Plantu, dessinateur

Europe 1

ABONNEZ-VOUS pour plus de vidéos : http://www.dailymotion.com/Europe1fr Dans son émission média, Thomas Isle et sa bande reçoivent chaque jour un invité. Aujourd'hui, Plantu, dessinateur, pour son livre "L'Année de Plantu 2023" aux éditions Calmann Lévy.   Retrouvez "L'invité média" sur : http://www.europe1.fr/emissions/l-invite-du-grand-direct LE DIRECT : http://www.europe1.fr/direct-video                                                                  Retrouvez-nous sur :                                 | Notre site : http://www.europe1.fr                                 | Facebook : https://www.facebook.com/Europe1                                 | Twitter : https://twitter.com/europe1                                 | Google + : https://plus.google.com/+Europe1/posts                                 | Pinterest : http://www.pinterest.com/europe1/

Transcript

00:00 - Alors Plantu, votre année 2023 sort demain et est intitulée "Mariane, ne vois-tu rien venir ?"

00:09 avec ce dessin en couverture de Mariane qui chante encerclée par des unités de la BRI.

00:15 Vous pensez qu'on est en train d'aller vers une société ultra sécuritaire, c'est ça ce que vous voyez venir ?

00:21 - Je l'ai fait au moment des émeutes de juillet.

00:26 Je l'ai fait en me disant "bon je vais faire ça", c'était l'ambiance du jour.

00:32 Et puis après je me suis rendu compte que c'était peut-être ce vers quoi nous allions.

00:37 Et c'est la raison pour laquelle j'ai aussi dessiné une Mariane qui, comme vous savez, dans le conte d'opéra,

00:43 qui ne sera, ne sera, ne vois-tu rien venir. - Oui, elle chante, oui.

00:47 - Et là, elle voit venir quand même une société qui est de plus en plus violente.

00:53 Et du coup, dans ma préface du livre, j'ai dessiné une petite Mariane qui se regarde dans un miroir

00:59 et elle y voit le visage de Marine Le Pen.

01:02 Et je pense que ces deux France qui ne s'aiment pas beaucoup en ce moment risquent de s'affronter de plus en plus.

01:09 Et c'est le travail que j'ai fait pour rassembler non seulement les dessins de l'année, bon d'accord,

01:15 ça c'est mon boulot de tous les jours, ça les gens y connaissent,

01:18 mais à la fois, j'ai voulu les remettre en perspective avec des textes que j'ai repris dans des radios, des journaux,

01:25 des différents médias, de gauche, de droite, du centre, pour essayer de remettre dans le contexte.

01:31 C'est-à-dire qu'on revisite toutes les... là je vous parle des émeutes, mais j'aurais pu vous parler des manifs pour les retraites,

01:38 où tout ce qui a été dit entre la CGT, entre le Front de Gauche, tout ça, Mélenchon, tout ça,

01:43 et bien il y a tous les textes qui accompagnent les dessins, c'est vraiment moi-même quand je fais ce boulot-là,

01:49 je fais ça pendant l'été, ça me refait visiter tout ce que je devrais connaître par cœur,

01:53 du fait "ah oui c'était il y a trois ans, et j'ai déjà un peu oublié que le bouteille est là pour ça".

01:57 - On a l'impression que c'était il y a très longtemps cette réforme des retraites, c'était pourtant cette année.

02:00 Votre premier dessin dans le monde c'était en 1972, donc ce qui est bien avec vous, c'est que vous avez un peu de recul et de mémoire.

02:06 Et par exemple sur la réforme des retraites, vous dessinez des manifestants,

02:09 et en tête de cortège, des élus, points levés, et l'un d'eux qui dit à son collègue,

02:14 "tu leur as dit que quand on serait au pouvoir, on n'y toucherait pas à la retraite à 64 ans".

02:19 On vous sent un petit peu désabusé sur cette classe politique ?

02:22 - Déterminé, désabusé, déterminé, je ne pense pas une seconde que les gens qui ont fait croire à leurs électeurs

02:30 qu'ils ramèneraient la retraite à 60 ans, le feront. Jamais ils le feront.

02:35 Et même, je vais même vous dire, ils l'apprécieraient à 75.

02:39 - 75 ans ? - Dans 30 ans, je suis sûr qu'ils se réveilleront en disant

02:45 "tu te souviens qu'on avait milité contre les 62 ans, 64 ans, et on est en train de le faire pour 75 ans".

02:52 Ils le feront, et ils font semblant de faire croire à leurs électeurs qu'ils vont faire le contraire.

02:58 Et ça c'est quand même profondément malhonnête, puisque comme vous dites, ça fait 50 ans que je suis l'actualité au jour le jour.

03:04 Et vous voyez par exemple, même dans mon journal que j'aime tant, "Le Monde", j'ai fait des dessins au moment,

03:09 contre la burqa, et la gauche à l'époque était contre la loi de Sarkozy,

03:15 qui voulait militer contre le port de la burqa en France.

03:20 Mais quand la gauche est arrivée au pouvoir, elle n'a pas touché à la loi, alors qu'elle a manifesté contre.

03:25 Et moi je trouve que ça m'a donné un peu une ouverture d'esprit, j'espère.

03:30 Et ça m'a donné des yeux qui me permettent de voir la vie politique que j'aime,

03:35 parce que j'aime les femmes et les hommes politiques, mais à la fois, il ne faut pas me la jouer...

03:40 Je ne peux pas avaler n'importe quoi non plus.

03:42 - Et c'est cette liberté qu'on aime chez vous, Plantu.

03:45 On va continuer à parler de votre année 2023, ce sera juste après la session de rattrapage de l'excellent Jean-Luc Lemoyne.

03:50 A tout de suite sur Europe 1.

03:52 - Vous écoutez Culture Média sur Europe 1 avec Thomas Hill, et avec votre invité Thomas,

03:56 vous recevez le dessinateur Plantu, avec qui on retrace l'année 2023 dans ce livre en librairie,

04:02 demain paru chez Calman Levy. Marianne, n'a-tu rien vu venir ?

04:07 - Et puis vous ressortez de vos archives Plantu, quelques anciens dessins aussi qui restent d'actualité.

04:12 C'est assez marquant, ça, à voir par exemple ce dessin qui date de 1988,

04:18 avec un professeur qui a le dos taché d'encre, d'insultes, le costume déchiré.

04:24 Il a même carrément un poignard dans le dos, et il dit à l'un de ses collègues

04:28 "je leur donnerais bien 100 lignes à copier, mais l'idée de vilipender ou de gourmander ces petits êtres m'est insupportable".

04:35 Déjà, on parlait de crise de l'autorité à l'école à l'époque ?

04:38 - Bien entendu, et bien entendu déjà à l'époque, on se moquait de cette manière de ne pas voir monter les choses.

04:48 On y arrivait beaucoup dans les écoles, et on voit la montée des incompréhensions qui se sont installées depuis un certain temps.

04:56 Et quand j'ai fait ce dessin-là dans les années 70, c'était vraiment quelque chose de...

05:02 C'était "Et dans le monde de l'éducation", qui était le même journal,

05:08 et moi je voyais bien qu'il fallait quand même ouvrir un peu les yeux sur les incompréhensions,

05:15 et bien sûr, regardez, là il n'y a pas longtemps j'étais allé à Trappes,

05:19 il y a une école à Trappes qui est formidable, et qui justement enseigne l'empathie.

05:25 C'est-à-dire que les petits, ils ont les maths, le calcul, le français, l'histoire, et on leur enseigne l'empathie.

05:32 Et là je me dis "tiens, là ils ont compris", et c'est à Trappes, un endroit compliqué,

05:39 et bien il y a une petite perle d'espoir, et il y en a beaucoup des écoles comme ça,

05:45 qui enseignent l'empathie auprès des enfants, parce qu'on voit bien qu'il y a à la fois une montée des violences,

05:50 et par exemple dans cette école, il y a un siège, ça s'appelle l'école Henri Vallon, à Trappes,

05:57 il y a un siège qui s'appelle le siège des émotions.

06:00 Et quand il y a un gamin qui arrive, qui est un peu volubile, qui est un peu énervé,

06:04 qui monte sur les tables, ou qui gueule, ou qui tape, on le met sur le siège des émotions,

06:08 et on lui donne des feux, des crayons, des pastels, et tout ça, et il se calme,

06:13 et les gamins passent à côté en disant "chut", on passe à côté du siège des émotions,

06:18 à tel point que je me demande si on ne devrait pas proposer aux politiques,

06:23 par exemple à Jean-Luc Mélenchon, un petit siège des émotions,

06:27 je crois que ça lui ferait du bien, et ça nous ferait du bien.

06:29 - Est-ce qu'il y a un sujet, Plantieu, cette année, autour duquel vous n'avez pas réussi à dessiner ?

06:33 - Non, parce que je crois qu'on peut tout dessiner, il faut juste trouver...

06:37 - Vous ne vous autocensurez jamais.

06:39 - Ah, c'est pas ça que je dis, hein ! Il y a toujours une manière de dire les choses.

06:43 C'est-à-dire que, par exemple, là, depuis la tragédie du 7 octobre,

06:50 et le pogrom en Israël, plus les tragédies à Gaza,

06:57 eh bien il y a des choses que je pense que je redirai sur les colonies israéliennes,

07:02 mais je le dirai plus tard.

07:04 Il y a en ce moment, il faut pleurer sur les morts des deux côtés,

07:08 et à la fois ressortir les choses qui me tiennent à cœur,

07:13 c'est-à-dire les colonies en Israël, je le dirai, mais je le redirai,

07:16 parce que j'ai toujours dit depuis 40 ans...

07:18 - Aussi choisir son moment.

07:19 - Oui, oui, c'est comme quand on va à l'enterrement de quelqu'un.

07:21 On ne va pas à l'enterrement en disant "Ah d'ailleurs, il me devait 100 euros".

07:25 Ce n'est pas le jour, on va le dire après.

07:27 - Mais je me dis là, on est typiquement sur un sujet qui doit être très compliqué pour un dessinateur,

07:31 parce qu'un dessin c'est forcément un petit peu réducteur.

07:33 - Toujours.

07:34 - Or ce conflit, il est extrêmement complexe.

07:36 Comment vous arrivez à résoudre ce problème ?

07:38 - Il faut juste se mettre à la place des autres qui pourraient ne pas comprendre.

07:44 Et il faut raconter...

07:46 Ce n'est pas difficile, moi mon boulot, c'est presque de la...

07:51 une psychologie de...

07:53 Il y a un contact entre le feutre, l'idée que j'ai dans ma tête,

07:57 mes mains et la feuille de papier.

07:59 Et au fur et à mesure que je fais mon dessin,

08:02 je sais jusqu'où je vais aller.

08:04 Et je dis "Ah oui mais là c'est peut-être un peu trop,

08:07 ou peut-être que je le ferai un peu la semaine prochaine".

08:09 Pas pour le moment.

08:11 Il y a un moment, il y a une conversation qui se fait,

08:13 je vous dis, c'est presque un cours de dessin que je suis en train de vous faire,

08:16 parce que les gens qui me disent "Je ne sais pas dessiner",

08:18 je vous le dis tout de suite, ce n'est pas vrai.

08:20 - Ce n'est pas vrai.

08:21 - J'ai même fait dessiner François Hollande,

08:23 il dessinait des petites souris à la fin.

08:25 Non non, c'est...

08:27 Je suis persuadé que tout le monde pourrait dessiner,

08:30 je ne dis pas que tout le monde pourrait faire du Michel-Ange,

08:32 mais tout le monde peut dessiner.

08:34 - C'est une bonne nouvelle ce matin.

08:35 - Plantu est l'invité de Culture Média dans un instant sur Europe.

08:39 Le journal de Julien Pichnet, le journal des médias.

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