Mes chers camarades, bien le bonsoir, j'espère que vous allez tous très très bien.
00:00:05 Ce soir, on se donne rendez-vous pour un live que vous attendez tous depuis longtemps,
00:00:10 puisque ce soir c'est le live de la Commune, avec Eric Fournier, qui est historien, spécialiste notamment de la Commune,
00:00:17 parce qu'il a pas mal travaillé sur le sujet, le camarade.
00:00:20 Alors on l'accueille tout de suite, on peut lui dire bonsoir.
00:00:23 Bonsoir Eric.
00:00:24 Bonsoir Benjamin, bonsoir à toutes et à tous.
00:00:26 Comment ça va ?
00:00:27 Bon écoute, ça va très bien, c'est le 150ème anniversaire, je ne chôme pas, tout va très bien.
00:00:32 Tu m'étonnes, tu dois être un petit peu seul ici, t'es jaloux.
00:00:35 Alors donc ce soir, on va parler de la Commune, bien évidemment, on va se faire un petit récap de ce qu'est la Commune,
00:00:42 parce que peut-être que certains ici ne savent pas ce que c'est,
00:00:45 puis après tout, il n'y en a pas eu qu'une seule de Commune, là on parle de la Commune de Paris de 1871,
00:00:50 donc on va faire un petit récap ensemble, et puis on va revenir sur pas mal de questions,
00:00:55 puisque cette Commune, elle est au centre de beaucoup d'enjeux mémoriels.
00:00:59 On l'a vu en ce moment dans les actus, on ne parle que de ça,
00:01:04 on oppose les commémorations de la Commune et celle de Napoléon,
00:01:08 c'est à celui qui arrivera à se tirer le plus la couverture, qui y arrive en slot-band bien,
00:01:13 et bien en tout cas, on va revenir là-dessus ensemble avec Eric.
00:01:18 Alors Eric, déjà, est-ce que tu peux nous présenter un petit peu ton parcours,
00:01:22 avant de commencer, que les gens sachent qui tu es, comment tu en es arrivé à la Commune, tout ça ?
00:01:28 Alors mon parcours, j'ai commencé assez classiquement en prof en lycée,
00:01:33 dont 13 ans au lycée Charles Baudelaire de Fosse, dans le Val d'Oise,
00:01:37 et sinon parallèlement, je faisais de la recherche, et ce qui m'intéressait, moi, c'était la France et l'histoire politique du 19e siècle,
00:01:44 parce que c'est le siècle des révolutions, parce que c'est un siècle avec des bouleversements dans tous les sens,
00:01:50 l'industrialisation, etc. Donc ça bouge, ça m'intéresse,
00:01:54 et la Commune, j'y suis venu, j'en ai jamais trop su, en fait, comment j'en ai arrivé à la Commune,
00:01:59 mais ce qui m'intéressait au départ, c'était le fait que Paris ait été en ruines, sous la Commune, après la Commune,
00:02:06 et comment on était arrivé là, comment on a géré ces ruines, et donc j'ai fait ma thèse là-dessus,
00:02:12 les ruines de Paris, Haussmann et la Commune, et ensuite, je suis revenu un peu plus tard à la Commune,
00:02:21 en me disant, mais en fait, on commence à bien connaître la Commune, mais on n'a jamais vraiment essayé de faire une synthèse
00:02:28 sur les mémoires de la Commune, c'est-à-dire les usages de la Commune au fur et à mesure de l'histoire après,
00:02:34 et donc j'ai travaillé là-dessus aussi, voilà, et maintenant, je suis maître de conférence en histoire à l'Université de Paris.
00:02:43 Donc plutôt, tu as travaillé plutôt sur les ruines de la Commune, mais aussi sur ses enjeux mémoriels,
00:02:49 puisque tu as beaucoup bossé sur "La Commune n'est pas morte", les usages politiques du passé de 1871 à nos jours,
00:02:58 tu as travaillé sur l'histoire de l'antisémitisme de l'extrême droite, avec notamment les bouchées de la Villette contre Dreyfus,
00:03:08 intéressant, parce qu'il n'y a pas très longtemps, sur la chaîne, on a parlé de Paris Police 1900, d'ailleurs,
00:03:13 et donc on est vraiment dans cet univers, on baigne là-dedans !
00:03:18 Est-ce que tu pourrais, pour commencer, nous parler un petit peu de la Commune, comment est-ce que c'est arrivé,
00:03:27 dans quel contexte, un contexte bien précis, celui de la défaite de la France face à la Prusse ?
00:03:34 Est-ce que tu peux nous remettre un petit peu dans le bain pour que les gens qui arrivent et qui ne connaissent pas cet événement historique
00:03:39 puissent avoir un petit peu les tenants et les aboutissants des discussions qui vont suivre ?
00:03:43 Puisque je vous le rappelle, on est parti ensemble avec Éric Fournier pour à peu près une heure et demie autour de la Commune de Paris 1871,
00:03:50 et ensuite on va embringuer sur une petite demi-heure de questions, c'est vous qui allez poser les questions,
00:03:55 d'ailleurs si vous avez des questions, posez-les dans le chat et on me les fera remonter directement pour la fin de l'émission. Éric ?
00:04:02 Ouais, alors on est en 1870, on est sous le Second Empire, Napoléon III, le régime à ce stade est relativement solide,
00:04:09 l'opposition républicaine modérée progresse, mais Napoléon III est en place et surtout Paris est totalement haussmanisé,
00:04:16 ça veut dire que l'ordre règne et que le Paris révolutionnaire, ce Paris qui est là depuis 1789,
00:04:22 semble pour le moins éteint ou effacé. Là-dessus, Napoléon III prend l'initiative d'une guerre contre la Prusse,
00:04:30 ce qui arrange Bismarck par ailleurs, il a l'Alsace-Lorraine en ligne de mire.
00:04:34 Bon, alors là c'est la catastrophe, c'est-à-dire que la guerre est particulièrement mal menée, le 2 septembre,
00:04:44 la principale armée de Napoléon III avec Napoléon III au milieu est encerclée à Metz, l'empereur se rend,
00:04:50 la République est proclamée, c'est-à-dire que l'Empire s'effondre une fois la capture de l'empereur comme un château de cartes
00:04:56 et donc ce Paris haussmanien, ce Paris de l'ordre devient une ville fantôme, on ne sait plus où sont les partisans de l'empereur,
00:05:02 la République est proclamée, la guerre continue et là c'est la patrie en danger, c'est-à-dire que Gambetta qui est à la tête de l'État
00:05:10 se croit en 1792, bon ça marche moyennement aussi mais surtout les Prussiens s'approchent de Paris.
00:05:17 Donc Paris est encerclé à la fin de l'automne et là les Parisiens s'arment en garde nationale pour défendre la ville.
00:05:27 Ça c'est très important parce qu'on a deux armées dans Paris, on a l'armée régulière qui est l'armée de l'empereur,
00:05:32 l'ancienne armée de l'empereur discrédité, les officiers sont mal vus par les Parisiens qui sont frondeurs
00:05:39 et surtout les Parisiens s'arment et s'organisent en garde nationale et ça c'est un mot très fort dans les mémoires de l'époque
00:05:46 parce que ça renvoie à la Révolution française, ça renvoie à la Révolution de 1830-1848,
00:05:52 la garde nationale c'est une milice citoyenne où les hommes, alors les hommes pas les femmes,
00:05:57 les hommes prennent les armes et élisent leurs officiers.
00:06:00 Donc ça veut dire que par la garde nationale, ils éprouvent ce que c'est que d'être pleinement un citoyen.
00:06:06 C'est-à-dire voilà, on vote, on vote y compris en situation de guerre.
00:06:10 Évidemment pour l'armée de métier c'est une horreur quoi, c'est de seule idée, les repousses.
00:06:16 Du coup on a en gros 150 000 soldats réguliers puis à la fin plus de 300 000 Parisiens organisés en garde nationale
00:06:24 dans Paris qui à l'époque est peut-être la plus formidable ville forteresse de l'histoire de l'humanité
00:06:30 puisque sur l'actuel périphérique on a une enceinte, on a 12 forts avancés qui la protègent,
00:06:37 93 bastions, 2600 canons, bref, Bismarck a compris, il veut pas rentrer dans Paris.
00:06:43 C'est le gouffre aux deux helmes quoi.
00:06:45 Exactement, exactement, c'est le gouffre aux deux helmes, il veut pas rentrer dans Paris,
00:06:49 il veut pas une guerre des rues dans le Paris des barricades, le Paris de la révolution.
00:06:53 Donc il encercle et il bombarde.
00:06:56 Alors du coup c'est un siège très dur parce que c'est l'hiver, enfin quand ça veut pas, ça veut pas quoi.
00:07:02 C'est l'hiver parmi le plus froid du siècle, les vivres commencent à manquer et à peu près 7000 obus s'abattent sur Paris.
00:07:08 Paris résiste, en dehors de Paris c'est plus compliqué, un armistice est demandé, des élections sont organisées,
00:07:18 alors là, surprise, les monarchistes qu'on croyait dans les oubliettes de l'histoire
00:07:24 font assez finement campagne sur le thème de la paix et se retrouvent majoritaires à la chambre.
00:07:30 Donc en gros on a une république qui n'est de république que le nom,
00:07:33 400 monarchistes, 150 républicains, quelques rebuts bonapartistes qui se sont retrouvés là,
00:07:41 et du coup la paix est signée.
00:07:43 Donc pour Paris c'est l'humiliation, c'est-à-dire ils se sont défendus, on signe la paix contre eux,
00:07:49 pour eux c'est un sacrifice intolérable et surtout ça a été fait par une assemblée à leurs yeux réactionnaire.
00:07:54 Donc là ça enclenche un processus, ils se sont défendus seuls,
00:07:59 maintenant ils entendent se gouverner seuls et ne pas rendre les armes.
00:08:04 Donc il y a un lien très fort entre l'arme et la citoyenneté,
00:08:07 c'est-à-dire vraiment être en arme c'est le citoyen soldat, le citoyen insurgé.
00:08:13 Ce qui est assez intéressant d'ailleurs et qui rejoint un peu la conception de grec antique.
00:08:18 Ah oui, on pourrait tirer un fil sur la longue durée, sur l'idée qu'être en arme c'est être citoyen,
00:08:26 ce qui ne veut pas dire faire son service militaire, c'est un peu différent,
00:08:30 c'est vraiment prendre les armes collectivement et assumer cette prise d'armes.
00:08:35 Là-dessus le chef du gouvernement Adolphe Thiers,
00:08:39 qui est un libéral d'ordre, partisan d'une monarchie parlementaire,
00:08:45 multiplie les vexations, il exige la fin des moratoires sur les dettes,
00:08:51 ce qu'on appelle les effets de commerce, c'est-à-dire ce que devaient les commerçants, les artisans,
00:08:55 ce qui revient à mettre presque la moitié de la population de Paris à la rue.
00:09:01 Donc multiplication des vexations et la goutte d'eau, c'est lorsque le gouvernement dit de Versailles,
00:09:10 parce qu'ils se sont installés à Versailles, c'est pratique, c'est aéré, c'est pas trop loin, c'est pas trop près,
00:09:15 symboliquement évidemment c'est très fort, le gouvernement de Versailles veut récupérer les canons
00:09:20 qui ont été forgés pendant le siège par une souscription populaire parisienne.
00:09:25 Donc ces canons c'est plus que des canons, à nouveau c'est la volonté populaire.
00:09:28 Donc la plupart des canons sont en haut de l'abut Montmartre, qui à l'époque est un espace semi-rural,
00:09:34 il y en a ailleurs, notamment vers la Bastille, mais ça va se jouer à Montmartre.
00:09:38 Donc les soldats arrivent à l'aube pour reprendre les canons, la population les repère,
00:09:46 sa troupe, la garde nationale s'arme, vont au devant des soldats, les femmes en première ligne,
00:09:52 ça c'est un rôle traditionnel des femmes dans ces mouvements politiques,
00:09:55 elles se portent au devant des soldats pour les inviter à fraterniser sur l'air,
00:09:59 d'enfin tu vas pas tirer sur une femme, je pourrais être ta mère, ta soeur, ta femme, bon.
00:10:04 Et ben ça marche, les soldats mettent crosse en l'air, fraternise avec la garde nationale,
00:10:11 donc là c'est tendu mais c'est pas irrécupérable, ça devient irrécupérable
00:10:15 quand deux des généraux de l'armée de Versailles sont fusillés.
00:10:18 Donc là le sang a coulé, tout de suite ça devient beaucoup plus compliqué.
00:10:23 Ceux qui restent du gouvernement de Versailles, l'administration, s'enfuent à Versailles,
00:10:28 donc en gros la garde nationale est maître de la ville, mais sans l'avoir vraiment préparée,
00:10:33 ou en tout cas pas aussi vite.
00:10:35 Du coup, en bon citoyen, ils disent "bon ben puisque c'est comme ça, on va faire des élections".
00:10:42 Donc c'est les élections de la commune de Paris le 26 mars, résultat le 28,
00:10:47 là c'est un triomphe pour les milieux révolutionnaires,
00:10:51 parce qu'il faut aussi dire que dès le siège de Paris,
00:10:54 les parisiens les plus aisés avaient déjà fui la capitale avant le siège.
00:10:58 A toute ressemblance avec une situation sanitaire présente, étant évidemment pure coïncidence,
00:11:03 mais le fait est que beaucoup parmi les plus riches se sont enfuis,
00:11:07 donc après ils ne peuvent pas voter évidemment.
00:11:09 À l'époque, Paris, juste pour préciser, c'est quoi, c'est 430 000 personnes je crois,
00:11:13 quelque chose comme ça ?
00:11:14 Ah non non non !
00:11:15 Enfin, sur ceux qui pouvaient voter là.
00:11:17 Ah oui, oui, oui !
00:11:18 Et il y a eu 240 000 personnes qui ont voté, quelque chose comme ça, dans le sens de grandeur.
00:11:24 C'est tout à fait honorable, vu les circonstances du vote.
00:11:28 Du coup, on a une situation unique dans l'histoire des révolutions françaises.
00:11:32 On a une assemblée élue, Versailles, dans des conditions compliquées,
00:11:37 bref armistice, élection à la va-vite, face à une révolution élue,
00:11:42 dans les mêmes conditions compliquées.
00:11:44 On fait ça très vite, tout le monde me va, mais bon.
00:11:46 Du coup, en termes d'élection démocratique, finalement,
00:11:50 les deux peuvent faire valoir un vote populaire.
00:11:54 Donc, pendant un bref moment, on envisage une conciliation,
00:11:58 on se dit "mais finalement, c'est parisien, s'il veut l'être autonome, pourquoi pas ?"
00:12:04 Mais en fait, c'est beaucoup plus compliqué,
00:12:09 parce qu'on voit les tensions entre des parisiens qui sont partisans
00:12:14 de la République démocratique et sociale, c'est-à-dire l'extrême-gauche,
00:12:18 c'est-à-dire vraiment la référence à Robespierre, mais sans la terreur.
00:12:22 C'est-à-dire cette République de 1792, qui se défendra contre l'ennemi ?
00:12:26 Mais aussi cette République qui essaye de tendre vers une forme de démocratie
00:12:32 la plus directe possible.
00:12:34 C'est-à-dire, ce n'est pas l'anarchie, c'est l'idée que les représentants
00:12:38 sont perpétuellement contrôlés par les représentés.
00:12:41 C'est-à-dire, être un élu de la Commune, ils sont 72,
00:12:44 être un élu de la Commune, ce n'est pas une sinecure,
00:12:46 on est tout le temps assailli de demandes, de questions, d'objections, etc.
00:12:51 Et par ailleurs, ils sont très anticléricaux,
00:12:54 ils veulent faire des mesures sociales.
00:12:56 Donc, ça se tend très vite.
00:13:00 La guerre civile commence.
00:13:04 Les communards, qui s'appellent eux-mêmes les "fédérés",
00:13:07 c'est-à-dire la fédération de la garde nationale,
00:13:10 les communards tentent une sortie sur Versailles, une sortie en masse.
00:13:14 Bon, c'est un échec cinglant.
00:13:17 Du coup, ils se replient dans la capitale en disant
00:13:20 "Bon, ben, on va se gouverner nous-mêmes".
00:13:23 Là-dessus, le second siège, le siège versaillais, commence.
00:13:27 Ils bombardent aussi.
00:13:29 Donc, les Versaillais ont plus détruit que les Prussiens.
00:13:31 C'est-à-dire qu'il y a deux fronts,
00:13:34 le front ouest, avec des duels d'artillerie très importants
00:13:39 à partir du Mont Valérien pour les Versaillais,
00:13:42 et donc les villes de Courbevoie et d'Anières sont durement touchées,
00:13:46 et Neuilly est presque en ruine.
00:13:51 Il y a un habitant de Neuilly qui tient un journal
00:13:56 et qui, dans sa demeure, a eu quand même 5 impacts directs d'obus.
00:14:02 Ça donne une idée de l'ampleur du bombardement.
00:14:06 Mais le bombardement principal, c'est au sud,
00:14:09 puisque les forts d'Issy et de Venves sont tenus par les communards,
00:14:13 et ils défendent l'accès à la capitale,
00:14:15 et puis c'est quand même la voie directe vers Versailles.
00:14:17 Donc là, c'est pareil, Issy, Mont Rouge, Venves sont très durement touchées,
00:14:22 ainsi que pour préparer l'entrée dans Paris,
00:14:25 un secteur entre la Porte de Saint-Cloud et la gare d'Auteuil.
00:14:30 Donc les Versaillais progressent lentement mais sûrement,
00:14:35 et pendant ce temps-là, dans Paris,
00:14:39 dans Paris rythmée par la guerre civile,
00:14:41 la vie s'organise, et s'organise assez bien.
00:14:45 Les Allemands qui contrôlent tout le nord,
00:14:48 le nord et l'est de la banlieue,
00:14:50 sont dans une position attentiste et laissent passer les vivres.
00:14:53 Donc il n'y a plus de problème de rationnement ou de quoi que ce soit.
00:14:57 Les Parisiens sont assez heureux parce que les rapports de domination ont changé,
00:15:02 et on n'exige plus le loyer.
00:15:04 On ne s'appelle plus monsieur-madame, on s'appelle citoyen-citoyenne,
00:15:07 le propriétaire n'a plus tous les droits, il n'y a plus de police.
00:15:12 Il y a des communards qui ont essayé de faire une police,
00:15:14 mais il faut reconnaître qu'elle est d'une inefficacité absolue,
00:15:16 ce qui, a priori, ne dérange personne,
00:15:19 et surtout pas les nombreux espions versaillais par ailleurs.
00:15:22 Mais en gros, il y a 72 jours,
00:15:26 enfin un peu moins avec les combats,
00:15:28 mais presque deux mois d'une vie pas totalement désagréable,
00:15:33 où l'on découvre une forme de liberté,
00:15:35 on se prend à espérer, etc.
00:15:37 On pourra revenir après, je pense, sur les mesures,
00:15:40 ou ce qui a été fait, pas fait.
00:15:42 Et la Commune veut marquer la ville de son empreinte,
00:15:45 mais c'est quand même toujours très lié à la guerre.
00:15:48 Par exemple, quand ils détruisent la colonne Vendôme le 16 mai,
00:15:51 c'est précisément pour s'attaquer à ce qu'ils appellent le militarisme,
00:15:55 c'est-à-dire cette violence militaire qui détruit des quartiers antiers en banlieue.
00:16:00 Donc c'est vraiment un acte politique lié à la guerre.
00:16:07 Et donc, par ailleurs, l'armée de Versailles progresse,
00:16:12 puis du coup, on peut peut-être passer à la semaine sanglante,
00:16:15 le gros morceau.
00:16:16 Oui, complètement.
00:16:18 Voilà, le gros morceau.
00:16:19 Les communards, j'insiste, y compris sous les armes,
00:16:25 ne conçoivent pas de différence entre lutter pour sa liberté,
00:16:29 exercer sa liberté.
00:16:30 Donc ils ne conçoivent pas le temps du combat
00:16:32 de mettre entre parenthèses leurs droits citoyens.
00:16:35 Donc en termes de discipline, de coordination,
00:16:38 ce n'est pas l'idéal, mais ils ne peuvent pas résonner
00:16:42 comme des moines soldats bolcheviques.
00:16:44 Pour eux, ce serait une autre planète.
00:16:46 Ils ne comprendraient pas.
00:16:47 Donc, par exemple, lorsque les Versaillais entrent dans Paris,
00:16:52 cette portion-là du rempart n'est pas gardée.
00:16:54 Il y a un traître, Ducatel, ingénieur des ponts et des chaussées,
00:16:59 qui leur dit "les gars, vous pouvez venir".
00:17:01 Les communards abandonnent très vite les quartiers de l'ouest parisiens
00:17:06 qui sont déjà plus bourgeois parce que ce n'est pas chez eux.
00:17:08 Ce n'est pas l'espace vécu, ce n'est pas leur Paris,
00:17:10 ce n'est pas leur quartier.
00:17:11 Eux, ils veulent défendre leur quartier.
00:17:13 Évidemment, Paris est couvert de barricades à ce moment-là, partout.
00:17:18 Celles de l'ouest ne sont pas défendues.
00:17:21 Et le 22 mai, dans la journée, les Versaillais exultent
00:17:26 parce qu'ils ont pris Montmartre presque sans combat.
00:17:29 Ce qui est logique, ce n'est pas très peuplé.
00:17:32 Ce n'est pas un endroit où les gens vivent en ombre et qui vont défendre.
00:17:38 Donc là, ils se disent "c'est bon, on a pris Montmartre,
00:17:40 la victoire est pour nous".
00:17:42 À cette date-là, la commune, en tant qu'organisme élu,
00:17:47 n'a plus qu'une existence virtuelle.
00:17:49 C'est-à-dire qu'elle est en train de se désagréger.
00:17:51 Chacun se bat avec ses camarades, ses proches,
00:17:54 dans son quartier, dans son arrondissement.
00:17:56 Et là, les communards mettent en pratique ce qu'ils avaient affirmé
00:18:02 dès le début.
00:18:04 Ils ont toujours été très clairs.
00:18:05 Ils ont dit "Paris sera à nous, il n'existera plus".
00:18:08 C'est-à-dire que pour eux, la ville de Paris,
00:18:11 le patrimoine parisien est moins important que la commune de Paris.
00:18:15 C'est une guerre.
00:18:16 Paris est un champ de bataille.
00:18:18 Et donc, dans ces conditions, s'il faut s'ensevelir sous les ruines
00:18:24 dans l'espoir de gagner la guerre, on le fera.
00:18:27 Et donc, cette détermination prend la forme des incendies de Paris.
00:18:33 Et ces incendies de Paris ont donc trois fonctions.
00:18:37 La première, pour reprendre les termes de Louise Michel,
00:18:41 face à ses juges, donc elle, elle a eu du courage,
00:18:43 ce n'est pas comme tous ses co-accusés hommes,
00:18:45 face à ses juges, elle dit "Oui, nous voulions opposer
00:18:48 une barrière de flammes aux envahisseurs".
00:18:50 C'est-à-dire l'incendie comme barricade enflammée
00:18:53 pour essayer de retarder l'avance des Versailles.
00:18:57 C'est par ailleurs l'incendie, quand tout est perdu,
00:19:01 une volonté de purifier l'espace public.
00:19:05 Par exemple, l'incendie des Tuileries, c'est ça.
00:19:07 C'est-à-dire plus aucun roi ne rentrera dans les Tuileries.
00:19:12 Et du coup, c'est aussi cet incendie, un dernier acte d'appropriation
00:19:17 sur la ville.
00:19:18 C'est-à-dire, c'est notre ville, si nous mourons, elle meurt avec nous.
00:19:22 Du coup, on a quand même 238 bâtiments incendiés,
00:19:26 dont les hauts lieux, l'hôtel de ville, la préfecture de police,
00:19:32 le palais de justice, les Tuileries, l'actuel musée d'Orsay,
00:19:37 des places qui sont durement incendiées, des places où on s'est beaucoup défendu,
00:19:42 Place de la République, qui à l'époque s'appelait Place du Château d'Eau.
00:19:46 Et donc, les Versaillais ont vraiment l'impression de voir Paris,
00:19:51 enfin Paris-Pompéi-sur-Seine.
00:19:53 C'est-à-dire, c'est comme une éruption volcanique.
00:19:56 Parallèlement à ça, ce qui explique aussi la détermination
00:20:00 et la volonté de vengeance des communards, c'est que les Versaillais,
00:20:05 dès le départ, quand ils rentrent dans Paris, ils fusillent sommairement.
00:20:09 Et donc, alors ça, les morts de la semaine sanglante,
00:20:12 c'est un débat éternellement recommencé.
00:20:16 Les estimations sérieuses oscillent entre 7 000 et 20 000 morts en une semaine,
00:20:22 fusillés sans jugement.
00:20:24 Alors moi, je serais plutôt sur l'estimation basse,
00:20:27 d'une dizaine de milliers de morts.
00:20:29 Mais quelle que soit l'estimation basse ou haute,
00:20:32 en fait, ce qui est important, c'est que c'est le plus grand massacre
00:20:35 de civils en Europe au 19e siècle.
00:20:37 Donc, voilà, comme ça, c'est réglé.
00:20:40 Et ce que nous dit aussi ce massacre, c'est la froide modernité de l'armée Versailles.
00:20:46 C'est pas des soldats énervés ou rendus furieux,
00:20:51 ou qu'ils se contrôlent plus.
00:20:52 Il y a des chaînes de commandement qui ordonnent ce massacre.
00:20:56 Il y a la discipline reste, il y a le rôle des officiers.
00:20:59 Et alors, par exemple, alors j'ai oublié son nom,
00:21:03 mais il y a une colonne qui progresse par le nord,
00:21:05 celle qui passe par Montmartre, et commandée par un général
00:21:08 réputé presque républicain, ce qui, à l'époque,
00:21:11 au sein des officiers de classe extrême gauche.
00:21:13 Cette colonne commandée par un général plus modéré
00:21:16 massacre beaucoup moins que des colonnes commandées
00:21:19 par des généraux réactionnaires ou bonapartistes.
00:21:23 Et donc, le 28 mai, c'est la fin des combats,
00:21:29 la dernière barricade vers Belleville.
00:21:34 Il y a plusieurs possibilités.
00:21:36 Et donc, on a une ville en cendres,
00:21:41 enfin, une ville en cendres particulièrement atteinte.
00:21:44 On a des milliers et des milliers de morts communards.
00:21:49 Et une révolution, évidemment, qui est balayée
00:21:53 au profit de l'ordre le plus réactionnaire.
00:21:56 C'est-à-dire que ce qui est intéressant, c'est que, d'un côté,
00:22:01 ce sont les éléments les plus réactionnaires
00:22:03 ou conservateurs du régime de Versailles qui étaient à la manœuvre,
00:22:07 donc des monarchistes ou Adolphe Thiers,
00:22:09 qui n'était pas un tendre, loin de là.
00:22:11 Mais, pour la suite des événements,
00:22:13 les républicains dits modérés, ce qu'on appelle les Jules,
00:22:17 Jules Ferry, Jules Favre, Jules Simon,
00:22:20 les républicains modérés, ils suivent cette répression,
00:22:26 ils sont d'accord.
00:22:27 Et pour eux, c'est important parce que, du coup,
00:22:30 en massacrant la République sociale,
00:22:33 les républicains modérés montrent qu'ils sont des hommes d'ordre
00:22:36 et pas d'affreux oseaux avec un bonnet phrygien.
00:22:38 Et ça, pour la suite des événements, pour la plupart, c'est important.
00:22:42 Et du coup, s'achève ce qui est, pour terminer,
00:22:45 une guerre civile entre deux formes de républiques.
00:22:48 Il y a la République sociale d'un côté,
00:22:51 et puis la République de Versailles, République étrange.
00:22:55 Le grand historien de la République, Maurice Agullon,
00:22:58 aurait dit pour 48, mais c'est valable,
00:23:00 "une république involontaire".
00:23:02 Bon, ils n'en voulaient pas, mais ils l'ont, alors ils font avec.
00:23:05 Mais en tout cas, c'est une guerre civile entre deux formes de républiques
00:23:08 qui s'achève par l'écrasement de la République sociale,
00:23:12 cette république qui était née en 1792.
00:23:14 On a bien compris les enjeux de la Commune de Paris.
00:23:20 Quand la France perd face à la Prusse,
00:23:24 est-ce qu'il n'y a qu'à Paris, finalement, qu'il y a un élan comme ça,
00:23:27 ou est-ce qu'on voit des communes spontanément jaillir
00:23:32 à droite à gauche sur le territoire ?
00:23:34 Il y a beaucoup d'effervescence républicaine.
00:23:40 Déjà, le 4 septembre 1870 fait intéressant,
00:23:44 la province n'attend pas que Paris proclame la République.
00:23:47 Elle la proclame en même temps, et il semblerait qu'à Lyon,
00:23:50 il est même proclamé quelques heures d'avance,
00:23:52 ce qui n'était pas le cas avant.
00:23:54 Ensuite, en province, il y a beaucoup d'éléments républicains,
00:23:58 ce qu'on appelle avancés, donc à priori plutôt favorables à la Commune,
00:24:03 mais il y a peu de communes de province parce qu'il n'y a pas eu de siège.
00:24:07 On voit à quel point le siège de Paris a soudé la population.
00:24:10 Les communes de province durent quelques heures, quelques jours.
00:24:14 Quelques heures, c'est le Creusot, Toulouse, Saint-Étienne.
00:24:19 Quelques jours, c'est Lyon ou Marseille.
00:24:22 Et puis, le record en province, c'est Narbonne, une semaine.
00:24:28 Ils en sont toujours très fiers, à Narbonne, du reste.
00:24:31 Et pour la suite des événements, effectivement,
00:24:37 le sort de la Commune de Paris se jouait paradoxalement en province.
00:24:41 C'est-à-dire que sans l'appui des républicains de province,
00:24:45 à terme, on ne voit pas trop comment la Commune aurait pu s'en sortir.
00:24:49 Et ces républicains de province sont extrêmement embarrassés
00:24:52 parce que, précisément, c'est une république qui a été proclamée le 4 septembre
00:24:57 et qu'ils sont assez légalistes.
00:25:00 C'est-à-dire que pour eux, les communards vont trop loin.
00:25:03 Il faut sauver l'essentiel, c'est-à-dire le fait que la république tant attendue
00:25:07 ait été proclamée. Du coup, ils ne bougent pas.
00:25:09 Alors qu'il y avait vraiment des forces républicaines très puissantes,
00:25:13 notamment dans la moitié sud et sud-ouest de la France.
00:25:19 Mais sinon, il y a... Ah, c'est des communes étranges.
00:25:23 Il y a la Commune d'Alger en 1871,
00:25:27 qui a des éléments très républics sociaux sur l'égalité de la citoyenneté.
00:25:33 Par ailleurs, c'est aussi une commune de colons.
00:25:36 Donc, évidemment, ils ont en ligne de mire la grande révolte algérienne
00:25:42 qui a lieu au même moment de Helmokrani.
00:25:46 L'Algérie, c'est très différent parce que, par exemple,
00:25:51 pour les colons civils, les militaires sont trop souples
00:25:56 et trop accommodants avec les indigènes.
00:25:59 Donc, tu vois, ça crée des situations qui auraient été inconcevables pour les Parisiens.
00:26:03 Mais en tout cas, à Alger, il y a bien des colons qui ont fait un truc qui s'appelle une commune.
00:26:07 Mais c'était quand même très spécifique.
00:26:10 Et voilà, il y a eu beaucoup de frémissements,
00:26:15 mais qui n'ont pas duré dans plein de petits bourgs ou villages de province.
00:26:19 Mais ça n'a pas duré.
00:26:20 Et il n'y a pas eu de résurgence à une fois que la Commune de Paris a été matée,
00:26:24 dans les différentes villes, en se disant "Eh, c'était un espoir, peut-être qu'on peut faire quelque chose aussi".
00:26:29 Tout le monde est rentré dans le rang.
00:26:30 Oui, tout le monde est rentré dans le rang parce que, d'abord, c'est le contexte.
00:26:35 Ce que Victor Hugo a appelé à juste titre "l'année terrible".
00:26:38 Et à un moment, on veut en sortir.
00:26:40 Et du coup, tout le monde est maté.
00:26:47 Le régime en place peut quand même s'appuyer sur le fait qu'il a été élu.
00:26:52 Adolf Tiers, qui est un type très dur, mais aussi un très fin politique,
00:26:58 négocie une paix.
00:27:00 Une fois qu'on a admis qu'on a perdu l'Alsace-Lorraine,
00:27:03 pour le reste, avec les Allemands, il négocie des conditions relativement favorables.
00:27:08 Donc, en fait, ça fait un peu passer la pilule, ça aurait pu être pire.
00:27:12 Après, la Commune, c'est silence dans les rangs,
00:27:15 mais une bonne partie de la France reste en état de siège.
00:27:18 Paris, jusqu'en 1876, est en état de siège.
00:27:22 Et l'état de siège est aussi proclamé dans plusieurs régions de province réputées rouges.
00:27:28 Et alors, aujourd'hui, si on parle de la Commune de Paris aussi,
00:27:34 c'est que ça a laissé une empreinte extrêmement forte,
00:27:37 notamment dans certains milieux politiques,
00:27:40 plutôt ancrés à gauche, d'ailleurs.
00:27:43 Pourquoi, justement, cette Commune, elle a autant marqué ?
00:27:47 On va avoir des questions un peu plus précises par la suite,
00:27:50 mais de façon générale, pourquoi est-ce qu'il y a cet héritage, on va dire, de la Commune, et quel est-il ?
00:27:56 Il y a un premier héritage qui est précisément son martyr.
00:28:01 C'est-à-dire, on peut honorer et perpétuer le souvenir des martyrs,
00:28:08 de martyrs morts pour une juste cause,
00:28:11 qui parlent aux différents révolutionnaires français, qui est la République sociale.
00:28:16 Et ça permet aussi aux révolutionnaires en France de s'opposer à la Troisième République,
00:28:22 qui est quand même, elle aussi, née de la répression de la Commune.
00:28:26 Donc, il y a ce phénomène-là.
00:28:30 Et ensuite, au-delà du XIXe siècle, le fait marquant, c'est aussi Karl Marx.
00:28:36 C'est-à-dire, en 1871, il rédige un très court, mais très percutant pamphlet
00:28:43 qui s'appelle « La guerre civile en France »,
00:28:46 qui est rempli de formules et d'aphorismes chocs.
00:28:50 Je crois qu'on dit aujourd'hui que c'était le roi de la punchline.
00:28:52 Alors, évidemment, Marx, on ne l'associe pas trop à ça,
00:28:54 mais en fait, il était redoutable, Karl.
00:28:56 Redoutable, il avait le sens de la formule.
00:28:58 Il pouvait vous flinguer en deux phrases.
00:29:00 Et dans « La guerre civile en France », c'est un pamphlet remarquablement efficace.
00:29:04 Et surtout, Marx dit, en gros, « La Commune annonce les révolutions à venir ».
00:29:10 Moi, je vous dis, c'était imparfait, c'était arrivé trop tôt,
00:29:14 ils ont fait des erreurs, mais bon, ils étaient glorieux,
00:29:17 et ils annoncent les révolutions futures.
00:29:19 Là-dessus, tout le monde embraye,
00:29:21 même des gens qui ne sont pas marxistes.
00:29:23 Louis Michel, qui est anarchiste,
00:29:25 tient exactement le même discours en disant « Oui, la Commune nous montre la voie ».
00:29:30 Donc, ça, ça contribue à entretenir une mémoire vive de la Commune,
00:29:35 mais moi aussi, qui s'oppose du coup au consensus des Républicains modérés.
00:29:39 Parce que les Républicains modérés, avec la Commune,
00:29:41 ils ne peuvent pas créer du consensus.
00:29:44 Ce n'est pas possible.
00:29:45 Elle échappe à cette volonté de pacification ou d'apaisement.
00:29:48 En 1880, les Républicains modérés, dès qu'ils sont au pouvoir,
00:29:54 proposent au communard « l'amnistie oublie ».
00:29:57 C'est-à-dire, en gros, ceux qui étaient en déportation au Nouvel Caledonie,
00:30:01 ceux qui étaient en exil, vont rentrer, mais tout est oublié, on n'en parle plus.
00:30:06 « Non, ça ne marche pas du tout. »
00:30:07 Louis Michel, dès qu'elle est rentrée, elle fait trois meetings, ça le comble.
00:30:12 Et donc, c'est aussi un moyen de s'opposer à cette forme de République modérée.
00:30:16 Et puis, au fil du temps, quand se développe le communisme,
00:30:22 donc là, il faut partir à Moscou,
00:30:25 Lénine et Trotsky reprennent les analyses marxistes,
00:30:30 et pour eux, la Commune, ça sert à justifier leur propre politique.
00:30:35 En gros, ils disent « Bon, la Commune, c'était très bien,
00:30:39 parce que c'était le premier gouvernement de la classe ouvrière, comme l'a dit Marx, super.
00:30:43 Mais, dit Lénine, elle était trop petite bourgeoise,
00:30:47 trop patriote, trop modérée, trop indisciplinée. »
00:30:51 Là-dessus, Trotsky renchérit « Ah oui, ça, elle était indisciplinée, et elle était faible.
00:30:55 Nous, on va la venger. On aura, je le cite, une implacable discipline de parti, et nous serons forts. »
00:31:01 Ce qu'il a fait, du reste.
00:31:03 Et du coup, la Commune de Paris devient centrale dans la propagande communiste internationale.
00:31:13 Lénine, au début, sa momie, elle est drapée d'un authentique étendard de la Commune de Paris,
00:31:18 qu'a offert le PCF, c'est pas rien.
00:31:22 Donc, dans l'entre-deux-guerres en France, le Parti communiste français,
00:31:25 qui est particulièrement subversif à ce moment-là, avant le Front populaire,
00:31:29 il est à la limite de la légalité, s'approprie la Commune,
00:31:33 qui du coup devient vraiment un marqueur de radicalité politique à l'extrême-gauche.
00:31:39 Et pendant le Front populaire, elle est réemployée par les communistes comme élément d'unité.
00:31:47 Et donc là, on a des moments mémorables,
00:31:51 défilé de 1936, 600 000 personnes au Père Lachaise.
00:31:57 Et là, on voit, avec Léon Blum à la tête du cortège juste avant de gouverner,
00:32:03 on voit la Commune extrêmement présente.
00:32:07 Et puis alors, après la guerre, ça décline, parce qu'après la Seconde Guerre mondiale,
00:32:11 les communistes, notamment, ils ont mieux, ils ont la résistance.
00:32:15 C'est plus récent, il y a autant de martyrs, et en plus, c'est une victoire, ce qui est pas mal.
00:32:20 Donc en fait, la mémoire de la Commune passe vraiment au second plan,
00:32:25 au profit de la mémoire du parti des 75 000 fusillés,
00:32:30 le parti des résistants, etc., qui est employé en ce sens.
00:32:35 Et puis après, elle disparaît jamais totalement.
00:32:38 C'est ça qui est bien avec la mémoire de la Commune, c'est qu'elle revient et qu'on ne s'y attend pas.
00:32:42 Elle revient en mai 68, le centenaire de 1971, c'est assez rock'n'roll.
00:32:50 Il y a un groupe formé des éléments, différents groupes d'extrême-gauche,
00:32:56 qui s'appellent la Commune vivante, qui veut prendre la Butte-Montmartre
00:33:00 et qui s'affrontent avec la police vers Barbès toute la nuit.
00:33:04 Dans les manifs, à ce moment-là, ils disent plus CRSSS, mais CRS Versaillais.
00:33:11 Et puis alors, après 71, ça décline.
00:33:16 Il n'y a plus grand-chose.
00:33:21 Et puis ça revient, on ne sait pas pourquoi.
00:33:25 Elle ne peut pas disparaître, peut-être que la question n'est pas réglée.
00:33:29 Elle revient dans les années 2010, on voit des références à la Commune,
00:33:33 j'avais vu ça moi, la loi travail.
00:33:36 En gros, dans tout ce qui est cortège de tête en manifestation,
00:33:39 ça arrive assez vite, la Commune.
00:33:43 Dans l'université, sur le site universitaire de Tolbiac,
00:33:48 lors d'un mouvement étudiant, je ne sais jamais si c'est 2016 ou 2018,
00:33:52 je crois que c'est 2018, voilà.
00:33:54 En 2018, les occupants se sont spontanément appelés la Commune de Tolbiac.
00:34:00 Ça revient régulièrement, c'est un marqueur de radicalité, ça ancre à gauche.
00:34:08 Ça ancre à gauche, mais il y a quand même, peut-être rapidement,
00:34:13 ce qui est rigolo, c'est que la Commune, à gauche, c'est aussi un enjeu mémoriel.
00:34:17 On a les Noirs et les Rouges qui se tirent un peu la couverture.
00:34:21 Communistes et anarchistes, pourquoi ? Quel est l'enjeu de cette lutte-là ?
00:34:27 Déjà, les communistes et les anarchistes, surtout après Kronstadt ou Macnau,
00:34:32 ils peuvent facilement s'engueuler.
00:34:35 Oui, parce qu'en fait, les anarchistes, à mon sens, à juste titre,
00:34:39 voient dans la Commune quelque chose de profondément libertaire dans son fonctionnement.
00:34:44 Donc, ils estiment que c'est quand même un peu leur mémoire.
00:34:51 Également, ils sont embêtés par le côté un peu patriotique, des choses comme ça,
00:34:55 mais ils estiment que c'est leur mémoire.
00:34:57 Sauf que les communistes, on l'a vu, ont réussi une appropriation de Karl Marx
00:35:04 à Lénine, en passant par Trotsky, de cet événement.
00:35:07 Et donc, la question fondamentale, en gros, c'est,
00:35:10 est-ce qu'il aurait fallu que la Commune ait une très forte discipline en interne ?
00:35:16 Là-dessus, je suis formel, les communards ne l'auraient jamais accepté pour gagner.
00:35:22 Et donc, en gros, les anarchistes reprochent aux communistes
00:35:25 de dénaturer le sens de la Commune.
00:35:28 Les communistes reprochent aux anarchistes de s'enfermer dans des vieilles lunes
00:35:32 qui ne peuvent qu'amener que des défaites à répétition.
00:35:35 Et du coup, effectivement, ils se tirent la bourre.
00:35:39 Et en 1971, c'est assez intéressant, parce que là, c'est l'extrême-gauche non-communiste
00:35:44 qui a le vent en poupe.
00:35:46 Parce que les communistes, en 1971, ils sont, lors du centenaire,
00:35:51 ils sont un peu réduits à une commémoration stérile autour des morts.
00:35:55 Ils ne savent plus quoi inventer.
00:35:56 Alors que l'inventivité autour de la Commune,
00:35:58 qui déborde de la commémoration au Père Lachaise,
00:36:01 elle est vraiment du côté de ces groupes d'extrême-gauche
00:36:04 nés dans la mouvance 1968.
00:36:08 Pour ceux qui veulent en savoir un petit peu plus,
00:36:11 je vous rappelle que sur la chaîne YouTube,
00:36:14 on a fait une grosse vidéo sur McNo, Kronstadt.
00:36:17 Ça s'appelle très subtilement "Anarchistes vs. Communistes".
00:36:21 Donc vous pourrez aller voir la vidéo.
00:36:24 Oui, surtout que c'est des épisodes vraiment très importants et très intéressants.
00:36:30 Le pauvre McNo, qui a fini sa vie à Boulogne-Billancourt, aux usines Renault.
00:36:35 Aussi pour ceux qui se reposent des questions sur la Commune en tant que telle,
00:36:38 lundi prochain, c'est vrai que c'est bête, ça arrive après ce live,
00:36:42 mais on a un épisode de 40 minutes qui arrive sur la chaîne YouTube Nota Bene sur la Commune.
00:36:46 Donc vous pourrez vous remettre dans le bain du contexte,
00:36:49 de comment ça s'est déroulé, et un petit peu de son héritage.
00:36:53 Pour en revenir à cet héritage, justement,
00:36:55 est-ce qu'il y a un héritage, on va dire, législatif de la Commune ?
00:37:03 Est-ce qu'il y a quelque chose qui a pu rester, et au-delà d'un héritage législatif,
00:37:09 est-ce qu'il y a des choses qui, immédiatement, sont reprises dans la Troisième République,
00:37:13 en se disant "Bon, ça c'était pas... Non, rien du tout." ?
00:37:16 Alors honnêtement, non, non, rien du tout.
00:37:19 Politiquement, cette volonté de tendre vers une forme de démocratie directe,
00:37:24 les Républicains modérés, alors qu'ils se sont longtemps posé la question
00:37:28 de la place du député par rapport aux électeurs,
00:37:31 les Républicains modérés décident d'être modérés,
00:37:34 et donc optent pour un système vraiment parlementaire.
00:37:37 C'est-à-dire, ce qu'on connaît, on élit un député pour 5 ans,
00:37:41 et après on attend 5 ans, pas de contrôle, rien.
00:37:43 Ça a longtemps été pas évident pour les Républicains,
00:37:45 mais là c'est quand même l'inverse, c'est l'expérience de la Commune
00:37:47 qui les pousse vers cette forme-là de représentation du vote populaire.
00:37:53 Les communards sont évidemment totalement anticléricaux,
00:37:57 et alors ça, c'est un point en commun qu'ils ont avec les Républicains modérés.
00:38:02 En ce temps-là, en tout cas avant la loi de 1905 sur la séparation de l'Église et de l'État,
00:38:07 pour savoir si quelqu'un est à gauche ou pas,
00:38:10 le marqueur de l'anticléricalisme est le bon.
00:38:13 Donc là-dessus, les Républicains modérés, évidemment, ils peuvent pas être contre,
00:38:20 et donc dans une certaine mesure, la loi de 1905 reprend ce qu'avait fait la Commune,
00:38:28 c'est-à-dire l'expulsion de l'Église des espaces publics,
00:38:33 mais les Républicains modérés n'avaient pas besoin des communards pour ça,
00:38:37 ils étaient déjà de toute façon anticléricaux.
00:38:41 Sur l'enseignement non plus, parce que la Commune a proclamé,
00:38:47 mais sans avoir eu le temps de mettre en œuvre,
00:38:50 une éducation gratuite, laïque, publique et intégrale,
00:38:55 c'est-à-dire que l'enseignement professionnel était pour tout le monde,
00:38:58 ce qui est intéressant quand on voit les séparations entre filières aujourd'hui,
00:39:02 mais l'école de Jules Ferry, gratuite, laïque, publique,
00:39:06 c'est pas du tout le même état d'esprit.
00:39:09 Jules Ferry, c'est aussi une volonté de séparer l'école pour tous populaire,
00:39:14 qui s'arrête en gros au certificat d'études à la fin de l'école primaire,
00:39:18 et puis une école beaucoup plus élitiste, collège et lycée,
00:39:22 qui s'adresse aux enfants de la bourgeoisie,
00:39:25 et puis à une poignée de bons élèves sortis du lot.
00:39:28 Ça, c'était pas non plus l'esprit des communards.
00:39:30 Donc non, non, non, des lois de la Commune, ou de l'héritage de la Commune,
00:39:35 il n'y a presque rien qui est repris immédiatement,
00:39:40 mais ce qui est étrange, c'est que certains communards,
00:39:45 quand ils rentrent d'exil, ils sont pas rancuniers,
00:39:48 parce qu'ils voient que la République est proclamée, elle est toujours là,
00:39:51 ils y croient encore, ils croient encore que la République va magiquement les émanciper.
00:39:56 Bon, évidemment, ils reviennent et ils se disent "non, finalement, c'est une autre forme de République".
00:40:00 Mais non, il n'y a pas de loi qui reste comme ça, ou qui sont reprises très vite.
00:40:05 Je rebondis là maintenant dessus, parce que j'ai oublié de le poser avant,
00:40:08 je parlais de Marx alors que tu me tendais une formidable perche,
00:40:10 mais c'est vrai que sur les réseaux, on a eu énormément de questionnements,
00:40:14 quand il y a eu la figure de Marx qui a été invoquée,
00:40:19 autour de sa critique de la Commune, notamment vis-à-vis de la Banque de France.
00:40:23 Est-ce que tu as des choses à dire là-dessus ?
00:40:24 Parce qu'effectivement, la Banque de France, c'est une institution qui,
00:40:28 durant la Commune, n'a pas été attaquée par les communards,
00:40:33 de façon, à postériori, aujourd'hui, on pourrait se dire étonnante.
00:40:37 Étonnant et pas si étonnant que ça.
00:40:40 La Banque de France a quand même négocié de passer des liquidités.
00:40:43 C'est pareil, le gouverneur de la Banque de France n'était pas totalement idiot,
00:40:48 donc il a négocié fermement, mais il a réussi à négocier.
00:40:51 En gros, la Commune n'a jamais manqué d'argent pour l'effort de guerre, par exemple.
00:40:56 Donc, on ne peut pas imputer la défaite militaire de la Commune à ça.
00:41:02 On a dit "oui, mais s'ils avaient pris l'ordre de la Banque de France,
00:41:04 ils auraient pu faire leur programme social".
00:41:07 Oui, alors des réformes sociales en pleine guerre, c'est pareil.
00:41:10 C'est bon, compliqué.
00:41:12 Marx a dit que s'ils avaient saisi l'ordre de la Banque de France,
00:41:18 ça aurait valu mieux que tous les otages qu'ils avaient pris.
00:41:22 Oui, mais l'or, ils allaient faire quoi ? Le jeter dans la selle ?
00:41:26 Enfin, et les titres, c'est quand même de la monnaie papier.
00:41:30 De ce point de vue-là, c'est un peu compliqué, mais en gros, pour Marx,
00:41:36 c'est la preuve de l'inaccomplissement de la Commune,
00:41:39 c'est-à-dire effectivement trop modéré et en gros, qu'il n'avait pas lu Marx,
00:41:44 c'est-à-dire qu'il n'avait pas compris l'importance des superstructures économiques.
00:41:48 Là-dessus, d'autres qui ne sont pas marxistes ont embrayé à la suite de Marx,
00:41:53 comme Lissagaraï, qui est un ancien communard, un des premiers historiens de la Commune.
00:41:58 En 1876, il écrit une très belle « Histoire de la Commune ».
00:42:02 Bon, alors, c'est un peu romancé, mais ça se lit bien, on ne s'ennuie pas,
00:42:07 on est dans l'ambiance.
00:42:09 Et lui, il reprend en fait cette critique.
00:42:13 En fait, ça, c'est les anciens communards qui, a posteriori, se disent
00:42:18 « Ouais, on a été trop modérés, on aurait dû faire ça ».
00:42:20 Mais sur le moment, ils ne l'ont pas fait pour une raison assez simple,
00:42:25 c'est que Paris entend se gouverner elle-même et elle seule,
00:42:31 c'est-à-dire que la souveraineté des Parisiens ne s'étend pas à la nation entière.
00:42:35 Et donc, ces communards qui veulent faire la Commune de Paris,
00:42:40 et ça aussi dans la négociation avec la province, c'était pas idiot, disent
00:42:44 « Non mais, lors de la Banque de France, c'est lors de la France.
00:42:48 Ce n'est pas à nous. Paris, c'est à nous. Lors de la France, c'est à la France.
00:42:53 Donc, on n'a aucune légitimité, en fait, à s'en emparer ou quoi que ce soit.
00:42:59 Ce n'est pas comme ça qu'on fonctionne.
00:43:02 Mais après, oui, c'était l'une des critiques principales faites à la Commune
00:43:09 en termes de modération, mais ce n'est pas ça qui les a fait perdre.
00:43:13 L'argent, ils l'avaient.
00:43:14 Mais en termes de propriété qui disparaît en fumée,
00:43:18 il y a un fait qui est un peu moins connu, c'est que l'un des premiers incendies,
00:43:22 c'est l'incendie du ministère des Finances, qui était à l'époque rue de Rivoli près du Louvre.
00:43:28 Et là, c'est plus compliqué parce que là, il y a quand même entreposé
00:43:34 les livres qui consignent les emprunts d'État, c'est-à-dire en gros l'épargne des propriétaires.
00:43:41 C'est-à-dire l'une des principales épargnes à l'époque était d'acheter des emprunts d'État
00:43:47 et puis l'État vous remboursait des intérêts.
00:43:49 Alors là, c'est très embêtant parce que littéralement, les Parisiens voient la propriété partir en fumée.
00:43:54 Donc, il y a des monceaux de papier en train de se carboniser qui s'échappent du ministère des Finances.
00:44:02 On retrouve des fragments brûlés portés par le vent jusqu'à Poissy dans les Yvelines.
00:44:07 Donc là, la bourgeoisie a littéralement cru voir la propriété partir en fumée.
00:44:11 Mais que les possédants se rassurent, un employé zélé a quand même réussi à sortir les 17 volumes
00:44:21 consignant les emprunts d'État juste avant l'incendie.
00:44:24 C'est fort.
00:44:25 Ouais, c'est fort.
00:44:26 Mais là, si j'ai tout compris, ça aurait pu être un peu plus technique pour les rentiers
00:44:29 si tout avait cramé parce qu'il n'y avait pas des doubles partout.
00:44:32 Mais là, c'était involontaire et dans le feu des combats.
00:44:36 Mais là, la propriété de fait a été durement menacée.
00:44:40 Et du coup, vu qu'ils avaient cette volonté autonome de Paris,
00:44:46 en fait on retrouve un peu les mêmes choses sous Makhno avec les communautés autonomes là-bas et tout,
00:44:51 ils n'avaient pas de revendications, par exemple sur les colonies,
00:44:55 ils n'avaient pas de position spéciale ou autre.
00:44:59 C'était vraiment Paris.
00:45:00 Ah oui, c'est vraiment Paris.
00:45:03 Les colonies, c'est l'impensé, ça ne les concerne pas.
00:45:07 L'Empire colonial français sous Napoléon III est en expansion,
00:45:10 mais ce n'est pas celui qu'on a en 14 qui est beaucoup plus massif,
00:45:13 visible, présent dans le quotidien des Français.
00:45:17 Et puis même le reste de la France ne savent pas trop quoi faire
00:45:20 parce que pour la première fois, Paris ne proclame pas le régime pour tout le pays.
00:45:26 Mais en même temps, c'est quand même les héritiers des Jacobins,
00:45:29 donc qu'est-ce qu'on fait, etc.
00:45:31 Donc ils proposent aux communes de France de s'organiser en une forme de fédération de communes
00:45:36 au sein de laquelle Paris aurait quand même un rôle un peu particulier.
00:45:40 Mais c'est assez ébauché, c'est plutôt du bricolage.
00:45:44 Ils improvisent, ils ne savent pas trop quoi faire.
00:45:46 Comme le rappelle, chers camarades dans le chat,
00:45:49 Karl, le mot d'eau, n'oubliez pas d'aller voir les chaînes de L'Histoire trouve toujours un chemin,
00:45:55 qui a notamment une vidéo sur Louise Michel.
00:45:58 On en refera nous aussi un de ces quatre sur Nota Bene.
00:46:01 Mais L'Histoire trouve toujours un chemin qui a collaboré,
00:46:03 et effectivement qui a préparé cette vidéo de La Commune avec nous,
00:46:06 qui sort la semaine prochaine.
00:46:08 On a aussi les vidéos de Sur le Champ, notamment avec les barricades de La Commune.
00:46:13 Et puis, bien évidemment, les vidéos de La Petite Voix et de Bolche-Guic.
00:46:17 Tout ça est trouvable sur leur chaîne.
00:46:20 On a Axel Chagnon sur Facebook qui nous demande pourquoi est-ce que La Commune,
00:46:27 elle reste dans les esprits, dans les livres,
00:46:30 plus finalement que certains autres soulèvements du 19e,
00:46:34 comme 1848, 1832, début 20e, les révoltes des unions, etc.
00:46:39 C'est assez intéressant parce qu'effectivement,
00:46:42 je vois qu'on me dit "ah mais La Commune est oubliée".
00:46:45 Donc moi je passe ma vie à tomber sur des gens qui me disent que La Commune est oubliée.
00:46:48 Donc je commence à me demander si elle est si oubliée que ça.
00:46:51 Mais je leur dis non, elle n'est pas si oubliée que ça,
00:46:53 parce qu'effectivement, les révolutions de 1848,
00:46:57 février et juin, sont quand même beaucoup plus dans l'ombre,
00:47:00 alors qu'elles portaient les mêmes enjeux.
00:47:02 La République sociale contre la République conservatrice,
00:47:05 le citoyen insurgé...
00:47:07 Alors, c'est oublié, alors 1848 c'est d'autant plus étonnant
00:47:10 que c'est quand même l'avènement du suffrage universel masculin.
00:47:14 1832, c'est une insurrection de quelques jours dans Paris,
00:47:21 mais qui aurait pu être beaucoup plus célèbre,
00:47:25 puisque c'est quand même l'insurrection que l'on voit dans "Les Misérables" de Victor Hugo.
00:47:30 Quand Gavroche meurt sur la barricade, c'est ça,
00:47:33 c'est les barricades de juin 1832 à Paris.
00:47:38 Et donc, il y a plusieurs explications.
00:47:41 D'abord La Commune, c'est la dernière qui clôt ce cycle de révolution.
00:47:46 Donc, en fait, elle peut à elle seule résumer les enjeux de 1832, 1848.
00:47:53 Il y a beaucoup plus de morts aussi, ça aide si j'ose dire.
00:47:58 Il y a, ne l'oublions pas, même si c'est plus tardif,
00:48:02 plus pour le XXème siècle, le poids du marxisme et des communistes.
00:48:06 Alors, pour la révolte des Vignerons de 1907,
00:48:10 je nuancerai un peu régionalement le fait qu'elle soit inconnue.
00:48:14 Alors, peut-être que pour ceux qui nous suivent, un bref rappel des Vignerons.
00:48:18 Alors, c'est une révolte qui a lieu dans le Languedoc-Viticol en 1907.
00:48:22 Le Languedoc est confronté à une très grave crise économique,
00:48:26 puisque le phylloxéra, de mémoire, je ne suis pas spécialisé en vignobles,
00:48:30 a détruit les vignes d'une part.
00:48:33 Et d'autre part, il y a aussi la concurrence des vins importés.
00:48:39 Et donc, le Languedoc est sinistré.
00:48:43 C'est une révolte régionale interclassiste,
00:48:47 puisqu'on va trouver les négociants en vin et les ouvriers en vin ensemble.
00:48:52 Et donc, il y a un côté un peu le sud contre le nord qui est très présent.
00:48:59 Et du coup, le Languedoc est quasiment en état d'insurrection.
00:49:03 On est vraiment à la limite de l'insurrection.
00:49:05 Et dans la région, en gros, Narbonne, Montpellier, Béziers,
00:49:12 ils s'en souviennent très bien.
00:49:14 C'est-à-dire qu'il y a quand même une mémoire régionale extrêmement forte.
00:49:17 Et puis, au-delà de cette région, on la connaît par un épisode
00:49:21 que j'ai étudié dans un de mes bouquins,
00:49:24 qui est la mutinerie des hommes du 17ème de ligne
00:49:27 qui ont refusé la perspective de tirer sur leurs proches
00:49:32 et qui se sont involtés pendant 48 heures.
00:49:35 Et ça donnait lieu à une chanson de Montéhus,
00:49:40 le chant du 17ème "Salut à vous, salut à vous, bravo piou piou" du 17ème.
00:49:46 C'est vrai que la révolte des vignerons du Languedoc en 1907,
00:49:50 elle est moins connue, sauf dans tout le Languedoc,
00:49:55 où c'est quand même une mémoire extrêmement importante.
00:49:58 On nous dit qu'un des responsables, c'était aussi le Mildieu,
00:50:00 qui était responsable de, entre autres,
00:50:03 c'est un des paramètres de la grande famine irlandaise,
00:50:06 aussi saleté de Mildieu.
00:50:08 On a le Jules 973 qui nous demande
00:50:13 pourquoi l'insurrection de quelques centaines de milliers de parisiens,
00:50:16 auxquels la grande majorité des français d'alors s'opposent,
00:50:19 est-elle aujourd'hui encore lue comme une expérience démocratique ?
00:50:22 Pour les raisons que j'avais un peu évoquées,
00:50:25 c'est-à-dire que beaucoup de français sont attentistes,
00:50:29 quand même ils sont un peu embêtés,
00:50:31 surtout la grande expérience démocratique,
00:50:33 c'est qu'ils s'emparent de la souveraineté
00:50:36 dans un espace qu'ils veulent autonome,
00:50:38 et ils se gouvernent tout seuls.
00:50:40 Donc de ce point de vue-là, il y a un côté démocratique,
00:50:43 surtout il y a un conflit de légitimité démocratique.
00:50:47 Nous avons deux assemblées élues en guerre,
00:50:51 une qui gouverne au nom de la France,
00:50:53 et l'autre qui gouverne au nom de Paris.
00:50:55 Donc en gros, de ce point de vue-là, c'est très clairement démocratique,
00:51:00 et ça pose la question de ce que l'on entend par démocratie,
00:51:05 c'est la question de la représentation
00:51:07 et de la délégation de souveraineté.
00:51:09 C'est-à-dire, est-ce qu'une fois qu'on a voté pour quelqu'un,
00:51:11 on lui donne les pleins pouvoirs pour la durée de son mandat,
00:51:13 ou est-ce que d'une façon ou d'une autre,
00:51:15 on intervient encore dans la vie politique en tant que citoyen ?
00:51:18 Et là-dessus, la Commune répond,
00:51:19 "Bah non, on intervient encore dans la vie politique en tant que citoyen."
00:51:22 Oui, il y a une question d'ailleurs en ce sens, Dark Ghost,
00:51:26 juste entre parenthèses, on a Bioszemski,
00:51:29 il y a "bio" dans son pseudo,
00:51:30 donc je pense qu'il s'y connaît un peu en bio,
00:51:32 et puis, rien à voir le mildiou, c'est deux phytopathogènes différents.
00:51:36 Voilà, donc désolé, mea culpa, voilà.
00:51:39 Corrigeons, corrigeons.
00:51:41 Dark Ghost, donc, il dit justement,
00:51:43 "Est-ce qu'il n'est pas paradoxal de commémorer une insurrection
00:51:46 contre un gouvernement légitimement élu ?"
00:51:49 On ne commémore pas les révoltes de Vendée,
00:51:51 d'autant qu'avant la Commune,
00:51:52 les partis ouvriers avaient perdu les élections.
00:51:55 Oui, mais alors, c'est aussi la question du contexte des élections.
00:51:59 C'est-à-dire que des élections organisées à la va-vite,
00:52:02 des monarchistes qui arrivent alors que personne ne les attendait
00:52:06 parce qu'ils font campagne pour la paix,
00:52:08 et donc la question de la légitimité réelle de cette Assemblée,
00:52:12 au-delà du, comment dire, coup électoral réalisé par les monarchistes,
00:52:17 se pose très vite.
00:52:18 Et dès la fin de la Commune, à chaque élection partielle,
00:52:21 elles sont nombreuses,
00:52:23 les forces conservatrices ou réactionnaires perdent systématiquement.
00:52:27 Donc il y a aussi la question d'une Assemblée élue
00:52:30 dans des conditions extrêmement spécifiques,
00:52:33 et que la Commune du coup conteste.
00:52:38 Et de fait, la Commune, j'insiste,
00:52:43 la mémoire de la Commune reste une mémoire conflictuelle
00:52:45 qui n'a quasiment jamais été commémorée officiellement
00:52:48 par aucun gouvernement républicain.
00:52:51 Le seul exemple, à ma connaissance,
00:52:54 étant en mai 1981, le Premier ministre de l'époque, Pierre Monroi,
00:52:59 qui se rend au mur des fédérés,
00:53:01 c'est la seule fois qu'un chef de gouvernement en exercice
00:53:03 a rendu ainsi hommage aux communards.
00:53:06 Donc non, la Commune, c'est une autre forme d'expérience démocratique,
00:53:10 qui n'est pas celle admise aujourd'hui de la démocratie représentative,
00:53:14 mais qui honnêtement, se tient à mon sens également.
00:53:18 On a une question dans le chat en disant
00:53:21 "Est-ce que vous pourriez nous parler un peu plus du Sacré-Cœur ?"
00:53:24 et ça fait écho à une question un peu provoquante
00:53:27 qu'on avait prise sur Twitter via Giannini,
00:53:30 qui disait "Faut-il raser le Sacré-Cœur pour rendre hommage aux communards ?"
00:53:34 Alors voilà, faut-il raser le Sacré-Cœur pour rendre hommage aux communards ?
00:53:37 Alors moi qui ai un sens de l'orientation déplorable,
00:53:40 alors que je vis à Paris, si on le rase, je ne sais pas comment je me repère.
00:53:43 Mais bon, ça c'est un autre problème.
00:53:46 Alors, le Sacré-Cœur c'est une histoire intéressante
00:53:50 qui montre qu'en histoire, rien n'est joué d'avance
00:53:53 et que ça se joue souvent à peu de choses.
00:53:56 Il y a un notable ultra-catholique, Alexandre le Gentil,
00:53:59 le mal nommé si j'ose dire,
00:54:02 qui fait partie de ces types qui ont fui Paris avant le siège
00:54:05 et qui fait le vœu d'établir en gros un Sacré-Cœur
00:54:10 pour expier en gros tous les péchés de l'année terrible.
00:54:14 Gros succès, qui nous rappelle quand même l'importance en France
00:54:17 de ce qu'on appelle la France cléricale,
00:54:20 c'est-à-dire quand même le poids du catholicisme
00:54:23 dans la vie politique et sociale française à l'époque.
00:54:26 Gros succès, le pape lui donne sa bénédiction,
00:54:29 bon, mais rien n'est décidé.
00:54:34 Au moment de la Commune, et sans le savoir,
00:54:37 il publie un autre argumentaire, le Gentil,
00:54:40 qui dit "mais même si Paris était réduit en cendres,
00:54:43 nous devrions bâtir ce monument".
00:54:46 Ça tombe bien, il y a les incendies, donc là tout d'un coup,
00:54:49 ça recharge le projet en légitimité.
00:54:52 Alors, est-ce que le Sacré-Cœur est là pour expier les crimes de la Commune ?
00:54:56 Puisque lors des débats actuels,
00:54:59 le gouvernement et la mairie de Paris, manifestement mal informés,
00:55:06 ont dit "mais non, il s'agit d'expier la chute de la France face à l'Allemagne
00:55:12 et pas du tout la Commune, oulala".
00:55:15 Alors, premier point, d'abord, est-ce qu'en 2021,
00:55:20 on a encore besoin de s'engueuler avec nos amis allemands pour expier quelque chose ?
00:55:24 Bon, c'est une autre question de rappeler cette idée-là,
00:55:27 mais surtout, construire un monument à la gloire du Sacré-Cœur,
00:55:30 ce n'est pas que la Commune qui doit être combattue.
00:55:33 Le Sacré-Cœur depuis 1816, et par exemple les Chouans, les Vendéens,
00:55:37 c'est quand même le signe de ralliement des antirévolutionnaires,
00:55:40 des réactionnaires, des royalistes, des ultra-catholiques.
00:55:43 Donc, quand on construit un monument en hommage au Sacré-Cœur,
00:55:46 ce n'est pas que la Commune qu'on combat, c'est toutes les révolutions depuis 1789.
00:55:51 Ensuite, comment le Sacré-Cœur est arrivé là où il est ?
00:55:56 Là, c'est la Commune, puisque après la Commune,
00:55:59 on veut construire ce monument expiatoire.
00:56:01 Mais alors, au début, le gentil et ses camarades voulaient le construire,
00:56:06 attention, surprise, à la place de l'actuel Opéra Garnier,
00:56:10 l'opéra, quoi, métro-opéra,
00:56:13 parce que pour eux, c'était le symbole de la débauche impériale.
00:56:18 Les statues étaient obscènes, c'était clinquant,
00:56:21 et donc pour eux, c'est un endroit à purifier.
00:56:23 Donc, puisqu'il n'est pas terminé, on va raser,
00:56:26 puis on va construire une basilique.
00:56:30 À Montmartre, l'État envisage plutôt de construire une vraie forteresse.
00:56:37 Mais bon, ils ne savent pas trop quoi faire,
00:56:41 il faut attendre que les monarchistes soient au pouvoir, c'est en 1873,
00:56:47 pour que le projet devienne d'utilité publique.
00:56:50 Mais ensuite, ce monument a mis des décennies à être construit.
00:56:55 C'est-à-dire, le projet est arrêté, reprend, etc.
00:56:59 À un moment, les républicains anticléricaux, une fois au pouvoir,
00:57:02 se demandent "mais qu'est-ce qu'on en fait ?"
00:57:04 Parce que c'est encombrant, c'est pas fini.
00:57:06 En fait, tout simplement, au bout d'un moment,
00:57:08 ils se rendent compte que ça coûte plus cher
00:57:10 de démolir ce qui a été construit que de le finir.
00:57:13 Donc ils se disent "bon, écoutez, finissez-le".
00:57:17 Il est inauguré en plusieurs fois,
00:57:20 une fois en 1896, une fois en 1920.
00:57:25 Mais moi, ce qui me frappe avec le Sacré-Cœur,
00:57:27 c'est qu'évidemment, il est né d'une volonté
00:57:30 d'expier les crimes de la Commune.
00:57:32 Mais en gros, ce sont les partisans de la mémoire de la Commune
00:57:36 qui rappellent régulièrement cette fonction.
00:57:38 Parce qu'aujourd'hui, franchement, le Sacré-Cœur, c'est quoi ?
00:57:40 C'est un décor de carte postale.
00:57:43 En ce moment, malheureusement, c'est plutôt calme
00:57:45 aux alentours du Sacré-Cœur, mais en temps ordinaire,
00:57:48 y'a pas d'ordre moral au pied du Sacré-Cœur.
00:57:51 Y'a des touristes qui font des selfies,
00:57:53 qui commencent à picoler dès 14h,
00:57:55 parce qu'ils croient que c'est ça, la fête à Paris.
00:57:57 Y'a pas d'ordre moral à Montmartre, aujourd'hui.
00:57:59 Pour moi, le Sacré-Cœur, c'est un monument
00:58:04 qui a évidemment une fonction politique,
00:58:06 mais qui était un... comment dire...
00:58:09 une coquille vide dès le départ.
00:58:12 Ça a jamais été un des hauts lieux du catholicisme parisien.
00:58:16 Si y'a la montée à Pâques, comme c'est le point culminant de Paris,
00:58:19 ça imite le chemin de croix de Jésus,
00:58:22 l'archevêque de Paris.
00:58:24 Ils montent, c'est une fois par an.
00:58:26 Donc c'est un monument étrange,
00:58:29 et aujourd'hui encore, ça coûterait plus cher
00:58:32 de le démolir que de le maintenir en l'état.
00:58:35 Et puis si on le démolit, on va avoir quoi à la place ?
00:58:38 Un centre commercial ?
00:58:40 Là, je suis partisan, moi, plutôt d'une certaine retenue,
00:58:47 sachant que la présence du Sacré-Cœur
00:58:49 permet régulièrement aux partisans de la mémoire de la Commune
00:58:52 de s'exprimer devant.
00:58:54 Il peut être tagué,
00:58:56 il peut y avoir des manifestations, des choses comme ça.
00:58:59 Il me semble que tout le monde y trouve à peu près son compte.
00:59:03 Mais c'est une histoire intéressante, parce qu'elle montre que c'est si nué.
00:59:06 Ça a jamais été évident, cette histoire de Sacré-Cœur.
00:59:09 On avait une question intéressante de quelqu'un que tu connais un peu,
00:59:13 William Blanc, qui demande
00:59:16 "Penses-tu que le bicentenaire de Napoléon,
00:59:19 que ça prête à célébrer Macron,
00:59:21 est une forme de réponse conservatrice
00:59:23 à l'anniversaire de la Commune de Paris ?"
00:59:25 C'est sûr que pour lui, c'est plus pratique.
00:59:27 J'ai remarqué que Macron avait quand même tendance
00:59:30 à vouloir s'approprier beaucoup d'éléments mémorials
00:59:33 qui, a priori, n'étaient pas de son bord politique.
00:59:35 Et je constate avec une certaine satisfaction
00:59:38 que la Commune a un peu figé son arrogance.
00:59:42 Il ne vient pas s'y frotter.
00:59:44 Il ne va pas tenter le discours consensuel,
00:59:47 il ne va pas tenter de se l'approprier,
00:59:49 il va pas tenter une relecture,
00:59:51 parce qu'elle est trop chargée de conflictualité.
00:59:55 Elle ne peut pas se prêter à un discours consensuel.
00:59:57 Alors, évidemment, Napoléon correspond beaucoup plus
01:00:00 à ses souhaits régaliens de Macron,
01:00:06 incarner l'État, l'autorité, etc.
01:00:10 La question, c'est si Napoléon était mort en 2022,
01:00:13 est-ce que ça aurait laissé de la place
01:00:16 pour une commémoration officielle de la Commune ?
01:00:18 Je ne pense pas.
01:00:19 Ce n'est pas quelque chose qu'un État peut commémorer aisément.
01:00:22 Ce qui est clair, c'est que Napoléon va faire l'objet
01:00:27 de beaucoup plus de commémorations officielles de la Commune,
01:00:31 qui, en termes de commémorations officielles,
01:00:33 n'aura finalement que la mairie de Paris qui l'aura investie.
01:00:37 Après, il faut voir la forme que prendra
01:00:41 ce bicentenaire de la mort de Napoléon,
01:00:43 parce qu'il s'agit quand même de commémorer
01:00:46 la mort d'un type en exil,
01:00:48 alors qu'on n'a quasiment pas en France
01:00:51 commémoré au Sterlitz, par exemple, en 2005-2015.
01:00:57 On a pas mal de questions sur l'héritage de la Commune,
01:01:01 et sur la transmission de la Commune.
01:01:05 On a quelques personnes, notamment, qui évoquent Guy Main,
01:01:11 et ce qu'il a pu faire sur la Commune.
01:01:14 Je rappelle, pour ceux qui s'intéressent à Guy Main,
01:01:17 c'est très bien, mais allez voir aussi les travaux de Histony sur Youtube,
01:01:21 qui, justement, revient sur la question "Guy Main est-il fiable ?"
01:01:25 et sa réponse va vous étonner, attention !
01:01:29 Est-ce que tu as des choses à dire autour des travaux de Guy Main ?
01:01:35 Je ne suis pas entièrement convaincu.
01:01:38 C'est un remarquable narrateur, Guy Main.
01:01:41 Il cède à certaines facilités, par exemple,
01:01:46 l'idée qu'il y aurait un complot quasiment concerté entre Thierry Bismarck
01:01:51 pour écraser la Révolution à l'échelle européenne.
01:01:54 Ça, par exemple, ça ne tient pas,
01:01:57 mais surtout, Guy Main a cette capacité à mettre,
01:02:00 dans ce qui, à l'époque, était un format très novateur,
01:02:03 c'est-à-dire l'audiovisuel,
01:02:06 le récit historique classique de la Commune, vu par la gauche.
01:02:13 Mais sauf qu'évidemment, comme lui, il le fait avec un talent certain,
01:02:17 une modernité évidente pour son époque,
01:02:19 aujourd'hui, ça a une présence, c'est une actualité très forte.
01:02:24 Après, moi, c'est des lectures de la Commune
01:02:29 où tout s'organise trop mécaniquement,
01:02:32 ça ne laisse pas de place à l'improvisation, au bouillonnement de la crise
01:02:37 que constitue l'année terrible.
01:02:39 Est-ce qu'on sait si les Gilets jaunes, à un moment donné,
01:02:43 ont pu faire écho à l'événement ?
01:02:47 Oui, mais moins que ce que l'on aurait pu croire,
01:02:50 ce qui est assez intéressant.
01:02:51 Il y a plusieurs indices qui montrent un écho de l'événement
01:02:54 de la part des Gilets jaunes.
01:02:56 Au dos des Gilets, on a quelques références à la Commune,
01:03:01 quelques graffitis aussi.
01:03:05 Il y a eu au moins une manifestation d'ampleur au début du mouvement
01:03:11 qui est partie du Sacré-Cœur.
01:03:13 De mémoire, c'était ces manifestations annoncées au dernier moment,
01:03:17 une espèce de jeu du chat et de la souris avec la police.
01:03:22 Donc, ce n'est pas anodin, évidemment, de partir du Sacré-Cœur.
01:03:26 Après, ce qui est intéressant, c'est là qu'on voit que la mémoire
01:03:31 de la Commune est quand même assez parisienne.
01:03:37 J'ai eu des échos concernant les Gilets jaunes de l'Oise et de la Somme.
01:03:47 Là, la Commune ne leur parle pas.
01:03:50 Le reste, Front Populaire, 93, 89, 1968, c'est normal si j'ose dire.
01:04:00 Et la Commune, connaissance qui a couru les ronds-points
01:04:09 et qui est fan de la Commune, je lui ai posé la question.
01:04:11 Il m'a dit que j'étais le premier surpris.
01:04:15 Mais non, la Commune ne s'apprend pas.
01:04:17 Pour moi, c'est un indice qui souligne que ça reste une mémoire assez parisienne.
01:04:25 On parle souvent aussi, quand on évoque la Commune, du rôle des femmes.
01:04:31 On parle souvent de Louise Michel aussi.
01:04:33 Qu'est-ce que tu peux nous dire là-dessus ?
01:04:36 Parce qu'il est vrai que beaucoup de clubs politiques
01:04:39 se sont cristallisés un certain engouement des femmes,
01:04:45 pour ces aires de ces questions politiques et sociales.
01:04:48 C'est une question intéressante, encore assez débattue entre historiens,
01:04:52 sur l'importance du rôle des femmes.
01:04:56 Évidemment, les femmes sont des actrices très présentes au sein de la Commune,
01:05:01 je l'avais dit dès le 18 mars.
01:05:03 Mais elles s'investissent dans des clubs de femmes,
01:05:07 elles créent des structures, l'union de défense, des soins aux blessés,
01:05:12 des choses comme ça.
01:05:14 Après, la place des femmes est quand même assez conforme aux notions traditionnelles.
01:05:21 Elles sont ambulancières, cantinières, infirmières.
01:05:25 Il y a quelques femmes qui combattent, très peu, c'est individuel.
01:05:29 Louise Michel, c'est un peu l'exception.
01:05:33 Il y a des moments un peu compliqués en termes d'égalité.
01:05:38 À un moment, des élus de la Commune refusent que les prostituées
01:05:41 se portent volontaires pour être infirmières,
01:05:43 parce qu'en gros, elles souilleraient les valeureux combattants de la Commune blessée.
01:05:47 Alors là, grosse colère de Louise Michel, du coup, ça calme un peu tout le monde.
01:05:53 Et il y a cette communarde, André Léo,
01:05:59 qui publie une tribune dans un petit journal de la Commune, le 8 mai 1871,
01:06:04 dont le titre est très clair, c'est "La Commune, la révolution sans la femme".
01:06:08 Elle dit "non, mais nous n'avons pas la place qui doit être la nôtre
01:06:12 à la hauteur de notre engagement".
01:06:14 Et notamment, personne ne pose la question d'un suffrage vraiment universel.
01:06:19 Alors qu'en 1848, où les femmes étaient très présentes,
01:06:22 la question avait été posée par des hommes et par des femmes,
01:06:26 pour entraîner les rires amusés de la plupart des hommes,
01:06:29 y compris ceux les plus à gauche, mais au moins la question avait été posée.
01:06:33 En 71, on ne la pose pas.
01:06:36 Donc, il y a une place des femmes, très nette,
01:06:39 une place des femmes avec des progrès, mais qui reste quand même un peu engluée
01:06:44 dans des considérations de domination masculine.
01:06:47 Il y a un autre exemple, "la Commune, pour la première fois, reconnaît l'Union libre".
01:06:52 Très bien.
01:06:53 C'est par anticléricalisme, évidemment, pour eux, c'est pas au curé de faire les mariages.
01:06:58 Et du coup, ils disent, bon, du coup, les veuves concubines de fédérés morts au combat
01:07:06 auront droit à une pension comme les femmes mariées.
01:07:09 Très bien.
01:07:10 Sauf que, concrètement, c'est après une enquête de voisinage ayant établi leur moralité.
01:07:16 C'est-à-dire que ces veuves non mariées restent sous le contrôle et le jugement du voisinage
01:07:22 qui doit attester qu'elles étaient comme de bonnes épouses.
01:07:25 Donc, il reste quand même des injonctions faites aux femmes de bien se comporter, etc.
01:07:30 qui sont quand même plutôt traditionnelles, même si, évidemment, la place de la femme
01:07:35 au sein de la Commune est à des années lumières de la place de la femme selon les Versaillais.
01:07:40 Après, on a aussi, dans les mécanismes mis en place par la Commune,
01:07:45 on a des tentatives de progrès, d'égalité, hommes-femmes,
01:07:49 notamment pour ce qui est des instituteurs et institutrices.
01:07:54 Mais ça reste très épisodique, en fait, parce que ça ne s'est pas appliqué aux autres corps de métier.
01:08:01 Oui, il y a des tentatives. C'est assez épisodique.
01:08:06 Institutrice, c'est un métier féminisé très vite.
01:08:10 C'est-à-dire que c'est un des rares métiers où on considère qu'il peut y avoir une forme d'égalité
01:08:14 puisqu'il y a des écoles de filles et des écoles de garçons.
01:08:16 Donc, oui, il y a des tentatives, mais exactement, qui restent assez épisodiques,
01:08:21 qui ne font jamais système. Et il faut se méfier de ces communards flamboyants,
01:08:27 tout hauts en couleurs, comme Louise Michel, Elisabeth Vitrieff, Nathalie Lemaël,
01:08:32 qui font un peu écran au quotidien des femmes de la Commune,
01:08:35 qui lui, est beaucoup plus banale, en fait.
01:08:38 On avait une question de Léa Brune sur Facebook, qui nous dit
01:08:42 « Mais pourquoi il y a autant de bâtiments publics,
01:08:45 comme des établissements d'enseignement, qui sont nommés Louise Michel,
01:08:48 et il y a si peu d'enseignement sur la Commune ? »
01:08:51 Parce que, en fait, Louise Michel avait deux facettes.
01:08:56 Il y avait la révolutionnaire intraitable, tout le temps vêtue de noir
01:09:01 parce qu'elle portait le deuil de ses camarades.
01:09:03 Louise Michel peut appeler à les meutes,
01:09:05 elle a fait de la prison plusieurs fois sous la Troisième République.
01:09:08 Elle peut avoir des mots extrêmement durs, des discours qui sont des appels
01:09:16 à l'insurrection immédiate.
01:09:18 Mais Louise Michel, c'est aussi quelqu'un qui était d'une générosité totale.
01:09:25 Elle a entretenu une correspondance, par exemple, avec le type
01:09:28 qui lui avait tiré une balle en pleine tête lors d'un meeting au Havre.
01:09:32 Alors, heureusement, la balle n'a fait que…
01:09:35 Enfin, la balle est restée dans le crâne, mais sans dommage apparent.
01:09:39 Je ne suis pas médecin, je ne peux pas en dire plus.
01:09:40 Enfin bon, elle s'est quand même prise une balle dans la tête qui est restée.
01:09:42 Et elle entretient une correspondance avec ce type en disant
01:09:45 « Mais non, mais en gros, c'est un pauvre type égaré par le catholicisme,
01:09:49 il faut le gracier ».
01:09:50 Et donc, elle obtient sa grâce.
01:09:52 Par ailleurs, Louise…
01:09:54 Et Louise Michel, c'est aussi quelqu'un qui a pas mal écrit,
01:09:59 qui a pas mal écrit de la poésie.
01:10:02 Et donc, on a commencé à trouver des extraits de poésie de Louise Michel
01:10:08 dans des manuels scolaires.
01:10:09 Et puis, effectivement, elle était institutrice.
01:10:11 Et donc, c'est par ce biais, en gros, qu'elle a pu intégrer une forme
01:10:20 de consensus scolaire, puisqu'elle est institutrice,
01:10:24 qu'elle aimait son métier, qu'elle le faisait savoir,
01:10:28 qu'elle était institutrice pendant le siège, plus que pendant la commune.
01:10:32 Mais on peut donc nommer des écoles ou des collèges Louise Michel.
01:10:37 Elle avait un rôle qui rayonnait au-delà de la commune.
01:10:41 Voilà, au-delà de la commune.
01:10:43 Et c'était une personnalité qui finissait par être respectée,
01:10:48 puisque même à son enterrement en 1905,
01:10:53 même des types très conservateurs disaient « Ah, quand même,
01:10:57 Louise Michel, quel personnage ! ».
01:11:01 Il y a notamment les mots d'un académicien conservateur,
01:11:06 ce qui est un peu un pléonasme, mais Jules Clarty, qui dit,
01:11:10 je cite, « un être tout amour et qui déchaînait les colères »,
01:11:14 ce qui résume assez bien le personnage.
01:11:17 Et donc, elle peut, par sa bonté d'institutrice,
01:11:21 être intégrée comme ça dans des collèges Louise Michel,
01:11:25 des écoles Louise Michel, plus que des lycées, d'ailleurs.
01:11:28 Je ne sais pas si c'est des lycées Louise Michel.
01:11:30 Mais du coup, c'est par le biais de Louise Michel, par exemple,
01:11:37 que l'on peut retrouver la commune à l'école,
01:11:40 par le nom, aussi par ses poèmes, qui certains sont un peu gentillets,
01:11:46 qui du coup peuvent être assez faciles à étudier avec des enfants.
01:11:50 On a une question très précise d'un certain Tavernier,
01:11:55 qui du coup, la question est raccord avec son pseudo.
01:11:58 « Est-ce que l'alcool est une source historique fiable relative à la grande consommation d'alcool sous la commune
01:12:02 que ses adversaires érigent souvent pour la tourner en dérision ? »
01:12:05 Ben oui, précisément, ce sont les adversaires de la commune qui racontent ça.
01:12:09 Donc, l'idée du révolutionnaire alcoolique, c'est un lieu commun et un cliché
01:12:15 qui court sur tout le siècle des révolutions, c'est-à-dire en gros de 1789 à même plus tard,
01:12:22 puisque l'idée du révolutionnaire alcoolique, qui est forcément un type issu du peuple,
01:12:27 donc un alcoolique, on le retrouve, même encore aujourd'hui, c'est vraiment un lieu commun.
01:12:35 Il n'y a pas de consommation d'alcool plus que d'autres pendant la commune.
01:12:42 Ben oui, il y a des réserves d'alcool parce que l'approvisionnement est rétabli.
01:12:49 La consommation d'alcool, ce n'est pas la même qu'aujourd'hui, ce n'est pas les mêmes pratiques.
01:12:54 D'un côté, c'est plus cher, de l'autre, il faut voir un truc aussi,
01:13:00 quand on boit du vin, on ne boit pas de l'eau croupie.
01:13:03 C'est-à-dire que l'eau potable, c'est une notion parfois relative.
01:13:07 Si on boit une bouteille de vin, normalement, il n'y a pas de germes dedans ou de trucs comme ça.
01:13:14 Donc, c'était d'autres pratiques, mais il n'y a pas d'alcoolisme de la commune.
01:13:21 Ça, c'est vraiment le cliché de la propagande versaillaise.
01:13:26 Leurs erreurs tactiques militaires ne sont pas liées au fait qu'ils étaient ivres morts au lieu de garder les remparts,
01:13:34 c'est lié au fait que leur indiscipline était liée à leur volonté d'être autonome et indépendant
01:13:40 avec les risques que ça implique en situation de guerre.
01:13:43 On a une question de Elche qui demande si la criminalité a augmenté pendant la commune ou pas.
01:13:51 Non, non, non.
01:13:53 Ça, c'est pareil, c'est la propagande versaillaise, ramassis de criminels, etc.
01:13:59 Non, non, il n'y a pas de... pas non.
01:14:01 On a aussi une question de Wabajacval, désolé si j'écorche les pseudos, les amis,
01:14:09 qui demande si la commune va remettre en cause l'organisation du travail
01:14:14 ou la notion de travail comme étant un élément central dans la vie d'une personne.
01:14:18 Alors, les communards appartiennent à ces révolutionnaires du 19e siècle
01:14:24 qui se définissent avant tout comme des producteurs et des travailleurs.
01:14:28 Pour eux, il y a une dignité à produire.
01:14:30 Leur ennemi est moins le patron ou le bourgeois,
01:14:33 qui est un concept qui leur est un peu étrange,
01:14:36 que ce qu'ils appellent en gros loisirs, fleurentiers, l'improductif.
01:14:41 C'est-à-dire celui qui s'enrichit en dormant de son capital,
01:14:44 celui-là est l'ennemi et celui-là est méprisable.
01:14:47 C'est typiquement le propriétaire à qui ils doivent payer un loyer.
01:14:51 Et en conséquence, l'idéal économique et social des communards,
01:14:57 c'est un mot très fort qui est le mot d'association,
01:15:00 qu'on retrouve par exemple dans "association internationale des travailleurs",
01:15:03 la première internationale.
01:15:05 Et ce mot d'association, c'est l'équivalent productif de la république sociale,
01:15:11 c'est-à-dire s'auto-organiser entre travailleurs
01:15:15 en éliminant en gros tous les parasites,
01:15:18 intermédiaires, négociants, patrons, propriétaires.
01:15:22 Et donc, c'est vraiment l'idée de l'auto-organisation des travailleurs par eux-mêmes.
01:15:27 Mais ça implique de travailler, c'est-à-dire c'est leur dignité,
01:15:33 leur pouvoir de dignité et d'être des producteurs.
01:15:37 Et par exemple, on lit dans "Le cri du peuple" de Jules Vallès,
01:15:43 pendant la Commune, le journal le plus vieux de la Commune,
01:15:46 on lit cette phrase qui ferait bondir tout marxiste qui se respecte,
01:15:50 on lit dans "Le cri du peuple"
01:15:52 "La bourgeoisie ouvrière, honnête et vaillante, est la sœur du prolétariat."
01:15:57 Donc on voit que là, ce qui compte, c'est que la bourgeoisie qui travaille,
01:16:02 qu'on imagine être la petite bourgeoisie,
01:16:04 mais la bourgeoisie qui travaille, c'est des producteurs, donc ça passe.
01:16:07 Et après, ce qui compte, c'est que ces producteurs s'organisent eux-mêmes.
01:16:12 Donc évidemment, dans ce système-là, il n'y a pas de patron, il n'y a pas de contre-maître, etc.
01:16:15 Il y a eu d'autres mesures sociales,
01:16:20 une hyper célèbre, parce qu'en fait elle est incontestable,
01:16:24 c'est "just perfect", c'est-à-dire la mesure sociale dans toute sa splendeur,
01:16:28 ils ont aboli le travail de nuit pour les ouvriers boulangers,
01:16:33 ce qui était une revendication d'ailleurs de ces dix ouvriers.
01:16:37 Il y en a une autre qui a été longuement discutée,
01:16:39 notamment par l'approche marxiste de la question,
01:16:43 qui est un décret de réquisition des ateliers abandonnés.
01:16:48 Et donc se pose la question de l'expropriation et de la collectivisation des moyens de production.
01:16:53 En fait, ce décret de réquisition était quand même subordonné à l'effort de guerre,
01:16:58 c'est-à-dire qu'il fallait que l'usine ait été abandonnée par quelqu'un qui a fui le siège,
01:17:03 que ces réquisitions servent à l'effort de guerre.
01:17:07 Donc ce n'est pas vraiment une volonté d'expropriation,
01:17:10 globalement les communards ont respecté la propriété.
01:17:15 - Quid aussi du coup du mythe des pétroleuses dans la propagande ?
01:17:21 - Alors la pétroleuse, c'est une invention Versailles qui décrit des femmes
01:17:26 qui participent à l'incendie de Paris.
01:17:29 Alors comme il y avait des femmes combattantes,
01:17:31 il y avait des femmes qui ont participé à l'incendie de Paris,
01:17:33 on a vu que Louise Michel l'assume fièrement.
01:17:36 Mais la pétroleuse, c'est une figure un peu plus précise que ça,
01:17:39 et encore plus violente en termes de rapport de genre,
01:17:43 c'est-à-dire qu'ils imaginent une femme hystérique.
01:17:48 Or l'hystérie, c'est vraiment la médicalisation de l'infériorité féminine au XIXe siècle,
01:17:55 elles sont hystériques.
01:17:56 Donc une femme hystérique, vociférante, souvent belle d'ailleurs,
01:18:02 quitte à faire des discours horribles pour vendre un zeste d'érotisme,
01:18:08 ne peut pas faire de mal, donc elles sont belles, elles sont souvent échevelées.
01:18:11 Or ce sont les prostituées qui se promènent cheveux défaits dans la rue,
01:18:16 les femmes honnêtes ont un chien, elles sont belles, échevelées.
01:18:20 Donc ça c'est la version pétroleuse hystérique, prostituée.
01:18:24 Puis il y a l'autre version qui est encore pire,
01:18:27 c'est celle qui apparaît sous les traits d'une honnête mère de famille
01:18:32 qui se balade avec un bidon de lait pour passer les barrages de soldats vers Sailliet
01:18:37 et dit "s'il vous plaît, je cherche du lait pour mon enfant, du lait pour mon enfant".
01:18:40 Et évidemment ce n'est pas du lait qu'il y a dans le bidon, c'est du pétrole
01:18:45 et dès qu'elle a passé les lignes vers Saillet, ses traits se transforment,
01:18:49 deviennent hystériques et hop, elle incendie le bâtiment.
01:18:53 Et on voit à quel point cette histoire du bidon de lait,
01:18:57 l'analyse c'est que dans la propagande versaillaise,
01:19:01 les femmes qui font de la politique et les femmes qui se mêlent de violences politiques,
01:19:05 c'est une transgression absolue de la nature féminine supposée,
01:19:08 c'est-à-dire elle dénature leur fonction nourricière au profit de la destruction.
01:19:12 Voilà ce que fait la commune aux femmes.
01:19:14 Donc ça c'est la propagande versaillaise.
01:19:16 Le problème c'est que c'est un pur fantasme
01:19:20 et les conseils de guerre versaillais,
01:19:23 reconnaît un des écrivains versaillais, Maxime Ducamp, qui est l'un des plus durs,
01:19:27 il dit "les conseils de guerre n'arrivèrent pas à en exhiber une seule,
01:19:31 c'était des êtres chimériques similaires aux salamandres et aux elfes".
01:19:35 Voilà, et il reconnaît, il dit en gros "bon ben là on est allé trop loin, ça n'existait pas".
01:19:41 Mais du coup l'image de la pétroleuse reste
01:19:45 comme une forme d'hystérie féminine imputable,
01:19:51 alors évidemment une soi-disant nature féminine,
01:19:53 et aussi au fait qu'elle rentre dans là où elle ne devrait pas aller,
01:19:55 c'est-à-dire la politique et la violence politique.
01:19:57 Et ce qui explique finalement la pérennité de la figure,
01:20:00 c'est parce qu'elle correspond aux normes des discours sur l'infériorité des femmes
01:20:07 qui courent tout le long du 19e siècle.
01:20:09 Depuis tout à l'heure, il y a quelques figures littéraires qui tournent dans le chat.
01:20:14 J'ai vu du Victor Hugo, j'ai vu de l'Émile Zola,
01:20:19 qu'est-ce qu'on peut dire aussi de ces personnages littéraires assez connus ?
01:20:25 Et quelles sont leurs positions vis-à-vis de la commune ?
01:20:28 Parce que par exemple, Victor Hugo n'était pas spécialement pro-communard,
01:20:31 pourtant il les a défendus.
01:20:33 Émile Zola n'était pas spécialement pro-communard,
01:20:36 il a écrit Germinal par la suite, disent certains dans le chat.
01:20:40 Qu'est-ce que tu aurais à dire là-dessus ?
01:20:42 Là, c'est extrêmement simple.
01:20:44 À part Victor Hugo qui s'efforce de rester neutre dans le conflit,
01:20:48 ils sont tous anti-communards.
01:20:50 Même Zola pendant l'année terrible.
01:20:53 Après, il a écrit un roman sur l'année terrible qui s'appelle "La débâcle",
01:20:57 qui n'est pas un roman pro-communard, loin de là.
01:21:01 Ils sont tous violemment anti-communards,
01:21:04 notamment à partir du moment où les communards procèdent aux destructions dans Paris.
01:21:09 Pour eux, Paris c'est la ville des poètes, des artistes, on ne peut pas la détruire.
01:21:12 Tous, tous.
01:21:13 Flaubert, c'est une catastrophe.
01:21:16 Pour moi, il a la décence de ne pas trop parler.
01:21:19 Georges Sand, qui n'est plus tout jeune, elle est horrifiée.
01:21:22 Tous, tous, tous.
01:21:25 Sauf ceux qui plus tard deviendront des gloires, qui sont communards.
01:21:28 Il y a Jules Vallès, mais il est jeune.
01:21:30 Il y a Arthur Rimbaud, il est quasiment inconnu à ce moment-là.
01:21:36 Il y a Verlaine aussi.
01:21:39 Mais à ce moment-là, ce ne sont pas des figures littéraires reconnues.
01:21:42 Mais toutes les figures littéraires reconnues sont totalement anti-communards,
01:21:46 sauf Victor Hugo, qui a la maîtrise de l'oxymore dans ses poèmes,
01:21:53 ou dans ses récits sur l'île du Hugo.
01:21:56 C'était grand et c'était petit, c'était le jour et c'était la nuit.
01:21:59 La commune, c'est un peu ça, c'était bien, c'était pas bien.
01:22:03 Mais c'est le seul.
01:22:04 Victor Hugo, qui, je le rappelle, je l'avais teasé un petit peu par ici,
01:22:08 il y a quelques temps, mais sera joué dans l'épisode de la commune du 29,
01:22:12 là de lundi, par Bruno Solo.
01:22:14 Voilà.
01:22:18 On a une question de Sky Old qui dit mais concrètement,
01:22:24 c'était comment la vie pendant la commune de Paris ?
01:22:28 C'était le cas où il y avait un semblant de société.
01:22:30 Tout à l'heure, tu nous disais que c'était plutôt bien.
01:22:34 Honnêtement, c'est plutôt, surtout après le siège prussien.
01:22:38 Donc on peut à nouveau manger, ça c'est quand même important.
01:22:41 Le printemps est plutôt doux, ça, ça compte aussi.
01:22:44 Il y a un élu de la commune, c'est pas le plus connu,
01:22:48 il s'appelle Jules Andrieux, c'est un type assez austère,
01:22:51 qui a laissé ses mémoires, austère, cruelle, mais juste également.
01:22:54 Jules Andrieux, c'est le délégué de la commune, en gros,
01:22:57 pour tout ce qui va être la voirie.
01:22:59 Donc grâce à Andrieux, la nuit, il y a l'éclairage public,
01:23:03 le service d'enlèvement des déchets fonctionne,
01:23:08 le réseau d'eau fonctionne à peu près.
01:23:11 Donc le quotidien de la ville est préservé.
01:23:13 Par ailleurs, le quotidien de la commune,
01:23:15 c'est quand même un sentiment assez grisant.
01:23:18 Ils savent qu'ils sont en train d'écrire l'histoire
01:23:22 et de vivre un moment unique,
01:23:24 une brèche dans le cours ordinaire des choses.
01:23:26 Donc c'est quand même globalement assez enthousiasmant.
01:23:30 Courbet, le peintre qui était un communard,
01:23:33 envoie une lettre à ses parents.
01:23:35 Il dit "bon j'ai mal au crâne, je dors quatre heures par nuit",
01:23:38 mais il dit "mais Paris, je cite, est un vrai paradis",
01:23:41 parce qu'il se passe plein de trucs.
01:23:43 Il y avait même, alors sans qu'on en exagère la portée,
01:23:47 il y a même des concerts aux tuileries par exemple.
01:23:50 C'est-à-dire que le palais des tuileries avait été réapproprié
01:23:53 par les communards pour offrir des concerts au peuple
01:23:56 et qui mêlaient des chants, comment dire, engagés politiques,
01:24:00 mais aussi les derniers airs connus du musical ou des choses comme ça.
01:24:03 Donc il y avait une ambiance, sans l'exagérer,
01:24:06 c'est quand même assez festive, festive parfois,
01:24:10 et honnêtement au quotidien, c'est un sentiment de liberté reconquise.
01:24:14 On a plusieurs exemples.
01:24:16 Il y en a un que j'aime bien, qui a été repéré par Robert Thomps
01:24:19 dans son "Histoire de la Commune", qui s'appelle "Constant Clairfait".
01:24:23 C'est la partie un peu mélo, si vous voulez mettre de la musique,
01:24:26 avec des violons sirupeux, c'est le moment,
01:24:29 parce que c'est donc un orphelin, un jeune orphelin,
01:24:33 et tout d'un coup il se rend compte, sous la commune,
01:24:36 qu'il peut enfin vendre des fleurs dans la rue,
01:24:38 parce que personne ne lui demandera une licence pour vendre des fleurs.
01:24:41 Et donc Constant Clairfait vend ses fleurs dans la rue,
01:24:44 et manifestement il est très content.
01:24:47 Donc, non, la commune, évidemment c'est variable,
01:24:54 c'est-à-dire que si vous êtes de la famille ou un proche de quelqu'un
01:24:58 qui est mort en défendant la capitale, à Angier ou dans le fort d'Issy,
01:25:03 vous êtes évidemment affligé par le deuil.
01:25:05 Mais non, la commune, il y avait beaucoup de moments de vie quotidienne
01:25:09 assez bien auto-organisés, vraiment.
01:25:12 On a une question assez intéressante de Professeur Fromage qui dit
01:25:17 "Que pensaient les Allemands, enfin les Prussiens, de la commune ?"
01:25:22 Parce qu'ils étaient quand même aux premières loges les types.
01:25:24 Tant mieux, j'ai une de mes étudiantes qui a soutenu son master là-dessus.
01:25:29 À la rentrée, les Prussiens c'est assez intéressant
01:25:33 parce que d'abord ils regardent.
01:25:35 Ils sont quand même donc aux premières loges, il y a des hauteurs,
01:25:38 il y a les hauteurs du Pré-Saint-Gervais, la colline, enfin les hauteurs de Montmorency,
01:25:43 donc on voit très bien Paris depuis là-haut.
01:25:46 Donc, ils sont au spectacle.
01:25:49 Ils ont les soldats allemands qui surveillent le nord de la capitale,
01:25:56 ils sont au spectacle, c'est-à-dire ils ont gagné la guerre contre les Français,
01:26:00 ils ont sous leurs yeux une guerre civile.
01:26:03 Ils sont prudents quand même, ils sont prudents parce que c'est quand même Paris
01:26:08 qui s'est à nouveau soulevé, ce Paris qu'ils n'ont pas osé investir.
01:26:12 Donc méfiance, la discipline ne se relâche pas.
01:26:16 Mais Bismarck au début considère que la commune c'est pas son affaire.
01:26:24 Lui il est en train de faire, lui il y a un processus de paix.
01:26:29 Mais, et puis surtout, Bismarck est embarrassé parce que,
01:26:35 bon la commune c'est une république, mais à ses yeux Versailles c'est une république aussi,
01:26:39 donc deux régimes qui ne lui conviennent pas de toute façon.
01:26:44 Après assez rapidement, Bismarck se rend compte que plus vite on en aura fini avec la commune,
01:26:51 plus vite on pourra régler les derniers détails de la paix,
01:26:55 et donc il autorise le retour des officiers et des soldats français capturés pendant la guerre
01:27:04 avec la promesse qu'ils ne prendront jamais les armes contre la Prusse.
01:27:08 Donc on se doute bien pourquoi il rentre.
01:27:10 Donc en gros il autorise le retour, et ce qui est le plus important, notamment des officiers,
01:27:15 pour reconstituer et encadrer l'armée de Versailles,
01:27:18 tout en laissant la frontière nord ouverte,
01:27:22 ce qui fait que les communards peuvent s'approvisionner, sortir, passer, etc.
01:27:27 Mais alors après ce qui est intéressant c'est qu'au niveau des soldats stationnés aux alentours du Paris insurgé,
01:27:37 on a aussi des contacts avec les insurgés, c'est-à-dire ça discute un peu,
01:27:43 on échange des informations, et puis surtout ce qui est intéressant c'est que les soldats allemands
01:27:49 qui surveillent Paris, ils prennent leurs informations auprès des populations civiles françaises
01:27:56 qu'ils occupent, puisque eux c'est les journaux français en gros qui les renseignent en premier sur ce qui se passe,
01:28:07 puisqu'eux ils n'ont pas d'hommes dans Paris.
01:28:10 Et juste après la commune, ça c'était une des trouvailles de l'étudiante Juliette Moulin,
01:28:18 qu'il y a des officiers allemands qui en civil viennent visiter les ruines de Paris.
01:28:24 Ils disent "ah quand même faut que j'aille voir ça",
01:28:27 et donc ils mettent leurs habits civils et ils vont visiter les ruines pour constater l'ampleur des dégâts.
01:28:36 Est-ce qu'il y a d'autres enjeux mémoriels importants selon toi, actuellement, qui doivent faire l'objet de notre attention ?
01:28:45 Au-delà de la commune du coup ?
01:28:46 Sur la commune, on va penser.
01:28:47 Sur la commune, bah non on commence...
01:28:51 Non, enfin, moi à mon sens, la modernité de la commune c'est précisément cette question-là que je rappelais,
01:28:59 que le grand spécialiste de la commune Jacques Rougerie avait appelé en une formule lumineuse,
01:29:05 la commune comme je le cite "questionnement libertaire de la démocratie",
01:29:09 c'est-à-dire comment interroger la démocratie représentative vers quelque chose de plus libertaire.
01:29:14 Or, cette question quand même de la délégation de souveraineté, ou pas,
01:29:21 à mon sens, elle est centrale, et il y a plusieurs questions d'ailleurs qui viennent de s'y référer.
01:29:26 Donc à mon sens, l'enjeu mémoriel principal il est là,
01:29:30 parce que si on prend la commune comme grande révolution pour les femmes,
01:29:34 ça va vite devenir... on va être forcés de nuancer un peu...
01:29:38 Si on prend la commune comme résistance contre les monarchistes, ou éventuellement contre les prussiens,
01:29:45 bon, c'est pas l'urgence aujourd'hui.
01:29:49 Donc non, moi là je pense que je vois pas spécialement là d'autres enjeux importants qu'on n'aurait pas vus,
01:29:59 sauf à commencer à sortir un peu de l'épisode commune pour se réinscrire dans une année 71 plus large,
01:30:09 enfin une année terrible plus large.
01:30:11 En 70, il y a eu une insurrection très intéressante en Martinique, qu'on connaît peu.
01:30:16 Alors c'est pareil, c'est un truc colonial, hybride, assez compliqué à comprendre,
01:30:20 et dont je ne suis pas spécialiste, donc je vais être très prudent.
01:30:23 Mais en gros, on a ce qu'on appelait à l'époque les "libres de couleur",
01:30:26 donc les Noirs qui ne sont plus esclaves, qui prennent fait et cause pour une forme de république sociale.
01:30:31 C'est intéressant.
01:30:32 On a évidemment la grande révolte en Kabylie de 71 avec El Mokrani,
01:30:38 mais là on pourrait dire pas tout, aujourd'hui ça concerne surtout l'Algérie.
01:30:42 Mais non, les grands enjeux de la commune sont à mon sens bien cernés,
01:30:48 parce que c'est une mémoire qui a toujours été discutée.
01:30:51 On a une question de Dark Ghost qui relève un peu de Lucronie, mais qui est relativement intéressante,
01:31:02 qui nous dit si finalement les communards qui voulaient continuer la guerre avaient eu gain de cause,
01:31:12 quel aurait été le sort de la France et les conditions imposées par la coalition des royaumes allemands
01:31:19 si cette guerre avait été perdue ?
01:31:22 Est-ce que c'est pas seulement l'Alsace et la Moselle qu'on aurait perdu, mais ça aurait pu être bien pire ?
01:31:28 C'est-à-dire si les communards avaient voulu continuer la guerre,
01:31:35 s'ils étaient allés jusqu'au bout de leur projet et qu'ils avaient réussi à...
01:31:40 Entraîner la France ?
01:31:42 Voilà, ouais.
01:31:44 Non mais ça c'est sûr, on leur a perdu la guerre contre l'Allemagne,
01:31:47 mais les territoires que les Allemands ont annexés correspondaient à leur vision de ce qu'était la nation allemande,
01:31:56 c'est-à-dire centrée sur la langue et non sur le libre choix des populations.
01:32:00 Il s'avère que l'Alsace, la Moselle et une partie de la Lorraine
01:32:06 étaient considérées par les Allemands comme germanophones et donc étaient annexées.
01:32:10 Ils n'en auraient pas annexé plus, qu'est-ce qu'on aurait pu perdre en plus ?
01:32:14 Le territoire de Belfort, qui était une zone qui avait résisté, aurait peut-être pas résisté indéfiniment.
01:32:20 Non, ça n'aurait pas changé grand-chose.
01:32:25 Le seul truc, c'est que plus la défaite est consommée, plus c'est difficile de négocier.
01:32:31 Peut-être que les indemnités de guerre auraient été plus dures, etc.
01:32:34 Mais en termes d'annexion, non, non, les Allemands n'en auraient pas voulu plus.
01:32:38 On arrive vers la fin du live. Il est de tradition de demander à l'invité
01:32:43 s'il a quelques ressources bibliographiques à nous conseiller sur le sujet,
01:32:48 que ce soit la Commune ou ses enjeux mémoriels d'ailleurs.
01:32:51 Sur les enjeux mémoriels, ça va être la séquence "Immodeste".
01:32:55 Il y a mon ouvrage qui est à peu près le seul.
01:32:59 Sur la Commune, il y a beaucoup d'ouvrages intéressants.
01:33:03 Il y a le bel ouvrage qui est un peu cher, mais qui est beau.
01:33:08 C'est celui qui vient de sortir. "La Commune de Paris 1871" aux éditions de l'Atelier
01:33:14 sous la direction de Michel Cordillot.
01:33:17 C'est un très gros et beau livre avec beaucoup de biographies de communards
01:33:22 et des courtes notices de 2-3 pages sur les principaux enjeux qu'on vient d'évoquer.
01:33:26 Il y a tout, il y a la guerre, il y a la mémoire, la Commune, etc.
01:33:30 C'est une trentaine d'euros, mais c'est un très beau livre qui fait le point.
01:33:34 Je crois que la Commune le mérite.
01:33:37 Sinon, il y a le classique, c'est les petits livres édités par Jacques Rougerie,
01:33:43 qui est le grand historien de la Commune.
01:33:45 Il y a un que sais-je sur la Commune, dernière édition, 2009, qui est très bien.
01:33:53 Sinon, si vous voulez être dans l'esprit de l'époque et de l'action,
01:34:00 moi quand même, "L'Issa Garaï", "Histoire de la Commune" de 1871,
01:34:05 édité à la fin du 19ème siècle par un communard.
01:34:09 Il y a un style, un récit qui est bien, et puis il y a beaucoup de choses vraies dedans.
01:34:16 Et puis, on a beaucoup parlé de Thoms, effectivement, qui a fait pas mal de choses.
01:34:21 Thoms a fait deux bouquins, "Une histoire de la Commune", qui est très bien aussi,
01:34:25 "Paris bivouac des révolutions", et puis son livre "La guerre contre Paris",
01:34:29 alors il faut mieux connaître un peu la Commune avant de lire celui-là,
01:34:32 qui a été réédité en poche, et ça c'est bon à savoir aussi.
01:34:36 On est plutôt bien documentés sur la Commune, d'ailleurs,
01:34:39 l'épisode qu'on va faire la semaine prochaine est en partenariat avec RetroNews,
01:34:43 le site de presse de la BNF, et vous allez le voir, d'un point de vue presse,
01:34:48 on est clairement servis, parce que c'est un conflit qui est extrêmement bien documenté par la presse,
01:34:55 et il y a un relais, même à l'international, qui est très très important.
01:35:01 Donc on est plutôt bien documentés sur la Commune,
01:35:04 mais moins sur ce qui se passe à Versailles pendant ces mêmes semaines,
01:35:08 à part "La guerre contre Paris" de Thoms, justement.
01:35:11 Est-ce qu'il y aurait d'autres ressources bibliographiques à conseiller là-dessus ?
01:35:16 Eh bien non, le dernier front pionnier pour qui veut étudier l'événement,
01:35:22 à mon avis, c'est précisément de s'intéresser à Versailles,
01:35:24 qui est effectivement très mal connu,
01:35:26 à part la thèse remarquable de Robert Thoms sur, justement, l'armée de Versailles.
01:35:31 C'est un régime qui a été donné comme perdant par les historiens dès le départ,
01:35:38 ce qui, à mon sens, est allé un peu vite,
01:35:40 parce que ce régime étrange, fait d'un assemblage bizarre,
01:35:44 mais qui tient entre quand même des monarchistes et des républicains.
01:35:48 C'est quand même ce régime qui triomphe d'une révolution particulièrement impressionnante, la Commune.
01:35:54 C'est quand même ce régime qui signe une paix pas trop humiliante, si j'ose dire,
01:36:00 enfin, ça aurait pu être pire avec l'Allemagne.
01:36:03 C'est ce régime qui, quand même, gère la sortie de guerre, à sa manière.
01:36:10 Et on ne sait presque rien de ce régime de Versailles,
01:36:17 de même qu'on a assez peu étudié son prolongement,
01:36:21 qu'on appelle le gouvernement d'ordre moral.
01:36:24 C'est-à-dire qu'ils sont considérés comme une parenthèse anachronique
01:36:27 ou une espèce de chimère hybride improbable,
01:36:30 entre des vrais régimes, le Second Empire, la Troisième Vie, etc.
01:36:34 Alors que c'est presque six à sept ans de gouvernement du pays,
01:36:42 des alliances improbables, des retournements de situation.
01:36:49 À mon sens, la perspective d'une restauration monarchique
01:36:55 a vite été évacuée en disant que le prétendant Henri est un crétin totalement passéiste.
01:37:01 C'est vrai, mais est-ce que d'autres perspectives n'étaient pas envisageables ?
01:37:07 Ce sont des questions qu'on n'a pas encore totalement interrogées.
01:37:11 Là, il y a un champ de recherche qui, à mon avis,
01:37:15 est le dernier champ majeur sur cette période qui reste.
01:37:18 On a Yves Védré qui nous demande s'il y a des études ou de la doc
01:37:26 sur ceux qui ont pu jouer le rôle de conciliateur entre les deux parties.
01:37:34 Il me semble que Clémenceau, qui était au 18ème,
01:37:42 avait tenté au départ de concilier.
01:37:45 Oui, il y a les conciliateurs qu'on appelle le tiers parti,
01:37:49 qu'on retrouve, il y a plusieurs paragraphes dans toutes les histoires de la commune.
01:37:53 Il y a le livre, ancien maintenant, mais de Jeanne Gaillard,
01:37:57 "Commune de Paris, Commune de Province",
01:37:59 avec un jeu de mots sur "commune de province" qu'on pourrait traduire aussi par "ville de province",
01:38:04 qui montre ces tentatives de républicains en province d'essayer de concilier tout le monde.
01:38:09 Et il y a un moment où la conciliation est envisageable,
01:38:13 en gros c'est entre le 18 mars et la proclamation de la Commune de Paris,
01:38:19 où l'on explore la possibilité d'une autonomie parisienne,
01:38:23 ce qui pour certains députés réactionnaires est une solution tout à fait envisageable.
01:38:28 On reste à Versailles, Versailles redevient la capitale, après tout.
01:38:32 Mais le problème c'est que la guerre civile cristallise les camps.
01:38:39 C'est-à-dire qu'un moment il faut choisir.
01:38:41 Et les députés conciliateurs, à un moment, cessent de soutenir,
01:38:47 ou les conciliateurs cessent de soutenir les communards,
01:38:51 ou sont atterrés par la violence et du coup les communards se retrouvent tout seuls.
01:38:55 On a aussi, c'est vrai que ma femme me l'a offert il n'y a pas très très longtemps,
01:39:01 le "Cri du peuple" de Tardy.
01:39:03 Qu'est-ce que tu penses de cette représentation de la Commune de Paris dans cette oeuvre ?
01:39:08 Alors là, historiquement c'est remarquable.
01:39:11 Jusqu'aux détails, par exemple j'ai remarqué la chute de la colonne Vendôme,
01:39:19 il a même dessiné le papier collant mis sur les vitres pour pas que l'onde de choc se brise.
01:39:29 Et il s'est beaucoup renseigné.
01:39:32 Ce qui est marrant c'est que Tardy, j'avais pu l'interroger pour un article,
01:39:36 je lui ai dit "Tardy on le tutoie" donc je lui avais dit "bon c'est fort,
01:39:42 c'est une histoire de la Commune que t'as fait".
01:39:44 Alors lui il s'est dit "non je suis pas un historien, en gros j'ai fait un roman graphique".
01:39:49 J'ai dit "peut-être, évidemment qu'il y a un roman graphique,
01:39:52 sur un scénario de Vautrin d'ailleurs, avec une histoire incroyable, mais géniale, de vengeance etc."
01:39:58 En même temps, tout ce que tu racontes de la Commune est vrai,
01:40:04 jusqu'aux pratiques au ras du sol, les gestes, l'atmosphère de la semaine sanglante etc.
01:40:10 Non, le cri du peuple c'est le must pour moi.
01:40:14 C'est le must dans les adaptations, mais justement, est-ce qu'il y en a eu beaucoup ?
01:40:20 Que ce soit en cinéma, livres, BD, j'ai pas la sensation en tout cas...
01:40:26 BD, il y en a un peu, surtout ces dernières années.
01:40:31 Il y a "Les damnés de la Commune" de Raphaël Messon,
01:40:34 mais qui est plus une espèce de production graphique avec des gravures d'époque.
01:40:38 Il y a eu quelques BD, une série qui s'appelle "Communard".
01:40:44 C'est pas transcendant en termes de BD.
01:40:50 Ce qui est frappant, c'est qu'en audiovisuel, il n'y a presque rien.
01:40:54 On a un film en 1914 qui s'appelle "La Commune",
01:41:00 qu'on peut voir sur Youtube d'ailleurs, "La Commune d'Armand Guerra".
01:41:04 On a deux films soviétiques des années 1920,
01:41:08 un qui s'appelle "La Nouvelle Babylone" et l'autre j'ai oublié,
01:41:12 que j'ai pas vu d'ailleurs.
01:41:14 On m'a dit que c'était pas du Eisenstein non plus, que c'était dispensable.
01:41:18 On a deux téléfilms qui ont été faits pour l'ORTF lors du centenaire,
01:41:24 que j'ai pas vu non plus, je sais pas d'ailleurs où on peut les trouver.
01:41:28 Et puis il y a cet OVNI expérimental qui est le film de Peter Watkins, "La Commune".
01:41:34 D'un côté c'est génial, il va dans le quartier Popincourt,
01:41:40 dans le 11ème de mémoire, qui était un des quartiers de la Commune,
01:41:43 et pendant des mois il travaille avec les habitants pour faire une semi-impro,
01:41:46 pour qu'ils s'approprient ou qu'ils intériorisent leur rôle de communards.
01:41:52 Des anachronismes super drôles, il y a "Télé Versailles",
01:41:56 on se croirait sur BFM TV en 1971.
01:41:59 Après, "La Commune", de mémoire, la version longue c'est 6h30,
01:42:04 et on lui a demandé de faire une version commerciale de 3h30 en salle.
01:42:09 C'est Peter Watkins, pour ceux qui connaissent pas,
01:42:13 il a fait "La Bombe", qui à l'origine était commandé par la BBC,
01:42:19 et qui lui ont commandé le film, il a livré le truc,
01:42:22 et eux ils ont fait "Ok, on censure".
01:42:26 Il a fait "Culodon" aussi, sur les derniers Highlanders,
01:42:32 où il va carrément aller interviewer les Highlanders,
01:42:36 en disant "Alors, ça va, ça se passe bien la bataille ?"
01:42:38 Et les gars ont kilt, "Non, pas du tout".
01:42:40 C'est un cinéaste assez...
01:42:43 - Il y a "Punishment Park", qui a l'air d'un documentaire
01:42:47 dans une Amérique quasi totalitaire des années 70,
01:42:50 qui fait assez peur par sa modérité.
01:42:53 Il y a ce film, même pas 7h dans la version longue,
01:42:59 c'est un ovni cinématographique.
01:43:02 Bizarrement, "La Commune" n'a pas donné lieu à des super productions
01:43:07 hollywoodiennes ou françaises se prenant pour Hollywood,
01:43:10 ce qui n'est pas tout à fait la même chose.
01:43:12 Alors que si on compare par exemple avec "Vidoc",
01:43:17 à donner lieu à un feuilleton télé avec Claude Brasseur,
01:43:23 un film avec Depardieu dans les années 2000,
01:43:26 et puis récemment un film de Richet avec...
01:43:31 je ne sais plus qui...
01:43:33 Kassel, je crois.
01:43:36 Et pourquoi "Vidoc" a droit à tout ça ?
01:43:40 Pourquoi "La Commune" n'y a pas droit, alors que pourtant il y a moyen ?
01:43:43 Il y a une guerre civile, il y a Paris, il y a les femmes...
01:43:46 Si on veut de l'action, il y a les incendies et les massacres...
01:43:49 Eh ben non !
01:43:50 - Et globalement, la guerre franco-prussienne non plus,
01:43:53 c'est-à-dire qu'elle est très peu représentée.
01:43:55 - Non, effectivement, l'année est terrible,
01:43:57 il n'y a pas de film là-dessus.
01:44:02 Ou alors, il y a quelques films qui parfois se passent à ce moment-là,
01:44:05 mais en fait, ça pourrait se passer pendant l'Empire ou la Troisième République,
01:44:08 ça serait pareil.
01:44:10 Non, non, ce n'est pas représenté.
01:44:12 On peut peut-être y voir le côté politique de l'événement
01:44:17 qui pourrait faire qu'un producteur se dirait
01:44:20 "Ouais, La Commune, est-ce que les gens vont venir en masse voir ça ?"
01:44:24 - Et on a un camarade, Fred Chalet,
01:44:28 qui nous dit qu'il y a aussi un téléfilm sur Louise Michel
01:44:31 avec Sylvie Testu, et notamment sa déportation.
01:44:34 Je ne l'ai pas vu.
01:44:36 - Oui, il est honnête.
01:44:40 Il est honnête, il ressent le moins.
01:44:42 Là, c'est le prof qui parle, il est un peu trop pédagogique.
01:44:45 C'est génial pour montrer ça à une classe,
01:44:48 pour regarder le dimanche soir avec des pop-corns,
01:44:50 peut-être un peu moins...
01:44:52 Mais oui, effectivement, il est honnête,
01:44:54 et Sylvie Testu, elle se débrouille très bien,
01:44:56 ce n'est pas évident de jouer Louise Michel.
01:45:00 - Redis-nous quand même le nom de tes ouvrages,
01:45:02 tu as dit que tu fais les modestes,
01:45:04 mais c'est ton moment promo, lâche-toi, tu l'as mérité,
01:45:07 ça fait deux heures que tu nous régales.
01:45:09 - Il y a ma thèse, qui est un peu technique,
01:45:14 qui a été édité sous le titre "Paris en ruines",
01:45:16 pour ceux qui aiment les ruines et les incendies.
01:45:19 À part ça, je ne suis pas monomaniaque,
01:45:21 je peux étudier d'autres choses,
01:45:23 comme les bouchées d'abattoirs antisémites, par exemple.
01:45:26 Sinon, sur les usages mémoriels de La Commune,
01:45:29 aux éditions Libertalia, j'ai publié
01:45:31 "La Commune n'est pas morte".
01:45:33 - Foncez-y les amis, on vous le recommande très chaudement.
01:45:36 Est-ce que tu aurais quelque chose à rajouter
01:45:38 pour conclure cet entretien,
01:45:40 quelque chose qui te tenait à cœur
01:45:42 et qu'on n'aurait pas abordé ?
01:45:44 - Je suis très content, c'est mon premier Twitch,
01:45:46 pour ceux qui l'ignoraient,
01:45:48 j'ai été tout à fait convaincu par ce format,
01:45:51 l'animation, les questions,
01:45:53 qui étaient variées, enjouées, utiles,
01:45:55 efficaces, surprenantes,
01:45:57 vraiment, rien d'autre à rajouter.
01:45:59 Parfois un peu décousu,
01:46:01 mais on fait des allers-retours, etc.
01:46:04 Mais c'est aussi ça, on prend les différentes questions
01:46:06 qui arrivent, et c'est plutôt cool.
01:46:08 En tout cas, merci Eric d'avoir accepté
01:46:10 cette invitation ce soir,
01:46:12 c'est vraiment top.
01:46:14 Merci à tous d'avoir suivi cet entretien
01:46:16 avec Eric ce soir.
01:46:19 On a été 3-4 000 en moyenne
01:46:22 sur tout l'entretien,
01:46:25 c'est beaucoup, donc c'est chouette.
01:46:27 On a passé le million de vues sur Twitch,
01:46:31 on a passé le cap des 45 000 followers aussi ce soir,
01:46:34 sur Twitch, donc c'est une super soirée !
01:46:37 Et donc on va continuer dans cette dynamique-là,
01:46:40 on se retrouve lundi prochain,
01:46:42 le 29, pour un gros épisode
01:46:45 d'une quarantaine de minutes
01:46:47 sur la Commune, en partenariat avec RetroNews,
01:46:50 la bibliothèque nationale de France.
01:46:52 Vous allez voir, c'est vraiment tip-top.
01:46:54 Je remercie également les Modos,
01:46:56 qui ont fait un super boulot ce soir.
01:46:59 On peut applaudir du coup Aurénio et Carl,
01:47:02 Medcréant, qui étaient là.
01:47:04 On embrasse encore BolcheGeek,
01:47:06 l'histoire trouve toujours un chemin,
01:47:08 et tous ceux qui viennent régulièrement
01:47:10 pour ces lives.
01:47:12 Merci à tous, et très bonne soirée.
01:47:14 A très bientôt pour un nouveau live Histoire.
01:47:16 On compte sur vous.
01:47:18 Salut Eric !
01:47:20 [Sous-titres réalisés par la communauté d'Amara.org]
01:47:23 [Visite www.amara.org/en/en/en-blog]
01:47:26 [Au revoir]
01:47:29 [Sous-titres réalisés par la communauté d'Amara.org]
01:47:32 [Visite www.amara.org/en/en/en-blog]
01:47:35 [SILENCE]

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