• l’année dernière
Transcription
00:00 Quand on parle du sang humain, c'est pas déclencheur pour un requin.
00:03 Je me suis fait mordre violemment par une murenne dans un endroit où il y avait des
00:06 centaines de requins autour de moi et ça n'a rien déclenché de spécial.
00:10 Alors qu'au même endroit, quand il y a un poisson qui est blessé, ça devient de la folie.
00:14 Bonjour, je m'appelle Laurent Balesta, je suis biologiste marin de formation.
00:22 Pendant cinq années, nous avons exécuté 3000 heures de plongée pour observer et comprendre
00:28 une meute de 700 requins gris.
00:30 Le mégalodon, oui, bien sûr, il a existé.
00:52 C'était il y a 5 millions d'années, il y en a qui disent qu'il a disparu il y a 3 millions,
00:56 d'autres qui disent qu'il a disparu il y a un million et demi seulement.
00:59 Combien il a dit ? 23 mètres.
01:00 C'est un peu exagéré.
01:01 La moyenne devait plutôt être à 10 mètres.
01:03 Il n'y a que le début du film qui m'a passionné, qui est complètement délirant.
01:06 Ça fait fantasmer l'idée qu'il y aurait au fin fond de la fosse des Mariannes un écosystème
01:12 suffisamment nourrissant pour que des bêtes comme ça, de 15 mètres, aient de quoi se
01:16 nourrir dans des espaces restreints.
01:18 Si j'étais un mégalodon, je dirais plutôt suivre l'immigration des baleines à bosse
01:22 plutôt qu'aller me contenter de trois petits crabes qui vivent à 10 000 mètres de fond.
01:26 On pourrait lui accorder 10% de réalité.
01:29 T'as ri, t'es blessé.
01:36 Mmmh, délicieux.
01:41 Oh, t'es un requin !
01:43 Indéniablement, les requins ont un odorat extraordinairement développé,
01:47 capables de détecter une goutte d'un produit quelconque dans un million de gouttes.
01:52 Alors là, c'est le sang d'un poisson.
01:53 Donc s'il y a du sang, c'est qu'il est blessé.
01:56 S'il est blessé, il est plus faible.
01:57 C'est toujours un rapport entre la dépense d'énergie que va coûter la chasse et le
02:01 fruit de cette chasse, qu'est-ce qui va me rapporter en énergie.
02:03 Si on parle du sang humain, c'est pas déclencheur pour un requin.
02:10 Je peux parler de mon expérience à moi.
02:11 Je me suis fait mordre violemment par une murenne et c'était dans un endroit où il
02:15 y avait des centaines de requins autour de moi.
02:17 Et ça n'a rien déclenché de spécial parce que cette odeur-là n'est pas dans leur
02:22 catalogue en quelque sorte, alors qu'au même endroit, quand il y a un poisson qui
02:25 est blessé, ça devient de la folie.
02:27 On peut dire qu'on est près de 80% de réalité scientifique dans cette mise en scène.
02:35 D'abord, là, on est dans un chef d'oeuvre du cinéma.
02:51 Je trouve qu'on a toujours fait un mauvais procès à Steven Spielberg et je ne suis
02:55 pas convaincu que s'il n'y avait pas eu les dents de la mer, on aurait moins massacré
02:59 de requins.
03:00 Cette scène-là des dents de la mer, ce n'est pas de la fiction.
03:06 C'est des choses qui arrivent, hélas, qui arrivent même trop souvent ces dernières
03:10 années à l'île de la Réunion.
03:11 On est plutôt à 80% de réalité, 90% de réalité.
03:15 Ça peut arriver.
03:18 Quant à ce requin qui se déplace seul, comment c'est son nom déjà ?
03:21 Rogue.
03:22 Ce gaillard va poursuivre sa chasse le long de la plage où la table est excellente jusqu'à
03:28 ce qu'il ait épuisé les stocks, c'est ça ?
03:30 Ça, c'est la territorialité.
03:31 C'est d'ailleurs une théorie qui a mon agrément.
03:35 Il y a quelque chose qui est contradictoire.
03:37 D'un côté, il nous parle d'un requin vagabond.
03:39 On ne sait pas d'où il vient, on ne sait pas où il va, quelles sont ses intentions,
03:43 pourquoi il s'est arrêté chez nous.
03:44 Mais comment on peut être d'un côté un vagabond ?
03:47 Et ensuite, il nous parle de territorialité, qui est tout l'inverse.
03:49 En fait, il est surtout sur des leviers narratifs.
03:53 Alors la territorialité des requins, oui, elle existe.
03:56 De mon expérience des requins en Polynésie, on y est allé pendant cinq années consécutives
04:01 dans ce chenal où des concentrations énormes de requins ont lieu.
04:04 Et au bout de cinq ans, on connaissait les individus.
04:06 En tout cas, une bonne partie d'entre eux, ils étaient là depuis la première année.
04:11 Ils ne bougeaient pas de cette passe.
04:13 Là, il est un peu gonflé de mettre deux vérités contradictoires pour expliquer
04:16 un même comportement.
04:17 On va dire que là, du coup, il est à 50% de vérité, 50% de fiction.
04:21 Donc un grand requin blanc qui a réussi à faire décoller un cadavre de baleine à
04:34 bosse de 20 tonnes.
04:35 Le seul truc qui est réaliste, c'est que c'est bien connu qu'un cadavre de baleine
04:39 attire des requins, les fixe à un endroit pendant très longtemps.
04:43 C'est souvent d'ailleurs les rares occasions où on peut voir les très grands prédateurs
04:47 ensemble.
04:48 Par contre, ensuite, c'est complètement ridicule que ce grand requin se détourne
04:52 de cette manne qui est quand même beaucoup plus riche en graisse que cette pauvre actrice
04:57 où il n'y a sans doute pas grand chose à manger, qui n'est même pas dans ses critères
05:00 en plus.
05:01 "Oh merde !"
05:02 Quand on regarde un film comme ça, ça donne l'impression qu'on ferait de ces grands
05:10 requins une sorte de tueurs en série.
05:12 Donc, que cet acharnement soit non seulement conscient, en plus jouissive, et puis de toute
05:18 façon il faut sanctionner les navets.
05:20 Il y a 0% de réalité scientifique dans cette scène-là.
05:22 On n'a pas le droit de commenter par-dessus un chef-d'œuvre.
05:39 La bioluminescence des requins, non seulement ça existe, mais en plus c'est une découverte
05:44 récente, une publication en février ou mars 2021 sur des espèces profondes, découvertes
05:49 je crois au large de la Nouvelle-Zélande, capables de produire de la lumière.
05:53 Et ça fait de Wes Anderson un visionnaire.
05:55 C'est un film d'anticipation qu'il nous a fait là.
05:58 Et donc, moi je valide à 100% la vie aquatique.
06:01 [Musique]
06:11 [Sous-titres réalisés par la communauté d'Amara.org]
06:14 [SILENCE]

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