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L'invité des Matins de France Culture.
Comprendre le monde c'est déjà le transformer(07h40 - 08h00 - 31 Octobre 2023)
Retrouvez tous les invités de Guillaume Erner sur www.franceculture.fr

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00:00 * Extrait *
00:07 La guerre au Proche-Orient, le 7 octobre en Israël, des actes ignobles, barbares, perpétrés par le Hamas, plus de 1400 morts.
00:13 Depuis lors, depuis 3 semaines, plus de 8000 morts à Gaza cette fois.
00:17 Et une situation humanitaire qui empire face à cela, face à l'horreur que peut le droit international,
00:24 que peut la justice internationale, si tôt, alors même qu'il y a urgence.
00:28 Pour en parler, je reçois dans une première partie Sarah Chateau. Bonjour.
00:32 Bonjour.
00:33 Vous êtes responsable des opérations de médecins sans frontières en Afghanistan, en Palestine, à Haïti et au Pérou.
00:38 C'est évidemment la casquette palestinienne qui nous intéressera ce matin.
00:43 Est-ce que vous pouvez, pour commencer, nous décrire la situation humanitaire ou du moins ce que vous en savez aujourd'hui à Gaza ?
00:51 Alors on est en contact régulièrement avec nos collègues là-bas.
00:53 On a 300 collègues palestiniens et on a aussi 22 expatriés qui n'ont toujours pas pu sortir,
00:59 comme l'ensemble de la communauté internationale bloquée.
01:02 Donc on a, grâce à eux, une description assez quotidienne, concrète, réelle, vraiment, de ce qu'ils peuvent vivre au niveau humanitaire.
01:09 Et c'est catastrophique. C'est vraiment des messages de désespoir qui sont partagés par nos collègues.
01:14 Déjà la situation médicale, parce qu'en tant qu'ONG médicale, c'est un des aspects qui nous préoccupent.
01:20 On n'a plus de médicaments, les hôpitaux sont saturés, sont débordés, les patients affluent quotidiennement.
01:26 On parle de plus de quasiment 21 000 blessés et des gens qui n'ont pour l'instant besoin encore de soins.
01:34 Et c'est les 21 000 blessés liés au conflit.
01:36 Pendant ce temps-là, il y a toutes les maladies chroniques, il y a les femmes enceintes.
01:39 Les femmes continuent d'accoucher dans ce contexte-là, dont des hôpitaux saturés.
01:43 On a une capacité à Gaza de 3500 lits à peu près pour 21 000 blessés.
01:48 Et d'autres maladies, type le diabète, l'hypertension, qui décompensent parce qu'ils n'ont plus accès à leurs médicaments.
01:54 Donc voilà une situation assez catastrophique, plus après la situation humanitaire au niveau des vivres.
01:59 Nos collègues nous parlent de l'horreur de ne pouvoir pas boire, de ne pouvoir pas manger.
02:04 C'est des heures de queue pour aller trouver un morceau de pain.
02:08 C'est maximum, maximum un repas par jour, si ce n'est un morceau de pain par jour.
02:12 Maintenant, de ce qu'on nous décrit, c'est mes collègues soignants, médicaux, qui n'ont pas eu d'eau hier de la journée.
02:18 Il n'y a pas d'eau potable, je veux dire. Il y a un peu d'eau saline, mais ce n'est pas de l'eau potable.
02:24 Donc ils ont réussi à en trouver heureusement pour aujourd'hui.
02:27 Mais une journée entière sans eau potable, quand on est au bloc toute la journée à opérer des patients, c'est le manque d'anesthésiant.
02:34 On n'a plus... Il y a des médicaments qui sont complètement en rupture depuis plusieurs jours.
02:38 On voit une situation catastrophique.
02:40 Est-ce que la situation est plus difficile encore depuis ce week-end ?
02:43 Je rappelle que ce week-end, c'est évidemment le moment où s'est déroulé le début de l'offensive terrestre israélienne.
02:51 Les communications étaient coupées l'ensemble de ces deux jours.
02:54 Vous avez eu du mal, j'imagine, à échanger, à communiquer avec vos équipes sur place.
02:59 Est-ce que depuis quelques jours, la situation est plus grave encore ?
03:02 De toute façon, la situation ne va faire que s'aggraver.
03:05 Il y a un blocus, un état de siège.
03:08 Aucun vivre ne rentre.
03:09 L'électricité, le fuel n'est pas revenu dans la bande de Gaza.
03:13 On ne peut que prévoir un aggravement.
03:16 À partir du moment où on continue de bombarder aussi des immeubles,
03:19 il faut imaginer qu'au Raythe Social des Immeubles, c'est une pharmacie, c'est une boulangerie,
03:22 c'est un commerce de proximité qui est bombardé avec.
03:25 C'est des entrepôts qui sont bombardés.
03:27 Donc la situation ne peut aller qu'en se dégradant.
03:29 Et ça, c'est vraiment quelque chose qui nous inquiète.
03:31 Et on le voit typiquement sur les distributions d'aides alimentaires qui sont peu nombreuses,
03:35 mais qui ont pu avoir lieu, où la population est vraiment désespérée
03:40 et va avoir des actes de pillage, d'insécurité,
03:45 parce que c'est juste un élan de survie en fait.
03:48 Il y a vraiment un élan de survie de cette population.
03:50 33 camions d'aide humanitaire sont entrés à Gaza dimanche via le point de passage de Rafah,
03:55 à la frontière entre la bande de Gaza et l'Égypte,
03:58 a fait savoir le bureau de coordination des affaires humanitaires de l'Organisation des Nations Unies.
04:03 Est-ce que pour vous, c'est déjà une source d'espoir, même minime ?
04:08 Ça l'était il y a 10 jours, quand il y a eu les 10 premiers camions,
04:12 puis le lendemain encore 10, et finalement on en est à 110 camions au total,
04:16 depuis maintenant 25 jours.
04:18 Gaza, pour sa survie avant, en dehors d'un temps de guerre,
04:22 c'est entre 300 et 500 camions par jour.
04:25 Et quand Israël explique, quand le gouvernement israélien explique
04:28 qu'il souhaiterait pouvoir faciliter l'entrée des camions humanitaires dans la bande de Gaza,
04:33 est-ce que vous croyez à ce type de discours ?
04:35 Est-ce que là aussi, ça peut vous rassurer pour les jours et les semaines qui viennent ?
04:39 Bien sûr qu'on a envie d'y croire, parce qu'il n'y a que comme ça
04:41 qu'on pourra avoir un espoir d'aider cette population.
04:44 Donc forcément, on a envie d'y croire.
04:45 Après, quand Israël le dit, il n'y a qu'à le faire.
04:50 Il y a des négociations possibles.
04:52 Les camions sont là.
04:53 On a nous-mêmes, par exemple, à frêter un avion.
04:55 La France en a frêté, l'OMS aussi.
04:58 Il y a des tonnes et des tonnes de vivres qui sont de l'autre côté,
05:00 à la porte de Rafah, prêts à rentrer.
05:02 Il faut maintenant faire une entrée massive.
05:04 Surtout que ce qui est compliqué, c'est que si on commence à faire rentrer
05:08 en petite quantité, ça met en danger les humanitaires.
05:10 Ça met en danger la population qui participe à ces distributions
05:14 parce qu'il y a des mouvements de foule,
05:15 parce que les gens s'arrachent un peu les peu de vivres qui rentrent.
05:18 Alors que si on commençait à faire rentrer de façon massive,
05:21 on pourrait organiser des distributions d'aides alimentaires, de vivres.
05:25 On pourrait aussi fournir en plus grande quantité les hôpitaux,
05:29 parce que là, il y a vraiment énormément, énormément de besoins
05:33 dans le nord et dans le sud de la bande de Gaza, au niveau des hôpitaux.
05:36 Est-ce que pour s'organiser, pour acheminer l'aide alimentaire,
05:40 Sarah Chateau, pour acheminer aussi l'aide en médicaments,
05:44 l'aide en ressources, quelle qu'elle soit,
05:46 les organisations non gouvernementales, les UMER, les humanitaires,
05:49 d'une façon plus générale, sont parfois contraintes de collaborer
05:53 avec le Hamas, en tout cas de travailler avec ce groupe ?
05:58 On travaille sur Gaza avec les autorités en place.
06:01 Donc forcément, notre interlocuteur, c'est le ministère de la Santé.
06:04 Après, le Hamas, il y a une branche militaire et une branche politique.
06:07 Donc, depuis maintenant 2007 que le Hamas est en place,
06:11 MSF, entre autres, avec d'autres organisations humanitaires,
06:14 on est présent et on est en dialogue, comme dans tous les pays où l'on travaille,
06:17 avec les autorités présentes pour négocier notre espace humanitaire,
06:21 pour négocier la possibilité de pouvoir accéder aux populations et aux besoins.
06:26 Donc, nous, notre interlocuteur est et restera le ministère de la Santé
06:31 et les autorités qui prennent le rôle de ministère de la Santé.
06:35 C'est eux qui dirigent les hôpitaux, c'est eux qui sont en charge du personnel soignant.
06:40 Et donc, on ne peut pas ne pas faire avec eux.
06:42 Après, c'est vrai que c'est une branche différente de la branche militaire.
06:46 Quelle était la situation humanitaire cette fois-ci à Gaza, dans la bande de Gaza ?
06:51 Avant le 7 octobre, on sait que la région a toujours été non pas dépendante,
06:56 mais en tout cas, qu'elle était largement soutenue, aidée par l'aide humanitaire.
07:00 Et ce, même avant la guerre, même avant le 7 octobre.
07:05 À quel point, pour qu'on puisse réaliser les choses, Sarah Chateau ?
07:07 Mais Gaza, c'est déjà 80% de sa population.
07:10 C'est ce qu'on appelle les déplacés, les déplacés internes.
07:14 Gaza, c'est construite sur différentes périodes, en termes, au niveau historique.
07:20 Mais du coup, c'est 2 millions d'autres personnes qui sont dans des conditions très précaires,
07:26 sur une toute petite bande de territoire, donc une surpopulation,
07:30 avec énormément de problématiques liées à la surpopulation dans un petit territoire.
07:35 Donc nous, par exemple, à MSF, on travaillait sur l'acclimation des brûlés.
07:38 On a énormément de gens qui arrivent, d'enfants, de femmes, qui arrivent avec des brûlures,
07:43 parce qu'ils sont addis dans un appartement,
07:46 parce qu'ils vivent dans des conditions assez précaires, par exemple.
07:49 Ça, c'était Gaza avant.
07:50 C'est aussi, à Gaza, un endroit qui a connu maintes et maintes guerres.
07:53 Là, celle-là est énorme et il n'y a pas de mots pour décrire ce...
07:57 Voilà, c'est un massacre d'une population.
08:01 Mais pour autant, en mai 2023, il y a eu 5 jours de bombardement.
08:06 En août 2022, 3 jours de bombardement.
08:08 En mai 2021, 11 jours, et ainsi de suite, et ainsi de suite.
08:11 Donc c'est une population qui vit de guerre en guerre, avec à chaque fois des conséquences.
08:18 Avec à chaque fois tout un travail, au niveau en tout cas médical,
08:22 de soins post-opératoires d'après ces guerres.
08:25 On est encore en train de prendre en charge des patients liés à la grande marche du retour,
08:29 qui était la grande attaque de 2018,
08:31 où les combattants allaient à la barrière avec Israël et se faisaient tirer dessus, littéralement.
08:37 On a encore des patients avec des problématiques médicales,
08:42 de problèmes de mycose, etc.
08:44 d'amputation, qui sont toujours liés à la guerre de 2018, par exemple.
08:48 Les conséquences humanitaires s'étirent par-delà les conflits qu'elles concernent ?
08:51 Et là, sur cette guerre-là, il y en a pour des années,
08:55 de soins en santé mentale, de soins en traumatologie,
08:58 de soins en post-opératoire, en tout genre.
09:01 On prend les gens actuellement dans des conditions tellement précaires,
09:05 au niveau hygiène, au niveau rapidité, volume de patients, triage,
09:10 que derrière, ça va être des conséquences aussi lourdes pour ces populations,
09:14 qui derrière, perdent leurs emplois, sont amputées, ne peuvent pas travailler,
09:17 donc des familles encore plus défavorisées.
09:19 Donc tout ça, ça crée aussi une paupérisation de cette population,
09:22 qui est déjà avec très peu d'options, finalement, sur cette petite île au pain de terre.
09:28 Donc oui, c'est toutes ces guerres à répétition,
09:31 et là, l'ampleur de celles-là va juste faire que...
09:35 Voilà, c'est un désastre à venir pour les prochaines années.
09:38 Selon le rapport que je citais un peu plus tôt du Bureau de coordination des affaires humanitaires de l'ONU,
09:43 l'entrée de toute urgence de carburant pour faire fonctionner les équipements médicaux,
09:48 les installations d'eau et d'assainissement est particulièrement nécessaire.
09:52 On sait que cette entrée de carburant cristallise, évidemment, quelques controverses,
09:56 puisque Israël explique qu'elle pourrait parfois être utilisée pour construire, pour fabriquer des armes.
10:02 Comment vous réagissez à cette situation ambiguë sur la question majeure du carburant ?
10:08 C'est un bien de première nécessité.
10:10 Je pense qu'il faut aller directement à l'essentiel maintenant,
10:14 et le carburant, c'est ce qui fait tourner un hôpital,
10:17 c'est ce qui fait tourner les usines de désalinisation pour avoir de l'eau potable.
10:20 Et sans ça, c'est juste asphyxier la population, en fait.
10:24 Donc peut-être qu'il y a un débat autour du détournement,
10:28 mais en fait, l'idée maintenant, c'est de sauver cette population de 2 millions de personnes.
10:33 Il existe aujourd'hui, Sarah Chateau, deux écueils principaux pour faire pénétrer l'aide humanitaire dans la bande de Gaza.
10:40 Le blocus organisé par Israël d'un côté, mais également le poste frontière de Rafa,
10:46 et la réticence égyptienne peut-être à l'ouvrir plus encore.
10:50 Là encore, est-ce que Rafa peut jouer un rôle important et son ouverture pour acheminer de l'aide humanitaire ?
10:57 Oui, Rafa doit être ouvert de façon plus importante.
11:00 Après, les Israéliens peuvent aussi ouvrir Kerem Shalom,
11:03 qui est l'autre point de passage directement côté israélien,
11:07 qui était le point de passage principal pour tout l'approvisionnement des vivres.
11:12 Donc c'est vrai qu'Israël peut jouer son rôle dans les négociations de réouvrir ce point de passage et de permettre deux niveaux d'arrivée.
11:21 Après, il y a la réticence qu'on peut entendre de l'Egypte d'ouvrir un peu plus largement Rafa sur la partie accueillir des blessés,
11:30 sur la partie accueillir la population palestinienne.
11:34 Après, c'est vrai que c'est peut-être et c'est sûrement je pense une nécessité pour la population d'avoir la possibilité de pouvoir fuir ces bombardements.
11:43 Après, ce n'est pas forcément le choix de la population.
11:45 Ça reste leur terre et c'est assez compliqué comme enjeu entre bombardement et fuite.
11:51 Le choix est quasiment impossible et c'est vraiment le désespoir qui prime.
11:54 Merci Sarah Chateau.
11:55 Vous êtes responsable, je le rappelle, des opérations de médecins sans frontières en Afghanistan, en Palestine, à Haïti et au Pérou.
12:02 Et on va poursuivre cette discussion à partir de 8h20 avec deux juristes spécialisés en droit international
12:08 pour tenter de comprendre justement ce que peut le droit international face à l'urgence.
12:13 Il est 7h55.
12:15 6h30, 9h, les matins de France Culture.
12:20 Quentin Laffey.
12:21 Que peut le droit international dans la situation humanitaire que traverse Gaza face à la guerre aussi qui oppose Israël au Hamas ?
12:30 Pour en discuter, je reçois ce matin trois invités.
12:33 Sarah Chateau, rebonjour.
12:35 Rebonjour.
12:35 Vous êtes responsable des opérations de médecins sans frontières en Afghanistan, en Palestine, à Haïti et au Pérou.
12:40 C'est évidemment la partie palestinienne qui nous intéressera aujourd'hui.
12:44 À vos côtés, Yoann Soufie.
12:45 Bonjour.
12:46 Vous êtes avocat et procureur international, ancien responsable du bureau juridique de l'Agence des Nations Unies pour les réfugiés palestiniens à Gaza.
12:54 Et avec nous, mais à distance, Aurélia De Vos.
12:57 Bonjour.
12:58 Bonjour.
12:59 Vous êtes magistrate ancienne responsable du pôle "Crime contre l'humanité" du tribunal judiciaire de Paris.
13:04 Votre dernier livre, "Crime contre l'humanité, le combat d'une procureure", est paru aux éditions Kalman Levy le 25 octobre dernier.
13:12 Et pour commencer, je voudrais qu'on évoque cette actualité de la Cour pénale internationale.
13:17 Son procureur, Karim Khan, s'est rendu dimanche au poste aux frontières de Rafah, entre Gaza et l'Égypte.
13:24 Il a déclaré qu'il espérait se rendre dans l'enclave palestinienne et en Israël pendant son séjour dans la région.
13:29 On verra que ce serait plus compliqué qu'il ne pouvait le prédire.
13:33 Comment est-ce que vous interprétez, Yoann Soufie, la démarche du procureur de la Cour pénale internationale ?
13:40 Je l'interprète comme d'abord un signe positif.
13:45 Un signe positif qu'après avoir un peu mis de côté la situation en Palestine,
13:51 aujourd'hui l'actualité exige un dynamisme plus important de la part du procureur.
13:58 Et aussi comme un signe encourageant puisque l'Égypte n'est pas un état parti au statut de Rome.
14:03 Et donc le simple fait que le procureur ait pu se déplacer à Rafah, c'est-à-dire à la frontière entre la bande de Gaza et l'Égypte,
14:10 montre qu'il y a au moins une volonté de l'Égypte de coopérer,
14:15 simplement sur cette question, pour pouvoir laisser rentrer le procureur dans la bande de Gaza,
14:22 lorsque les conditions sécuritaires le permettront.
14:24 Et de la même façon, Yoann Soufie, Israël n'est pas non plus un état qui est membre de la Cour pénale internationale.
14:30 Est-ce qu'on peut attendre néanmoins de la part d'Israël un travail de collaboration, en tout cas de coordination avec la CPI ?
14:39 Les premiers signes indiquent que non.
14:43 Mais j'espère qu'avec le poids de la communauté internationale et avec des pressions,
14:49 notamment des alliés d'Israël ou en tout cas de ses soutiens,
14:53 cette position changera.
14:56 Parce qu'il ne peut y avoir de solution, à mon avis en tout cas en Palestine et en Israël,
15:01 qu'avec les outils du droit international et c'est l'objet du débat aujourd'hui.
15:06 Aurélien Deveau, je vous pose une question similaire et même peut-être pour tenter d'aller plus loin.
15:10 Est-ce que la démarche de la Cour pénale internationale, la démarche de son procureur,
15:16 est-ce qu'elle est trop prématurée en dépit de l'urgence ?
15:19 Est-ce qu'au fond, il est trop tôt pour, j'allais dire, faire du droit international et pour attendre beaucoup du droit,
15:25 alors que la guerre commence à peine ?
15:29 Alors, c'est vrai que spontanément, la justice, c'est l'après.
15:36 C'est l'après parce que c'est la détermination de l'existence de crimes précis.
15:42 Où, quoi, comment, par qui ?
15:45 La détermination de responsabilité avec un objectif de sanction et ultérieurement de réparation.
15:51 Donc, au premier abord, on peut être surpris de cette rapidité.
15:57 Mais je crois que cette accélération, elle est très nette depuis les événements en Ukraine.
16:05 On n'est plus tout à fait dans l'après.
16:07 On n'est plus tout à fait non plus dans le pendant.
16:10 J'irais même qu'on va au-delà, puisque quand on écoute les déclarations du procureur de la Cour pénale internationale,
16:17 on est presque dans l'avant, c'est-à-dire qu'on vient exposer les règles de droit qui pourraient être franchies.
16:25 Et donc, on prévient en quelque sorte que la justice est là.
16:29 Donc, je crois qu'on a une vraie accélération. Elle est à la fois positive,
16:34 parce que ça permet de préserver les preuves immédiatement, de commencer à les préserver.
16:40 Je crois qu'il y a aussi une urgence à comprendre que l'analyse, elle viendra dans un second temps.
16:47 Donc, on est dans une réflexion temporelle qui est double, c'est-à-dire qu'il faut être rapide pour préserver les preuves,
16:54 en tout cas celles qu'on peut avoir pour le moment, et en même temps, il faudra le recul du temps pour les analyser.
17:01 La Cour pénale internationale est compétente pour juger les crimes de guerre et les crimes contre l'humanité
17:06 qui auraient été commis lors de l'attaque du Hamas en Israël et sur le territoire de Gaza depuis le 7 octobre,
17:12 a dit Karim Khan, le procureur de la Cour pénale internationale.
17:16 Est-ce que justement, ce travail de collecte des preuves, Aurélia De Vos,
17:21 est-ce que c'est une urgence de préservation des preuves et d'analyse des preuves à débuter ?
17:27 Alors, évidemment, je ne peux pas parler pour le bureau du procureur de la Cour pénale internationale.
17:32 Je crois comprendre que de toute façon, dans le prolongement de l'enquête qui est déjà en cours sur la zone depuis 2021,
17:42 pour les crimes qui auraient eu lieu depuis juin 2014, il y a déjà des choses qui peuvent être faites.
17:49 Il y a bien sûr un travail sur les preuves scientifiques, sur les satellites, sur les images,
17:54 les recoupements aussi, grâce à des témoignages de personnes qui sont sorties des territoires, des binationaux.
18:01 Donc il y a beaucoup de choses qui peuvent déjà être faites.
18:04 Et effectivement, l'accès au territoire, c'est assez important.
18:06 Et vous l'avez dit, je crois que c'est le souhait de Karim Khan.
18:11 Depuis 2021, vous l'avez mentionné, la Cour pénale internationale enquête sur les territoires palestiniens occupés,
18:17 sur d'éventuels crimes de guerre et crimes contre l'humanité.
18:22 Là aussi, Johan Soufi, on a critiqué la Cour pénale internationale parce qu'on a jugé,
18:27 beaucoup ont jugé en tout cas, que cette enquête entamée il y a deux ans maintenant ne produisait pas beaucoup d'effets concrets.
18:34 Quelle analyse vous portez sur l'enquête diligentée par la CPI ?
18:39 Alors moi, c'est moins la rapidité de l'enquête que j'ai critiquée,
18:43 parce que pour avoir travaillé longtemps dans la justice pénale internationale, j'en connais aussi les contraintes et les délais.
18:50 Mais c'était plus sur les moyens et les ressources à la fois humaines et financières qui étaient consacrés à la situation en Palestine par rapport à d'autres situations.
18:58 Je revenais d'Ukraine, comme vous l'avez dit, et j'ai constaté effectivement la différence à la fois de soutien,
19:05 de ressources financières, humaines, mais aussi de soutien politique vis-à-vis des enquêtes de la Cour en Ukraine, par exemple, et en Palestine.
19:16 Donc c'était plus ça la critique que l'absence de résultats immédiats sur les enquêtes en Palestine.
19:25 Mais pour revenir un peu aussi sur ce dont a parlé Aurélia De Vos,
19:28 c'est certain qu'aujourd'hui la Cour a non seulement un aspect rétributif, c'est-à-dire pour punir les auteurs de crimes, mais aussi un aspect préventif.
19:37 Et donc quand le procureur aujourd'hui se rend à Rafa et fait la conférence de presse qu'il a tenue, c'est aussi dans l'idée de prévenir de futurs crimes.
19:47 Et donc ça, à mon avis...
19:48 - Et prévenir comment ? Prévenir du point de vue symbolique ?
19:50 Prévenir en expliquant que la CPI et l'autorité qu'elle représente ne peuvent pas permettre ce qui est en train de se dérouler sous les yeux du monde ?
19:59 - Oui, vous savez, le cycle de violence, à la fois en Israël et en Palestine, il est aussi dû à l'impunité.
20:05 Et donc simplement d'avoir un message fort, de dire "un jour, les auteurs de crimes auront à répondre de leurs actes devant une juridiction pénale internationale",
20:15 ça peut éventuellement avoir un effet dissuasif, et à mon avis, c'était aussi l'objet du message du procureur.
20:22 - Sarah Chateau, lorsqu'on travaille comme vous, comme vos équipes, comme les équipes de Médecins Sans Frontières,
20:27 sur le terrain, face à l'urgence humanitaire, face aussi à ces crimes de guerre que vous observez, que vous constatez,
20:36 qu'est-ce qu'on peut attendre d'une démarche comme celle du procureur de la CPI ?
20:40 Est-ce qu'au fond, c'est pour vous un autre monde, celui du temps long, celui de la justice internationale,
20:46 où vous vous sentez directement concerné par ce qui se passe là ?
20:50 - Toute initiative et toute approche est, j'ai envie de dire, une petite fenêtre d'espoir et bonne à prendre.
20:58 Après, c'est vrai qu'on travaille à Gaza depuis plus d'une vingtaine d'années.
21:02 C'est une occupation, comme tout en Cisjordanie, où on a des équipes présentes, et où on voit vraiment les impacts et les effets de l'occupation sur la population gazaouie,
21:13 avec l'énorme immensité des besoins humanitaires.
21:17 Donc c'est vrai que le délai pour nous est un peu différent.
21:20 On est sur un timing d'urgence.
21:22 Il faut maintenant...
21:23 On est sur une crise humanitaire grave, avec des besoins et des réponses immédiates.
21:28 Comme le disait un des médecins dans un des reportages juste avant au journal, il n'y a plus de médicaments, il n'y a plus d'eau, on reçoit les gens déshydratés.
21:37 Donc c'est vrai que...
21:38 On sera, je pense, sur une temporalité assez différente, où on a besoin, nous, d'action.
21:43 Et on a besoin de vivre.
21:44 On a besoin de faits concrets.
21:47 Alors, les faits, les décisions et les annonces faites par la justice sont une nécessité,
21:53 mais avec une temporalité un peu décalée par rapport à l'ampleur du besoin immédiat.
21:58 Aurélien Deveau, c'est une réaction même du point de vue, j'allais dire, philosophique.
22:02 Comment peuvent s'articuler ce temps de l'urgence et ce temps nécessaire, fondamental, de la justice internationale ?
22:11 Alors, ce que je voudrais quand même dire par rapport à ça, c'est qu'effectivement,
22:17 pour rebondir sur ce qu'a dit Johan Soufie sur la question de l'impunité,
22:22 c'est très important, effectivement, d'être là, d'être présent, de dire les choses immédiatement,
22:28 mais aussi d'avoir des résultats.
22:31 Parce que l'impunité n'est pas seulement attaquée par les mots,
22:36 mais elle est aussi par les jugements qui auraient lieu.
22:40 Donc oui, on peut être poursuivi, mais encore faut-il que ça se produise.
22:45 Et là, je crois qu'au-delà même de la Cour pédale internationale,
22:48 dont on parle depuis tout à l'heure, il y a aussi une responsabilité collective par rapport à ça.
22:54 C'est-à-dire que c'est aussi notre responsabilité, et c'est le sens de ce que j'ai voulu développer dans mon ouvrage,
23:01 c'est que nous tous, pays européens ou bien au-delà,
23:06 nous avons des unités spécialisées qui travaillent sur ces crimes.
23:09 Et nous ne sommes pas non concernés par ce qui est en train de se passer,
23:12 ne serait-ce que par, bien sûr, la nationalité française de certaines victimes,
23:17 mais aussi éventuellement sur le point de savoir si nous serons à un moment donné
23:22 le refuge de certains des auteurs de ces crimes.
23:25 Et je crois qu'il y a là un temps qui doit être pensé,
23:33 c'est-à-dire qu'il y a l'urgence que nous-mêmes nous soyons en mesure de faire
23:38 et de développer le Pôle crime contre l'humanité que nous avons.
23:41 Ne serait-ce que pour être dans la pleine complémentarité avec la Cour.
23:44 On imagine bien que la Cour ne pourra pas se pencher sur tous les crimes commis
23:48 ni sur toutes les responsabilités,
23:50 et que tous les États doivent, dans une sorte de patchwork général,
23:53 se mettre en mesure de faire.
23:55 Et donc c'est vrai qu'il y a aussi ce temps d'urgence pour nous.
24:00 On ne peut pas rester en dehors de ce qui est en train de se passer sur le plan judiciaire.
24:04 Je pense que ça, c'est une dimension très, très importante.
24:07 Depuis plusieurs jours, le débat public s'est emparé de notions juridiques importantes
24:13 pour tenter de comprendre la guerre qui se déroule sous nos yeux,
24:18 et notamment les principes de proportionnalité, de discrimination, d'intentionnalité.
24:24 Est-ce que pour vous, ce sont des concepts, Johann Soufi,
24:27 utiles pour saisir ce qui est en train de se passer ?
24:30 Prenons par exemple le concept de proportionnalité.
24:32 On a, depuis côté israélien, 1 400 morts depuis l'attaque du Hamas du 7 octobre.
24:39 Il y a, côté palestinien, 8 500 morts.
24:42 Est-ce que ce principe de proportionnalité, pour comprendre, interpréter, juger aussi,
24:47 peut-être du point de vue moral, la réaction d'Israël, vous paraît pertinent ?
24:52 Alors oui et non.
24:53 La première réponse, c'est que le principe de proportionnalité ne veut pas dire
24:58 parce qu'on a eu 1 400 morts civiles d'un côté, il faut en tuer 1 400 civils de l'autre.
25:03 Qu'est-ce que ça signifie ? Alors comment on l'interprète, le concept ?
25:05 Alors on l'interprète par rapport à des objectifs militaires qui doivent être précis et identifiés,
25:11 et par rapport au nombre de pertes civiles par rapport à ces objectifs militaires.
25:19 Aujourd'hui, moi, ce qui m'interroge, voire ce qui me choque dans la réponse israélienne,
25:24 c'est justement cette absence de proportion, ou en tout cas cette dissonance,
25:31 entre les objectifs militaires affichés, notamment par exemple de récupérer les otages,
25:35 et les moyens utilisés.
25:37 Il y a eu un bombardement systématique du nord de Gaza, comme l'a rappelé ma collègue,
25:42 un siège total avec l'absence d'eau, de médicaments, de nourriture,
25:47 et donc toutes ces moyens militaires ou non mis en œuvre suggèrent une absence de proportion
25:56 dans la riposte israélienne aujourd'hui, selon moi.
25:59 Aurélien Deveau, votre interprétation, ce concept de proportionnalité,
26:03 comment est-ce qu'on l'interprète du point de vue juridique et à bon escient dans le débat public présent ?
26:09 Alors, le droit de la guerre, le droit international humanitaire,
26:14 ce n'est pas l'impossibilité de faire la guerre, c'est de l'encadrer.
26:17 Et donc effectivement, quand on bombarde, quand on est dans l'action militaire,
26:23 elle doit être proportionnée à l'objectif.
26:25 Alors bien sûr, c'est du cas par cas.
26:27 Chaque action doit être analysée précisément.
26:32 Il ne suffit pas de dire tel ou tel bâtiment officiel, religieux,
26:39 un hôpital a été bombardé, donc c'est un crime de guerre.
26:42 Encore faut-il préciser, est-ce aussi un objectif militaire ?
26:47 L'attaque a-t-elle été proportionnée ?
26:50 Parce que, par exemple, tout simplement, on peut imaginer le fait de bombarder
26:56 et avec des pertes civiles très importantes, pour un objectif militaire qui serait minime,
27:03 par exemple la destruction de trois ou quatre armes.
27:06 J'exagère, mais effectivement, là, on n'est pas dans la proportionnalité.
27:09 Donc, ça va s'analyser au cas par cas.
27:12 On imagine quand même la prudence qu'il faut avoir sur chacune des actions,
27:16 parce que chacune de ces actions doit être analysée isolément et précisément,
27:21 et au cas par cas.
27:22 Donc, on voit à quel point le droit international humanitaire est très complexe.
27:26 L'autre notion qui fait débat, Aurélia Deveau, c'est celle d'intentionnalité.
27:31 Certains font une différence entre la volonté, je l'ai cite, d'aller tuer des enfants volontairement,
27:36 de les décapiter, de les massacrer du bout de la main, du bout de l'arme,
27:40 comme l'ont fait le 7 octobre les hommes du Hamas.
27:43 Et ils les distinguent du fait de tuer des enfants, j'allais dire, presque par dommage collatéral.
27:48 C'est-à-dire, on va bombarder un lieu, un hôpital, et des enfants vont mourir,
27:53 alors qu'ils sont la cible, mais qu'ils ne sont pas une cible première, une cible intentionnelle.
27:58 Est-ce que, pour vous, là encore, du point de vue juridique, c'est une notion qui a du sens,
28:03 et qui peut permettre de mieux comprendre ce qui se passe ?
28:07 Vous savez, humainement, bien sûr, que tout être humain a la même valeur.
28:14 Et je crois qu'on n'a pas droit sur ce terrain-là, bien sûr.
28:17 Quand on parle de l'intention, c'est parce qu'elle fait partie intrinsèquement de ce qu'on va réussir à qualifier.
28:22 Bien sûr que l'intention coupable, elle doit être analysée, décortiquée,
28:27 et ce n'est pas la même chose, puisqu'on va le qualifier différemment,
28:30 que d'aller systématiquement, de manière généralisée, viser des populations civiles.
28:36 On peut, dans ces cas-là, parler de crimes contre l'humanité, sous toute réserve,
28:42 que, effectivement, de tuer dans le cadre ou non respecté du droit international humanitaire,
28:52 ça peut être potentiellement un crime de guerre,
28:54 mais effectivement, l'intention fait partie de la définition du crime.
28:58 Donc là, on applique la froideur du droit sur des qualifications,
29:03 ça n'est en rien diminuer la souffrance, ou de faire une hiérarchie de valeur entre les victimes, bien entendu.
29:11 Vous n'entendez pas, ou en tout cas, même du point de vue moral,
29:14 ou de la traduction juridique de ce principe moral,
29:17 "une vie = une vie, un enfant tué = un enfant tué",
29:21 quel que soit le bord de la frontière, Aurélia De Vos,
29:23 il n'y a pas de principe juridique ou d'action juridique pour traduire, j'allais dire,
29:29 ce principe moral simple face à celui de l'intentionnalité ?
29:34 Vous savez, la justice, c'est d'abord aussi la détermination de la responsabilité d'un auteur.
29:39 Et donc, en réalité, le prisme, il est là.
29:41 C'est-à-dire que, bien sûr que les victimes doivent être considérées à égalité,
29:49 mais le sujet n'est pas là, il y a aussi l'intentionnalité, la grandeur de la faute,
29:54 que ce soit en justice internationale ou en droit commun.
29:59 Pour vous donner un exemple bien éloigné du sujet,
30:03 bien sûr qu'un homicide involontaire sur la route peut être dramatique,
30:08 et la vie est fauchée.
30:12 Pour autant, est-ce que la grandeur de la faute est tout aussi importante, par exemple,
30:17 que dans un meurtre ou un assassinat volontaire ?
30:19 On est dans la même chose, et pourtant la vie est bien sûr fauchée et à égalité.
30:24 Yvonne Souffy, en tant que juriste, en tant qu'avocat,
30:27 vous êtes également attachée de la même façon au principe d'intentionnalité ?
30:32 Oui, parce que c'est ce qui fait l'essence du droit pénal, comme l'a rappelé Aurélia De Vos.
30:37 Et d'ailleurs, c'est aussi ce qui distingue, d'une certaine manière,
30:42 les crimes de guerre, les crimes contre l'humanité, du génocide.
30:45 C'est l'élément intentionnel aussi, et ce qu'on cible la population civile, et pour quelle raison.
30:50 Mais simplement, ce que je peux ajouter, c'est que, en tout cas de mon expérience,
30:54 l'intentionnalité résulte à la fois des discours, des mots, mais aussi des actes.
31:00 Il y a beaucoup de dossiers, c'est ce qui fait aussi la complexité de notre travail,
31:04 où on prétend essayer d'atteindre un objectif militaire,
31:10 et on déduit des actes, en réalité, une attaque contre une population civile.
31:15 Et donc, c'est important d'analyser à la fois les discours des deux côtés,
31:19 mais également les actions militaires, pour déterminer quelle était réellement l'intention,
31:25 et comme l'a rappelé Aurélia De Vos, l'intention individuelle de chacune des personnes qui ont participé à l'attaque.
31:32 - Sarah Chateau, est-ce que les organisations non-gouvernementales,
31:35 Médecins Sans Frontières en particulier, travaillent d'ores et déjà à aider la justice internationale,
31:41 à les aider notamment peut-être à collecter des preuves, à rassembler des faits, des images ?
31:47 Est-ce que c'est déjà quelque chose qui est présent dans votre démarche,
31:50 alors même que l'urgence humanitaire, je le rappelle, évidemment, est à son comble ?
31:54 - Alors pour l'instant, non, ce n'est pas concrètement présent, dans le sens où, comme vous l'avez dit,
31:58 l'urgence humanitaire est à son comble, et qu'on a toujours nos collègues qui sont 22 expatriés,
32:05 qui sont d'une certaine façon bloqués, pris au piège à l'intérieur de Gaza,
32:09 et qui ont vraiment surpoussé les négociations pour essayer d'avoir la possibilité de pouvoir sortir.
32:14 On a 4 Français, on a plein de nationalités qui sont là-bas,
32:18 et qui dorment sur un parking depuis maintenant deux semaines,
32:20 qui n'ont pas d'abri avec les bombardements autour,
32:23 et on essaie tous les jours de les retrouver à bord et à manger.
32:26 On en est vraiment là au quotidien, on essaie de faire rentrer les médicaments.
32:29 C'est pour ça que nous, pour l'instant, on joue notre rôle aussi de témoignage.
32:33 On est avec tous nos collègues sur place, quand ils peuvent se permettre
32:38 à raconter l'horreur de ce qu'ils vivent, à témoigner.
32:41 On a des photos, on essaie de voir, via le support des médias aussi,
32:46 raconter l'ampleur des besoins, mais je pense que tout ce qui va être de la collecte d'informations,
32:50 du support au droit, sera dans un deuxième temps.
32:54 Après, ce sont des choses sur lesquelles on a pu travailler sur différentes guerres à Gaza,
32:58 sur les types de blessures qu'on peut recevoir,
33:02 les liens avec les enquêtes balistiques, ce genre de choses.
33:06 Mais là, aujourd'hui, la priorité, c'est vraiment un cessez-le-feu.
33:09 C'est vraiment témoigner de l'ampleur et de l'atrocité de ce qui se passe, et des besoins.
33:13 Aurélien Devos, en quelques mots, comment est-ce que la justice internationale
33:17 travaille en lien avec ses acteurs, avec ses organisations non-gouvernementales,
33:23 pour récolter des preuves et au-delà, pour faire en sorte que la justice internationale puisse avancer ?
33:29 La justice internationale, bien sûr, est en lien avec des organisations internationales
33:34 qui sont sur le terrain. On voit bien que beaucoup de territoires sont inaccessibles
33:39 et que ces acteurs non-gouvernementaux peuvent accéder aux informations,
33:45 je dirais plus des informations que des preuves.
33:48 Elles vont devenir des preuves quand elles seront recoupées, ces informations,
33:51 et quand elles seront, quelque part, fiabilisées.
33:54 Mais plus ces informations, et puis l'accès aussi aux témoins, aux victimes,
33:59 aux premiers éléments qui sont sur le terrain.
34:05 Il y a une coopération, bien sûr, entre la justice internationale et ses ONG,
34:10 aussi entre les justices nationales et ses ONG. C'est absolument indispensable.
34:14 Avec la limite que pour les ONG, de ce qu'elles nous en disent,
34:18 c'est compliqué de travailler à la fois sur le terrain et en même temps d'être en relation
34:23 avec l'autorité judiciaire, ne serait-ce qu'aussi pour leur propre sécurité.
34:27 Donc il y a des limites à cette coopération. Elle n'est pas toujours évidente
34:33 et je crois que Médecins sans frontières peut tout à fait en témoigner.
34:37 On la souhaite la plus fluide possible dans les semaines, les mois, les années malheureusement qui viennent.
34:42 Merci beaucoup à tous les trois, Sarah Château, Aurélien Devaux, Suhan Soufie,
34:46 d'être venus évoquer avec nous ce que peut le droit international
34:50 dans le conflit qui oppose Israël au Hamas.
34:52 Vous écoutez France Culture, il est 7h40, 8h43.

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