Annie Genevard, secrétaire générale du parti LR, est l'invitée de Sonia Devillers. Elle est membre de la Commission mixte paritaire, composée de députés et de sénateurs, qui se réunit ce lundi pour plancher sur le projet de loi immigration, rejeté la semaine dernière par l'Assemblée nationale. Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-7h50/l-invite-de-7h50-du-lundi-18-decembre-2023-9122145
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00:00 Il est 7h49, Sonia De Villers, votre invitée ce matin, et secrétaire générale du parti
00:05 Les Républicains, députée du Doubs et membre de la commission mixte paritaire qui se réunit
00:11 tout à l'heure à 17h.
00:12 Pour débattre de la loi sur l'immigration, ce texte voulu par Gérald Darmanin mais rejeté
00:17 avant discussion par l'Assemblée Nationale, Yael vient de vous en parler.
00:21 Sept députés et sept sénateurs seront donc enfermés dans une salle cet après-midi.
00:25 Rapport de force maximum d'un côté les membres des Républicains, dont le choix va être
00:29 décisif, de l'autre ceux de la majorité.
00:32 Ça peut prendre dix minutes comme ça peut durer des heures et des heures et des heures.
00:37 Bonjour Annie Genova.
00:39 Bonjour Sonia De Villers.
00:40 Dans une ère de défiance des citoyens vis-à-vis de la politique, est-ce que vous trouvez ça
00:43 normal qu'il n'y ait ni public ni caméra lors d'une commission dont la teneur des
00:48 discussions engage l'avenir du pays ?
00:50 Mais grâce à vous, tout est connu.
00:52 Tous les points essentiels de cette loi sont parfaitement identifiés et c'est la procédure
00:59 parlementaire.
01:00 Le débat a eu lieu au Sénat et en public.
01:03 Il a eu lieu en commission et est accessible au public également.
01:07 Mais là, vous êtes 14 à 8.
01:10 Là nous sommes 14, en effet, qui allons examiner l'intégralité du texte et en particulier
01:18 les points les plus sensibles.
01:20 Et demain, à l'Assemblée Nationale et au Sénat, les conclusions de la commission
01:24 mixte paritaire seront soumises à l'approbation ou non des parlementaires.
01:28 C'est une procédure absolument habituelle.
01:31 Ce qui est inhabituel, en revanche, c'est que par la motion de rejet, nous avons rejeté
01:36 le texte en commission et que par conséquent, c'est le texte issu du Sénat qui est le
01:40 dernier texte adopté qui sera examiné dans cette CMP.
01:44 Mais justement, vous dites « c'est légal, c'est constitutionnel, c'est habituel »,
01:48 mais est-ce que vous trouvez satisfaisant qu'un texte d'une telle importance soit
01:51 débattu à 14 entre 4 murs et non dans l'hémicycle à 577 élus au suffrage universel ?
01:58 Vous allez me dire « c'est habituel », mais est-ce que c'est tout simplement entendable
02:02 par les Français ?
02:03 Mais vous savez, dans cette commission mixte paritaire, toutes les formations politiques
02:06 sont représentées à proportion.
02:08 Et de l'Assemblée Nationale et du Sénat.
02:12 Donc l'expression sera absolument libre et je ne doute pas que les députés qui voudront
02:19 présenter des amendements, discuter des points du texte, le feront.
02:23 Les sénateurs également.
02:24 Donc voilà, c'est une procédure tout à fait habituelle et je ne crois pas qu'elle
02:29 soit non démocratique parce que les députés n'ont pas voulu du texte en commission.
02:36 Les députés, ils ont dit non au texte issu de la commission.
02:40 Ça, c'est l'expression démocratique des députés.
02:42 Absolument.
02:43 Votre parti, Les Républicains, Annie Gennevard, a réalisé, vous le savez, des scores historiquement
02:48 faibles aux élections présidentielles et aux élections législatives.
02:51 Et c'est ce même parti de fait dont vont dépendre les orientations cruciales sur ce
02:58 texte de loi sur l'immigration.
02:59 Est-ce que ça aussi, ça vous paraît entendable pour les Français ?
03:03 Eh bien, moi je considère que c'est parfaitement entendable pour plusieurs raisons.
03:08 D'abord, le gouvernement, dans cette affaire, a commis une erreur initiale de penser qu'il
03:13 pouvait satisfaire la gauche et la droite en matière d'immigration.
03:16 Ça n'est pas possible.
03:17 Nous avons des positions qui sont absolument opposées.
03:19 Donc, le gouvernement veut un texte.
03:23 Il se rend bien compte que l'opinion française l'attend, que les problèmes se multiplient.
03:29 Toutes les enquêtes d'opinion, tous les sondages montrent que les Français veulent davantage
03:34 de fermeté en matière d'immigration.
03:35 Le gouvernement ne peut pas indéfiniment l'ignorer.
03:38 Par conséquent, c'est pas avec la gauche qui va pouvoir prendre des mesures de fermeté.
03:42 C'est évidemment avec la droite.
03:44 Et c'est la raison pour laquelle nous, nous avons voté la motion de rejet.
03:47 Non pas pour allier nos voix aux écologistes ou à la NUPES, mais parce que nous voulions
03:53 dire au gouvernement que c'est avec nous et à nos conditions qu'il faut qu'il travaille.
03:58 - Donc vous avez réussi un formidable coup politique ?
04:00 - Alors, c'est moins un coup politique parce qu'un coup politique signifierait que finalement
04:06 ce sont les petites tribulations politiciennes qui nous intéressent.
04:09 - Exactement.
04:10 - Oui, je crois que tout au contraire.
04:12 En acceptant de voter cette motion de rejet, nous avons dit au gouvernement que c'est un
04:19 texte de fermeté que nous voulons, c'est le texte du Sénat que nous voulons et c'est
04:23 à nos conditions qu'il faut pouvoir en discuter.
04:25 - Aurélien Pradié, député LR du Lot, déclaré hier au JDD.
04:30 Attention au syndrome du ramollissement qui contamine souvent les commissions de mixes
04:34 paritaires.
04:35 Est-ce que vous vous sentez guetté par le ramollissement, Annie Gennevard ?
04:38 - Écoutez, pas vraiment au terme de 6-8 heures de discussion exigeante et serrée avec le
04:44 gouvernement.
04:45 Je crois que nous avons tenu ferme la barre sur le texte du Sénat et je connais les craintes
04:52 d'Aurélien Pradié, il me les a exprimées, je les comprends.
04:55 Mais nous avons eu à cœur au contraire de tenir sur l'essentiel, à savoir la fermeté
05:00 et l'efficacité que les Français attendent en matière de politique migratoire.
05:04 - Vous pensez arriver à un accord cet après-midi ?
05:06 - Je crois que c'est à portée, à notre portée.
05:09 Nous attendons l'accord, pour l'instant il n'est pas finalisé, il n'est pas conclu.
05:12 On a posé nos lignes, notamment sur la question de l'accès aux métiers en tension, dont
05:17 nous voulons que ça demeure, qu'il conserve un caractère exceptionnel et non opposable,
05:24 que ce soit laissé à la discrétion du préfet et non pas un droit qui serait librement
05:30 ouvert à tous.
05:31 - Vous avez vu Elisabeth Borne hier soir, que vous a-t-elle répondu sur ce point ?
05:34 - Alors je crois que sur ce point elle en est d'accord.
05:38 De toute façon le gouvernement n'a plus les moyens de faire passer le texte qu'il
05:42 voulait faire passer.
05:43 Et en même temps il est bien conscient que sans texte l'opinion publique ne l'acceptera
05:47 pas.
05:48 Donc voilà, je pense que sur ce point nous sommes...
05:51 - Il y a d'autres points, Annie et Genevar, quelques mesures phares exigées par le Sénat
05:58 qui constituaient jusqu'à il y a peu des lignes rouges pour le gouvernement.
06:01 On peut en énumérer quelques-unes.
06:03 Les aides sociales, on en a beaucoup parlé hier.
06:06 Depuis combien d'années faudra-t-il vivre en France pour avoir droit aux aides sociales ?
06:11 Quel est votre souhait ?
06:13 - Alors les aides sociales non-contributives, je précise.
06:16 Le principe est que quand on travaille on a droit aux aides.
06:22 Donc la distinction s'opérera entre ceux qui travaillent et les étrangers qui travaillent
06:25 et les étrangers qui ne travaillent pas.
06:27 Pour ceux qui ne travaillent pas, il faudra attendre 5 ans avant de pouvoir bénéficier
06:31 de ces aides sociales, c'est-à-dire par exemple les allocations familiales ou les APL.
06:35 Pour ceux qui travaillent en revanche et qui cotisent, ce sera une durée bien réduite.
06:41 C'est un point qui reste à finaliser dans l'accord.
06:44 - Quel type de durée pour ceux qui travaillent, pour les étrangers qui travaillent en France ?
06:48 - Alors ce sera probablement de moitié, autour de 30 mois selon toute probabilité.
06:56 - D'accord.
06:57 Est-ce qu'il s'agit de préférence nationale ?
06:59 - Non, il s'agit vraiment de distinguer ceux qui travaillent et qui cotisent et ceux qui
07:05 ne travaillent pas.
07:06 C'est une incitation au travail.
07:07 - Le droit du sol et l'accès à la nationalité seront-ils remis en cause si vous trouvez
07:12 un accord cet après-midi ?
07:13 - Alors nous avons souhaité resserrer les conditions d'acquisition à la nationalité.
07:21 Par exemple l'acquisition automatique pour un jeune qui devient majeur ne le sera plus.
07:27 - Un jeune qui devient majeur et qui est né en France ?
07:29 - Qui est né en France de parents étrangers.
07:31 Mais dans ce cas-là, il faudra qu'il manifeste sa volonté d'acquisition de la nationalité.
07:37 Il y a trop de jeunes issus de l'immigration qui ne se rendent pas compte que c'est un
07:42 honneur de devenir français et que ça suppose un certain nombre de devoirs.
07:46 Manifester sa volonté, c'est aussi dire "oui, je veux être français".
07:51 - L'aide médicale d'Etat, le Sénat demande sa suppression et sa transformation.
07:56 Elisabeth Borne vous a-t-elle proposé qu'une loi spécifique portant sur la question de
08:01 l'aide médicale d'Etat soit sortie de vos discussions et votée à la rentrée ?
08:06 - Alors l'AME, l'aide médicale d'Etat, est en effet ce qu'on appelle un cavalier législatif.
08:11 Il n'est pas tout à fait dans le périmètre de la loi.
08:13 Mais en même temps le problème est très important.
08:17 Aujourd'hui, les français ont du mal à se soigner et comprendraient mal que certains
08:22 soient traités, notamment les étrangers en situation irrégulière, accèdent au même
08:27 panier de soins que même pour lesquels c'est devenu difficile.
08:32 Donc ce sujet est très important.
08:34 La première ministre s'est engagée à nous écrire pour nous dire que ça ferait l'objet
08:41 d'un texte dédié sur la base du rapport Stéphanie Nievin.
08:45 Aujourd'hui, ce que nous attendons dans cette lettre, c'est que le gouvernement s'engage
08:50 à réformer l'AME, non pas pour en élargir le périmètre, mais pour en diminuer précisément
08:55 le périmètre.
08:56 - On vous a bien entendu.
08:57 Merci Annie Genovare.
08:58 - Merci Sonia De Villeher.