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00:00Je vous ai entendu beaucoup Philippe Valls cette semaine, puisque vous étiez invité sur de nombreux médias.
00:07On est vendredi et depuis lundi, vous êtes écouté par un grand nombre de français.
00:14Quel sentiment vous laisse cette semaine qui s'achève et cette célébration des dix années ?
00:23D'abord, j'ai voulu, normalement le mois de janvier j'évite de parler, là je l'ai fait parce que c'était les dix ans,
00:33mais les dix ans ça pourrait être les quinze ou les sept, mais parce qu'il s'est passé des choses depuis.
00:39Les assassinats de professeurs, d'autres attentats, le 7 octobre, la montée de l'antisémitisme en France,
00:45et tout ça est la même histoire, tout ça est la même histoire.
00:49Donc, le sentiment que j'ai, bizarrement, c'est pas un sentiment politique.
00:55Plus la semaine passe, plus je repense aux gens dont j'étais le plus proche dans cette rédaction,
01:03et qui étaient des gens qui faisaient des dessins pour faire rire, ils avaient la plume cruelle mais le cœur tendre.
01:10Ce n'étaient pas des gens méchants du tout, ils avaient le journalisme chevillé au corps à leur manière,
01:16mais ils avaient envie de parler aux gens, de leur faire plaisir,
01:21et moi qui ai vraiment bien bien connu certains d'entre eux pendant de longues années,
01:27et Cabu était un ami intime depuis les années soixante-dix,
01:31ce qui me vient à la fin de cette semaine, c'est de nouveau ce vertige que j'ai ressenti après les attentats,
01:40comme je mesure la profondeur de la bienveillance, de la gentillesse de ces gens, de Cabu notamment,
01:50comment il recevait les gens, même les gens avec lesquels il n'était pas d'accord,
01:54les jeunes dessinateurs, comment il les aidait, je ne l'ai jamais pris un moment, pendant tant d'années, un moment de méchanceté.
02:04Jamais, jamais, de peut-être mauvaise humeur, une fois ou deux, mais pas plus que ça,
02:10un respect de l'autre, un respect des gens différents, même d'opinions différentes,
02:16et savoir qu'autant de bienveillance, autant de gentillesse, autant d'incapacité de nuisance,
02:25se faire se retrouver devant des mecs cagoulés avec des kalachnikovs,
02:30et je n'arrête pas souvent de me remettre dans la peau de Wolinski, de Cabu, de Charbonneau,
02:36qu'est-ce qu'ils ont ressenti, qu'est-ce qu'ont pu ressentir ces gens quand ils ont vu la mort arriver de cette façon,
02:42c'est quelque chose qui ne peut pas nous quitter, qui ne peut pas nous quitter.
02:46Vous savez, Wolinski, l'un des êtres les plus tendres également, que j'ai croisé parfois,
02:52et très drôle, et très gentil, un esprit...
02:56On est inquiet, parce qu'on a tous le sentiment que chaque année qui passe est pire,
03:04et que depuis 2015, le climat est pire, et peut-être les actes le seront-ils aussi.
03:13Je lisais dans un sondage, à travers un sondage,
03:17que beaucoup de gens aujourd'hui disent « je ne suis pas Charlie ».
03:21On ne sait pas s'il y aurait 4 millions de personnes qui manifesteraient pour la liberté d'expression
03:27comme elles ont manifesté il y a 10 ans.
03:31Est-ce que vous avez ce sentiment que c'est de pire en pire ?
03:36D'une certaine façon, oui, il y a des choses qui ont empiré,
03:39c'est la raison pour laquelle je parle cette semaine, j'ai envie de m'exprimer cette semaine,
03:43mais je ne sais pas s'il n'y aurait pas beaucoup de monde,
03:47parce que c'était la conjonction, ça n'était pas que Charlie,
03:50c'était la conjonction de trois crimes,
03:53de trois crimes qui ont été bien compris par la foule qui est descendue dans la rue à ce moment-là,
04:00et qui a touché à des choses pas forcément conscientes,
04:03c'était dans le préconscient ou dans la culture profonde des Français.
04:07C'est-à-dire, ils ont dit je suis juif, je suis Charlie et je suis policier,
04:12vous vous souvenez de ces pancartes ?
04:14C'est une trilogie, c'est une trinité on pourrait dire,
04:18c'est comme liberté, égalité, fraternité, c'est ça qui a mis le feu,
04:22ça peut-être aussi, et la mort de Cabu,
04:25parce qu'il était dans l'enfance de beaucoup de Français,
04:29parce qu'il y avait les émissions sur Dorothée, et ils adoraient ce personnage,
04:33ils adoraient ce personnage avec ses lunettes rondes qui les faisait rigoler avec des dessins,
04:37et ça a été un choc comme quelqu'un de la famille proche qui s'en va.
04:41Mais je suis flic, je suis juif, je suis Charlie,
04:44c'est dans la culture profonde du pays,
04:47je parle en face d'un juriste éminent,
04:50c'est la délégation de la violence légitime, je suis flic,
04:54et on y tient beaucoup parce que c'est ce qui nous permet de vivre en paix entre nous.
04:59Je suis Charlie, c'est la liberté de conscience
05:02qui est très profondément ancrée dans la culture française,
05:05dans la culture européenne,
05:08et je suis juif parce qu'on ne peut pas imaginer
05:11l'Europe et l'esprit européen
05:14sans cette hybridation de la pensée grecque et de la pensée juive
05:18dès l'Antiquité, et qui fabrique de l'Europe.
05:21D'ailleurs Israël aujourd'hui est un bout d'Europe au fond de la Méditerranée.
05:25Cette pensée judéo-grecque ne cesse de fabriquer de l'Europe.
05:28Je suis juif, je suis Charlie, je suis flic,
05:31c'est je suis européen,
05:34et je ne veux pas respirer un autre air que ça,
05:37parce que les autres, ailleurs, ça me fait peur.
05:40Je pense qu'on n'est pas assez patriote de ça.

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