Inégalités salariales : "Il est temps de passer la seconde", juge Marylise Léon de la CFDT

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"Il est temps de passer la seconde" en termes de lutte contre les inégalités salariales, prévient ce lundi sur France Inter Marylise Léon, secrétaire générale de la CFDT. Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-7h50/l-invite-de-7h50-du-lundi-06-novembre-2023-3515811
Transcript
00:00 Agnès de Villers, votre invitée ce matin est secrétaire générale de la CFDT.
00:04 À la tête du premier syndicat de France depuis le mois de juin dernier, mais quid de
00:08 la vie syndicale française depuis la fin du mouvement sur les retraites et quid de
00:12 la CFDT depuis le départ de Laurent Berger.
00:15 Bonjour Marie-Lise Léon ! Parce que vous êtes une femme, Marie-Lise Léon, dans 3h37
00:22 exactement, vous allez travailler gratuitement.
00:25 Ça vous énerve ?
00:26 Ça énerve beaucoup de femmes, je pense que ça énerve aussi les hommes, en tout cas
00:31 je l'espère.
00:32 C'est un vrai sujet qui a fait l'objet de beaucoup de lois et on se rend compte que
00:39 les résultats ne sont pas à la hauteur.
00:40 Donc il est temps de passer la seconde et de pouvoir avoir des évolutions.
00:44 Alors on va expliquer, cette date, le 6 novembre et cette heure qui est tout à fait symbolique,
00:48 11h25, c'est le moment où les femmes françaises, si elles étaient payées au même taux horaire
00:53 que les hommes, pourraient s'arrêter de travailler.
00:55 En gros, elles auraient engrangé leur montant de revenus annuel.
00:58 C'est un calcul effectué par nos consoeurs féministes d'un média qui s'appelle
01:03 Les Glorieuses.
01:04 Elisabeth Borne l'a dit, elle voudrait s'attaquer au recalcul d'un nouvel index sur l'égalité
01:11 salariale homme-femme.
01:12 Mais on en est au deuxième quinquennat.
01:14 Est-ce que la première ministre tape assez vite ? Est-ce qu'elle tape assez fort ?
01:18 Alors l'index c'est un outil qui a été mis en place qui pose problème parce qu'en
01:23 fait, les entreprises ont plutôt l'objectif d'avoir une bonne note que de réduire les
01:27 écarts entre les hommes et les femmes en ce qui concerne les questions salariales.
01:31 Donc je pense qu'il faut, quand je dis il faut passer la seconde, il faut être beaucoup
01:35 plus offensif je pense pour attaquer l'ensemble des sujets qui font que les hommes gagnent
01:41 plus que les femmes à travail égal.
01:43 Donc il y a plusieurs angles d'attaque.
01:46 Il y a la question de la reconnaissance des compétences.
01:48 Aujourd'hui, je pense que ça reste totalement inadmissible que parce que les métiers sont
01:52 féminisés, je pense aux aides à domicile par exemple, aux métiers du nettoyage, parce
01:56 qu'on considère qu'ils ne nécessitent pas de compétences particulières, il n'y a pas
01:59 de reconnaissance de ce travail.
02:01 Il y a un enjeu autour de la lutte contre les temps partiels, contre les contrats courts.
02:05 Nous on a mené des actions par exemple auprès des ADCEM, les personnes qui travaillent avec
02:09 les enfants en maternelle.
02:10 Des personnes, quarante personnes qui ont pu être sorties de leur statut de vacataire
02:15 dans lequel elles étaient depuis presque dix ans dans une commune de région parisienne.
02:20 Ça c'est exactement des sujets extrêmement concrets sur lesquels je pense que le gouvernement
02:25 peut avoir un rôle, à la fois d'imposer de nouvelles règles aux entreprises et puis
02:30 de les sanctionner lorsqu'elles ne jouent pas le jeu.
02:32 Nous allons parler des salaires.
02:34 L'inflation manifestement a ralenti.
02:37 Elle est tombée à 4% sur un an au mois d'octobre, contre plus de 6% à son plus haut au mois
02:42 de février.
02:43 Est-ce que la question des salaires reste selon la CFDT aussi brûlante ?
02:48 Oui, elle reste brûlante.
02:49 Je ne fais pas un déplacement sans qu'on me parle du pouvoir d'achat globalement.
02:52 Il y a un enjeu autour de la reconnaissance du travail, la reconnaissance des compétences
02:57 et il y a un sujet de l'inflation qui fait que les dépenses contraintes augmentent et
03:03 qu'il y a une vraie difficulté pour beaucoup de travailleurs à boucler les fins de mois.
03:08 Le 13 octobre, vous avez tenté de rassembler les Français sur ce sujet du pouvoir d'achat
03:13 et pourtant cette manifestation n'a pas été très suivie.
03:18 Elle n'a pas été suivie parce qu'il n'y a pas eu un élément extrêmement concret.
03:22 Par contre, il y a des avancées timides, mais il y a des avancées.
03:25 Par exemple, le gouvernement s'est dit prêt à sanctionner les entreprises qui ne jouent
03:29 pas le jeu de la négociation collective et donc qui ont encore dans certains secteurs
03:33 des coefficients sous le SMIC.
03:35 Donc, lorsqu'il y a des dynamiques, vous évoluez en termes de métier, si vous êtes
03:40 dans des coefficients qui restent sous le SMIC, vous n'avez aucune évolution de salaire.
03:44 Il n'y a pas certains secteurs, c'est 56 branches professionnelles qui ont encore
03:49 des minima sociaux en inférieur au SMIC.
03:52 Oui, c'est important.
03:54 C'est 56 branches à peu près sur 175, donc c'est une grosse proportion.
03:59 Là où nous, on est persuadés à la CFDT, c'est que ce qui fonctionne, c'est la
04:05 négo-collective.
04:06 Donc, il faut stimuler, contraindre, vous utilisez le terme que vous voulez.
04:09 Il faut qu'il puisse y avoir de la négo pour que les salaires correspondent au travail
04:15 qui est réellement effectué.
04:17 Donc, le gouvernement a ouvert la porte.
04:19 Mais le gouvernement va beaucoup plus loin.
04:21 Elisabeth Morne, elle les menace ces entreprises.
04:24 Oui, elle menace de s'attaquer à leurs exonérations de cotisation.
04:28 Absolument, elle ouvre la porte.
04:29 Nous, on avait dit les entreprises qui ne jouent pas le jeu de la négo, on leur supprime
04:33 les exos.
04:34 Le gouvernement a dit on les recalcule, on va recalculer, ils bénéficieront de moins
04:38 d'exonération de cotisation.
04:39 C'est-à-dire que votre proposition, elle pose quand même des problèmes sur un plan
04:44 juridique, sur un plan légal.
04:45 C'est ce que vous répond le gouvernement, non ?
04:47 Oui, mais moi, ce que je veux comme réponse, c'est politiquement, est-ce que le gouvernement
04:51 considère que c'est normal que des entreprises continuent de bénéficier d'exonérations
04:55 de cotisation avec ce type de rémunération ?
04:58 La réponse de notre point de vue, c'est non.
05:00 Donc, ils ouvrent la porte.
05:01 On va regarder en fonction des négociations d'ici la fin de l'année, si les entreprises
05:08 elles jouent le jeu.
05:09 Aux Etats-Unis, il a fallu seulement 44 jours.
05:11 44 jours, c'est très peu, au syndicat des ouvriers automobiles pour faire plier Stellantis
05:16 et Ford et General Motors et obtenir 25% de rémunération en plus pour les ouvriers
05:23 du secteur de l'automobile.
05:24 Qu'est-ce que vous en tirez comme leçon ?
05:25 Moi, j'en tire comme enseignement que là, on parle de beaucoup de ces manifestations
05:30 aux Etats-Unis.
05:31 Il y a le syndicalisme français et notamment la CFDT.
05:35 C'est aussi un syndicalisme de négociation.
05:39 Mais quand la négociation ne fonctionne pas, c'est aussi un syndicat qui sait s'opposer
05:44 et faire grève.
05:46 Nous, on a regardé dans l'année dernière, la principale raison de motif de grève, c'est
05:51 sur les salaires.
05:52 Et les entreprises, dans les entreprises et les équipes syndicales, elles savent se mobiliser
05:56 quand il y a besoin de le faire et de pouvoir négocier et d'avoir des augmentations de
06:02 salaire.
06:03 C'est ce qu'on a fait par exemple dans la branche de la sécurité privée.
06:07 On a obtenu jusqu'à 15% d'augmentation sur plusieurs années.
06:13 Donc, ça fait partie du rapport de force.
06:16 Et lorsqu'il est nécessaire de pouvoir se mobiliser, on le fait.
06:19 Et c'est une vraie question que je vous pose.
06:21 Parce que depuis la fin de la mobilisation massive sur la réforme des retraites, en
06:26 fait, on vous entend peu.
06:27 On vous entend moins depuis le départ de Laurent Berger.
06:30 On entend moins la CFDT.
06:32 Alors, parce qu'il y avait une grosse actualité sur la question des retraites.
06:36 Aujourd'hui, il y a une grosse actualité sur la question du travail.
06:38 Alors probablement que lorsqu'on est en discussion ou en négociation, c'est moins
06:43 spectaculaire et moins médiatique que quand on défile dans la rue.
06:46 Mais l'action syndicale, elle n'est pas moins intense ni utile pour les travailleurs.
06:51 Et c'est ça qui m'importe.
06:52 C'est de changer l'avis des gens.
06:54 C'est ce qu'on continue de faire tous les jours.
06:55 Le projet de loi immigration porté par Gérald Darmanin arrive aujourd'hui au Sénat.
07:00 Comment vous vous positionnez sur ce fameux article 3 dont parlait Dominique Seux à l'instant,
07:05 c'est-à-dire la possibilité de régulariser pour un an avec renouvellement une partie
07:11 de travailleurs sans-papiers dans les métiers dits en tension ?
07:13 L'article 3, en tant que syndicaliste, ce qui m'importe, c'est la question du travail,
07:18 la façon dont ces personnes travaillent, mais ne sont pas reconnues et ne peuvent pas
07:23 obtenir de papiers alors qu'ils sont investis, qu'ils contribuent à l'économie du pays.
07:29 C'est un article important qui ne répond pas à l'ensemble des questions, mais qui
07:33 peut répondre partiellement à l'enjeu non pas d'immigration, mais à l'enjeu de l'intégration.
07:37 C'est ça qui est important de mon point de vue.
07:40 Et donc leur permettre d'être reconnus comme contribuant à l'économie et en étant
07:49 investi, c'est je pense la moindre des choses dans l'article 3 que de reconnaître ce travail
07:55 et leur permettre d'être régularisés.
07:56 A vos yeux, il faut qu'il y ait un article 3, il n'est pas suffisant.
08:01 Un an, je trouve que c'est extrêmement court.
08:03 La liste des métiers va être difficile à établir, puisqu'on va avoir beaucoup de
08:08 secteurs qui peuvent être concernés.
08:09 Mais c'est un minimum qu'il faut pouvoir préserver dans le projet de loi et j'espère
08:14 que ce sera le cas et que la Première Ministre défendra cette position.
08:18 Merci beaucoup.
08:19 Merci beaucoup.
08:20 Et merci à vous Sonia De Villere.
08:22 Il est 7h57.
08:23 *musique*

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