La SF sert-elle encore à quelque chose ?

  • l’année dernière
Colonisation martienne, IA, robots, métavers : à quoi sert encore la science-fiction quand elle est rattrapée par les projets fous de la Silicon Valley et les peurs d'un monde sans avenir ? Et pourtant, avec Mars Express, Le Visiteur du Futur, Le Règne Animal ou L'Empire : la SF française au cinéma reprendrait-elle du poil de la bête ?

Une émission écrite et présentée par Benjamin Patinaud
Image : Le Fils de Pub
Montage : Ace Modey
Musique : 2080
Générique : Copain du Web
Production : Kathleen Brun
Miniature : Boidin
Transcript
00:00 Il est possible que cette fois-ci, on assiste vraiment à quelque chose
00:03 dès que celle-ci se tue.
00:04 On a bien vu ce que ça donne, des robots lâchés en liberté.
00:06 Attends, c'est dangereux ici.
00:10 On est où ?
00:11 Dans le futur.
00:12 J'en ai marre de toutes ces merdes.
00:15 Tu t'en fous de la planète, c'est tout ?
00:16 J'peux faire du monde tous les deux jours.
00:17 De toute manière, ça me concerne plus que toi.
00:19 T'as peur des créatures ?
00:20 Je pense que ça vient pas d'ici.
00:22 Comment ça se fait pas d'ici ?
00:23 Je pense pas que ça vienne de la planète Terre.
00:25 Vous avez pas vu "Ànofni" ?
00:27 - Un quoi ? - "Ànofni".
00:29 J'adore pouvoir m'appuyer sur des personnages qui sont réalistes,
00:32 mais face à des situations qui ne le sont absolument pas.
00:35 Oh, c'est dingue, ça !
00:38 Combien de mois ?
00:40 Alléluia, le sacro-saint cinéma français aurait-il répondu à nos prières ?
00:54 On avait parlé l'année dernière de la difficulté de notre cinoche actuelle
00:57 d'investir des genres populaires qui font pourtant partie de notre culture,
01:01 et notamment la science-fiction.
01:03 Et là, on a coup sur coup des films comme "Acide",
01:06 puis "Le règne animal", qui connaissent des fortunes diverses.
01:09 Et oui, on a aussi Bruno Dumont qui s'y met avec...
01:12 ça.
01:13 À la bataille !
01:14 Les quatre vielles !
01:19 Mon empire !
01:20 Pourquoi pas, on verra.
01:23 Mais surtout, mais surtout...
01:24 Missile !
01:27 Aaaaah !
01:28 J'arrive Aline !
01:31 Bon, ok, ok, on force un peu, mais quand même,
01:36 est-ce qu'on serait pas en train d'y reprendre goût ?
01:39 Seul l'avenir nous le dira.
01:40 En revanche, en plus d'être un long métrage d'animation original,
01:43 "Mars Express" a la particularité de pas être n'importe quel SF.
01:47 On n'est pas sur une légère anticipation à la Black Mirror ou sur de la catastrophe.
01:51 J'avais découvert Akira, Nozika,
01:55 toute l'animation japonaise,
01:57 Kali, mais qui était pas encore connue tellement.
02:00 Et donc, j'étais fasciné par tous ces trucs-là,
02:02 en me disant "Ah ouais, ça a l'air d'être possible de faire des vraies histoires de films,
02:05 mais en dessin animé..."
02:07 Je me suis rendu compte que l'animation en France,
02:09 c'était pas du tout ce que j'espérais.
02:11 Des dessins animés à destination des enfants,
02:14 qui m'intéressaient pas tellement,
02:15 des sujets qui me parlaient pas...
02:17 Non, là, on est sur Mars,
02:18 y a des vaisseaux spatiaux, des robots, des IA et tout et tout.
02:22 Et ça, mine de rien, ça a beau être emblématique de ce fourre-tout qu'on appelle la science-fiction,
02:26 c'est un de ces aspects qu'on avait de plus en plus de mal à investir.
02:29 Ce qui pose une question.
02:30 Est-ce que ça sert encore à quelque chose d'imaginer des futurs,
02:33 de conquêtes spatiales, de folles technologies et de progrès sans fin ?
02:37 Et tant qu'à faire, au fond, est-ce que ça sert encore à quelque chose, la SF ?
02:41 On l'a déjà abordé sur notre chaîne avec l'esprit "Nos Futurs" du cyberpunk,
02:45 où ici, avec la domination du post-apo,
02:47 culturellement, on peine à se projeter dans l'avenir,
02:50 d'autant plus dans des avenirs désirables,
02:52 ce qui est quand même un comble pour la SF.
02:54 Oui, toutes les vidéos sont liées, hein, il faut suivre,
02:56 et c'est pour ça qu'il faut s'abonner à l'Humain.
02:58 On n'arrête pas de vous le dire.
03:00 Quitte à se projeter, est-ce qu'on pourrait envisager que tout ça, là,
03:03 tout ce bordel, c'est fini ?
03:04 Bah ouais, on se dit que la nature même de la SF,
03:07 c'est le genre de tous les possibles, l'imagination sans limite,
03:10 mais vous voyez bien que même elle,
03:12 elle est produite par des gens, dans une société, à une certaine époque.
03:15 Elle est pas plus détachée que le reste de la culture des conditions matérielles.
03:19 Et oui, je sais, c'est chiant, le matérialisme dialectique,
03:22 mais ça s'observe concrètement.
03:24 Si on pouvait se dire que ce futur allait forcément advenir,
03:26 que c'était une question de quand et comment,
03:29 bah maintenant, on se dit plutôt ça d'un certain nombre de catastrophes.
03:32 On imagine plutôt qu'on s'est peut-être un peu chauffé,
03:35 littéralement, genre 4° au prévisionnel,
03:38 on s'imagine moins la conquête spatiale
03:40 quand on admet qu'on a même pas de planète B.
03:42 C'est sûr qu'au lieu d'envoyer du monde sur la Lune...
03:45 Ah mais c'est pas la question, Geneviève !
03:47 Seulement en France, aujourd'hui, tout va à volo.
03:49 On voit plus difficilement comment concrétiser
03:51 les rêves les plus fous des inventeurs les plus visionnaires
03:54 si on voit pas avec quelles ressources.
03:56 Quand on rencontre du 3ème type, ou même du 2ème ou du 1er, en fait,
04:00 on risque de se contenter de nomines mexicaines en papier mâché.
04:04 Alors, pourquoi on dit rencontre du 3ème type ?
04:06 Parce que je savais pas, et je me suis posé la question.
04:09 C'est une classification par un astronome américain
04:11 qui s'appelle Allen Inak.
04:13 Et du coup, pour votre information personnelle,
04:15 le 1er type, c'est témoin d'un ovni à moins de 150 mètres,
04:18 rencontre du 2ème type, l'ovni laisse des preuves matérielles,
04:22 comme par exemple des traces au sol,
04:23 3ème type, c'est les témoins voient un ovni et ses occupants,
04:27 et ensuite, il y a après 4ème type,
04:29 les témoins prétendent avoir été enlevés par l'ovni,
04:32 qui leur met des sondes dans le cul, j'imagine,
04:33 5ème type, les témoins prétendent être rentrés en communication
04:36 avec les occupants d'un ovni,
04:38 ce qui fait que la rencontre du 3ème type, en fait,
04:40 c'est une rencontre du 5ème type,
04:41 6ème type, un ou plusieurs témoins ou animaux
04:43 sont tués par un ovni ou ses occupants,
04:45 et attention, le 7ème, c'est Mass Effect,
04:49 - T'en as vu ? - Baiser !
04:51 Baiser avec les occupants de l'ovni !
04:54 Et ça parle pas très style, tiens, c'est lui,
04:56 c'est le mec qui a fourré une martienne dans le temps.
04:59 Mais alors apparemment, en fait, il a inventé que jusqu'à 3 types,
05:03 c'est peut-être pour ça que le film s'appelle "Rencontre du 3ème type",
05:05 et c'est après, les ufologues, ils ont rajouté
05:07 les sondes dans le cul, je pense, et le sexe.
05:11 Mais voilà, et non, on n'aura jamais tout ça,
05:12 on ne croisera jamais d'aliens,
05:14 on en fera de la mêlée au clecle avec, c'est dommage.
05:15 Oh no, no !
05:19 Après, moi, sur l'aspect scientifique, je saurais pas me prononcer,
05:23 mais je peux que constater que c'est ça un peu l'ambiance générale,
05:26 d'autant que c'est pas que les collapsos les plus paniqués qui disent ça.
05:29 Même des passionnés la tête dans les étoiles
05:32 se sont mis à tenir ce genre de discours contre leurs propres fantasmes.
05:35 Il y a clairement une volonté politique d'aller explorer Mars d'ici 2050,
05:39 pour l'instant, après ça change au fil des années,
05:41 et puis t'as le New Space, donc toutes ces compagnies privées,
05:44 Elon Musk, SpaceX, Blue Origin, Jeff Bezos,
05:46 qui essaient d'avoir leur part dans tout ça.
05:48 Honnêtement, je sais pas comment ça va évoluer.
05:50 J'aime pas la direction que ça prend.
05:51 Par contre, ça pose la vraie question de à quoi ça sert,
05:53 d'aller dans l'espace en tant qu'humain.
05:55 Et là, on peut avoir un petit débat sur la question.
05:57 C'est ce que j'allais dire, parce que là, c'est le scientifique avide de données qui parle.
06:01 Je peux pas me dire qu'on va rester cantonné à la Terre,
06:03 c'est un non-sens, ne serait-ce que parce que ce serait un beau gâchis d'espace.
06:07 Mais en tant qu'espèce, ça me paraît complètement incroyable de pas le faire,
06:10 ne serait-ce que parce qu'on doit survivre.
06:12 Ouais, mais tu dis ça comme s'il y avait un sentiment d'urgence.
06:14 Pour moi, le sentiment d'urgence, il est sur le changement climatique
06:16 dans les dix prochaines années, tu vois.
06:18 Pour dire des gros mots, l'infrastructure, bassement concrète,
06:21 elle produit sa superstructure qui vient la justifier,
06:24 elle modèle le monde des idées.
06:26 Certes, on continue à accomplir des prouesses dans ce domaine,
06:29 mais elle produit moins ses imaginaires qu'à la grande époque,
06:32 Laïka, Gagarin, Armstrong, fusée Ariane,
06:35 Ravis Dead, Adieu, Yuri.
06:37 Alors à quoi bon tous ces trucs ?
06:39 Juste un écho d'un espoir déçu ?
06:42 Une nostalgie d'une époque où tout semblait possible ?
06:45 Vers l'infini et au-delà !
06:49 "Ça sert à quoi tout ça ?" me dit-il.
06:51 Les dragons, les hobbits, les petits hommes verts, ça sert à quoi ?
06:54 Malheureusement, il n'écoutera pas la réponse,
06:56 même la plus sincère à ses questions.
06:57 Il ne l'entendra pas.
06:58 La réponse la plus sincère est celle-ci.
07:00 Cela sert à vous faire plaisir et à vous réjouir.
07:03 "Tu n'as pas de temps à perdre !" rétorque-t-il sèchement,
07:05 avant d'avaler un cachet pour son ulcère et de se hâter d'aller jouer au golf.
07:08 Alors déjà, on pourrait aussi se demander pourquoi ça serait censé servir à quelque chose, la SF,
07:13 mais mine de rien, c'est quand même un genre qui a longtemps été un peu méprisé.
07:17 Lui aussi, il a fallu le légitimer.
07:19 La réponse un peu moins sincère, mais tout aussi importante,
07:22 qu'il ne voudra pas plus entendre, serait celle-ci.
07:25 La littérature d'imagination sert à approfondir votre compréhension
07:28 du monde dans lequel vous vivez,
07:29 et des autres hommes,
07:30 et de vos propres sentiments,
07:32 et de votre destinée.
07:33 Mais j'ai bien peur qu'à cela, ils ne répondent.
07:34 "Écoutez, j'ai été augmentée l'année dernière et ma famille ne manque de rien.
07:38 Nous avons deux voitures et une télécouleur.
07:40 Je crois que je comprends très bien le monde, merci."
07:42 Si si, attention, la SF, ça sert pas à rien.
07:44 En tout cas, ça sert pas juste à divertir des ingénieurs informaticiens boutonneux.
07:48 Y'a en gros deux réponses typiques et en apparence contradictoires.
07:52 La SF, ça sert à se projeter dans le futur.
07:55 La SF, ça sert à parler du présent.
07:57 En fait, les deux peuvent être liés, hein.
07:59 C'est assez clair dans ce qu'on appelle l'anticipation.
08:01 Restons sur le cinéma de SF français.
08:04 "Le prix du danger", dit Boisset,
08:05 "c'est à imaginer un futur à notre société à partir des tendances de l'époque."
08:09 Donc, ça parlait à la fois de vers où on allait,
08:12 et l'avenir lui a plutôt donné raison avec la misère économique,
08:15 le spectacle télévisuel, la déshumanisation, etc.,
08:18 en parlant de son époque,
08:20 où le poids du chômage commençait à s'imposer,
08:22 ainsi que la multiplication des chaînes de télé.
08:24 Sauf que, si on prend ça au pied de la lettre,
08:27 déjà, non, on n'a pas littéralement des jeux télé où on bute des chômeurs.
08:31 Pour l'instant, surtout,
08:32 quelle serait la pertinence de se projeter dans des univers comme Mars Express,
08:36 dans l'hypothèse où ça n'arrivera jamais de coloniser l'espace,
08:40 et que c'est pas du tout représentatif des enjeux de l'époque ?
08:43 Hein, Jérémy, alors ?
08:44 Tire à quoi ton film, là ?
08:45 Ah ouais ? Merde.
08:47 Ou alors...
08:48 Ou alors, attention, c'est mon hypothèse audacieuse,
08:51 ça a jamais été l'intérêt premier de la SF.
08:54 Formuler autrement,
08:55 qu'est-ce que j'en ai à foutre du droit des robots ?
08:57 "Écartez-vous !"
09:00 "Restez pas ici, s'il vous plaît !"
09:02 Continuons à jouer le jeu des œuvres de SF cocorico.
09:05 C'est le cas de le dire,
09:06 parce qu'un médium où on investit beaucoup de ce genre d'imaginaire,
09:09 c'est le jeu vidéo.
09:10 Détroit, Beyond Human, du studio Quantic Dream.
09:13 Plus de 8 millions d'exemplaires vendus,
09:15 fleurons de notre industrie vidéoludique,
09:17 rayonnement culturel, crédit d'impôt, super.
09:20 C'est le futur, y'a des androïdes au service des humains.
09:22 Mais est-ce que, finalement, ils seraient pas humains, d'une certaine façon ?
09:25 Eux aussi.
09:26 Et nous, on les exploite, on les prive.
09:28 On les exploite, on les prive de droits, on les maltraite.
09:30 Classique, ça fait méditer sur réfléchir.
09:32 Je crois qu'il y a plusieurs thèmes dans Détroit.
09:35 Un des thèmes, c'est qu'est-ce que ça veut dire qu'être humain ?
09:38 C'est un thème qui est lié à l'intelligence artificielle.
09:40 Mais est-ce qu'être humain, c'est avoir de la chair et des os ?
09:44 Ou est-ce qu'être humain, c'est au-delà ?
09:46 Est-ce que c'est autre chose ?
09:47 Est-ce que c'est juste une question de puissance de calcul ?
09:49 Est-ce que c'est juste parce que notre cerveau s'est calculé
09:51 un certain nombre d'opérations par seconde qu'on a une conscience ?
09:54 Auquel cas, des machines auront bientôt une conscience aussi,
09:57 puisqu'il y aura des machines qui seront bientôt plus puissantes que le cerveau humain ?
10:00 Ou est-ce que c'est encore autre chose que d'être conscient
10:02 et d'avoir une âme et de ressentir des émotions ?
10:04 Quand c'est écrit par les mêmes personnes qui ont 15 procès au cul
10:07 pour un environnement de travail ultra toxique,
10:10 même pour les standards de l'industrie du jeu vidéo,
10:12 avec des employés maltraités comme pas permis,
10:15 pressés comme des citrons pour produire ce même jeu,
10:18 excusez-moi, mais vous parlez de quoi en fait ?
10:20 C'est hyper bien de questionner notre rapport à l'humain,
10:23 à l'altérité, à l'exploitation et à la déshumanisation des autres.
10:27 C'est ça qui est puissant dans la SF, avec des situations hypothétiques.
10:31 Mais si t'es pas capable de voir ça dans ton rapport à tes propres subalternes,
10:35 humains, qui existent, en fait, tu parlais de quoi ?
10:39 Mais il y a beaucoup d'autres questions dans Détroit,
10:43 notamment la question de la différence,
10:46 la question de la ségrégation, la question de
10:48 jusqu'où faut-il aller pour défendre ses droits,
10:51 et voilà, c'est vraiment d'être dans la peau
10:54 de ces androïdes qui sont traités comme des machines,
10:57 ce sont des machines, mais qui s'éveillent à la conscience.
10:59 Je dis pas que ça doit être précisément une métaphore des travailleurs,
11:03 des gens qu'on exploite ici ou ailleurs,
11:05 même si le terme "robot" ça veut dire "travail", "esclaves",
11:08 mais bref, juste, si ça t'a appris à te dire que
11:11 même des grippins un peu sentimentaux,
11:13 je les traiterais pas comme ça,
11:15 et sinon ils auraient bien raison de se révolter,
11:17 ils devraient peut-être mettre en cause ton rapport à l'autre en général,
11:20 y compris les autres êtres humains.
11:22 En fait, il y a certains plans de violences policières dans le film,
11:26 contre les robots, il y a au moins...
11:28 Non, il y a plusieurs plans, mais il y en a un en particulier
11:30 qui est une copie d'un vrai plan de manifestation
11:35 pendant les Gilets jaunes,
11:37 et c'est pour ça qu'effectivement il y a ce parallèle
11:39 avec les prolos qui peut être fait totalement,
11:41 comme je te disais tout à l'heure, mais pas que,
11:43 mais là en l'occurrence c'était une signature.
11:45 Du coup, je sais pas, perso je suis pas VG,
11:47 mais soyons ambitieux, ça peut peut-être au moins
11:49 nous aider à nous questionner sur le bien-être animal.
11:51 Euh non, moi, c'est les robots.
11:54 Franchement, dès qu'il y en a qui pensent,
11:56 qu'ont des émotions, autant te dire,
11:58 je suis prêt, je vais les traiter comme des cocompates.
12:00 *pleure*
12:04 Je voulais pas...
12:06 Je voulais juste voir comment c'était la texture dedans.
12:10 Je suis désolé.
12:11 Alors, je sais, là, c'est un exemple dont l'ironie est assez évidente,
12:14 mais je vous jure, culturellement,
12:16 on a un vrai souci.
12:17 L'IA, c'était un grand thème de la SF,
12:19 qui pour le coup, en ce moment, est au cœur d'enjeux de société.
12:22 Résultat, on se retrouve avec des programmeurs
12:24 persuadés que leur bébé a développé une conscience,
12:27 et des tribunes dans des journaux tout à fait sérieux,
12:29 pour demander un mouvement des droits des IA.
12:32 On parle de tchad GPT et tous ces bidules.
12:34 Je sais pas vous, mais moi, j'ai un peu l'impression
12:36 que l'enjeu, là, c'est plutôt comment ça va changer
12:38 les modes de production, comment ça va changer
12:40 nos modes de vie, ou les droits des personnes
12:42 qui vont perdre leur taf, ou se font piller par ces trucs.
12:45 Alors, peut-être que c'est moi qui ai pas d'imagination,
12:47 mais j'ai quand même un peu l'impression
12:49 qu'il y a des gens qui ont tout intérêt
12:51 à titiller la fibre futuriste la plus basse du front,
12:54 en prétendant que leurs produits sont beaucoup plus
12:56 que ceux qu'ils sont pour de vrai.
12:58 Genre, carrément, vous vous rendez pas compte,
13:00 c'est une nouvelle forme de vie, c'est vraiment
13:02 la question de droits fondamentaux la plus urgente.
13:05 Au secours l'ONU, à moi, amnestie.
13:07 Y a un vrai problème avec cette vision, je dirais,
13:10 ultra premier degré de la SF.
13:12 Une vision très utilitariste, très littérale,
13:14 en fin de compte, et au fond, très très pauvre.
13:17 De toute façon, vous voyez bien qui mobilise
13:19 cet imaginaire de cette manière,
13:21 et c'est quoi l'infrastructure là-dessous.
13:23 Vous voyez bien que c'est des Elon Musk
13:25 qui nous disent que dans 20 ans, promis,
13:27 ils nous font habiter Mars, qu'ils le disaient déjà
13:29 y a 20 piges, tiens, et de toute façon,
13:31 même si sa seule compétence c'était pas de nous jouer
13:33 de la flûte, vous voulez vraiment que ce type-là
13:36 vous amène sur Mars ? Parce que concrètement,
13:38 la seule chose qui l'empêchera d'en faire
13:40 une dystopie spatiale, crypto-fasciste
13:42 et techno-féodale à sa botte,
13:44 c'est qu'il est trop nul.
13:45 Il a zéro compétence !
13:47 Ouh là, il a zéro rien, les gars !
13:50 Ça lui sert juste à gonfler sa fortune
13:52 en pipotant les investisseurs sur un avenir
13:54 tout pété. Pareil avec ces bagnoles du futur.
13:57 Nul !
13:58 Well, maybe that was a little too hard.
14:00 Ces tunnels du futur rincés,
14:02 ces thés du vent, il l'a dit lui-même.
14:04 Et le mec, il torture des singes pour nous vendre
14:06 des implants dans le crâne sans avoir l'impression
14:08 d'être le pire méchant de SF jamais écrit.
14:11 Je propose que, collectivement,
14:14 on décide que Elon Musk
14:16 est l'antagoniste principal de l'humanité.
14:18 Mais pas juste le journal, genre,
14:20 vraiment nous tous.
14:21 Genre vraiment, il est parfait, je pense qu'il faut qu'on décide
14:23 que ce soit lui, vraiment, genre,
14:25 c'est le méchant, c'est le boss final.
14:27 Il est trop parfait. Il est trop maléfique,
14:29 il est trop con, il est vraiment incroyable.
14:31 Vraiment, je propose qu'on fasse ça, je lance
14:33 un appel au reste de l'humanité
14:35 ici et maintenant.
14:36 Ceux qui ont l'habitude de mes lubies le savent,
14:38 j'appelle ça le Kojipunk, la dystopie
14:40 la plus nulle.
14:41 Kojipunk !
14:43 On a tous les pires délires dont la SF aurait dû
14:47 nous dégoûter, mais en plus en version
14:49 naze, sans néons, sans
14:51 costumes stylés et sans punk à
14:53 bras bioniques. Alors ils nous promettent quoi ?
14:55 Le Métaverse, nul à chier,
14:57 les robots du futur.
14:59 Zéro !
15:01 Les cryptos, nuls, les NFT,
15:03 mais regardez-moi ça, c'est quoi cet imaginaire
15:05 de merde ? Et les IA ?
15:07 De la merde ! Et oui, désolé,
15:13 là je dis des vrais gros mots, pas des vieux
15:15 concepts marxistes, mais ça m'énerve.
15:17 Dans les années 70, 60,
15:19 on rêvait des robots
15:21 qui nous remplaceraient sur les tâches pénibles
15:23 et qu'on aurait plus de temps à
15:25 consacrer aux choses de l'esprit,
15:27 aux choses qu'on ne peut pas robotiser,
15:29 l'art, etc.
15:31 Et aujourd'hui, on vit dans un monde
15:33 où on cherche à tout prix à robotiser
15:35 les métiers artistiques,
15:37 qui est typiquement ce qu'on était
15:39 censé continuer de faire. Le truc, c'est que
15:41 comme toujours, l'imaginaire le plus
15:43 dominant, c'est celui des classes dominantes
15:45 qui possèdent l'infrastructure dont on a
15:47 parlé. Alors là, on se retrouve avec
15:49 un imaginaire rachitique de manager
15:51 corporate, de bourge
15:53 vulgaire de la Silicon Valley.
15:55 Après, on s'est également inspiré
15:57 de ce qu'il y avait dans la réalité au moment où
15:59 il est écrit, c'est-à-dire les désirs
16:01 capitalistes d'aller sur Mars
16:03 et de quitter la Terre et de laisser
16:05 les pauvres derrière soi.
16:07 Je pense évidemment à Elon Musk et Jeff Bezos,
16:09 ces deux imbéciles qui... Voilà.
16:11 Je le dis, l'intérêt majeur
16:13 de Terminator, ça a jamais été
16:15 que les machines risqueraient
16:17 de prendre le pouvoir au sens littéral,
16:19 mais dans un sens plus profond, plus fondamental,
16:21 où on crée des outils déshumanisés
16:23 qui risquent de nous déshumaniser en retour,
16:25 d'abord pour nous protéger,
16:27 puis se retournent contre nous. C'est pour ça que
16:29 le T-1000 a l'apparence d'un policier.
16:31 Et là, je ne l'invente pas, je paraphrase James Cameron.
16:33 Et Matrix, franchement,
16:35 se demander si on vivrait pas pour de vrai
16:37 dans une simulation informatique,
16:39 la caverne de Platoon, je sais pas quoi, là...
16:41 Ok, si vous voulez.
16:43 Mais les expériences de pensée
16:45 façon basilisque de Rocco,
16:47 genre, imagine si on vivait
16:49 dans une simulation d'une IAD
16:51 dans 100 000 ans qui nous torturerait...
16:53 C'est stimulant à l'apéro, mais
16:55 il faut franchement avoir pas beaucoup de problèmes
16:57 dans sa vie, quoi. D'où le fait que les abrutis
16:59 de la Silicon Valley, ils adorent
17:01 ce genre de trucs.
17:03 Y a quand même tellement plus riche
17:11 dans quelque chose comme Matrix, et c'est pour ça
17:13 que c'est mortel les oeuvres de ce genre.
17:15 Donc, vous voyez, mon propos, c'est pas
17:17 de dire qu'il faut arrêter les histoires
17:19 de conquêtes spatiales, d'IA et d'aliens.
17:21 C'est tout le contraire.
17:23 Il faut investir ses imaginaires,
17:25 mais il faut les investir autrement, pour leur intérêt
17:27 réel. Parce qu'il faut pas
17:29 le leur laisser, de manière générale.
17:31 Il faut jamais rien laisser
17:33 à Elon Musk.
17:35 [Générique de fin]
17:37 [Sonnerie de fin]
17:39 [SILENCE]

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