La situation à Gaza "est indigne", dénonce le commissaire général de l’Unrwa, Philippe Lazzarini

  • l’année dernière
Lors de la "conférence humanitaire" qui a lieu jeudi 9 novembre à Paris, le commissaire général de l’Unrwa Philippe Lazzarini va appeler à "un cessez-le-feu humanitaire" à Gaza. La situation y est "indigne", dit-il. Il était invité du Grand entretien, avec le journaliste de Radio France Frédéric Métézeau.

Retrouvez tous les entretiens de 8h20 sur https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-8h20-le-grand-entretien
Transcript
00:00 France Inter, Léa Salamé, Nicolas Demorand, le 7/10
00:06 Et avec Léa Salamé, nous recevons ce matin dans le Grand Entretien le Commissaire Général de l'UNEROI.
00:11 C'est l'Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine.
00:17 Dans le Proche-Orient, ce programme de l'ONU existe depuis 1949.
00:22 Vos questions et réactions au 01 45 24 7000 et sur l'application de France Inter.
00:29 Philippe Lazzarini, bonjour.
00:31 Avec nous également Frédéric Mettezo qui a été ces quatre dernières années correspondant de Radio France à Jérusalem.
00:38 Bonjour Frédéric.
00:38 Bonjour à tous.
00:39 Philippe Lazzarini, vous participerez ce matin à la Conférence internationale sur l'aide humanitaire aux populations civiles de Gaza,
00:47 organisée à Paris à l'initiative du Président de la République.
00:51 Trois volets dans cette conférence, le respect du droit international humanitaire,
00:57 la manière d'acheminer plus d'aide humanitaire à Gaza et l'aide financière.
01:03 Emmanuel Macron a dit hier attendre des résultats tangibles de cette conférence.
01:09 Qu'en attendez-vous ? Qu'allez-vous demander ?
01:13 Nous allons demander la même chose.
01:15 Nous allons demander premièrement à cesser le feu humanitaire
01:19 et nous allons demander qu'effectivement le droit humanitaire international s'applique dans cette guerre complètement.
01:26 Nous allons également demander à ce que l'assistance entre à Gaza
01:31 parce que pour l'instant ce ne sont que quelques camions par jour qui entrent dans la bande de Gaza
01:37 et que le siège qui est actuellement imposé à la population commence à avoir des effets absolument redoutables pour une population qui manque de taux.
01:48 Et troisièmement, effectivement, le financement est important.
01:52 Vous savez que UNRWA est une agence qui au cours des années a été fortement affaiblie financièrement.
01:59 Aujourd'hui, on s'attend à ce que cette agence soit à la hauteur d'une crise sans précédente
02:05 et pour cela, nous avons besoin de financement.
02:08 Combien ?
02:09 Alors pour terminer l'année uniquement pour payer les salaires de 30.000 employés qui sont la colonne vertébrale de notre organisation,
02:18 nous avons besoin de 100 millions de dollars.
02:21 Mais si on prend maintenant la crise de Gaza, nous avons lancé un appel cette semaine
02:27 où UNRWA demande 500 millions de dollars pour les trois mois à venir
02:32 et cela fait partie d'un appel général des Nations Unies qui va être lancé aujourd'hui de 1,2 milliard de dollars.
02:38 Philippe Lazzarini, je précise que vous habitez vous personnellement qui dirigez l'UNRWA entre Jérusalem et Amman,
02:46 que jusqu'à la crise vous aviez aussi des bureaux à Gaza.
02:49 Aujourd'hui, c'est très très très difficile de rentrer à Gaza, que ce soit pour les humanitaires ou que ce soit pour les journalistes,
02:55 quasiment impossible. Vous avez été autorisé le seul à rentrer dans Gaza il y a une semaine, c'est ça ?
03:01 Je suis rentré à Gaza en fin de semaine dernière.
03:03 Ça a été coordonné, ça a pris beaucoup de temps pour que je puisse y entrer
03:08 et c'est vrai qu'après ma visite, j'ai dit que c'était une des journées les plus tristes de ma carrière d'humanitaire.
03:16 Pourquoi ?
03:16 Parce que je visitais une école par exemple, où nous avions des milliers de déplacés
03:22 et normalement une école devrait être un lieu d'éducation de vie
03:26 et des élèves de cette école étaient, comment dire, déplacés là et mendiaient pour avoir de l'eau et pour avoir un bout de pain.
03:35 Et en fait, cette réalité dans cette école où les conditions de vie, d'hygiène sont totalement insalubres,
03:43 où il manque de tout, en fait, est amplifiée à travers la bande de Gaza,
03:48 où nous avons plus de 750 000 personnes dans les installations des Nations Unies.
03:53 Aujourd'hui, les enfants mendient pour avoir de l'eau ? On en est là ?
03:57 On en est là. Les enfants faisaient la file pour avoir une demi-bouteille d'eau.
04:02 Il n'y avait plus que des gouttes qui tombaient du robinet et effectivement, leur gestuel était de dire "donnez-moi de l'eau".
04:11 On en est là. C'est indigne, c'est...
04:16 Le patron de l'ONU, Antonio Guterres, a eu des mots très forts mardi.
04:21 Il a déclaré "le cauchemar à Gaza est plus qu'une crise humanitaire, c'est une crise de l'humanité".
04:26 Il a également dit que Gaza devient un cimetière pour les enfants.
04:31 "Crise de l'humanité", vous employez les mêmes termes, Philippe Lazzarini ?
04:35 J'utilise tout à fait les mêmes termes. C'est une crise de l'humanité, c'est une crise de nos valeurs,
04:42 c'est une crise du droit humanitaire international.
04:46 M. Guterres a entièrement raison quand il parle... Le secrétaire général a raison lorsqu'il parle de Gaza qui devient un cimetière pour enfants.
04:55 En moins d'un mois, en un mois, on a eu plus de 4000 enfants qui ont été tués dans le cadre des bombardements et de cette guerre.
05:03 Ça, c'est les chiffres qui sont donnés, M. Lazzarini, qui sont donnés par le ministère de la Santé,
05:09 qui annonce plus de 10 000 morts, dont 4200 enfants, le ministère de la Santé qui est contrôlé par le Hamas.
05:15 Donc vous faites confiance à ces chiffres-là ? Il n'y a pas de raison pour vous de douter de ces chiffres-là ?
05:21 Écoutez, il y a eu six conflits à Gaza et à l'époque, le même ministère, lorsqu'il publiait ces chiffres,
05:29 personne n'avait à redire ou questionnait en fait la crédibilité de ces chiffres.
05:34 Mais deuxièmement, si je regarde le nombre de collègues tués au sein de notre agence, presque 100 aujourd'hui,
05:43 et bien, et je compare au nombre d'employés que nous avons, nous avons les mêmes proportions que les 10 000 personnes qui ont été tuées à Gaza
05:51 et l'ensemble de la population de Gaza.
05:52 Donc vous faites confiance à ces chiffres-là, Frédéric Méthézot ?
05:56 Certains doutent de ces chiffres parce qu'ils sont donnés par le Hamas, enfin le ministère de la Santé contrôlé par le Hamas.
06:04 Est-ce qu'on est proche de ça ? Est-ce que c'est vraiment 4200 enfants ?
06:08 Ces chiffres-là qui font froid dans le dos en un mois.
06:11 Alors on reçoit des images qui sont attestées par des sources fiables, par des gens avec qui j'ai travaillé les nombreuses fois où je suis allé à Gaza.
06:18 Effectivement, ce sont des images absolument terribles et ce sont vraiment des alignements de petits corps qu'on voit dans des sacs.
06:27 Donc c'est absolument, c'est d'une véritable ampleur, c'est de très grande ampleur.
06:33 Après, le décompte est-il exact ?
06:36 Moi, personnellement, je ne sais pas parce qu'il faut toujours prendre avec précaution ce que dit le Hamas,
06:42 parce que le Hamas est par définition un mouvement qui n'a pas intérêt à être transparent et à dire la vérité aux journalistes.
06:50 Les journalistes ne peuvent pas rentrer dans Gaza, c'est le vrai problème.
06:53 Et c'est pour ça qu'on a une centaine de journalistes qui connaissons bien cette région,
06:57 à avoir signé une tribune pour demander à ce que l'armée israélienne laisse rentrer les journalistes pour qu'ils puissent réellement faire leur travail.
07:04 Donc les échelles de grandeur sont là.
07:08 En revanche, personnellement, tant que nous n'avons pas pu recouper, d'ailleurs avec l'aide de l'ONU qui a des accès que la presse n'a pas,
07:16 on ne peut pas affirmer avec certitude que tel chiffre est valide.
07:20 Le Hamas, c'est aussi une machine à désinformer.
07:22 Moi, personnellement, j'ai été interdit d'entrer deux fois par le Hamas parce qu'ils estimaient que je faisais mal mon travail de journaliste.
07:30 Et quand vous rentrez, vous êtes d'abord interrogé par les services de renseignement du Hamas.
07:34 Philippe Lazzarini, que pouvez-vous nous dire de la situation des hôpitaux à Gaza ?
07:39 Au journal Le Monde, un chirurgien qui travaille à l'hôpital Al-Shifa décrit la situation de la manière suivante, effroyable.
07:46 Deux mille patients alors que la capacité est de 600 lits.
07:50 Nous n'avons plus de morphine depuis dix jours, plus de lame chirurgicale ni de pansement.
07:56 Nous faisons des opérations chirurgicales avec du paracétamol.
08:01 Vous l'avez vérifié ça sur place ?
08:03 Nous l'entendons continuellement. Nos employés qui sont en contact avec les hôpitaux l'entendent aussi continuellement.
08:10 Donc effectivement, nous pouvons confirmer ces informations parce qu'elles viennent de plus d'une source dans la bande de Gaza.
08:20 Il est extrêmement difficile maintenant d'approvisionner l'hôpital Al-Shifa, les hôpitaux qui se trouvent dans la ville de Gaza et dans le Nord.
08:28 On a réussi il y a deux jours finalement à coordonner un convoi de médicaments avec l'OMS à Gaza.
08:36 Mais nous avons de besoins de plus et comme vous l'avez indiqué, il nous faut aussi du fuel pour pouvoir opérer et avoir de l'électricité.
08:43 Et pour l'instant, Israël bloque effectivement l'électricité, l'eau et le fuel et le carburant. Il n'y a pas de carburant qui rentre ?
08:49 Il n'y a aucun carburant qui n'est entré dans la bande de Gaza depuis le 7 octobre.
08:54 Nous en tant que Nations Unies, nous avons émis un appel en disant que si le fuel n'entre pas, nous ne pourrons plus approvisionner les boulangeries,
09:04 nous ne pourrons plus approvisionner les stations d'eau, nous ne pourrons plus approvisionner les hôpitaux
09:09 et peut-être que nous ne pourrons même pas continuer notre opération humanitaire parce que les véhicules ne pourront plus bouger.
09:15 Mais vous dites que vous avez perdu près de 100 travailleurs humanitaires de l'UNORA depuis un mois.
09:20 Juste pour donner une échelle à nos auditeurs, en 10 ans de guerre en Syrie, vous n'avez perdu que 17 employés.
09:26 Donc 17 employés en 10 ans de guerre en Syrie et là vous en avez perdu 100 en un mois de guerre à Gaza.
09:32 Est-ce que vous n'avez pas pensé partir, quitter, sortir, évacuer vos travailleurs ?
09:38 C'est une totale tragédie. Les Nations Unies n'ont jamais enregistré autant de morts en aussi peu de temps dans un conflit.
09:47 Il y a eu une ou deux fois des désastres naturels où il y a eu peut-être plus de morts, mais certainement pas dans ces proportions.
09:54 Nos employés sont principalement des enseignants, des infirmières, des docteurs et ce sont des Gazaouis.
10:03 Et les Gazaouis, on ne peut pas pour l'instant les aider à sortir de la bande de Gaza.
10:08 On va se diriger vers le Standard Inter où nous attendent de nombreux auditeurs. Bonjour Bernard !
10:15 Bonjour !
10:16 Vous nous appelez de Saint-Nazaire et on vous écoute.
10:19 Alors ma première question est, est-il avéré qu'il y a des bases du Hamas et des bases de lancement dans des lieux publics,
10:29 sous des écoles, des hôpitaux, etc. Mais ma deuxième question, est-il logique qu'on demande à Israël de, un, cesser le feu,
10:38 sans demander au Hamas de libérer les otages dont la détention constitue un crime de guerre ?
10:45 Merci !
10:46 Merci Bernard pour ces deux questions. Alors sur la présence de bases du Hamas sous les écoles, sous les hôpitaux,
10:55 que pouvez-vous nous dire, Philippe Lazzarini, la question des tunnels que pointe l'armée israélienne
11:02 pour expliquer son action et les bombardements sur la bande de Gaza ?
11:09 Nous entendons beaucoup parler des tunnels, nous entendons beaucoup parler de l'utilisation de lieux publics à des fins militaires.
11:18 Si cela est le cas, évidemment que c'est une violation du droit humanitaire international,
11:24 mais les Nations Unies ne sont pas en position de vérifier les positions militaires ou de vérifier ce qui se passe dans les sous-sols de Gaza.
11:33 Vous ne savez pas ?
11:34 Nous ne savons pas.
11:36 Et sur cette question des tunnels, Frédéric ?
11:39 C'est la même chose pour la presse. Les seuls éléments dont on dispose sont des vidéos ou des modélisations de l'armée israélienne.
11:47 Après, il est certain que sur un territoire aussi dense, aussi compact que Gaza,
11:53 où on peut tirer en quelques heures, comme on l'a vu le 7 octobre, 5000 roquettes,
11:58 il est évident que si la rame de lancement n'est pas dans la cour d'un hôpital, elle sera de toute façon à quelques mètres d'un hôpital.
12:09 Tout est imbriqué.
12:10 Vous n'avez pas à Gaza, vous savez, comme on peut avoir en France, des grands camps militaires fermés parce qu'il n'y a pas la place.
12:15 Donc de toute façon, tout est imbriqué.
12:18 Et si les Israéliens disent qu'ils s'approchent du centre de Gaza-Ville, c'est précisément pour s'approcher de l'hôpital Shifa,
12:25 dont ils soupçonnent qu'il abrite le commandement central du Hamas.
12:31 C'est ce que m'expliquait hier un diplomate israélien.
12:33 Ils appellent ça le carré sécuritaire.
12:35 Alors comment on fait justement face à ça ?
12:38 Parce que c'est ce qu'explique Frédéric Méthézot quand on est un haut dirigeant de l'ONU
12:43 et qu'on est face à une armée israélienne qui vient se défendre, puisque c'est ça que l'opération a été lancée après les attaques du 7 octobre,
12:53 qu'il y a un hôpital, que l'Israël soupçonne le Hamas d'être en dessous ou à côté de l'hôpital Al-Shifa,
13:00 mais qu'il y a un hôpital où il y a des chirurgiens, il y a des blessés, il y a des enfants morts.
13:03 Comment on gère cette situation qui est totalement inextricable en fait ?
13:07 La réponse doit se retrouver dans le droit humanitaire international.
13:11 Il y a deux principes.
13:13 Le premier, c'est le principe de proportionnalité.
13:16 Et la question qu'on peut se poser aujourd'hui, lorsqu'on parle de plus de 10 000 morts,
13:21 est-ce qu'il y a vraiment eu proportionnalité par rapport aux objectifs ?
13:24 Et la deuxième question, c'est la question de la distinction entre les civils et les combattants.
13:30 C'est vrai qu'en zone urbaine, c'est extrêmement difficile,
13:34 mais cela dit, ça signifie qu'on doit porter encore plus d'attention sur la question du respect du droit humanitaire international.
13:40 Frédéric ?
13:41 Oui, je voulais juste signaler une interview très intéressante qui a été publiée hier soir dans le New York Times,
13:46 qui a interviewé un dirigeant politique du Hamas qui vit au Qatar.
13:52 Cette personne dit en substance, "on savait qu'il y aurait beaucoup de morts gazaouis,
13:58 c'était le coup nécessaire pour mettre fin au statu quo et pour ouvrir un nouveau chapitre dans le combat contre Israël".
14:04 Donc, ces 10 000 morts, qu'ils soient 10 000 ou 8 000 ou 15 000,
14:09 le Hamas les assume et assume que ça fait aussi partie d'une stratégie de nouvelle conflictualité avec Israël.
14:16 Comment vous recevez ces mots, Philippe Lazzarini ?
14:18 C'est absolument insoutenable d'entendre ce genre de propos
14:23 et de savoir qu'une fois de plus, dans une guerre, les civils sont les premiers sacrifiés.
14:28 Il y avait un autre aspect à la question de notre auditeur, Bernard, c'était le cessez-le-feu.
14:35 Cessez-le-feu immédiat, sans conditions, sans libération d'otages.
14:39 Vous avez parlé de ces cessez-le-feu, Philippe Lazzarini, tout de suite, dès que cet entretien a commencé.
14:46 Benyamin Netanyahou a exclu tous ces cessez-le-feu à Gaza tant que les otages n'étaient pas libérés.
14:52 Vous ne comprenez pas cette position israélienne ?
14:55 Nous appelons sans équivoque à la libération de tous les otages dans la bande de Gaza
15:02 et la prise d'otages de civils dans ce type de contexte est aussi un crime de guerre.
15:07 À côté de ça, il y a la question de la punition collective qui est imposée à l'ensemble de la population de Gaza
15:15 et c'est la raison pour laquelle nous appelons aujourd'hui à ce cessez-le-feu
15:20 et à la levée du siège imposé à la population.
15:24 Les deux ne doivent pas être liés.
15:26 Aujourd'hui, il y a des crimes de guerre commis par Israël, à vos yeux.
15:29 Parce qu'on entend les mots "crime de guerre", on entend le mot "génocide", par exemple.
15:34 Ils ont des définitions juridiques.
15:37 Ça sera à la Cour pénale internationale, qui a juridiction, d'enquêter et ensuite de déterminer la nature des crimes
15:47 et la nature de ce qui a été observé.
15:50 Nous, ce que l'on sait, c'est qu'il y a effectivement une punition collective avec un siège imposé auprès de toute la population.
15:58 Il y a eu des transferts de population du nord sur le sud
16:02 et il y a eu 10 000 personnes qui ont été tuées jusqu'à présent et plus de 20 000 blessées.
16:10 Michel Austandart, Michel de Paris, bonjour, bienvenue.
16:14 Oui, bonjour, merci pour votre émission.
16:17 J'ai une question et un commentaire.
16:19 Je prolonge un peu le commentaire qui vient d'être dit sur la question de la plainte au niveau de la Cour pénale internationale.
16:29 Je voudrais savoir, cette plainte qui a été déposée contre Netanyahou pour crime de guerre,
16:34 est-ce que cette plainte a une chance de stopper cette offensive de folie meurtrière
16:41 ou est-ce que c'est un baroud d'honneur, excusez-moi ce jeu de mots cynique,
16:46 un baroud d'honneur pour stopper ces massacres ?
16:50 Merci Michel, sur ce point, c'était une information France Inter.
16:55 Je redonne le contexte à nos auditeurs, trois associations palestiniennes de défense des droits humains
17:01 ont saisi hier la Cour pénale internationale.
17:04 Elles souhaitent un mandat d'arrêt international contre Benyamin Netanyahou,
17:08 comme il en existe un contre Vladimir Poutine.
17:12 On a eu toutes les précisions dans le journal de Florence Paracuélos sur cette action.
17:19 Votre réaction, Philippe Lazzarini ?
17:23 Écoutez, la justice devra être appliquée à un moment donné,
17:28 on n'est pas prêt aujourd'hui.
17:30 Est-ce que ça va arrêter le cours de la guerre ?
17:33 Certainement pas aujourd'hui parce qu'il n'y a pas d'espace pour cela.
17:38 Mais il est vrai à nouveau, comme je le disais auparavant,
17:42 la Cour pénale internationale devra dans le futur déterminer la nature des crimes.
17:48 Vous avez parlé récemment d'un manque d'empathie face à cette crise humanitaire à Gaza.
17:53 On entend souvent l'accusation de double standard contre les Occidentaux
17:57 dans ce qu'on appelle la rue arabe.
17:59 Ils disent "oui mais vous traitez différemment Israël et les Palestiniens,
18:03 un mort israélien ne vaut pas un mort palestinien".
18:06 Est-ce que ça aussi c'est un élément qui joue dans ce qui se passe
18:11 et qui n'arrange pas les choses au fond ?
18:13 Parce que les Palestiniens ont souvent l'impression que 4200 enfants morts palestiniens,
18:19 ça ne vaut pas, ça ne pèse pas, ça ne pèse pas assez aux yeux des Occidentaux.
18:22 C'est ressenti de cette manière-là, de manière très profonde dans la région.
18:28 Il est vrai que le jour du massacre commis par Hamas d'Israéliens en Israël le 7 octobre,
18:35 la communauté internationale, à juste titre, a condamné ces horreurs.
18:42 Et a aussi condamné la prise d'otages.
18:44 Il est vrai aussi que de nombreux pays, notamment pays occidentaux,
18:49 ont pris beaucoup de temps pour invoquer le droit humanitaire international dans leur narratif.
18:56 Cela aura pris au moins une semaine et dix jours.
18:58 Et l'impression sur place était de dire "Israël a le féveur pour mener une guerre sans règle".
19:07 Je confirme tout à fait ce que vient de dire monsieur.
19:12 Ce discours sur le double standard depuis que la guerre en Ukraine a éclaté,
19:16 j'étais encore en poste là-bas à l'époque, c'est omniprésent.
19:19 C'est omniprésent du simple passant que vous croisez dans la rue
19:24 au responsable politique du Hamas que j'ai pu interviewer à Gaza.
19:29 Quand je leur posais la question de dire "mais quand des gens vont tuer par balle
19:34 des consommateurs dans les cafés à Tel Aviv, c'est du terrorisme"
19:38 et ils disent "vous ne poseriez pas la question si on était ukrainien".
19:41 C'est vraiment quelque chose qui est rentré très profondément dans l'état d'esprit des Palestiniens.
19:47 C'est vraiment une crise de l'empathie cette affaire.
19:50 Parce que ce que je dis là, et vous le confirmez sur les Palestiniens
19:54 qui ont l'impression qu'on n'a pas assez d'empathie pour eux,
19:57 c'est ce qu'on entend aussi dans les rues européennes, des Juifs qui disent
20:01 "on n'a pas assez d'empathie pour nous et nos souffrances" et on est là,
20:04 chaque fois que vous dites un mot dans un sens ou dans un autre,
20:07 l'autre partie se sent flouée et c'est inextricable là aussi.
20:10 Et on le voit dans les questions de l'éditeur.
20:14 C'est-à-dire que là c'est deux camps et c'est impossible.
20:18 Et je pense que nous on essaye depuis un mois avec Nicolas tous les matins
20:21 de dire les horreurs et de ne pas diminuer l'horreur que fut le 7 octobre
20:29 pour les Israéliens et pour le monde entier d'ailleurs, l'horreur humanitaire.
20:32 Mais aujourd'hui il y a beaucoup, beaucoup, et si on ne reprend pas les chiffres du Hamas,
20:37 en tout cas il y a des milliers de morts aujourd'hui à Gaza et dont des milliers d'enfants.
20:41 Il faut le dire aussi.
20:43 La question de l'empathie est absolument essentielle.
20:46 Il ne peut pas y avoir de hiérarchie dans l'empathie.
20:49 Parce que plus on va chercher à hiérarchiser l'empathie ou exprimer d'un côté plutôt que de l'autre,
20:55 plus on va cimenter la polarisation entre Israël et les Palestiniens,
21:01 entre le monde occidental et le monde arabe.
21:05 Vous dites, Philippe Lazzarini, craindre une implosion de l'ordre civil sur place à Gaza.
21:11 Qu'est-ce que ça veut dire ? Une forme d'anarchie ?
21:15 Ça veut dire qu'il n'y a plus d'ordre civil qui est imposé à Gaza,
21:20 il n'y a plus de services municipaux, il n'y a plus forcément de police municipale dans un certain nombre de villes.
21:27 Donc effectivement, si vous êtes dans un contexte où vous manquez de tout
21:32 et que vous avez presque 2 millions de personnes qui sont entassées dans le sud,
21:37 les quelques camions qui vont arriver vont provoquer des situations de confusion.
21:44 On l'a vu avec un certain nombre de boulangeries, on l'a vu avec nos entrepôts,
21:49 et c'est la raison pour laquelle il y a aussi urgence d'augmenter cette aide humanitaire pour renverser en fait cette tendance.
21:56 Frédéric, et j'irai même un peu plus loin, ce que vous décrivez, ce que vous craignez,
22:01 est déjà arrivé en 2007 quand le Hamas s'est imposé par la force face au Fatah à Gaza.
22:07 C'était une guerre civile entre Palestiniens, et la Cisjordanie,
22:12 par l'implosion progressive de la société palestinienne et par les actions des colons israéliens,
22:18 en est exactement au même stade. C'est toute la société palestinienne de Gaza et de Cisjordanie qui est au bord de l'implosion.
22:24 Question de Margot sur l'appel d'Inter, comment peut-on aider les Gazaouis ? Les dons financiers sont-ils utiles ?
22:29 Et j'ai envie de vous rajouter, comment on est sûr qu'ils arrivent au bon endroit ?
22:32 Les dons financiers sont absolument essentiels, les besoins sont gigantesques.
22:39 On vient de sortir un appel, mais certainement cet appel devra être à nouveau revisité d'ici peu.
22:46 La question qui se pose à chaque fois, c'est est-ce que l'assistance va finir dans les mains du Hamas ?
22:53 Ou dans les mains de ceux qui ont véritablement besoin d'assistance ?
22:56 Comment vous nous garantissez que ça arrive aux enfants palestiniens et pas au Hamas ?
23:00 Nous pouvons, en tant qu'UNRWA, la principale agence des Nations Unies présente sur place,
23:05 nous avons direct accès, il n'y a pas d'intermédiaire, nous connaissons nos bénéficiaires,
23:10 et quiconque travaille avec nous est aussi, ce qu'on appelle en anglais, « vetted » et « vérifié ».
23:16 Merci en tout cas, beaucoup Philippe Lazzarini d'avoir été au micro d'Inter, et merci Frédéric Métiseau également.

Recommandée