Face à la reprise du conflit entre le Hamas et Israël, les pays africains se sont positionnés de manière éparse. Tandis que certains ont réagi selon des principes idéologiques en condamnant systématiquement Israël, d’autres ont adopté un positionnement plus politique en affichant un soutien à la cause palestinienne tout en conservant une certaine réserve.
La diversité des réactions africaines diffère de celles adoptées dans le cadre de la guerre menée par la Russie en Ukraine. Si un grand nombre de pays africains avaient condamné l’agression de l’Ukraine par la Russie le 2 mars 2022 lors d’un vote à l’Assemblée générale des Nations unies, aucun d’entre eux ne s’était aligné sur les sanctions occidentales à l’égard de la Russie. Ce positionnement s'inscrivait dans une tendance plus large visant à renforcer leur souveraineté vis-à-vis de l’Occident.
Comment peut-on analyser et interpréter les positionnements des pays africains face à ces conflits ? Existe-t-il des accords, notamment sécuritaires, entre Israël et les pays africains ayant affiché leur soutien à l’égard de Tel-Aviv ? Pour ce qui est de la guerre en Ukraine, que traduit le non-alignement des pays africains sur les sanctions occidentales envers la Russie ? Comment les pays africains ont-ils effectué cette transition de l’indépendance vers la souveraineté ? Comment expliquer les "incompréhensions" et difficultés de la France à l’égard de ces pays ?
Autant d’enjeux qu’aborde Jean-Yves Ollivier, président de la Fondation Brazzaville.
La diversité des réactions africaines diffère de celles adoptées dans le cadre de la guerre menée par la Russie en Ukraine. Si un grand nombre de pays africains avaient condamné l’agression de l’Ukraine par la Russie le 2 mars 2022 lors d’un vote à l’Assemblée générale des Nations unies, aucun d’entre eux ne s’était aligné sur les sanctions occidentales à l’égard de la Russie. Ce positionnement s'inscrivait dans une tendance plus large visant à renforcer leur souveraineté vis-à-vis de l’Occident.
Comment peut-on analyser et interpréter les positionnements des pays africains face à ces conflits ? Existe-t-il des accords, notamment sécuritaires, entre Israël et les pays africains ayant affiché leur soutien à l’égard de Tel-Aviv ? Pour ce qui est de la guerre en Ukraine, que traduit le non-alignement des pays africains sur les sanctions occidentales envers la Russie ? Comment les pays africains ont-ils effectué cette transition de l’indépendance vers la souveraineté ? Comment expliquer les "incompréhensions" et difficultés de la France à l’égard de ces pays ?
Autant d’enjeux qu’aborde Jean-Yves Ollivier, président de la Fondation Brazzaville.
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00:00 [Musique]
00:08 Bonjour, j'ai le grand plaisir aujourd'hui d'avoir pour invité Jean-Yves Olivier,
00:12 président de la fondation Brasaville, qui a tenté une mission entre la Russie et l'Ukraine,
00:18 qui a beaucoup fait reparler d'elle, et bien sûr on évoquera cela.
00:21 Mais parlons d'abord de l'actualité la plus immédiate,
00:24 la reprise de la guerre entre le Hamas et Israël.
00:28 Les pays africains se sont exprimés,
00:31 et il y a une diversité d'expressions peut-être un peu plus grande
00:35 que vis-à-vis de leur attitude assez commune face à la guerre en Ukraine.
00:38 Comment voyez-vous la réaction des pays africains face à ce conflit du Proche-Orient qui vient de reprendre ?
00:44 Écoutez, si on regarde les réactions africaines, on peut les séparer en deux.
00:49 C'est-à-dire il y a les réactions qui sont dues à une certaine idéologie,
00:54 une appartenance à des mouvements idéologues,
00:59 et puis il y a la réaction, je dirais, politique immédiate sur un conflit.
01:06 On peut d'abord généraliser le fait que l'Afrique est très attachée au principe de deux États.
01:14 Donc la sympathie envers la Palestine est acquise par les Africains.
01:20 Est-ce que cette sympathie va aller jusqu'à la défense du Hamas,
01:25 ou de la qualification du Hamas comme mouvement terroriste ? Je n'en suis pas sûr.
01:31 Mais si on regarde bien la partie idéologique, celle qui dirige certains États, comme l'Afrique du Sud,
01:37 l'Afrique du Sud a hérité de l'ANC une certaine idéologie.
01:45 On le voit bien dans sa relation par rapport au Polisario, par exemple, qui est intransigeante.
01:53 Et elle va rejoindre en ça, tout à fait au nord de l'Afrique, la position algérienne, qui elle aussi est idéologique.
02:01 Donc les réactions par rapport au Hamas et à l'attaque d'Israël par le Hamas
02:12 vont être sujettes justement à cette idéologie.
02:16 Et on va voir des pays qui vont rester attachés à leur idéologie,
02:22 vont donc systématiquement condamner Israël.
02:25 Et puis ceux qui vont soutenir la cause palestinienne en gardant une certaine réserve.
02:31 Mais dans tous les cas, il faut partir du principe que ce sont des conflits qui ne regardent pas l'Afrique.
02:37 Ce sont des conflits hors Afrique.
02:40 C'est un petit peu ce dont vous souhaitez qu'on parle, qui est la position par rapport à l'Ukraine.
02:47 Et c'est ça qui prévaut.
02:49 Alors il y a eu des... Je reviens de Dakar. Je suis rentré hier matin de Dakar.
02:55 Et j'ai pu m'entretenir avec le président justement sur ce sujet.
03:00 Il y a une grosse communauté chiite au Sénégal.
03:08 Et j'étais très surpris de voir que cette communauté,
03:14 qui a priori devait être celle qui allait soutenir le Hamas et allait encourager,
03:20 a été extrêmement silencieuse.
03:23 Et j'ai interrogé justement mes amis sénégalais sur comment la population réagissait.
03:34 Et on m'a dit, la réponse a été, personne n'a envie d'être entraîné dans cette histoire.
03:40 Et personne ne veut amener le conflit sur le territoire sénégalais.
03:46 Voilà ce que je peux dire là-dessus.
03:48 Il y a des pays qui ont pris peut-être plus fermement parti en faveur d'Israël ou contre le Hamas.
03:53 Je pense au Kenya. On sait qu'il y a aussi des liens très forts entre le Rwanda et Israël.
03:59 Est-ce qu'au-delà d'Hydrogie, il y a certains pays qui ont des accords sécuritaires avec Israël,
04:04 dont le Cameroun également a condamné alors qu'il s'était tenu à l'écart par rapport à la guerre entre la Russie et l'Ukraine ?
04:12 Est-ce que là, il y a une dimension un peu différente du fait de certains accords sécuritaires entre certains pays africains et Israël ?
04:19 Ne nous le ronds pas. Israël est pratiquement présent dans l'ensemble de l'Afrique.
04:26 Même dans les... je dirais à l'exception peut-être de l'Algérie et pas de l'Afrique du Sud,
04:35 parce qu'il y a une longue histoire sud-africaine de relations avec Israël.
04:40 Israël a toujours été influente dans les problèmes de sécurité.
04:49 Elle a conclu de nombreux contrats et elle est présente au niveau des équipements, au niveau des formations,
04:59 dans, je dirais, la plupart des pays africains.
05:03 Mais ce type de relation a été restée, je dirais, confidentielle.
05:10 Elle ne s'exposait pas. On ne l'exposait pas.
05:14 La première fois qu'on a exposé ces relations, c'est à la suite des accords d'Abraham.
05:18 On doit d'ailleurs se poser la question. Ces accords, ils engagent les gouvernements ?
05:23 Est-ce qu'ils engagent les opinions publiques ?
05:25 Il semble que non, notamment, vous qui connaissez bien le Maroc, vous voyez le...
05:30 Je pense qu'il y a eu au niveau, et ce n'est que spéculation,
05:34 mais je pense qu'il y a eu au niveau sécuritaire israélien la volonté de s'intégrer,
05:40 de pénétrer les pays africains de cette manière, mais dans la confidentialité, dans le rapport confidentiel.
05:46 Et puis, il y a eu la volonté politique affichée de la reconnaissance d'Israël,
05:52 qui a été une décision politique et un petit peu peut-être séparée de la décision sécuritaire.
05:57 Je ne crois pas à un des engagements politiques par rapport à Israël
06:03 ou par rapport à la Palestine de la part des Africains.
06:08 Des circonstances particulières dont on a fait état idéologique, entre autres,
06:13 font que tel ou tel pays semble plus ou moins proche.
06:18 Mais n'oubliez pas, vous me parlez du Kenya.
06:22 Le Kenya est un des premiers pays qui souffre du terrorisme.
06:26 Et le Kenya a très très peur, l'actuel gouvernement a très très peur de voir ce terrorisme encouragé
06:36 par une position qui ne serait pas pro Hamas ou du moins pro palestinien.
06:42 On peut se poser la question si c'est un problème d'adhésion politique et affectif
06:50 par rapport au Hamas et contre Israël, ou si c'est une position qui est motivée par d'autres intérêts.
06:59 S'il y avait beaucoup plus de destruction sur Gaza, beaucoup plus de morts palestiniens,
07:04 est-ce que les opinions africaines n'en voudraient pas aux pays occidentaux d'être trop du côté d'Israël ?
07:10 Vous me posez là une question bien difficile à répondre.
07:13 Je ne suis pas suffisamment informé pour pouvoir faire cette précision.
07:20 Simplement, j'ai le sentiment, à tort ou à raison, que ce n'est pas un conflit qui concerne les Africains.
07:27 Et je ne les vois pas, mais avec toutes les réserves qui sont liées à une opinion,
07:33 je ne les vois pas réagir d'une façon, en tous les cas violente, ou affichée en soutien à la Palestine.
07:43 Je ne le crois pas.
07:45 Vous avez déclaré qu'il y a eu l'heure des indépendances en années 60
07:49 et que du fait des derniers événements, c'était maintenant l'heure de la souveraineté pour les pays africains.
07:54 Est-ce que vous pouvez expliquer comment est-on passé de l'indépendance à la souveraineté
07:58 et quelle est la différence entre ces deux situations ?
08:02 Dans le peu de connaissances que j'ai sur l'Afrique, il est certain que l'on...
08:10 Un peu modestie, un excès d'orgueil.
08:12 Non, non, non. Parce que l'Afrique est tellement complexe qu'on ne peut pas se prétendre être un spécialiste de l'Afrique.
08:19 Enfin, vous la connaissez quand même un peu mieux que beaucoup de gens.
08:23 Je connais l'Afrique, je connais certains Africains, et je connais certains pays, bien sûr, je ne le dis pas.
08:30 Mais je ne peux pas m'engager sur un problème global. Je ne peux pas parler au nom de l'Afrique, par exemple.
08:35 Je dirais que ce que j'ai vu dans l'Afrique que je connais, celle que j'ai vécue,
08:40 la volonté de marquer sa différence par rapport à ce que j'appellerais moi l'influence passée.
08:48 Influence qui s'est exercée post-coloniale, qui s'est exercée d'ailleurs volontairement dans les deux parties,
08:55 n'oublions pas que le mot "France-Afrique" a été inventé par le président Fouad Bouhani.
09:00 Et justement, le mot "France-Afrique" était là pour définir la relation particulière qui existait entre l'Afrique et la France.
09:07 Cette relation particulière qui faisait que l'un souhaitait le développement de l'autre,
09:14 et l'autre souhaitait le conseil ou le soutien de l'un pour pouvoir se développer.
09:19 Ça, c'est fini, c'est terminé. On n'accepte plus en Afrique la dépendance ou du moins l'influence de l'ancien colonial,
09:33 comme des autres pays. L'Amérique n'a jamais colonisé un pays africain,
09:39 mais cet esprit qui veut que l'on se veut souverain et qu'on ne veut pas être sous influence s'exprime également par rapport à l'Amérique,
09:50 aussi bien qu'à la France ou l'Angleterre, dans les pays C, nous sommes suffisamment grands aujourd'hui,
09:56 on ne vient pas nous dire systématiquement ce qu'on doit faire chez nous. Et c'est ça le principe.
10:01 Et il s'exprime même dans les détails. Je vais prendre un petit exemple.
10:07 Le problème LGBT est un problème qui est importé par le monde occidental en Afrique.
10:15 C'est-à-dire qu'on pose à l'Afrique, on veut que l'Afrique prenne une position sur le problème LGBT,
10:21 donc le problème sociétal, et on vient lui présenter ce problème. On lui parle de ce problème,
10:28 alors que l'Afrique, historiquement, a géré son problème LGBT de diverses manières,
10:34 mais généralement d'une façon assez neutre et qui n'était pas exposée.
10:40 J'ai une très grande amie qui était ambassadrice des États-Unis au Ghana.
10:50 Et le Ghana allait faire voter une loi contre le LGBT et contre l'homosexualité en général.
11:00 En tant qu'ambassadeur des États-Unis, elle est intervenue auprès du gouvernement ghanaien,
11:06 et elle a marqué sa différence en faisant que sa résidence et son ambassade,
11:14 le drapeau américain, soit accolé à un drapeau LGBT, le fameux drapeau multicolore que beaucoup de gens connaissent.
11:24 Très bien, cette ambassadrice quitte le Ghana, passe une pariée au département d'État,
11:32 et est nommée, nominée, comme on dit en anglais, comme ambassadrice de l'UA des États-Unis auprès de l'Union africaine.
11:41 C'est un poste remarquable. Et voilà qu'un an et demi après, le Sénat n'a toujours pas donné son agrément à son sujet.
11:48 Pourquoi le Sénat refuse de donner cet agrément ? Enfin, le Congrès.
11:54 Parce que, lors d'un voyage de sénateur et de congressman au Ghana,
12:00 le président du Ghana s'est plaint auprès des autorités américaines en disant "de quoi vous vous mêlez ?
12:09 Ce n'est pas à vous, américains, de nous dire ce que nous devons faire dans notre vie privée, dans notre vie sociale, dans notre société,
12:20 comment nous devons gérer ces problèmes." Et ils avaient donc marqué leur différence, ce qui a fait que les sénateurs se sont opposés à sa nomination.
12:28 Mais voilà un exemple où l'Amérique se mêle de choses qui, a priori, ne devraient pas être mêlées.
12:34 Le président Macky Sall m'a raconté que lorsqu'il a reçu le président Obama à Dakar,
12:40 le président Obama lui a parlé des problèmes LGBT en Etats-Unis.
12:45 Et la réponse du président Macky Sall a été "je réglerai ce problème quand vous aurez, vous, annulé la peine de mort aux Etats-Unis."
12:53 C'est ça la souveraineté. C'est-à-dire ne venez pas nous dire d'où nous venons, qu'est-ce que nous devons penser,
12:59 comment nous devons agir dans nos sociétés qui sont installées, établies, qui ont marqué, qui ont su gérer les hommes et l'humanité.
13:11 Ne venez pas nous imposer votre vision, votre concept sur la démocratie, sur les problèmes LGBT, sur la santé, sur les religions.
13:23 Ne venez pas nous mêler de ça.
13:25 Alors cette souveraineté s'exerce sur les questions sociétales et politiques, mais également sur les questions stratégiques,
13:30 et notamment les pays africains ont globalement refusé de suivre les positions occidentales sur la guerre que mène la Russie en Ukraine.
13:38 Bien sûr, non seulement ils ont refusé, mais là, voyez-vous, c'est là où l'Occident, entre guillemets,
13:44 c'est-à-dire la communauté européenne, la France, l'Angleterre, les États-Unis, au lieu d'aller expliquer leur position et la défendre,
13:56 sont allés menacer les États au niveau des présidents de répercussions économiques et de conséquences économiques graves
14:08 s'ils devaient à l'époque se rendre en Russie lors de l'invitation de Poutine pour le sommet Russie-Afrique.
14:17 Voilà une erreur de tactique absolue.
14:21 Au lieu d'expliquer aux gens pourquoi on a pris cette position, on vient les menacer que s'ils ne nous suivent pas, ils vont être punis.
14:31 Ils vont être punis par nous.
14:32 Donc le problème c'est qu'on prend les sanctions sans consulter les pays africains et ensuite on les menace de les sanctionner s'ils ne suivent pas les sanctions des États-Unis.
14:40 Vous avez résumé le problème.
14:42 D'où ce refus qui n'aurait pas eu lieu il y a 10 ou 15 ans.
14:47 À 10 ou 15 ans, on aurait... je crois qu'on se serait rangé derrière l'Occident, oui.
14:55 Mais à l'époque, la relation était différente aussi.
14:58 D'où cette notion de souveraineté par rapport aux pays qui étaient déjà indépendants et qui sont devenus souverains.
15:04 Vous avez monté une mission de conciliation, ce n'était pas une médiation, mais vous êtes venu avec plusieurs chefs d'État africains à Kiev et à Moscou.
15:14 Quel était le but de cette mission, de la Fondation Bras-la-Ville que vous présidez ?
15:19 Le but de la mission était à la fois très clair et défini dans ses objectifs
15:24 et dans la définition du rôle que la Fondation Bras-la-Ville allait jouer et jusqu'à quel point.
15:29 C'est-à-dire que l'objectif était de montrer que l'Afrique ne pouvait pas rester insensible à un conflit
15:37 qui a priori ne la concernait pas, mais dont elle était victime indirectement.
15:41 Je parle entre autres des céréales et des engrais.
15:45 Les engrais étant beaucoup plus importants d'ailleurs que les céréales.
15:47 Donc le premier objectif c'était de dire "l'Afrique est là, elle est présente, elle est disponible".
15:53 Et c'était le deuxième aspect de l'approche, c'était de se présenter comme un ensemble africain
16:05 et de dire aux deux parties, d'abord les entendre, les écouter.
16:09 Une partie des présidents qui étaient dans ce voyage n'avaient pas entendu la voix de Zelensky,
16:20 du président Zelensky d'Ukraine, et puis il y en avait une autre partie qui n'avait pas entendu la voix des Russes.
16:25 Et je voulais que les deux écoutent ce que les uns et l'une ou l'autre des parties avaient à dire.
16:33 C'était donc aussi une mission d'information.
16:36 Et le troisième aspect qui en découlait était de marquer la disponibilité
16:42 pour réfléchir à une méthodologie de négociation et d'intermédiation.
16:49 Cette mission n'a jamais eu comme objectif d'être un médiateur.
16:56 Un médiateur c'est quelqu'un qui intervient directement dans l'appréciation du conflit
17:01 et qui va suggérer aux uns et aux autres une voie de sortie.
17:07 Et ça a réussi, ça s'est fait.
17:10 Et nous nous sommes retirés une fois que notre mission a été accomplie, je reste bien entendu.
17:14 Il y avait une demi-douzaine de chefs d'État qui vous ont accompagnés.
17:17 Sept. Enfin, sept États dont cinq chefs d'État.
17:21 Un des chefs d'État qui ne m'a pas accompagné c'est parce qu'il avait le Covid.
17:25 Le deuxième était qu'il était hésitant mais il a quand même envoyé une délégation.
17:32 Là, il y a trois jours, quatre jours, j'ai été informé d'une conversation
17:41 définie officiellement comme extrêmement positive
17:45 entre le président Ramaphosa et le président Zelensky dans la suite de cette mission.
17:52 Donc, les effets de cette mission sont en train de se proroger.
17:57 Ils ne sont pas arrêtés avec...
17:59 Et peut-être qu'ils ont pris un côté silencieux et plus confidentiel,
18:03 mais il reste, je sais qu'il reste extrêmement présent
18:09 et que les contacts et le dialogue continuent à exister avec ce groupe
18:13 et l'Ukraine et la Russie en ayant associé,
18:18 et ça c'était très important puisque c'est moi qui ai fait le voyage,
18:22 les États-Unis et la Grande-Bretagne.
18:25 Mais à cette époque, on vous a reproché d'aller à Moscou.
18:28 On vous a plutôt conseillé, plus ou moins fortement,
18:31 oui d'aller à Kiev mais pas d'aller à Moscou.
18:34 Bien sûr. Mais comment peut-on être...
18:38 vouloir se positionner comme dans une position de neutralité
18:42 si on n'entend pas les deux parties,
18:44 si l'on refuse d'entendre les deux parties.
18:47 Ça a toujours été mon souhait, c'est d'écouter l'autre.
18:54 Je dis souvent, je pars du principe que l'autre
18:58 serait pu être moi dans d'autres circonstances.
19:01 Donc, je me dois d'entendre l'autre
19:05 parce que les circonstances qui l'ont amené à prendre cette position,
19:09 je dois les comprendre pour pouvoir essayer d'arriver
19:13 à une solution qui soit une solution de paix.
19:15 Mais est-ce que les pressions pour ne pas aller en Russie
19:18 n'ont pas été, au final, contre-productives ?
19:20 Elles ont été contre-productives. D'abord, on n'a pas écouté les États-Unis,
19:24 on n'a pas écouté la France, on n'a pas écouté l'Union Européenne
19:28 sur ces conseils.
19:32 Et la mission a eu lieu. Et comme je vous le disais,
19:36 elle connaît un prolongement, elle ne s'est pas arrêtée.
19:41 Quant à la position de la Fondation Bras-à-Ville,
19:44 nous avons toujours été neutres, comme je le disais,
19:46 nous avons toujours essayé d'écouter les deux parties
19:49 et d'entendre les raisons profondes des uns et des autres.
19:52 J'ai été accusé d'aller à Moscou.
19:57 Laissons ceux qui pourraient penser que je suis un serviteur de Moscou,
20:04 je les laisse penser ce qu'ils veulent.
20:06 Comment vous expliquez les difficultés de la France,
20:09 notamment en Afrique de l'Ouest ?
20:10 Est-ce que c'est peut-être une mauvaise compréhension
20:13 de ce passage du statut de l'indépendance à la souveraineté ?
20:16 Ou est-ce qu'il y a d'autres raisons ?
20:17 La d'autres raison, c'est qu'on ne dialogue pas.
20:23 C'est une voix. On fait entendre sa voix,
20:27 on fait savoir ce que l'on veut de l'Afrique,
20:30 mais est-ce qu'on écoute les Africains ?
20:32 Est-ce qu'on les entend, eux, ce qu'ils veulent ou ce qu'ils souhaiteraient ?
20:36 Non, absolument pas.
20:38 Ce discours professoral qui existe au niveau de la France
20:45 et de son gouvernement actuellement,
20:47 est un discours qui est très mal compris par les Africains
20:50 et qui va exactement à l'encontre de ce que les Africains souhaiteraient,
20:54 c'est-à-dire qu'on s'assoie, qu'on discute,
20:57 qu'on essaye de résoudre nos problèmes ensemble.
20:59 Mais comprenez-vous, nous, de la même façon que vous souhaitez qu'on vous comprenne.
21:04 N'imposez pas votre ligne de parti sans au moins nous entendre.
21:11 Est-ce qu'on entend les Africains ? On ne les entend pas.
21:14 En France, on n'entend plus les Africains.
21:16 Vous pensez qu'il y a une absence d'écoute ?
21:19 Absolument.
21:20 Cette écoute était plus importante auparavant ?
21:23 Qu'est-ce qui s'est mal passé ?
21:25 Comment on en est parvenu à ce résultat avec cette nouvelle génération de dirigeants ?
21:28 Il y avait une écoute permanente.
21:30 D'abord, il y avait cette relation privilégiée,
21:34 que l'on a qualifiée de France-Afrique,
21:36 avec les pays qui avaient été sous notre bannière et qui avaient été nos colonies.
21:43 Il y avait des circuits de communication qu'on a éliminés,
21:51 qu'on a rejetés comme étant subjectifs et peut-être corrompus.
21:58 Mais il existait ces circuits de communication.
22:02 Souvent, il m'est arrivé, moi personnellement,
22:05 d'avoir à expliquer à un autre chef d'État africain la position de son collègue.
22:12 Parce que la diplomatie officielle de tel pays par rapport à tel pays
22:16 n'avait pas la capacité de livrer cette explication.
22:20 Et en tout état de cause, celui à qui l'explication était destinée n'écoutait pas.
22:27 Alors je ne faisais pas partie de la France-Afrique, je faisais partie de l'Afrique-Afrique.
22:32 Non, il y avait des intermédiaires, il y avait des explications,
22:40 qui dans la tradition verbale de l'Afrique, dans sa vieille tradition
22:45 qui a existé pendant des millénaires, c'est le pays du verbe, l'Afrique.
22:53 On en reste maintenant à dénoter et à décommuniquer.
22:59 Ce n'est pas comme ça qu'on traite l'Afrique.
23:01 - Vous pourriez refaire une nouvelle mission avec des chefs d'État africains à Kiev et à Moscou ?
23:05 - Si je voyais l'utilité de telle mission, bien sûr,
23:08 et je crois que j'aurai la confiance de ceux qui m'ont accompagné la première fois.
23:12 Ça n'a pas été facile, vous savez, 7 chefs d'État, trouver les calendriers,
23:17 ne saurait-ce que par l'idée, et c'était une succession, ça demandait 4 jours,
23:21 c'est beaucoup dans l'agenda d'un chef d'État.
23:24 - Surtout pour un conflit lointain, c'est un conflit qui peut paraître chouette.
23:27 - Voilà, ça n'a pas été facile, mais j'y suis arrivé,
23:31 je pense que j'y arriverai pour le même conflit ou peut-être pour d'autres.
23:37 - Merci Jean-Yves Olivier de cet entretien, merci beaucoup.
23:40 - Merci de m'avoir reçu.
23:41 - Merci.
23:43 - Merci à vous.
23:44 - Merci à vous.
23:45 - Merci à vous.
23:46 - Merci à vous.
23:48 - Merci à vous.
23:50 (musique)