Joann Sfar, auteur des bandes dessinées “Le Chat du Rabbin”, était l’invité de 22H Max pour évoquer la recrudescence des actes antisémites en France et la marche les dénonçant organisée dimanche à Paris et dans le reste du pays.
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00:00 L'invité de 22h max ce soir est en première ligne dans le combat contre l'antisémitisme.
00:03 Ses dessins ont même été brandis hier lors de la marche, on verra ça ce soir,
00:07 et son "Chat du rabbin" est désormais mondialement connu.
00:10 Bonsoir, Johann Sfar.
00:11 - Bonsoir.
00:11 - Merci beaucoup d'être avec nous, auteur de bande dessinée.
00:14 Alors attendez, j'ai plusieurs choses à montrer.
00:15 Auteur de cette bande dessinée, "Le chat du rabbin", c'est le 12e tome,
00:18 c'est aux éditions d'Argo, "Le chat du rabbin, la traversée de la mer noire".
00:23 Et il y a également cette exposition, Johann Sfar l'avait dessinée,
00:26 ça c'est le catalogue de l'exposition qui vous est consacré au musée d'art et d'histoire du judaïsme à Paris.
00:32 On va avoir tout le temps de tout développer ce soir,
00:35 de revenir évidemment sur cette grande marche d'hier à laquelle vous avez participé.
00:40 Vous vous sentez moins seul, vous vous sentiez seul il y a quelques semaines dans ce combat-là.
00:43 - Oui, je me suis trouvé dans la rue au surlendemain des massacres,
00:47 et je dois dire qu'il y avait 90% de Français de confession juive et quelques Iraniens,
00:52 mais enfin on était très peu nombreux.
00:54 Hier on a l'impression que le tissu républicain s'est recousu,
00:58 et c'était un moment important, pas seulement pour la communauté juive, je crois pour tout le pays.
01:03 - Bon, avant de parler dans le détail de cette grande marche,
01:06 l'actualité de ce lundi, et je voulais vous faire réagir là-dessus,
01:08 c'est d'abord l'arrestation de 8 adolescents,
01:10 et j'ai bien dit adolescents, soupçonnés d'avoir entonné des chants antisémites dans le métro parisien.
01:15 On va voir ça avec Thomas Joubert qui nous rejoint.
01:17 Thomas, racontez-nous cette affaire, le point de départ et les arrestations aujourd'hui.
01:22 - C'est une vidéo qui avait fait grand bruit, elle avait été tournée dans la ligne 3 du métro parisien,
01:26 le mardi 31 octobre, aux alentours de 18h20.
01:29 Regardez la scène à laquelle avaient assisté les passagers.
01:32 - Nique les Juifs et les Grands-Mères !
01:37 Il n'y a pas d'Estime, ouais ouais !
01:42 Nique les Juifs et les Grands-Mères !
01:46 On est des nazis, on est fiers !
01:48 - Non, on n'est pas des nazis, on n'est pas des Grands-Mères !
01:51 Des propos extrêmement choquants.
01:52 Alors le Parquet de Paris avait ouvert une enquête pour tenter d'identifier les auteurs de ces propos antisémites.
01:57 Cette enquête a donc abouti ce matin à l'arrestation de 8 personnes vers 6h du matin en région parisienne.
02:03 Il s'agit de 8 jeunes garçons, des adolescents, vous l'avez dit Max,
02:07 puisqu'ils sont tous mineurs âgés entre 13 et 17 ans.
02:11 Seul l'un d'eux est déjà connu des services de police pour vol à l'étalage.
02:15 Ils ont été placés en garde à vue, soupçonnés d'avoir fait partie de ce groupe filmé dans le métro
02:19 alors qu'ils étaient à visage découvert.
02:22 Certains d'entre eux ont également publié des photos ou des vidéos de la scène sur TikTok.
02:26 Voilà donc ce qui a pu mettre les enquêteurs sur leur piste.
02:29 Alors que risque-t-il maintenant devant la justice ?
02:32 S'ils sont déférés, la justice ne prononcera probablement pas de peine ferme en raison de leur âge.
02:37 Je rappelle que certains ont moins de 13 ans.
02:39 Donc regardez, ils pourraient écoper de sanctions éducatives pour les plus jeunes
02:44 ou de travaux d'intérêt général pour ceux qui sont âgés de plus de 16 ans.
02:48 Merci à vous Thomas Joubert.
02:50 Les images sont, on va revenir sur ce qu'ils risquent et sur leur profil,
02:53 les images sont violentes.
02:56 C'est rigolard, c'est décomplexé, c'est...
02:59 Voilà, ça rigole mais c'est violent.
03:02 Je crois que c'est une violence malheureusement banale.
03:04 Là le hasard c'est que quelqu'un ait filmé.
03:06 Moi ce que j'entends chez mes co-religionnaires c'est qu'il se passe ça partout.
03:11 Dans les VTC, les gens de confession juive essaient de masquer leur conversation,
03:17 de masquer leurs bijoux porte-bonheur s'ils en ont.
03:20 J'ai une dame qui s'est fait traiter de sale juive dans mon quartier il y a quelques jours.
03:24 Il y a une banalisation et je ne sais pas comment le combattre.
03:28 La réponse judiciaire a sans doute une valeur mais il y a quelque chose de républicain à recréer.
03:32 Je ne sais pas pourquoi on a mis la haine des juifs séparément des autres racismes.
03:36 Je crois qu'il y a une éducation commune à faire là-dessus.
03:41 Alors individu par individu ça se fait.
03:43 Moi j'ai l'impression qu'on me laisse un quart d'heure avec un jeune,
03:45 les barrières elles tombent.
03:47 Il y a une phrase qui me vient toujours c'est que le pire ennemi de la cause palestinienne
03:50 c'est l'antisémitisme parce qu'il y a toujours ce soupçon-là.
03:53 Dès qu'on veut défendre la cause palestinienne, alors que ce serait facile de s'en laver.
03:57 Mais le problème c'est qu'on n'est pas individu face à un individu, on est face à un groupe.
04:01 Et il y a une question, mais c'est pareil que pour l'enseignement de l'histoire,
04:04 sur l'histoire du Proche-Orient il y a des vides abysseaux.
04:06 Moi j'engage tout le monde à lire.
04:07 - Chez les jeunes on parle d'adolescents.
04:09 - Mais bien sûr, j'engage tout le monde à lire des auteurs palestiniens, des auteurs israéliens,
04:13 au moins pour savoir de quoi on parle.
04:14 Mais ce socle commun il fait défaut et je ne sais plus de quoi on discute.
04:17 - Mais vous dites, pardon je vais vous donner la parole à tous,
04:19 mais vous dites, parce que là l'affaire est entrée de main de la justice,
04:23 vous dites que même s'ils sont adolescents il faut qu'il y ait sanction.
04:25 - Moi je suis dessinateur de bande dessinée, moi ce n'est pas mon métier de parler de judiciaire.
04:29 Ce qui m'importe c'est pourquoi des jeunes pour qui manifestement ce sujet-là n'est pas grave,
04:34 on se manque d'empathie.
04:35 Pour fréquenter beaucoup la jeunesse j'interviens en milieu scolaire depuis 30 ans.
04:39 Il y a une déresponsabilisation sur la haine des juifs,
04:44 qui a des causes multiples et les causes ne m'intéressent pas.
04:47 Ce qui m'intéresse c'est qu'est-ce qu'on fait maintenant,
04:48 comment on fait pour faire société avec ça.
04:51 - Roselyne.
04:51 - Alors je participais à la manifestation, la marche,
04:56 il faut plutôt dire que la manifestation hier,
04:59 et c'était une belle manifestation,
05:00 moi je pense qu'il y avait beaucoup plus de 108 000 personnes, enfin bon.
05:03 - C'est l'Institut Bachelot qui le dit.
05:05 - Voilà, mais l'Institut Bachelot ou bien d'autres.
05:08 Mais beaucoup d'observateurs de toute obédience
05:11 ont remarqué qu'il y avait peu de jeunes dans cette manifestation,
05:15 et moi pour avoir été au milieu de la manifestation je l'ai noté aussi.
05:19 Il y a même deux parents qui marchaient à côté de moi et qui m'ont dit
05:24 "nos enfants n'ont pas voulu venir".
05:27 Alors moi je me tourne vers vous, qu'est-ce qui se passe ?
05:30 Est-ce que l'école est défaillante ?
05:33 Est-ce qu'il y a des réseaux à l'école qui sont des réseaux antisémites
05:37 où il y a un effet de, j'allais dire, de contamination de l'antisémitisme ?
05:44 Est-ce qu'on ne sait pas parler aux jeunes ?
05:46 Est-ce qu'il y a aussi peut-être l'incapacité aux jeunes
05:53 d'être dans une démarche d'idéal
05:57 où on ne se bouge que pour des intérêts immédiats ?
06:01 Qu'est-ce qui se passe pour qu'il n'y ait pas eu de jeunes hier ?
06:04 Alors d'abord j'en sais rien,
06:06 mais les petites idées qui me viennent quand vous me demandez ça,
06:08 la première c'est qu'il y a vraiment très peu de juifs en France,
06:10 je crois que c'est moins d'un pour cent de la population.
06:12 500 000.
06:14 Donc la plupart des gamins n'ont jamais vu un juif,
06:16 donc ils s'en font l'idée de quand Guillaume Meurice
06:20 leur a dit que c'était Daniel Roux par exemple.
06:22 Et l'autre chose, quand j'étais jeune,
06:26 la vie intellectuelle juive en France c'était une vie, pardonnez-moi,
06:30 gauchiste, révolutionnaire, provocatrice.
06:32 Donc quand on était jeune, c'était logique d'entendre des voix juives
06:35 qui parlaient pour les minorités, qui parlaient pour le progrès.
06:38 Aujourd'hui, qu'on le veuille ou non,
06:40 il y a une vie intellectuelle juive en France qui est moins audible,
06:43 qui est plus âgée, qui est plus dans la réaction,
06:46 je le dis sans animosité, mais je ne vois pas aujourd'hui
06:49 de voix juive qui parlent à la jeunesse, qui parlent aux minorités.
06:54 - Bah si, vous ?
06:55 - Moi je suis un vieux, j'ai 52 ans.
06:58 - Vous dites vous-même que vous êtes régulièrement en contact justement de la jeunesse.
07:03 - Oui mais j'y vais en tant que prof, j'y vais pas en tant qu'élève.
07:05 - Oui mais ça reste un contact malgré tout.
07:07 - Moi j'ai 52 ans, je suis en surpoids, je suis pas dans le cœur de Sib.
07:11 - Perricot.
07:13 - Chat du rabbin ou pas, il faut appeler un chat un chat.
07:16 Cet antisémitisme-là s'est régénéré
07:20 dans l'interprétation du conflit israélo-palestinien
07:24 et des banlieues à majorité ou à forte influence musulmane de citoyens français
07:30 ont considéré que les juifs de France étaient plus ou moins complices de près ou de loin
07:35 ou impliqués dans ce qui se passe en Israël et donc complices et donc coupables.
07:40 C'est comme ça.
07:41 Alors on peut tourner autour du pot, autant que vous voulez,
07:44 dire que c'est pas vrai et que c'est abusif, c'est comme ça que ça se passe.
07:47 Et on le sait très bien, si on n'a pas le courage de prendre ce taureau par ces cornes-là,
07:51 on va aller à la catastrophe.
07:53 Le seul moyen de combattre l'antisémitisme aujourd'hui en France,
07:56 cette marche était magnifique.
07:58 Il manquait beaucoup, beaucoup, beaucoup de monde.
08:00 - On va y revenir.
08:01 - Beaucoup de monde.
08:02 Et je sais très bien à qui je fais allusion, aux jeunes et aux banlieues.
08:05 J'aurais voulu en janvier 2015 que le premier rang soit des imams.
08:09 - Sauf qu'il ne manquait pas qu'eux.
08:10 - J'aurais voulu que mes compatriotes musulmans nous accompagnent tous
08:16 pour dire "ce n'est pas notre islam et nous souffrons avec vous de cette tragédie".
08:20 Ils n'étaient pas là ni après Mohamed Bérin.
08:22 Et là, ils n'étaient pas là encore hier.
08:24 Alors j'aurais dit parallèlement, la meilleure solution, le meilleur combat antisémite,
08:29 c'est l'élimination de M. Benhamin N'yétanyahou et de la politique de ce gouvernement israélien.
08:36 Ça, c'est la première clause qui combattra l'antisémitisme en France.
08:40 - Attendez, il y a beaucoup de choses.
08:43 - Moi, je n'aime pas qu'on parle à la place des musulmans.
08:45 Je suis un juif maghrébin, je suis entouré de maghrébins depuis toujours.
08:49 - Je ne parle pas à leur place, je leur parle.
08:52 Non, je ne parle pas à leur place, je m'adresse à eux.
08:54 C'est tout à fait différent de parler à leur place.
08:56 - Moi, ce que j'entends plutôt, c'est un silence gêné de prendre la parole
08:59 par rapport au regard général.
09:01 C'est parfois une formation un peu bizarre sur le Proche-Orient qui font de gros raccourcis.
09:05 Et hier, beaucoup de gens n'ont pas voulu marcher à côté du Rassemblement national.
09:08 On se rend compte comme on veut.
09:10 - Oui, c'est une belle affaire.
09:11 - Mais ça pose la question plus large de comment on organise la vie publique
09:15 avec une extrême droite à 40%.
09:17 On est beaucoup à cette posée, la question.
09:19 Mais maintenant, quand on demande à un citoyen musulman de se justifier
09:23 par rapport au Hamas, c'est aussi une manière de l'humilier.
09:25 Et je crois qu'il y a un pas à faire les uns vers les autres.
09:28 Et les Français de confession musulmane qui ont besoin de se justifier en permanence,
09:32 et on va les interroger très vite.
09:33 - Pas de justifiés qui partagent la détresse du pays.
09:36 - Je suis étonnée d'entendre parler de l'extrême droite ce soir
09:38 quand on sait que Marine Le Pen, Jordan Bardella et d'autres
09:42 ont été acclamés à cette manifestation et qu'aujourd'hui, la France insoumise...
09:47 - Acclamés, pas par tout le monde. On n'a pas vu forcément les mêmes images.
09:50 - À part Golem, ils ont été acclamés. Donc ça, c'est une réalité.
09:53 Il n'y a pas eu de débordement. En tout cas, tout s'est bien passé.
09:55 Et c'est quand même assez étonnant de pointer aujourd'hui
09:57 ce collectif juif de gauche.
10:01 - Ils ont voulu les dégager.
10:02 - Moi, ce que je regrette, c'est que...
10:03 - Juste, simplement, je me permets de terminer là-dessus.
10:05 Ceux qui ont propagé des fake news aujourd'hui, ce sont la France insoumise
10:08 qui ont dit qu'il y a eu des propos islamophobes,
10:09 que c'était une opération de blanchiment de Gaza.
10:12 Donc, en fait, ce sont eux qui attisent la haine.
10:14 Ce n'est pas du tout Marine Le Pen et Cédran qui étaient là
10:17 de manière très paisible dans le rassemblement.
10:19 - Moi, ce que je regrette, c'est que la dernière fois qu'on a jeté
10:21 une vieille dame juive par une fenêtre,
10:22 toute la marche a été occupée à commenter l'attitude du Rassemblement national
10:26 et du Mélenchon. Et ça a recommencé hier.
10:28 Si vous voulez, pour moi, l'avenir de la France,
10:30 c'est ni Le Pen ni Mélenchon.
10:31 Et pour moi, la gauche, c'est autre chose que Mélenchon.
10:34 Et effectivement, si vous me dites qu'à chaque fois qu'il ouvre sa gueule,
10:36 Mélenchon fait honte au pays, je partage votre point de vue.
10:38 Mais ça n'empêche pas que je me souviens qui est le Rassemblement national.
10:42 Et dans ma ville natale à Nice, je peux vous dire qu'il y a beaucoup de chemises,
10:44 si on les enlevait, on voyait encore les tatouages.
10:46 Donc, il y a des gens qui sont d'anciens skinheads,
10:49 qui aujourd'hui ont crié "je suis juif", moi, ça me fait rire.
10:51 Voilà, ne me demandez pas de leur serrer la main.
10:53 - Moi, je voulais rebondir sur ce que disait Perricot,
10:55 parce qu'après l'Institut Bachelot qui nous disait
10:57 qu'il y avait sûrement plus de 100 000 personnes...
10:59 - Est-ce que la clé de la snotée est de moi ?
11:01 - Non, mais tu as peut-être raison d'ailleurs.
11:03 Perricot, c'est quoi ? D'où vous sortez vos chiffres
11:06 sur le nombre de musulmans qu'il y a dans la manif ?
11:09 On n'en sait pas.
11:09 C'est le pifomètre de Perricot-Legas,
11:12 et je trouve ça très problématique de leur jeter l'opprobre,
11:14 surtout dans un moment comme celui-là.
11:16 Ça, c'est la première chose.
11:16 La deuxième chose, c'est que je vais reprendre les mots du président du consistoire,
11:19 Maître Corgiac, qui disait
11:21 "Pour moi, ce n'est pas une régénération de l'antisémitisme,
11:26 c'est juste une désinhibition..."
11:28 - On pourrait dire un dévoilement.
11:29 - Un dévoilement.
11:31 Il a utilisé le mot "désinhibition".
11:33 - Oui, mais moi, je l'utilise.
11:34 - Un dévoilement d'un antisémitisme qui était déjà présent.
11:38 C'est-à-dire qu'effectivement, le conflit israélo-palestinien
11:41 et ce qui se passe depuis le 7 octobre
11:44 libère, désinhibe ceux qui, auparavant, étaient sûrement déjà antisémites.
11:48 - Ils s'excusent.
11:50 - Et ça, c'est un problème.
11:50 Parce que tout à l'heure, M. Sfa, vous disiez
11:52 "Moi, je ne m'intéresse pas aux causes".
11:53 Moi, au contraire, je pense que c'est important de s'attaquer aux causes
11:55 parce que c'est précisément ce qui manque,
11:58 et ce qui manque depuis, je vais dire les choses un peu crûment,
12:01 mais depuis la seconde guerre mondiale,
12:03 depuis la fin de la seconde guerre mondiale.
12:04 Alors, tout le monde se félicite parce que, en gros,
12:06 vous n'avez plus un tiers ou même plus d'un tiers des Français
12:10 qui se déclarent antisémites.
12:12 Et donc, on dit "Bon, bravo, c'est bon, le problème est réglé,
12:14 on n'a plus besoin d'en parler".
12:15 Bah non, en fait, le problème de l'antisémitisme,
12:18 c'est qu'il est toujours présent dans énormément de structures,
12:21 qu'elles soient organisées, qu'elles organisent la société,
12:24 qu'elles soient familiales ou qu'elles soient sociales,
12:26 et que c'est ça, c'est là, en fait, qu'il faut l'attaquer,
12:29 c'est là qu'il faut des campagnes de sensibilisation,
12:31 d'éducation, bien évidemment.
12:33 - Ou que l'école fasse son métier.
12:34 - Comment ?
12:35 - Ou que l'école fasse son métier.
12:36 La République ?
12:36 - Et que l'école fasse son métier.
12:38 - Vous dites que plus de République ?
12:39 Non, de la République, pas plus de République.
12:41 - Là, il y a un sujet, parce que quand les gens parlent d'antisémitisme,
12:45 ils s'imaginent qu'il faut une croix gammée ou qu'il faut...
12:46 - C'est ça, oui.
12:47 - L'antisémitisme, c'est un élève juif qui arrive à l'école le matin
12:50 et dès qu'il arrive, on lui demande son avis sur le Proche-Orient.
12:52 Et ça, au bout d'un moment, il a mal au ventre, il ne va plus à l'école.
12:55 Et il y a...
12:56 Moi, cette difficulté que vivent les Français de confession juive
13:00 qui, parfois, ne s'intéressent ni à leur religion ni au Proche-Orient
13:03 et qui sont obligés de donner leur avis,
13:04 ça fait qu'au bout d'un moment, ils ne vont plus en cours.
13:06 - Vous vous y intéressez, vous en parlez en interview, etc.
13:09 - Oui, mais moi, c'est mon métier.
13:10 - Oui, oui.
13:10 - Moi, tout mon travail, c'est de creuser la vie culturelle juive
13:14 dans un monde comme le nôtre, c'est mon travail.
13:16 Mais les collégiens, les lycéens, les étudiants juifs
13:18 n'ont pas forcément demandé à être interrogés là-dessus.
13:20 Ils le sont en permanence.
13:22 Et là, je ne sais pas si ça s'appelle de l'antisémitisme,
13:25 mais c'est une difficulté à vivre.
13:26 - Je voulais y venir.
13:27 Il y a un problème, quand même, de sémantique et d'étymologie.
13:29 - Bien sûr.
13:30 - Il y a de l'anti-israélisme et de l'anti-judaïsme à cause d'Israël
13:33 qui n'est pas d'antisémitisme.
13:34 Et il y a aussi de l'antisémitisme structurel
13:37 qui a toujours existé dans les proportions.
13:38 Mais vous avez des gens qui confondent.
13:40 Je pense que ce que ces gamins, dans le métro,
13:43 visent Israël et les juifs qui sont associés à Israël.
13:47 - Ils les associent nationalement.
13:48 - Oui, sauf qu'ensuite, je crois qu'ils ont fait allusion aux nazis.
13:52 Là, c'est une défaite de la France.
13:54 C'est impossible d'accepter ce qui s'est passé là.
13:58 La scène peut être dérisoire, comique, nulle, monstrueuse.
14:01 Le fait qu'elle se soit produite révèle dans notre pays
14:04 une lacune éducative, structurelle et sociale absolument tragique.
14:09 Là, c'est une histoire, on a honte que ce soit passé chez nous.
14:12 J'aurais compris que ce soit dans un autre pays
14:13 où il a toujours eu des relents d'antisémitisme.
14:16 Je ne vais pas parler de la Pologne,
14:16 parce que je n'ai rien contre les polonais,
14:18 mais il n'a pas toujours été éradiqué.
14:20 Avec ce qui s'est passé en France, on a eu de rancis quand même.
14:22 Et on a payé cher, parce qu'on est le pays qui, quand même,
14:25 a collaboré officiellement avec le régime nazi.
14:27 - On l'a recogné en 1995, on a eu un peu de temps.
14:29 - Alors, attendez.
14:30 - C'est ce que je te dis, qu'on est savant en métro, ça fait très mal.
14:32 - Là où il y a Johann Sfarr, il y a toujours de l'espoir.
14:34 C'est ma phrase du soir.
14:36 - Moi, j'en ai un, parmi les grandes capitales,
14:39 il y en a une seule qui a organisé une marche
14:41 contre l'antisémitisme de cette ampleur, c'est Paris.
14:43 Et moi, je veux croire, ce que j'entends depuis tout à l'heure,
14:46 c'est qu'on a du mal à faire société.
14:48 Une marche comme hier,
14:49 moi, je veux bien qu'on me dise c'était des bourgeois, c'était des vieux,
14:51 n'empêche, c'était une grande marche, elle était digne.
14:54 Et si ça pouvait inspirer pour recréer un dialogue,
14:56 pour que des jeunes pro-palestiniens s'aperçoivent
15:00 que parmi les plus grands auteurs pro-palestiniens,
15:01 il y a des juifs en général.
15:03 Que ce dialogue, il existe depuis longtemps,
15:05 il a été mis sous le boisseau par les tragédies depuis un mois.
15:08 Mais il y a un dialogue intercommunautaire
15:10 qui est foisonnant depuis des années.
15:11 - Je voudrais que vous m'expliquiez cette image, Joan Sfarr,
15:14 photo prise hier dans la manifestation.
15:16 C'est un de vos dessins qui a été repris.
15:19 Alors, je dis dessin, voilà, cette image-là,
15:23 est-ce que vous pouvez nous l'expliquer ?
15:25 - Oui, je peux vous la décrire.
15:27 C'est "Rai", ça veut dire la vie.
15:29 Et parce que j'ai eu 52 ans et mes copains m'ont offert ça.
15:32 C'est un porte-bonheur.
15:32 Et ça me plaît parce que ce n'est ni une étoile de David,
15:34 ni un drapeau, c'est la vie.
15:36 Et j'aime beaucoup cette idée,
15:39 vous savez, dans "Un violon sur le toit", quand il trinque,
15:41 et il y a, derrière la haine anti-juive,
15:43 derrière les massacres que j'ai vus le 7 octobre,
15:45 une volonté exterminatoire.
15:47 Et Albert Cohen, qui voulait qu'on l'aime,
15:50 Georges Kiezman m'a fait un jour une blague extraordinaire,
15:52 il m'a dit "J'ai pas ce rêve comme Albert Cohen de vouloir qu'on m'aime,
15:56 l'antisémitisme, selon moi, consiste à détester les juifs exagérément.
16:00 C'est-à-dire tant qu'on ne nous massacre pas, ça me va."
16:02 Et moi, franchement...
16:03 - Vous n'avez pas mis d'abord ?
16:04 - J'en suis à...
16:05 Mais pour la plupart des juifs de France,
16:07 c'est la question de la survie qui se pose.
16:08 C'est la question...
16:09 Quand ils peuvent plus scolariser leurs enfants à l'école publique
16:12 et que dans les écoles privées, le gardiennage ne fonctionne pas...
16:14 - Quand ils enlèvent la mazouzade, leur porte...
16:15 - Vous vous rendez compte qu'à Londres,
16:17 on a demandé aux juifs de ne pas scolariser leurs enfants
16:19 les jours de manif, c'est pas possible.
16:21 Donc là, c'est vraiment un problème de survie,
16:23 c'est pas un problème philosophique.
16:25 - Mais je reviens à cette image.
16:26 "Nous vivrons", sous-entendu, "Nous vivrons ensemble".
16:29 - Non, c'est juste la survie.
16:31 - C'est juste une survie, c'est juste ne pas être tué.
16:33 Je vous promets, l'ambition, elle n'est pas au-delà.
16:36 C'est où est-ce qu'on va mettre nos enfants ?
16:37 Ce qui s'est produit en Israël le 7 octobre,
16:41 c'est pas les tragédies habituelles du conflit israélo-palestinien.
16:45 C'est une tentative, sans doute téléguidée par l'Iran,
16:47 de plonger la région entière dans le sang
16:49 avec un geste exterminatoire,
16:51 avec un geste qui rappelle la Shoah par balles
16:54 ou des choses comme ça.
16:55 Donc il y a un rappel de l'histoire qui fait que...
16:57 En tout cas, tous les juifs que je connais depuis un mois
16:59 sont dans un état de dépression profonde.
17:01 Et la marche d'hier a fait un bien fou.
17:04 Je sais pas ce que ça changera,
17:05 mais le sentiment que le tissu social se recrée,
17:08 et on n'a pas envie de l'abîmer par les polémiques...
17:12 - Pour autant, on n'échappera pas à cette équation fatale et tragique.
17:16 Quiconque conteste au peuple israélien le droit de vivre
17:19 dans des frontières sûres et garanties est un salaud.
17:22 Quiconque conteste au peuple palestinien le droit de constituer
17:25 un État souverain est un salaud.
17:26 On sortira pas de cette double résolution.
17:29 - J'aimerais juste revenir sur la marche d'hier.
17:32 J'entends tout à fait ce que vous dites sur le fait que
17:35 ça vous a fait du bien et c'est bien normal que ça vous ait fait du bien.
17:38 En revanche, la présence du Rassemblement national
17:43 est quand même un fait politique important.
17:45 Et moi, dans ma vision de la lutte contre...
17:48 Je n'arrive pas à décorréler la lutte contre l'antisémitisme
17:52 et la lutte contre l'extrême droite.
17:54 - Est-ce que pour compléter la remarque de Pablo,
17:56 je peux vous montrer le titre de Der Spiegel concernant cette manif ?
18:00 Vous l'avez sans doute vu aujourd'hui.
18:03 Le voilà, le titre du journal allemand.
18:05 Pour le traduire, on peut le traduire par
18:07 "Le jour où Marine Le Pen est devenu un vote possible pour les Juifs".
18:10 D'autres le traduisent en disant
18:11 "Le jour où Marine Le Pen est devenu fréquentable pour les Juifs".
18:15 Et c'est cette bascule-là aussi, sans doute, qui gêne Pablo.
18:17 - Mais bien sûr, c'est la tragédie des Juifs,
18:20 c'est qu'ils servent toujours du symbole de quelque chose.
18:22 Là, le révélateur, c'est que moi, mon seul acte politique
18:24 depuis que j'ai le droit de vote, ça consiste à voter
18:26 contre le Rassemblement National, c'est pas compliqué.
18:28 Qu'est-ce qu'on fait le jour où ce parti a 40% des voix
18:31 et veut participer à la vie publique ?
18:32 Est-ce qu'on s'exclue de toutes les manifestations publiques ?
18:34 Ou est-ce qu'on crée un cordon sanitaire ?
18:37 Moi, je dois dire que j'ai une certaine sympathie
18:39 pour les jeunes gens qui sont allés foutre le dawa
18:40 devant le Rassemblement National,
18:42 parce que c'est une manière d'y être et de dire qu'on cautionne pas.
18:45 Pour moi, ne pas y être, c'est dégueulasse.
18:47 Parce que ça veut dire qu'on va laisser la communauté juive
18:49 seule avec le Rassemblement National.
18:50 Et moi, je peux pas...
18:51 - On ne vous reprendra jamais dans la confiance.
18:53 Non, non, je vous pose la question.
18:54 - Mais moi, je suis pas...
18:55 - Autant je suis persuadé que Jean-Marie Le Pen
18:58 est un antisémite avéré.
19:00 Pour l'instant, c'est un procès en sorcellerie.
19:02 Je pense que Marie Le Pen n'est pas antisémite.
19:04 Qu'il y ait des antisémites dans ce qui reste
19:07 de la vieille gare du Rassemblement National,
19:08 c'est très probable.
19:10 Mais que, aujourd'hui, la direction du Rassemblement National
19:13 soit antisémite, c'est une hypothèse pure.
19:15 - Non, mais Périgaud, il faut une démarche citoyenne.
19:17 On s'achète pas un brevet de lutte contre l'antisémitisme
19:20 en défilant dans une manifestation.
19:22 - En République, on fait pas de protestations.
19:23 - C'est le sentiment... Moi, c'est pas ça.
19:24 - C'est quand même lunaire, si ce bordel.
19:26 - C'est ça.
19:27 - Pour se faire une vieille gare.
19:28 - Et donc, je me sens réjouir qu'elle soit...
19:30 - On peut se réjouir que c'est ça.
19:31 - On est en train de parler de ceux qui étaient présents.
19:32 Pourquoi est-ce qu'on parle pas de ceux qui ne l'étaient pas ?
19:34 - Attends-les, on va parler.
19:35 - Mais non, mais je trouve ça incroyable.
19:37 Ce procès d'antisémitisme de Marie Le Pen,
19:39 alors qu'elle a viré son propre père de son parti,
19:42 et qu'elle a évidemment expliqué que la Shoah
19:45 n'était pas un point de détail de l'histoire,
19:46 comme il l'avait déclaré, il a été condamné.
19:48 Et cette rupture a été faite, elle a fait le ménage dans son endroit.
19:51 - Elle a acheté la bouche quand même en début de semaine dernière.
19:53 Elle veut dire que le grand-père était antisémite.
19:54 - Il a merdé.
19:55 - Pas du tout.
19:56 Il s'est repris le lendemain d'antisémitisme et ensuite sur CNews.
19:59 - Moi, je vais vous dire, l'antisémitisme de l'extrême droite,
20:02 c'est pas juste les six condamnations de Jean-Marie Le Pen.
20:05 C'est pas juste parce qu'il a dit,
20:07 et c'est un énorme problème et c'est profondément antisémite,
20:09 mais que les chambres à gaz étaient un détail de l'histoire.
20:11 Le problème de l'antisémitisme...
20:12 - Mais personne ne bénit.
20:13 - Non, mais l'antisémitisme de l'extrême droite,
20:15 c'est parce qu'ils ont comme logiciel idéologique
20:17 de penser que la société est homogène, qu'elle est blanche,
20:21 qu'elle est judéo-chrétienne,
20:22 mais enfin, judéo, ils l'ont rajouté il n'y a pas longtemps,
20:24 et que fondamentalement, ce qu'ils cherchent, c'est des boucs émissaires.
20:28 Auparavant, c'était les juifs dans les années 30.
20:30 Aujourd'hui, c'est les musulmans, mais ça retombera sur le juste.
20:32 - Les jeunes qui chantent "On est des nazis dans le métro",
20:36 ils ajoutent aussi "Vive le 9-3", leur identification, c'est leur quartier,
20:40 c'est-à-dire qu'ils se relient eux-mêmes à la Palestine,
20:42 en mélangeant tout, évidemment, en se traitant eux-mêmes de nazis.
20:44 Vous imaginez un peu le manque de transmission,
20:47 ce qu'on a raté, nous aussi, en France.
20:50 Les profs ont cessé d'enseigner la shoah à l'école.
20:54 Ces jeunes-là ne savent pas de quoi ils parlent,
20:55 et ils ont simplement leur référentiel qui est un référentiel.
20:59 Il faut dire les termes "arabo-musulman"
21:02 et qui professe une certaine haine des juifs,
21:05 parce que les juifs sont israéliens.
21:07 - Vous avez vu ces jeunes, vous avez regardé la vidéo, là c'était flou.
21:10 - En tout cas les instances...
21:11 - Non, non, non, attendez, attendez, attendez, attendez, attendez,
21:15 deux secondes, on a zéro information sur qui ils sont,
21:19 sur leur identité, sur qui ils sont.
21:21 On a zéro information.
21:23 - Non, on dit que les instances n'ont pas appris à manifester, c'est clair.
21:27 - Ça c'est un autre sujet.
21:29 Ça c'est un autre sujet, c'est un autre sujet, effectivement.
21:32 - Donc c'est M. Smith et un membre dans les banlieues.
21:34 - Moi le sentiment que j'ai, c'est que pour la France insoumise,
21:37 tout comme pour le Rassemblement National,
21:39 la communauté juive est un jouet ou une prise de guerre.
21:41 Et je trouve qu'avec la gravité de ce qui se passe, c'est indécent.
21:45 Je trouve que Mélenchon a été indécent.
21:47 Évidemment que Marine Le Pen est venue, c'est une manière de s'acheter une virginité.
21:51 Il suffisait que tout le monde vienne et qu'on la voit pas.
21:52 C'est tout. Après, moi je ne suis pas responsable communautaire.
21:55 Chacun peut voter pour qui il veut,
21:58 mais comme vous disiez au Proche-Orient,
21:59 les Israéliens ne vont pas partir, les Palestiniens non plus.
22:01 En France, personne ne va partir non plus.
22:03 - Mais vous auriez voulu que le premier parti d'opposition...
22:05 - En disant "on va se débalancer d'une partie de la population française", pardon ?
22:09 - Vous auriez voulu que le premier parti d'opposition au gouvernement actuel...
22:11 - Ah moi je parle du principe que tout le monde doit être là.
22:13 - Oui, mais non, il dit qu'on ne veut pas.
22:14 - Oui, mais c'est juste que...
22:16 - Je vois ça à Pablo aussi, qu'est-ce qu'il peut faire ?
22:18 - Contrairement à vous, moi le Rassemblement National, je m'en fous.
22:20 Toutes vos interventions ont parlé que d'eux.
22:22 Pour moi, c'est la partie qui me désole,
22:24 mais je ne suis pas responsable communautaire,
22:26 je ne peux pas interdire les gens de voter pour eux.
22:28 Je pense qu'ils ont joué avec la communauté juive de la même manière que la France insoumise,
22:31 et ce n'est pas à la hauteur de l'égalité.
22:32 - Mais il aurait raison, le débat apportait de savoir
22:34 qui avait le droit d'aller à cette manifestation,
22:36 alors que la République était convoquée.
22:38 - Vous savez ce qui aurait tout réglé ?
22:40 C'est que le président y aille.
22:42 Mais manifestement, ce n'était pas assez important pour lui.
22:44 - Ça vous le regrettez profondément.
22:46 - Il n'a pas pu y aller parce que le motif de la manifestation n'était pas assez clair.
22:49 - Vous savez, quand j'étais gamin,
22:50 mi-terrain dans la rue après Carpentras, je m'en souviens encore.
22:53 - Oui, 1990.
22:54 - Je m'en souviens encore.
22:54 - Ils seraient allés, si on avait dit dans le thème de la manifestation,
22:57 antisémitisme et arrêter la tragédie au Proche-Orient.
23:01 - Non, parce que ça, ça s'appelle antisémitisme, mais...
23:03 Et vous savez quoi ?
23:04 Les Juifs de France ne sont pas responsables de ce qui se passe au Proche-Orient.
23:07 Et venir dire "Lutter contre l'antisémitisme, mais..."
23:10 Je trouve ça dégueulasse.
23:11 - Mais ça ne leur interdit pas de dénoncer ce que fait Netanyahou.
23:14 - Ils sont 1% de la population, ils ont un pouvoir en Israël.
23:16 Vous croyez qu'il y a un pouvoir occulte des Juifs ?
23:18 - Ils ont le droit de s'exprimer en ce sens.
23:19 - Netanyahou est le Premier ministre le plus raïf de l'État du Sud.
23:21 - Ils ont le droit de s'exprimer.
23:22 - Attendez, attendez, attendez.
23:23 - Maintenant, il y en a qui sont exprimés en France.
23:24 - S'il vous plaît, s'il vous plaît, Perricot,
23:26 qu'est-ce que vous comprenez de l'absence d'Emmanuel Macron ?
23:29 - Je n'ai pas à comprendre.
23:29 Moi, je suis dessinateur de bande dessinée.
23:31 Je dis juste que s'il avait été là,
23:33 personne n'aurait parlé de Marine Le Pen et de Jean-Luc Mélenchon.
23:35 Il y avait une unité évidente.
23:37 Vous savez, moi, je suis télévisé.
23:38 - Non, non, c'est-à-dire, s'il avait été là,
23:40 on l'aurait accusé d'avoir instrumentalisé la manifestation.
23:43 De toute façon, je crois que, justement,
23:47 il faut arrêter de polémiquer sur le fait qu'Emmanuel Macron
23:51 ait jugé pour des raisons politiques que sa place n'était pas là.
23:55 Peut-être s'est-il trompé, mais en tout cas,
23:57 entre ceux qui le condamnent à l'indignité nationale,
24:01 qui le traitent quasiment d'antisémite, etc.
24:04 Non, il y a effectivement des faits politiques importants,
24:07 vraiment importants.
24:08 Il faut continuer à combattre le Front National.
24:12 Vous voyez, je n'arrive pas à dire le Rassemblement National.
24:15 Le Rassemblement National qui ne s'achètera pas un brevet d'antisémitisme,
24:19 de lutte contre les...
24:21 Il a le brevet d'antisémitisme, pardon.
24:23 De lutte contre l'antisémitisme.
24:25 Et de la même façon, le cœur de la France insoumise,
24:31 parce qu'il n'y a pas eu que Mélenchon,
24:33 à avoir vraiment dérapé.
24:35 Il y a eu Léaument, il y a eu Bonpart,
24:38 il y a eu vraiment un cœur qui s'est exprimé
24:42 dans la France insoumise et de façon abjecte.
24:45 Et là, ça, ce sont les deux faits politiques importants.
24:49 - Quand certains de la France insoumise disent par exemple
24:51 qu'ils ont entendu des remarques islamophobes, etc.
24:54 dans la marche, qu'est-ce que vous, vous avez entendu ?
24:56 Qu'est-ce que vous, vous avez vu ?
24:57 - Ce qui est embêtant, c'est que même Libé les a pas entendus,
24:59 qu'on peut pas suspecter...
25:01 - Moi, remarquez, j'étais à côté de Sandrine Rousseau dans la marche.
25:04 - Non, moi, ce que je constate...
25:06 J'essaie toujours de voir le positif.
25:08 Je constate qu'il y a à gauche des gens comme Ruffin,
25:11 qui se sont vraiment bien comportés depuis le début,
25:13 qui ont été clairs sur dire, voilà,
25:15 le racisme, non, l'antisémitisme, non,
25:17 il est allé marcher à Strasbourg pour pas être avec Le Pen,
25:19 mais il a marché quand même.
25:20 C'est une démarche simple.
25:21 Mélenchon et certains de ses proches font de leur mieux
25:24 pour être au mieux inaudibles et au pire indéfendables
25:27 sur ce sujet-là.
25:28 Et là encore, il joue avec une communauté
25:30 qui en France est minuscule,
25:32 qui s'est pas fait remarquer par des voix faites,
25:34 que je sache, et à mes yeux,
25:36 il met en danger les Français de confession juive.
25:39 Et ça, c'est pas pardonnable.
25:40 - Vous disiez dans une des interviews que vous avez données,
25:42 me semble-t-il, la semaine dernière,
25:43 vous disiez "si moi, je vais dans une manifestation pro-palestinienne,
25:46 je vais me faire casser la gueule",
25:48 et vous ajoutiez, pardon, Jean-Luc Mélenchon,
25:50 "oui, un peu pour quelque chose".
25:51 - Oui, parce que du temps...
25:53 Parce que moi, j'ai un vieux passé de gauchiste.
25:55 Quand je participais à des rencontres entre palestiniens et israéliens
25:58 à Tolbiak, il y a 25 ou 30 ans,
25:59 ou quand à Nice, j'allais aux réunions de la fête du Patriote,
26:03 franchement, parmi les pro-palestiniens,
26:05 il y avait un tiers de juifs,
26:06 et ça se passait très bien,
26:07 et on ne faisait pas...
26:08 On voyait très bien la différence
26:10 entre un anti-juif et entre quelqu'un
26:12 qui critiquait la politique israélienne,
26:13 et en général, c'était des auteurs israéliens.
26:15 Aujourd'hui, il y a du religieux qui est entré dedans,
26:19 il y a eu une communautarisation.
26:20 Le jour où on accepte des slogans religieux
26:23 au milieu d'une manifestation qui devrait parler
26:25 du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes,
26:27 on exclut.
26:28 Et le jour...
26:29 Pour moi, il y a un marqueur,
26:30 c'est en 2014, quand la porte d'une synagogue
26:33 a été brisée, et quand des morts juifs
26:35 ont été hurlés dans Paris,
26:36 on a interrogé Mélenchon à la fin,
26:37 il a dit "j'ai rien vu, j'ai rien entendu".
26:39 Ça, c'est une tâche ineffaçable,
26:40 et depuis, il a tout fait pour enfoncer le clou.
26:43 Mais la seule chose que j'espère
26:45 à deux ou trois ans des présidentielles,
26:47 c'est qu'il se détruise lui-même,
26:48 et qu'une gauche un peu plus républicaine
26:50 voit le jour.
26:51 - Toujours moins sûre.
26:52 - Ça en prend peut-être le chemin.
26:53 - On verra.
26:54 - La question, vous disiez depuis tout à l'heure,
26:56 vous l'avez répétée deux fois,
26:57 le côté, la communauté juive se retrouve
26:59 l'instrument, le jouet, aux mains
27:01 d'un certain nombre de partis politiques.
27:02 Comment vous sortez de ça ?
27:04 Comment est-ce que vous pouvez vous extraire de ça ?
27:06 De cette tenaille-là ?
27:07 - Moi, je crois profondément
27:09 à la majorité silencieuse.
27:10 Je crois qu'on a un pays qui est
27:12 beaucoup moins conflictuel et beaucoup moins moche
27:14 qu'on se le raconte au quotidien.
27:16 Je ne compte pas les marques de sympathie
27:18 et de fraternité de tous les côtés,
27:19 et je ne suis pas naïf,
27:20 c'est ce que je vis au quotidien.
27:21 On a un problème de représentation
27:23 en France.
27:24 On clive, on ethnicise,
27:26 on découpe les...
27:28 Ils n'ont pas envie d'être découpés comme ça.
27:30 Je veux dire, même les Juifs,
27:31 ils n'en peuvent plus parler des Juifs.
27:33 On n'a pas envie de passer son temps.
27:34 Moi, c'est une partie de mon identité
27:36 qui pourrait être tout à fait secondaire.
27:38 Je ne veux pas sortir cette horrible phrase de Sartre
27:40 qui disait "c'est l'antisémite qui fait le juif",
27:42 mais j'aimerais bien vous parler
27:44 de mes bouquins comiques,
27:45 j'aimerais bien vous parler de petits vampires,
27:46 de donjons, de trucs,
27:47 ou des gags que je mets dans le chat du rabbin.
27:49 Je suis embêté de vous parler de M. Mélenchon
27:51 qui m'excite moyennement.
27:53 J'accarne sa sexualité.
27:55 - Le lendemain de la tragédie d'Ozara-Torah,
27:57 quand Mohamed Ndera a tué ses trois enfants
27:59 de façon absolument abominable,
28:01 moi je m'attendais à ce que la communauté nationale
28:03 j'utilise ce terme parce que ça a un signification,
28:05 que nous soyons 10 millions dans la rue.
28:07 Il ne s'est rien passé à part quelques pleurs d'hommes politiques.
28:10 Ce jour-là, j'ai compris que la France était très malade.
28:12 Elle l'a confirmé par la suite.
28:14 Pour moi, c'est une tragédie.
28:15 Je ne m'en remets pas de cette petite fille
28:17 qui a été battue à bout portant.
28:19 Les deux petits garçons avec sa tétine de 3 ans devant leur mère.
28:22 Abattus comme des chiens.
28:24 Et il y a eu quelques pleurs des hommes politiques
28:26 parce qu'on était en campagne électorale.
28:28 C'était agerbé.
28:29 La France a été honteuse ce jour-là.
28:31 - Bien sûr, mais plus proche de nous,
28:33 les otages du ramasse de nationalité française,
28:35 j'ai le sentiment,
28:37 qu'on parlerait davantage d'eux
28:39 si ils n'étaient pas juifs.
28:40 C'est horrible ce que je suis en train de dire,
28:42 mais quand il y a eu des otages par le passé
28:44 et qu'on ouvrait le journal de 20h sur leur visage,
28:46 là, il y a le sentiment toujours
28:48 de ce procès de double allégeance,
28:50 de circé des français, mais pas tout à fait.
28:52 Et vous avez raison, ça a commencé...
28:54 - C'est-à-dire qu'on les accrochait sur les façades des mairies
28:56 et là, on les déchire.
28:58 - J'ai pas vu la France depuis le 7 octobre se dire
29:00 "Bordel, on nous a enlevé 40 français".
29:02 Il y a 40 français qui ont été pris en otage.
29:04 - Vous les avez dessinés, notamment les plus jeunes, les enfants.
29:07 C'est un dessin qui a aussi beaucoup circulé.
29:09 C'est précisément pour qu'ils soient tout le temps là,
29:12 pour qu'ils soient tout le temps à la une,
29:14 présents, notamment sur les réseaux sociaux ?
29:16 - Je voudrais qu'on soit capable de faire la part des choses.
29:18 Entre une critique légitime de la politique de Netanyahou
29:21 et une empathie tout autant légitime
29:23 pour les victimes israéliennes,
29:25 mais également pour les victimes palestiniennes de cette tragédie.
29:28 Je voudrais qu'on soit capable de pleurer
29:30 pour les victimes des deux camps.
29:32 Et là encore, les gens qui arrachent les affiches d'otages
29:35 instrumentalisent.
29:37 C'est pas un acte de propagande
29:39 de mettre des photos d'otages.
29:41 C'est juste vouloir la libération
29:43 de gens qui sont injustement prisonniers.
29:45 - Ne pas les oublier.
29:47 - Si cette marche avait été conduite sous ce que vous venez de déclarer,
29:49 peut-être que les choses auraient été différentes
29:51 entre le président de la République israélienne.
29:53 Vous avez donné la juste définition.
29:55 Pour autant, le paradoxe tragique de cette histoire,
29:57 c'est que peut-être parmi les 40 victimes,
29:59 il y avait des Français juifs
30:01 qui sont repartis en Israël à l'appel de Netanyahou
30:03 qui leur a dit "Ne restez pas en France, vous n'êtes pas en sécurité."
30:05 Ils sont tenus en Israël,
30:07 personne n'est dit qu'ils étaient protégés,
30:09 et c'est là-bas qu'ils se sont fait massacrer.
30:11 - Et je précise que derrière vous, comme régulièrement,
30:13 on a des hôtages, on le fait régulièrement sur BFM2.
30:15 - C'est une deuxième tragédie.
30:17 - L'ensemble de ces hôtages. Pablo.
30:19 - Je viens de utiliser un mot qui, je pense,
30:21 est très important et qui, en ce moment,
30:23 mais ça fait longtemps maintenant,
30:25 fait parfois défaut, c'est le mot d'empathie.
30:27 Et en vérité, regarder froidement,
30:29 par exemple, ce qui se passe en Israël-Palestine,
30:31 et dire "Bon, ben voilà,
30:33 il y a de la colonisation,
30:35 ça a commencé il y a 75 ans, etc."
30:37 Et après, appliquer une grille de lecture,
30:39 qu'elle soit géopolitique
30:41 ou politique tout court,
30:43 et dire "Bon, ben, il y a le fait colonial israélien, etc."
30:45 ne doit pas empêcher,
30:47 derrière,
30:49 d'avoir de l'empathie.
30:51 Et une grande empathie à l'égard,
30:53 en l'occurrence, par exemple,
30:55 des hôtages ou des gens qui ont été massacrés
30:57 le 7 octobre. Et j'ai l'impression que,
30:59 parfois, dans le débat politico-médiatique
31:01 aujourd'hui,
31:03 il y a un oubli de cette empathie.
31:05 Et de la même manière,
31:07 quand j'entends des gens de la France Insoumise,
31:09 mais pas uniquement,
31:11 à gauche, dire "Ah ben, dans cette
31:13 manifestation de dimanche,
31:15 il n'y avait que des gens d'extrême droite
31:17 et des gens qui valident
31:19 les massacres à Gaza."
31:21 Je suis là, mais putain, mais ayez un minimum
31:23 d'empathie, en fait, pour les gens qui ont manifesté
31:25 et pour qui, comme pour Johannes Favre
31:27 et comme pour beaucoup d'autres,
31:29 ça a fait du bien.
31:31 Donc voilà, je demande à ceux qui entendent,
31:33 ayez un peu d'empathie.
31:35 - Il ne peut pas y avoir d'empathie quand l'institution
31:37 scolaire participe de la décérébration
31:39 d'une jeunesse qui ne comprend pas.
31:41 Je préfère mettre l'accent là-dessus
31:43 pour ce qui s'est passé dans le métro, je préfère parler
31:45 de décérébration. J'accuse l'institution scolaire
31:47 de ne pas avoir rempli sa mission.
31:49 Ce n'est pas normal. Elle est là pour ça
31:51 et là, elle n'a pas fait son devoir. J'espère qu'il n'y aura
31:53 pas plus de dégâts que ça.
31:55 - On a
31:57 ces 240
31:59 otages.
32:01 On a plusieurs Français, on a du mal
32:03 aussi à avoir le nombre précisément.
32:05 Je reviens sur ce que vous disiez tout à l'heure,
32:07 parce qu'il y a quelque chose de totalement vertigineux.
32:09 Vous dites, s'ils n'avaient pas été juifs,
32:11 peut-être qu'on en parlerait plus.
32:13 - Je crois de manière plus large qu'il y a une très
32:15 mauvaise connaissance et du Proche-Orient
32:17 et d'Israël dans l'opinion française.
32:19 Et se renseigner
32:21 sur cette région, c'est apprendre
32:23 d'abord à être plus pertinent, quel que soit
32:25 le camp qu'on veut défendre, et ensuite
32:27 à humaniser cette région et éviter
32:29 les symboles. Moi, je me méfie beaucoup des symboles
32:31 qu'on balance à grands coups de serbe.
32:33 Et il est certain que sur l'identité
32:35 juive et de manière plus extérieure sur Israël,
32:37 il y a tellement de fantasmes
32:39 que le réel fait parfois défaut.
32:41 - Le réel, c'est ce qui se passe
32:43 en ce moment du côté de Gaza,
32:45 évidemment. Le réel, c'est ce qui s'est passé
32:47 le 7 octobre. Je le disais, vous en parlez
32:49 dans les interviews. Et quand je disais tout à l'heure
32:51 quand il y a Johann Sfarr, il y a de l'espoir, c'est parce que
32:53 vous le dites vous-même, que pour vous,
32:55 il y a encore un espoir
32:57 aujourd'hui, malgré les atrocités du 7 octobre,
32:59 malgré ce qui se passe depuis le 7 octobre.
33:01 Malgré ce qui se passe depuis le 7 octobre
33:03 et ce dont on va parler encore dans un instant
33:05 à propos de Gaza, les bombardements
33:07 et ce qui s'y passe aujourd'hui,
33:09 vous dites qu'il y a encore un chemin
33:11 aujourd'hui vers la paix. - Bien sûr.
33:13 - Parce que ce discours-là, il a été oublié ces dernières semaines.
33:15 - Il y a énormément de mensonges
33:17 que se disent les gamins, ou les grands.
33:19 On se dit que ce conflit dure depuis toujours.
33:21 C'est pas vrai. C'est un conflit qui est né sur les lambeaux
33:23 de l'Empire ottoman et du protectorat anglais
33:25 qui se résoudra un jour.
33:27 Frédéric Ancel a dit de manière merveilleuse,
33:29 démilitarisation du Hamas, fin du gouvernement
33:31 de Netanyahou, arrêt des colonisations
33:33 en Cisjordanie. - Et vous reprenez ces trois choses-là ?
33:35 - Moi, quand Frédéric Ancel le dit, je suis d'accord avec lui.
33:37 Mais de manière plus évidente,
33:39 la diplomatie
33:41 entre Israël et les pays arabes n'a absolument
33:43 pas cessé depuis le 7 octobre.
33:45 Les massacres du 7 octobre ont mis
33:47 un coup d'arrêt à un processus de paix régional
33:49 et qu'on arrête de nous dire
33:51 qu'ils ne peuvent pas faire la paix. Ils ont fait la paix avec l'Égypte,
33:53 ils ont fait la paix avec la Jordanie.
33:55 Ces massacres ont mis un coup d'arrêt
33:57 à, et puis je vais vous dire quelque chose
33:59 d'encore plus sous-terrain, je pense que
34:01 la population palestinienne dans son ensemble,
34:03 ils détestent sans doute les Israéliens,
34:05 mais ils se réjouissent de la disparition prochaine du Hamas.
34:07 - Le Hamas qui les a massacrés.
34:09 - Je précise que Frédéric Ancel est un chercheur spécialiste
34:11 des questions internationales, notamment spécialiste
34:13 du Proche-Orient, et c'est lui que vous citiéz à l'instant.
34:15 Ça vous fait réagir, Paul ? - Oui, non, j'étais un peu dubitatif
34:17 en fait sur le processus de paix
34:19 qui aurait été engagé
34:21 avec le protocole d'Abraham
34:23 parce qu'effectivement, en fait,
34:25 le problème de ce protocole d'Abraham, c'est que c'était
34:27 des rapports entre les États,
34:29 c'est-à-dire entre le chef d'État
34:31 israélien et puis le chef d'État
34:33 marocain, c'est-à-dire Mohamed Siss,
34:35 et puis le chef d'État en Arabie Saoudite,
34:37 Mohamed Ben Salman. Le seul problème, c'est que
34:39 les pays, c'est pas que
34:41 des chefs d'État, c'est aussi des sociétés,
34:43 et que les sociétés, elles étaient pas tellement raccord,
34:45 et là, on l'a vu particulièrement
34:47 à l'œuvre depuis le 7 octobre, elles étaient pas
34:49 tellement raccord avec la façon dont se
34:51 déroulait en fait ce processus de paix.
34:53 Et puis Mohamed Siss et Mohamed Ben Salman avaient décidé
34:55 en gros d'en avoir un peu que faire.
34:57 Et moi, je me souscris plutôt à l'analyse de Bertrand Baddy
34:59 qui explique que ce sont les sociétés
35:01 qui est aussi un chercheur en relation internationale,
35:03 et qui explique que, en fait,
35:05 les sociétés, il faut aussi
35:07 les travailler.
35:09 - Vous venez là à la formule danselle, et le protocole est le bon.
35:11 La solution, elle est là.
35:13 - Mais c'est plutôt la question du processus de paix, que je pense,
35:15 enfin, ça faisait un peu longtemps, hélas,
35:17 qu'on avait abandonné l'idée de construire
35:19 la paix au Proche-Orient. - On l'a touché à un moment donné.
35:21 - On l'a touché à Oslo, à un moment donné, c'était en place.
35:23 - Oui, mais rien... - Quand on a vu le documentaire hier...
35:25 - C'était il y a longtemps, hein, Oslo.
35:27 - Enquête exclusive sur M6,
35:29 où l'on voit noir sur blanc,
35:31 Charles Anderlin le commente,
35:33 l'ancien chef du Shin Bet l'explique,
35:35 c'est l'Etat israélien qui assure le transfert de fonds
35:37 du Qatar au Hamas
35:39 avec des voitures de l'armée israélienne
35:41 sur l'aéroport de Tel Aviv.
35:43 Parce que Netanyahou pensait que c'était sûr,
35:45 comme ça qu'il torpillerait la paix,
35:47 tant qu'il maintenait le Hamas avec les millions de dollars du Qatar.
35:49 Ça, c'est une tragédie absolue,
35:51 et ça doit être dit et su.
35:53 Et tant qu'on n'évacuera pas
35:55 cet homme politique qui est un fléau pour Israël,
35:57 il n'y aura pas de solution,
35:59 et l'antisémitisme...
36:01 - On met aussi l'Iran dans le film, là, hein ?
36:03 - Bien sûr, bien sûr, mais il n'y a pas que ça.
36:05 Mais cette scène-là est absolument terrifiante.
36:07 Et tant qu'on n'éliminera pas Netanyahou,
36:09 l'antisémitisme continuera peut-être
36:11 à bien se porter en France.
36:13 - Je reviens au film et à la réalité d'aujourd'hui.
36:15 Il y a d'un côté le Hamas qui ce soir dit
36:17 on est à plus de 11 000 morts dans la bande de Gaza,
36:19 avec des images qui nous arrivent,
36:21 des chiffres qui sont toujours évidemment en sujet à caution,
36:23 mais les ONG disent qu'il y a de toute façon
36:25 plusieurs milliers et milliers de morts
36:27 civiles depuis le 7 octobre,
36:29 depuis les attaques terroristes du Hamas.
36:31 Il y a ces images-là
36:33 qui nous arrivent,
36:35 avec les responsables du Hamas qui nous disent, par exemple,
36:37 qu'il n'y a plus de carburant pour faire fonction d'électricité,
36:39 et donc qu'il y a des morts en service de réanimation,
36:41 notamment chez les plus jeunes, etc.
36:43 Et il y a, de l'autre côté, ce soir,
36:45 les Israéliens, l'armée israélienne,
36:47 on va entendre un des porte-parole ce soir,
36:49 qui dit "le souci que nous avons,
36:51 c'est que dans ces hôpitaux dont on parle,
36:53 il y a le Hamas.
36:55 Sous ces hôpitaux, il y a le Hamas,
36:57 on en a des preuves, c'est aussi ce que disent les Américains ce soir".
36:59 On écoute un porte-parole de l'armée israélienne.
37:01 Le Hamas utilise les hôpitaux,
37:03 comme nous l'avons démontré pour Shifa
37:05 et pour d'autres hôpitaux.
37:07 On le constate de nos yeux aujourd'hui
37:09 dans l'hôpital Ramtissi.
37:11 Ce sont des vestes kamikazes,
37:13 qui permettent aux terroristes de se faire exploser sur nos soldats,
37:15 à l'intérieur d'un hôpital.
37:17 Nous sommes maintenant dans les sous-sols de l'hôpital,
37:19 et dans ces sous-sols, nous avons trouvé des motos,
37:21 des vêtements de femmes,
37:23 et une corde,
37:25 à côté du pied de la chaise.
37:27 Regarde au-dessus,
37:31 c'est un biberon.
37:33 Nous pensons que des otages
37:35 auraient été retenus ici.
37:37 - Johann Sfar,
37:39 je reviens à ce qui est dit là,
37:41 aux images de bombardements,
37:43 aux destructions, etc.
37:45 Vous parliez d'espoir tout à l'heure.
37:47 Comment est-ce qu'on reconstruit derrière ça ?
37:49 Comment est-ce qu'on reconstruit sur ces ruines-là ?
37:51 - Je n'en sais rien du tout.
37:53 Je n'ai aucune compétence militaire.
37:55 J'ai le cœur serré quand je vois des victimes des deux camps.
37:57 Ce que j'ai constaté pour avoir travaillé en Israël,
37:59 dans le monde de l'audiovisuel jusqu'au mois dernier,
38:01 - Avec des juifs et des arabes ?
38:03 - Bien sûr, avec des équipes juives et arabes.
38:05 Je sais que les gens vivent pareil,
38:07 les gens travaillent ensemble,
38:09 mais ils ont des opinions beaucoup plus diverses qu'on peut imaginer.
38:11 Dans la société civile, il y a moyen que ça se passe bien.
38:13 J'ai une question qui me vient à l'esprit,
38:15 et elle est peut-être politiquement incorrecte.
38:17 Je ne comprends pas l'attitude
38:19 de certaines ONG vis-à-vis des otages
38:21 depuis le début de cette crise.
38:23 J'ai entendu la responsable d'Amnistie
38:25 dire il y a quelques jours que le temps de visiter les otages n'est pas venu.
38:27 Et on voit, c'est un secret de policinel,
38:29 on sait que le Hamas a ses bases dans tous les hôpitaux.
38:31 Je ne voudrais pas apprendre un jour
38:33 que les ONG savaient où étaient les otages
38:35 et ne sont pas allés les visiter.
38:37 Vous avez ce soupçon-là aujourd'hui ?
38:39 Moi, je ne sais rien.
38:41 Mais juste, quand je vois
38:43 une cage terroriste dans un hôpital
38:45 avec des sigles d'ONG,
38:47 il y a l'idée d'une...
38:49 Enfin, on connaît l'histoire de la Croix-Rouge,
38:51 en tout cas la communauté juive la connaît très bien
38:53 pour la Deuxième Guerre mondiale.
38:55 On n'aimerait pas savoir que la Croix-Rouge joue les prolongations ce coup-ci.
38:57 C'est un peu dur.
38:59 C'est dur, hein ?
39:01 Oui, mais le soupçon
39:03 tel que vous le portez là
39:05 est quand même très dur vis-à-vis d'ONG.
39:07 Vous n'apportez pas la charge de la preuve,
39:09 ce qui est quand même très jamblé.
39:11 Non, j'apporte une chose très concrète.
39:13 Donc certains sont morts.
39:15 J'apporte une chose très concrète.
39:17 Dans chaque demande de cesser le feu
39:19 depuis 7 octobre, la moindre des choses
39:21 aurait été qu'il y ait la libération des otages
39:23 dans la même phrase, et très souvent on ne l'a pas entendue.
39:25 Et dans la bouche de la représentante d'Amnesty,
39:27 le temps de visiter les otages n'est pas encore venu.
39:29 Qu'est-ce que ça veut dire, cette phrase ?
39:31 Les otages dans le Hamas disent ce soir
39:33 qu'il y avait une trêve de 5 jours, ils pourront en libérer 70.
39:35 Il y a déjà eu d'autres annonces du même genre du Hamas.
39:37 Ces 4 dernières semaines,
39:39 mais je vous donne la dernière information
39:41 qui nous arrive ce soir, qui est l'une des dernières informations.
39:43 Le chat du rabbin,
39:45 votre chat,
39:47 dans ce 12ème tome, il vient parler,
39:49 il revient à la Première Guerre mondiale
39:51 avec un certain nombre de personnages
39:53 qui reviennent dans ce tome-là
39:55 pour raconter leur Première Guerre mondiale.
39:57 Qu'est-ce qu'il peut apporter, ce chat-là ?
39:59 Puisque vous disiez qu'il y a une méconnaissance
40:01 malheureusement un peu généralisée
40:05 de ce qui a pu se passer de cette communauté-là,
40:07 de la communauté juive,
40:09 là c'est le chat d'un rabbin algérien,
40:11 mais qu'est-ce qu'il peut apporter, ce chat-là, votre chat ?
40:13 En fait, le chat a été inventé
40:15 après les Tours jumelles,
40:17 dans l'idée de refuser le choc des civilisations
40:19 et j'ai fait exprès de dessiner des Juifs qui ont l'air arabes.
40:21 Et j'ai fait exprès de dessiner des Juifs du Maghreb,
40:23 c'est-à-dire qu'ils ne viennent pas du Proche-Orient,
40:25 et qui sont obligés de transiger.
40:27 Et j'ai eu des jeunes filles qui sont venues me voir
40:29 à la sortie du premier, des jeunes filles maghrébines,
40:31 qui m'ont dit "on ne voulait pas lire ton livre de Juifs
40:33 mais finalement ça nous a plu, parce qu'on a vu
40:35 qu'ils sont aussi cons dans les familles juives que dans les familles arabes".
40:37 Et si je réussis à ré-enchanter
40:39 l'imaginaire maghrébin,
40:41 et à créer le sentiment
40:43 d'une proximité émotionnelle,
40:45 d'une proximité presque gustative,
40:47 plus que le compte philosophique,
40:49 là il y a une base. Moi je crois que la France a une chance extraordinaire,
40:51 c'est qu'elle a la plus grande communauté musulmane
40:53 et la plus grande communauté juive d'Europe.
40:55 Ça c'est un lieu pour du débat,
40:57 pour de la discussion, pour penser à un avenir.
40:59 Et je préfère être naïf et exagérément optimiste.
41:02 Je partage votre constat parfois.
41:05 Ils ont vécu ensemble en Algérie, très longtemps.
41:07 Oui, et c'était pas à Marrakech, mais ils ont survécu.
41:09 Mais ils ont survécu.
41:11 Et effectivement, et le chat nous renvoie aussi en Algérie.
41:13 Et quand vous parliez des communautés, les communautés se sont retrouvées.
41:15 On est capables aujourd'hui de se parler
41:17 autour d'une table à l'Elysée,
41:19 autour du président de la République,
41:21 toutes les communautés religieuses aujourd'hui se sont retrouvées,
41:23 ont parlé, elles n'ont pas forcément toutes
41:25 défilées ensemble hier, Péricole lisait tout à l'heure.
41:27 Et elles n'ont pas forcément envie d'être représentées par des religieux.
41:30 Ça aussi c'est intéressant.
41:32 Il y a une manière d'avoir une identité musulmane,
41:34 une culture musulmane ou une culture juive,
41:36 sans forcément vouloir un imam ou un rabbin
41:38 qui agite un drapeau.
41:40 Un peu de laïcité.
41:41 Un peu de syncrétisme ou de culture, pourquoi pas de la culture.
41:43 Oui, mais qui ?
41:44 On appelle ça la laïcité, c'est la façon de se développer.
41:46 Nous, dans un pays laïc, on a des représentants non religieux.
41:48 Bien sûr, la laïcité est l'instrument de l'amour entre les religieux.
41:51 Non, mais toutes les communautés n'ont pas nécessairement des représentants.
41:54 T'as des représentants laïcs, c'est ça le problème.
41:56 Voilà, mais tout le problème est là, justement.
41:58 C'est bien pour ça qu'on est une république laïque.
42:00 Et la laïcité a permis à ces gens-là d'y vivre ensemble pendant très longtemps.
42:03 Je crois que le vrai choc avec la nouvelle génération,
42:05 c'est qu'ils se voient comme des anglo-saxons,
42:07 comme un monde morcelé en communautés.
42:09 Le creuset français promettait autre chose.
42:11 Tout à fait, avec un consumérisme américain qui ne délèche pas les choses.
42:14 Je rappelle le 12ème tome du Chat du Rabbin,
42:17 La Traversée de la Mer Noire, c'est par Johannes Spahr,
42:19 aux éditions Poisson Pilote, chez Dargaud, évidemment.
42:22 Et le catalogue de cette exposition,
42:25 - On a du temps pour aller la voir. - Pardon ?
42:27 - On a du temps pour aller la voir. - Pour aller la voir ?
42:29 - Jusqu'en mai. - Ah oui, absolument.
42:31 Vous avez raison.
42:32 C'est au Musée des Arts... Je vais me tromper, évidemment.
42:36 - Histoire du judaïsme. - Voilà.
42:37 Musée d'Art et d'Histoire du judaïsme à Paris.
42:39 Merci beaucoup, Johann Spahr, d'avoir été notre invité ce soir.
42:42 Et merci d'avoir dédicacé aussi le Chat du Rabbin.
42:44 Merci à vous d'avoir été là.