"On a tous une part de responsabilité" dans la crise agricole, selon le président des Mousquetaires

  • il y a 7 mois
Thierry Cotillard, le président du groupement Les Mousquetaires (Intermarché, Bricorama ou encore Netto) appelle à "aller plus loin" concernant la loi Egalim pour apaiser la colère agricole.

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Transcript
00:00 Il est 8h24.
00:02 France Inter. Léa Salamé, Nicolas Demorand, le 7-10.
00:07 Oui, avec Léa Salamé, nous recevons ce matin le président des Mousquetaires, qui regroupe notamment, et pour ne citer que celle-ci, des enseignes comme Intermarché, Netto ou Brico-Marché.
00:18 Vos questions au 01 45 24 7000 et sur l'application de France Inter.
00:25 Thierry Cotillard, bonjour.
00:26 Bonjour.
00:27 Bienvenue à ce micro. Le groupement Les Mousquetaires rassemble plus de 3000 chefs d'entreprise,
00:33 150 000 salariés dans près de 4000 points de vente en France, Belgique, Pologne, Portugal.
00:39 Vous dirigez d'ailleurs vous-même trois intermarchés en région parisienne.
00:44 Beaucoup de questions à vous poser ce matin sur l'inflation, sur le groupe casino que vous allez partiellement racheter.
00:51 Mais d'abord, la crise agricole et ces images que vous avez dû voir, les images de l'inauguration mouvementée du salon de l'agriculture par Emmanuel Macron samedi.
01:02 Comment les avez-vous vues et reçues ? Ces images vous ont-elles surpris, choquées ?
01:08 Ce qu'on a vu, c'est évidemment une violence qui vient du fond des tripes des agriculteurs.
01:14 Donc ça traduit un malaise profond avec des revendications qui, je crois, sont légitimes.
01:19 C'est-à-dire qu'avoir un métier aussi dur, aussi contraignant et ne pas en vivre amène à cette situation.
01:25 Donc si ça permet une prise de conscience collective, qu'il faut maintenant agir parce que l'heure n'est plus à débattre mais il faut agir, on aura avancé.
01:32 Mais c'est vrai que c'était extrêmement violent.
01:34 A interroger samedi, le patron de la FNSE, Arnaud Rousseau, a déclaré "Nous ne voulons pas de violence mais cette violence, on la comprend".
01:40 Vous comprenez ces mots du premier syndicat agricole de France ?
01:45 Oui, parce que je pense qu'on est au bout d'un système.
01:50 C'est-à-dire que ça fait des années qu'on sait que c'est compliqué.
01:53 Alors à chaque fois, il y a un projecteur pendant le salon de l'agriculture.
01:56 Et puis après, pendant 11 mois, il ne se passe plus rien.
01:58 Et je pense que ces manifestations, puisque ça a commencé il y a un mois, qui se sont multipliées dans le cadre du salon, doivent nous amener à repenser un système global.
02:09 Mais vous savez, il n'y a pas une solution miracle.
02:11 C'est ça qui va être difficile.
02:13 C'est-à-dire que c'est une crise multifactorielle.
02:16 Il y a plein d'explications et ça ne sera qu'une somme de mesures d'action.
02:20 Celle attendue par le gouvernement, enfin, attendue auprès du gouvernement sur des simplifications administratives, moins de contrôles, moins de sanctions.
02:26 Et puis, un sujet de fond sur lequel nous, on est concerné, c'est la rémunération, évidemment.
02:29 On va y venir.
02:30 Vous avez décidé, comme d'autres enseignes de la grande distribution, de ne pas être présent cette année au salon de l'agriculture.
02:34 Je crois qu'il n'y a que Lidl qui y est.
02:36 Pourquoi passer votre tour cette année ?
02:38 C'était trop tendu ?
02:39 Vous aviez peur d'une forme de violence contre les marques de grande distribution ?
02:43 Non, la réalité, c'est qu'on a été présent pendant des années avec un stand.
02:47 Puisque nous avons, nous, à la différence d'autres distributeurs, une cinquantaine d'usines.
02:51 56 précisément.
02:52 On a des abattoirs.
02:53 Donc, on est en lien direct.
02:54 On a une laiterie, par exemple, pour qu'on ait un lien direct avec les agriculteurs.
02:58 Il a été fait le choix il y a 5 ans.
03:01 Très honnêtement, il n'y avait pas cette tension.
03:02 C'était un choix économique.
03:03 Ça a coûté 1 million d'euros.
03:04 Et on s'est dit, mettons-le dans les contrats pour nos agriculteurs, pour développer les tripartites.
03:09 Néanmoins, sans stand, il est bien prévu que j'aille au contact des agriculteurs.
03:13 Vous y allez quand ?
03:14 Je vais y aller jeudi.
03:15 Thierry Cotillard, vous déclariez aux Parisiens, début février, nous, distributeurs, devons prendre notre part de responsabilité dans cette crise du monde agricole.
03:25 En quelques mots simples, quelle est cette responsabilité ?
03:29 Quelle est votre responsabilité comme distributeur ?
03:32 On a tous une part de responsabilité.
03:34 L'industriel qui achète agriculteur.
03:36 Nous, le distributeur, qu'achetons-nous ?
03:38 Et puis, un dernier responsable, c'est quand même le consommateur.
03:41 Il faut le dire.
03:42 C'est-à-dire qu'il y a une déclaration patriotique lorsqu'on fait un sondage.
03:46 Et puis, il y a une action devant le rayon qui peut être à l'opposé en prenant le prix de moins cher.
03:51 Moi, je crois qu'on a fait une avancée avec Egalim.
03:53 On va certainement en débattre.
03:55 Ça a permis d'avancer parce que nous, on n'a jamais opposé la défense du pouvoir d'achat aux revenus des agriculteurs.
04:01 Certains distributeurs l'opposent.
04:03 Nous, on pense qu'on peut concilier les deux.
04:05 Vous pensez à qui ?
04:06 À Leclerc ?
04:07 Par exemple, il y a un distributeur qui est sur la défense du pouvoir d'achat et qui, parfois, stigmatise des positions.
04:16 Nous, on est pour penser qu'on peut sauver le revenu des agriculteurs tout en attaquant les prix,
04:22 comme on le fait avec les grandes multinationales.
04:24 Donc, pour ce qui est de la loi Egalim, il faut quand même avoir le bilan de se dire que ça a marché.
04:31 Ça a marché sur le lait.
04:32 Alors, il y a eu un drame avec Lactalis cette année qui ne s'est pas entendu avec ses producteurs.
04:36 Mais ça a permis quand même de mieux rémunérer par rapport à il y a 3-4 ans.
04:39 C'est beaucoup mieux, par exemple, sur les éleveurs de porcs.
04:42 Mais sur le boeuf, par exemple.
04:44 J'allais vous le citer.
04:45 Vous avez des filières où ça n'a pas avancé.
04:47 Le boeuf, les arboriculteurs.
04:48 Et là, il ne faut pas qu'on jette ce qui a été fait.
04:51 Il faut aller plus loin.
04:52 Et donc, j'ai dit plus de directivité.
04:54 Il faut un cadre encore plus contraignant de la loi et qu'on aille vers plus de transparence.
04:59 Plus de transparence, ça veut dire quoi ?
05:00 Ça veut dire qu'on sache exactement combien vous prenez, vous les distributeurs.
05:05 Parce que c'est ça, en fait.
05:06 C'est ça qu'on a appris aussi à l'aune de cette crise agricole.
05:12 C'est que les agriculteurs disent qu'on ait facturé 0,5 centime le morceau de porc, par exemple.
05:18 Et il est vendu à 7 euros sur les étales.
05:22 Où va l'argent ?
05:23 Alors nous, on est partisans, on le redit, d'une transparence totale de la chaîne alimentaire dans la répartition de la valeur.
05:31 Ce qu'il faut savoir, c'est que 70% des industriels ont coché une option qui ne donne pas cette transparence.
05:37 Donc lorsqu'on discute avec l'actalis, il n'a pas calé son prix avec ses agriculteurs.
05:41 On est contre ça.
05:42 Nous, on est assez clair sur le fait...
05:44 C'est que la faute des industriels ?
05:45 C'est ça, parce que j'ai l'impression... Pardon, on reçoit des industriels et on reçoit de la grande distribution.
05:51 On avait encore Michel-Édouard Léclerc il y a quelques jours à ce micro.
05:54 Et à chaque fois, on a l'impression que vous renvoyez la balle.
05:56 Non, c'est la faute des industriels, c'est la faute de la grande distribution.
05:59 Mais à la fin, ceux qui ne l'ont pas, c'est les agriculteurs.
06:03 Exactement. Et ce qu'il va falloir observer attentivement, c'est les résultats des grands groupes.
06:07 C'est-à-dire qu'on a vécu une année 2023 où on a eu l'impression que certains industriels avaient restauré leurs marges.
06:13 Moi, je peux être totalement transparent sur mes marges.
06:15 Et d'ailleurs, j'invite Bercy à venir voir le taux de marge qu'on a pratiqué.
06:18 On a fait le choix d'être très offensif et de se dire "le consommateur a besoin de prix".
06:22 Donc la hausse des industriels, je la répercute ou je réduis même cette inflation pour pouvoir attirer des consommateurs.
06:29 Elle est de combien votre marge en 2023 ?
06:31 En 2023, elle est autour de 20%.
06:34 Donc je vais faire une démonstration pour que les gens comprennent.
06:36 Lorsque vous faites des courses chez Intermarché Onéto, vous en dépensez pour 100 euros.
06:41 Je vais donc avoir 20 euros de marge.
06:43 Ces 20 euros de marge, dans notre modèle économique, la moitié va servir à payer nos employés.
06:48 Il reste donc 10 euros.
06:49 Ces 10 euros payent ensuite le loyer du magasin, payent l'électricité, payent toutes les factures et il reste 2 euros.
06:56 En ce moment, on est en train de sortir les bilans.
06:58 Est-ce que ce sera 1,80 euros ? Est-ce que ce sera 2,20 euros ?
07:01 On ne sait pas, mais ça tournera autour de 2 euros.
07:03 Et nous faisons partie des distributeurs qui gagnons notre vie.
07:06 On va peut-être parler de casinos.
07:08 C'est une entreprise qui va mal.
07:09 On a vu les résultats d'autres distributeurs qui sont en négatif.
07:13 On n'a pas l'impression que le résultat au global soit exorbitant.
07:18 Les mêmes analyses économiques montrent qu'un industriel, pas les PME mais les très grands groupes,
07:24 c'est 45% de marge et quand moi je sors 2 euros, il gagne 15 euros.
07:27 C'est là que je dis, est-ce qu'un lactalis qui aujourd'hui fait une croissance mondiale,
07:32 rachète toutes les usines qui traînent dans tous les pays,
07:34 est-ce que ce n'est pas sur le dos des agriculteurs et le prix qu'on paye le lait ?
07:38 Je pose le débat.
07:39 - Un mot tout de même et même plusieurs sur la grande annonce présidentielle de ce week-end.
07:45 Le bouger d'Emmanuel Macron sur les prix planchers qui permettraient d'assurer un revenu minimum aux agriculteurs.
07:53 Il y aura des indicateurs pour déterminer par exemple ce que coûte à un agriculteur
07:57 la production d'un kilo de viande bovine ou 1000 litres de lait.
08:01 Emmanuel Macron a ajouté qu'il s'agissait de rendre ces indicateurs opposables
08:07 dans les négociations entre les acteurs de l'alimentation.
08:10 Comment avez-vous reçu l'annonce ?
08:12 - On a été un peu surpris de l'annonce,
08:15 puisque la notion de prix plancher n'avait pas été évoquée avec les autres ministres,
08:19 ni Gabriel Attal, ni le ministre de l'Agriculture.
08:23 C'est assez difficile de commenter une mesure dont on ne connaît pas la modalité.
08:27 Ce qu'on a compris, c'est qu'il a une ambition européenne.
08:30 On la partage, c'est très bien.
08:31 Mais vous savez, avant de mettre d'accord l'ensemble des acteurs européens sur ce sujet-là,
08:36 il va se passer quelques temps, voire quelques années.
08:38 Et nous, la lecture qu'on en a, c'est que les agriculteurs ne peuvent plus attendre.
08:41 Donc le sujet, très bien si c'est traité au niveau européen,
08:44 mais on ne pourra pas attendre 12 mois.
08:45 Il faut des décisions concrètes, immédiates.
08:47 Et donc nous, on est favorable à ce qu'on ait une loi Egalim
08:51 qui aille plus loin sur deux thèmes,
08:53 directivité, comme on l'a dit, et transparence.
08:56 Et sur la directivité, je vais l'expliquer.
08:58 - Non mais ce qu'on entend, pardon,
09:00 c'est que vous ne trouvez pas que c'est une bonne idée, les prix planchers, pour être clair.
09:04 - Non, parce que je pense, en fait, ça a été annoncé,
09:06 je laisse les leaders syndicaux agricoles s'exprimer.
09:08 Je pense que ça va être un frein dans une compétitivité européenne,
09:12 où on est aussi très heureux d'exporter.
09:14 Et le vrai risque, c'est de se dépositionner et de perdre en compétitivité.
09:17 Mais je laisse les responsables agricoles s'exprimer sur le sujet.
09:19 - Ça va rigidifier le marché, vous pensez ?
09:21 - Probablement, en tout cas, ça risque de nous dépositionner en termes de compétitivité.
09:25 - Pour vous, c'est une mesure démagogique, quoi ?
09:28 - C'est une annonce. Voilà. C'est une annonce.
09:30 Et je préférerais qu'on s'inscrive dans l'action.
09:33 Et l'action que nous, on propose, c'est qu'on pourrait définir, en fait,
09:37 vraiment ce qu'était l'esprit de la loi, c'est la marche en avant du prix.
09:40 Vous savez, nous, on voit, par exemple, on prend l'exemple du lait.
09:42 On voit l'actualis, et on se met d'accord avec lui.
09:44 Sauf qu'il ne s'est pas mis d'accord avec les producteurs de lait.
09:48 Donc, ce qu'on demande, c'est, allons encore plus loin.
09:50 Fixons, par exemple, au 1er décembre, la date pour laquelle l'agriculteur se met d'accord
09:56 sur son prix de vente à l'industriel.
09:57 Et à ce moment-là, ça fait foi.
09:59 On met ça en annexe des conditions générales de vente, et on n'y touche plus.
10:02 C'est-à-dire, en fait, la règle du jeu, si on dit que c'est 50 centimes le prix du lait,
10:06 nous, c'est ce qu'on paye au niveau de notre laiterie, Saint-Père.
10:08 Et c'est le prix pour lequel un agriculteur va vivre.
10:11 Si c'est le prix imposé par tous les industriels à Leclerc, à Carrefour et à Intermarché,
10:16 qu'est-ce que vous voulez qu'il se passe ?
10:18 On sera heureux, c'est-à-dire qu'on aura sauvé l'agriculture,
10:21 et à ce moment-là, après, chacun fait son métier de commerçant.
10:23 La FNSEA redoute déjà que ces prix planchers puissent devenir des prix plafonds.
10:28 C'est-à-dire que les distributeurs, les industriels soient réticents à payer plus que le prix plancher.
10:35 Que répondez-vous à cette crainte ?
10:37 Elle peut être réelle.
10:40 Il y a un risque, là ?
10:41 Il y a un risque, bien sûr, et c'est là qu'il faut que Bercy tape du poing sur la table.
10:44 C'est-à-dire que, venez contrôler et puis sanctionner si la règle du jeu n'est pas claire.
10:49 Et là, il faut, à mon avis, sans tomber dans un commerce administré,
10:53 que les règles du jeu soient imposées par Bercy.
10:55 Quelle est votre position sur les reproches faits à la grande distribution d'acheter des produits à l'étranger,
10:59 dans des centrales d'achat, à Bruxelles, au Portugal, en Pologne,
11:02 où il est possible d'acheter le même produit, moins cher ?
11:05 J'ai les idées assez claires sur le sujet, puisque, au moment où je vous parle,
11:09 Intermarché Netto n'a pas de centrale d'achat européenne.
11:13 C'est-à-dire que vous achetez tous les produits sur le marché français ?
11:17 Tout est acheté en France.
11:19 On a une position qui est celle-là aujourd'hui, mais qui pourra ne pas durer,
11:25 si, effectivement, la centrale européenne est reconnue du droit européen.
11:30 Vous allez y aller, quoi, en gros, c'est ça que vous nous dites.
11:32 Aujourd'hui, vous ne le faites pas, mais bientôt, vous allez faire comme Leclerc.
11:35 En fait, si on a la confirmation que c'est bien légal, et nous, la lecture qu'on en a, c'est que c'est légal,
11:41 c'est qu'on devra y aller, sinon il y aura trop d'écarts de prix avec nos concurrents.
11:44 Ce que je propose sur ces multicentrales, il ne faut pas perdre de vue qu'elles sont un outil extrêmement intéressant
11:51 pour lutter contre l'inflation. Pourquoi ? Parce qu'elles permettent, en étant alliées avec des Allemands,
11:56 de peser sur des multinationales pour avoir des prix les plus bas.
11:59 Et donc, vous savez que c'est quand même la première attente des Français,
12:02 donc on a tout intérêt, je lisais encore hier une étude, un Français sur deux se prive sur des produits d'hygiène.
12:09 Donc, qu'on nous permette demain d'aller à l'étranger pour peser sur Procter & Gamble,
12:14 pour acheter moins cher du dentifrise, des brosses à dents ou du shampoing.
12:19 Mais il faudra exclure les produits agricoles, ça vous dit ?
12:21 Donc, ma proposition est la suivante, c'est faisons une charte, appelons à la responsabilité de dirigeants responsables,
12:29 donc le patron de Carrefour, le patron de Leclerc, on est cinq à pouvoir décider.
12:33 Et ensemble, on décide d'exclure de la centrale d'achat européenne,
12:37 tous les dossiers qui auraient une composante importante en produits agricoles.
12:40 Je donne un exemple, on va aller au niveau européen acheter le café et le chocolat avec Nestlé,
12:44 par contre sa filiale Erta, qui fait du jambon et qui achète donc du porc,
12:49 ne sera pas traité au niveau européen et reste en France.
12:52 On peut le décider, on l'a fait sur les PME, à un moment il y avait une demande pour dire
12:57 traitez différemment les PME parce qu'elles n'ont pas la taille de négocier avec vous.
13:00 On a fait des chartes avec la FF.
13:03 Vous ne pensez pas que ça va rajouter des strates administratives ?
13:06 Ça non, ça c'est à Bruxelles qu'on le négocie, ça c'est à Paris, etc.
13:09 Il n'y a pas 50 dossiers, je vous assure, c'est les charcutiers, c'est les laitiers,
13:12 il y a peut-être 10% des dossiers qui doivent quitter les centrales européennes
13:15 pour protéger les revenus des agriculteurs.
13:17 Pourquoi ils ne vous l'accordent pas du coup ?
13:19 Pourquoi Bercy reste très suspect vis-à-vis de ces centrales d'achat hors France ?
13:23 Ils sont suspects parce qu'évidemment il y a ce sujet de pression sur le monde agricole,
13:27 il nous appartient, là ce ne sera pas législatif, il nous appartient d'être intelligents
13:31 et de se dire qu'on apporte une réponse au problème du prix des revenus agricoles français
13:36 et on sort ces dossiers-là de l'Europe.
13:38 Marc Fesneau, le ministre de l'Agriculture, dit que vous manquez de patriotisme.
13:42 Je le cite, la grande distribution c'est les entreprises françaises,
13:45 donc soit ils sont français, soit ils sont multinationaux apatrides.
13:50 Ils ne considèrent pas qu'ils sont français, c'est un manque de patriotisme, je regrette ça.
13:55 Les mots sont forts, vous lui répondez quoi ?
13:57 Écoutez, je vais être dur, il y a eu des mots durs, donc on aura des mots durs ce matin,
14:01 je crois que ça n'est pas à niveau.
14:03 Moi j'attends du ministre de l'Agriculture dans cette crise de la responsabilité.
14:08 J'aurais préféré qu'il mette autour de la table des gens responsables,
14:11 les industriels, les agriculteurs et les distributeurs.
14:14 J'ai envie de vous dire, c'est de ne pas connaître ces dossiers que de dire ça.
14:17 C'est-à-dire moi, je vais vous parler d'intermarché, on a fait le choix depuis des années,
14:22 les oeufs, le lait, le beurre, la volaille, le bœuf, tout ce qu'on vend en matière brute est 100% français.
14:28 Et là où je trouve ça un peu gonflé, c'est que notre marque de distributeurs,
14:32 on a fait le choix il y a 50 ans d'avoir des usines en France,
14:35 elles sont pour plus de la moitié en Bretagne.
14:37 Et le choix qu'on a fait, je pourrais vendre moins cher à Monique Ranoux ma marque de charcuterie,
14:41 sauf que, on a toujours fait le choix d'acheter tous les porcs en France.
14:45 Donc je trouve ça déplacé de la part du ministre qui rajoute de l'huile sur le feu
14:49 et j'espère que le dialogue va être renoué pour lui expliquer ce qu'on fait sur la région française.
14:54 - Michel-Edouard Leclerc regrettait à notre antenne que les grands distributeurs soient jetés en pâture, disait-il, par le gouvernement.
14:59 Vous avez le même sentiment que vous êtes jeté en pâture ?
15:03 - Ça dépend des interlocuteurs, très honnêtement ça dépend des interlocuteurs.
15:06 Moi j'ai très mal vécu cette déclaration. Je l'ai très mal vécu parce que je sais ce qu'on fait,
15:10 je sais l'engagement de mes collègues adhérents qui sont des chefs d'entreprise responsables dans les territoires
15:15 et réellement, je vous dis, c'est irresponsable de sa part.
15:19 En revanche, on a des échanges très constructifs avec Bruno Le Maire qui a aujourd'hui l'économie en main
15:25 mais qui a eu un passé de ministre de l'agriculture et à chaque fois qu'on aborde les sujets,
15:29 pour avoir eu la pression sur le pouvoir d'achat, je peux vous assurer qu'il avait la responsabilité de penser au monde agricole.
15:34 - On va parler de l'inflation maintenant, des prix vont-ils baisser ou pas ?
15:37 On va parler aussi de casinos puisque vous rachetez partiellement casinos.
15:40 - Mais on passe au standard, on nous attend Dominique, bonjour !
15:43 - Oui, bonjour, voilà, ma question était la suivante.
15:47 Moi, je fais mes cours sur Intermarché régulièrement et je suis toujours surprise de voir des oignons qui arrivent du Pérou ou du Brésil
15:54 malgré le grand discours que fait le monsieur qui est à l'antenne.
15:57 Je trouve ça un petit peu aberrant.
15:59 Quand je l'écoute, j'ai l'impression que Édouard Leclerc et tous les grands groupes comme ça,
16:07 œuvrent pour le bien-être de l'humanité et ça c'est complètement faux.
16:10 En plus, la publicité d'Intermarché qui est d'une démagogie sans nom, moi je suis vraiment...
16:19 ça me dépanne.
16:22 - Ça vous met en colère. Merci Dominique pour cette intervention.
16:25 La parole à Frédéric qui nous appelle de l'ISER, bonjour !
16:28 - Oui, bonjour, moi j'avais une remarque par rapport à ce qui a été dit.
16:32 Les déclarations d'intention dans les sondages qui disent que les Français veulent acheter français,
16:36 mais dans la réalité, avec le peu qu'on gagne, moi j'ai pas le choix d'acheter des trucs à petit prix,
16:41 de la merde entre guillemets, parce qu'il faut bien nourrir tout le monde et tenir jusqu'à la fin du mois.
16:45 Donc c'est bien gentil de dire ça, mais moi si je touchais 2000 euros par mois,
16:48 j'achèterais du boeuf chez le Boucher, de viande française.
16:51 - Merci Frédéric pour cette intervention.
16:54 Thierry Cotillard va vous répondre sur les oignons du Brésil ou du Pérou vendus chez Intermarché.
17:01 Que dites-vous à Dominique, notre auditrice ?
17:04 - Alors sur le sourcing des produits, j'ai regardé, on a hors agrumes et produits exotiques
17:10 75% des fruits et légumes qu'on achète en France.
17:14 Donc il en reste 25%, ces oignons doivent en faire partie.
17:18 Là où effectivement peut-être on manque de courage, c'est que par moment,
17:23 on devrait peut-être faire le choix, si c'est pas la période des fraises,
17:26 de ne pas en avoir et de ne pas l'importer de l'autre bout de la planète, parce que c'est pas responsable.
17:30 On n'a pas encore eu cette décision aussi courageuse,
17:33 parce que peut-être que certains clients quitteront nos magasins pour aller chercher de la fraise en face,
17:38 mais c'est les défis qui nous attendent demain.
17:40 - C'est ça qu'il faudra, il faudra aller vers ça.
17:42 Il faudra aller vers une décision qui est de ne plus importer des fraises l'hiver.
17:48 - Exactement.
17:49 - Vous n'êtes pas prêt encore à ce truc là ?
17:51 - On en débat en interne, je peux vous assurer, on en débat.
17:54 Et on a des jeunes collègues qui arrivent avec cette vision d'un commerce responsable,
17:58 et je trouve ça génial, et ça bouge les lignes.
18:00 Et puis on a des commerçants qui disent "ouais mais ça va, chez Leclerc ils auront des fraises, donc qu'est-ce qu'on fait ?"
18:04 Mais je peux vous assurer qu'on va essayer de remettre le débat sur le sujet.
18:07 - Deuxième question, celle de Frédéric, j'aimerais bien acheter français mais j'ai pas les moyens.
18:11 - Alors nous, cette problématique c'est vraiment toute la difficulté de la consommation actuellement,
18:17 c'est-à-dire pression sur le pouvoir d'achat, une envie, je dirais, citoyenne,
18:21 et comment on arrive à allier les deux.
18:23 Nous ce qu'on essaye de faire avec un modèle qui est particulier, j'ai cité nos abattoirs, nos laiteries,
18:28 on a fait le choix depuis le 1er janvier de baisser les marques de distributeurs qu'on fabrique
18:33 de 5 à 10% pour les rendre plus accessibles.
18:35 Et toutes les études disaient "les français ont des problèmes pour acheter de la viande, du poisson,
18:40 on a la chance d'avoir nos propres bateaux, nos abattoirs",
18:42 donc on a fait un choix là, purement propre à Intermarché, de réduire nos marges,
18:46 ce qui permet d'avoir du steak haché à moins de 10 euros, tout en préservant le revenu de l'agriculteur.
18:51 Thierry Cotillard, l'inflation, après une augmentation de plus de 20% sur 2 ans des prix alimentaires,
18:56 est-ce que vous dites ce matin "le pic inflationniste est passé", ça c'est la première question,
19:01 et est-ce que vous dites "les prix vont baisser" ou juste "ils vont arrêter d'augmenter" ?
19:07 Alors le pic à deux chiffres, c'est derrière nous, c'est fini, il n'y aura plus cette inflation,
19:12 on sort des négociations qui se sont finies il y a quelques semaines,
19:16 et on va tous maintenant les répercuter, je dirais, dans les magasins,
19:20 et l'inflation alimentaire sera en France entre 2 et 3%.
19:24 Donc ça ne baisse pas encore complètement, puisque la hausse est moins importante, c'est une différence,
19:30 et surtout il faut dire aux auditeurs que ça ne reviendra pas comme il y a deux ans,
19:34 il y a deux ans ça coûtait 20% moins cher, depuis, les coûts de production,
19:38 la revalorisation des matières premières fait que ça coûtera plus cher de s'alimenter en France,
19:43 notre enjeu c'est d'apporter des baisses...
19:45 - Combien plus cher ? Parce que c'est vrai qu'en préparant votre interview, on a regardé les chiffres sur 10 ans,
19:49 c'est-à-dire au-delà du moment inflationniste de ces trois dernières années,
19:52 si on prend un référentiel sur 10 ans, et qu'on compare les prix entre 2014 et 2024, c'est hallucinant,
19:59 le beurre a pris 70%, l'huile d'olive 60%, les pâtes plus 30%, les légumes frais aussi,
20:06 les prix des légumes frais ont augmenté de 72% en moyenne, les pommes de terre, en 10 ans, on les paye 40% de plus.
20:14 Parce que c'est vrai qu'on focus sur l'inflation de ces deux dernières années,
20:18 mais quand vous regardez sur un temps long, et ce que vous nous dites, c'est que ça va continuer à augmenter en fait.
20:23 - Alors, je vous dis que ça ne va pas augmenter dans la proportion qu'on a connue,
20:27 et la bonne nouvelle c'est que par exemple sur nos marques de distributeurs,
20:30 il y a près de la moitié des produits cette année qui vont être en baisse, donc ça c'est plutôt une bonne chose.
20:34 Après, vous savez, il y a quand même 5 minutes, on était en train de parler du revenu des agriculteurs,
20:38 donc on ne peut pas opposer les deux.
20:39 - Je sais bien que c'est la grande contradiction.
20:41 - Oui, c'est toute la contradiction, mais quand le beurre augmente,
20:44 je pense que le prix qu'on paye à l'agriculteur n'est pas tout à fait le même qu'il y a 10 ans.
20:48 L'électricité n'est pas au même coût, et les SMIC ont augmenté.
20:52 La réalité c'est que les pourcentages, parce que qu'est-ce qui reste en bas des exploitations de nos supermarchés,
20:59 ça n'a pas doublé, ça n'a pas triplé.
21:01 - Ah, quand même, chiffre d'affaires qui a augmenté de 10% pour vous.
21:06 - Le fameux 2% de résultat, il est toujours là, et lui il n'a pas explosé, ça c'est une réalité.
21:10 - Thierry Cotillard, parlons de Casino en difficulté,
21:14 qui cède l'essentiel de ses super et hypermarchés à ses concurrents.
21:19 Vous avez au total racheté en différentes vagues 291 super et hypermarchés Casino.
21:26 Le tribunal de commerce a validé hier le plan de sauvetage de Casino,
21:30 qui avait été critiqué notamment pour le risque de réduction d'emploi.
21:33 Ce sont près de 10 000 salariés que vous allez devoir intégrer.
21:37 Question, y aura-t-il destruction d'emploi ?
21:45 Allez-vous vous lancer dans une restructuration de ces magasins ou dans des plans sociaux ?
21:50 - Non, c'est l'engagement qu'on a pris, et je pense qu'en fait l'issue du dossier Casino est extrêmement positive.
21:56 Nous on a fait une proposition, comme vous venez de le dire, avec le groupe Auchan,
22:00 c'est 12 000 emplois qui vont être sauvés.
22:02 Il faut quand même se dire que s'il n'y avait pas une reprise, ça aurait été une casse sociale sans précédent en France.
22:07 On a vu des enseignes dans d'autres domaines, Camagno et autres,
22:10 où quand ça ferme c'est pas repris et à ce moment-là c'est du chômage.
22:13 Donc nous on n'a pas un plan de restructuration en cours, on a un plan de relance.
22:17 C'est-à-dire les effectifs sont conservés, et on espère avec l'offre commerciale qui sera la nôtre,
22:23 avec des baisses de prix qui vont être significatives.
22:25 Donc ça c'est l'autre très bonne nouvelle, puisqu'en fait la même offre va coûter 15% moins cher pour les consommateurs.
22:30 À partir de quand ?
22:32 À partir du moment où on change l'enseigne.
22:34 Donc il y a eu 58 points de vente qui ont déjà basculé de casinos à intermarchés en novembre.
22:39 Et en avril, on va commencer pendant trois mois la bascule des 200 et quelques points de vente.
22:44 Donc là les 12 000 salariés qui nous écoutent peut-être seront éteints de casinos, vous leur dites,
22:48 aucun emploi ne sera supprimé et il n'y aura pas de baisse de salaire ?
22:52 Non, non, non.
22:54 La bonne nouvelle pour tous les salariés, c'est que 291 points de vente vont être repris par le groupe intermarché et Netto.
23:01 Et une centaine de points de vente vont être repris par Auchan.
23:05 Et je peux le dire à l'antenne ce matin, la très bonne nouvelle c'est qu'on n'a pas prévu réduire les effectifs.
23:10 Et les acquis sociaux, les salaires sont bien maintenus pendant les 15 mois.
23:14 Et après il appartiendra à chaque chef d'entreprise, puisqu'on est des indépendants, de mettre sa politique managériale en place.
23:19 Merci Thierry Petillard d'avoir été avec nous ce matin.
23:21 C'était votre première à la matinale d'Inter.
23:23 Ça va ?
23:25 Merci infiniment d'avoir été à ce micro. Il est 8h46.

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