Xavier Le Contour, professeur de santé publique et élu d’opposition à Caen, appelle à une modification des habitudes agricoles développées depuis 20 ans. Trop de prairies ont disparu et la qualité de l’eau en subit les conséquences, estime-t-il sur France Bleu.
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00:00 Et bienvenue à vous si vous nous rejoignez les 8h15 dans le système de France Bleu.
00:04 Notre invité ce matin, Didier Charpin, Xavier Le Coutour, élu d'opposition à la mairie de Caen et professeur de santé publique.
00:10 Xavier Le Coutour, bonjour. Vous venez de réagir à ce problème de chlorothalonil,
00:15 ce résidu de pesticides détecté dans l'eau du robinet distribué dans une vingtaine de communes à l'ouest de l'agglomération canaise.
00:21 La liste complète est sur notre site francebleu.fr.
00:25 L'eau n'est pas totalement propre, pour autant elle n'est pas déclarée impropre à la consommation. Est-ce logique ?
00:31 Je dis que les chiffres qu'on nous annonce sont des clignotants.
00:36 Ce sont des clignotants qui nous montrent, et on le savait déjà quand même, que le système fonctionne mal,
00:42 et en particulier avec la présence des pesticides et des métabolites dans l'eau que nous buvons.
00:48 Alors revenons sur ces chiffres, quand on n'est pas scientifique, 9 microgrammes par litre c'est pas très parlant.
00:53 Vous êtes professeur de santé publique, on consomme de l'eau du robinet ou pas ?
00:57 Oui.
00:58 D'accord, sans crainte.
01:00 Je pense qu'il ne faut pas vouloir donner à ces chiffres, plus qu'ils ne disent.
01:06 Ces chiffres indiquent uniquement que quelque chose ne fonctionne pas dans le système,
01:12 et qu'il est nécessaire maintenant d'essayer de comprendre le risque pour la population,
01:18 et ça le ministère et les agences de santé sont en train de l'étudier.
01:22 On ne le connaît pas à ce jour ?
01:23 On ne le connaît pas.
01:24 A mon avis il est probable, mais il est encore à définir.
01:28 Il faut le quantifier, c'est ça ?
01:29 Il faut le quantifier, et il faut définir aussi les populations les plus fragiles.
01:33 En revanche, ce que ce chiffre nous dit, c'est qu'il est important et urgent d'agir sur la cause,
01:40 et c'est ça qui peut être anxiogène.
01:42 Nous dire "il y a un risque", on peut l'entendre.
01:46 Nous dire "il faut mélanger les eaux, mettre des eaux polluées avec des eaux moins polluées,
01:52 pour avoir quelque chose de plus acceptable".
01:54 C'est la solution envisagée pour l'instant par Nicolas Joyot, le président ?
01:58 Je pense qu'il a raison de le dire, mais on n'a pas raison de se limiter à cela.
02:04 Il faut absolument aller au-delà de cette solution qui n'est pas satisfaisante,
02:08 qui n'est pas suffisante, et aller sur la cause.
02:12 Alors la cause ?
02:13 Alors la cause, c'est les pesticides, ce n'est pas un scoop.
02:16 Mais derrière les pesticides, il y a des agriculteurs, il y a un monde économique,
02:24 il y a un lobby extrêmement puissant, et qu'il faut accompagner pour le faire évoluer.
02:29 Je pense que sur cette question, on a un combat à mener,
02:34 qui est celui à la fois d'une vérité sur les causes,
02:38 et d'un courage politique pour affronter ces lobbies politiques.
02:41 C'est quoi le courage politique ? C'est demander à des agriculteurs de basculer vers du bio ?
02:45 C'est de renoncer ?
02:46 C'est de les aider, c'est de les aider à basculer sur le bio.
02:49 D'accord.
02:50 Comment on fait ?
02:51 Financièrement.
02:52 Vous avez des aires de captage qui sont importantes,
02:54 il y en a une, celle d'Euro, que vous avez citée, qui est très touchée par cette question-là.
03:00 Moi je propose deux choses.
03:02 Premièrement, aidons les agriculteurs qui le souhaitent.
03:05 Et il y en a, et il y en a beaucoup, à évoluer vers le bio,
03:08 c'est-à-dire changer leur pratique.
03:10 Ce sont des céréaliers dans le secteur.
03:12 C'est un courage politique qu'il faut, mais aussi de l'argent.
03:15 Et donc c'est là que les choses se posent.
03:17 Mais c'est pas du tout du délire de ma part.
03:20 La région parisienne, l'agence de l'eau de Paris,
03:23 a accompagné les agriculteurs,
03:25 a fait évoluer 16 000 hectares de labours en prairie,
03:29 avec des pratiques de bio.
03:31 Donc ça c'est quelque chose qu'il faut faire.
03:33 On a pris le chemin inverse dans le Calvados,
03:35 26% de prairie transformée en surface céréalière.
03:38 - D'où je parlais, depuis 20 ans,
03:40 26% des aires de prairie ont été transformées en aires de labours.
03:43 L'aire de labours c'est quoi ?
03:45 C'est de l'agriculture intensive céréalière.
03:49 Et ça, ça nécessite, si on suit les préconisations, des pesticides.
03:54 Et donc, la deuxième chose qu'il faut faire, et c'est important,
03:57 c'est de reconvertir les aires de labours en aires de prairie.
04:01 Changer le modèle économique.
04:03 Et ça, ça ne se décrète pas comme ça.
04:05 - En particulier, prennent des zones de captage ?
04:07 - En particulier, près des zones de captage...
04:09 - La zone de captage d'Euro, il faut la condamner ?
04:11 - Alors, la zone de captage d'Euro, moi je pense que,
04:14 les dosages d'octobre 2023, il y a un dosage qui était à 9 microgrammes.
04:19 Je pense que là c'est trop.
04:21 Il faut mettre ce pompage de côté,
04:23 ne pas l'utiliser, le surveiller,
04:25 et si le taux diminue, le remettre dans le circuit.
04:29 Je crois qu'il y a des...
04:31 On en a déjà supprimé des aires de captage.
04:34 C'est une des limites du système.
04:36 Je pense que le système de mélange des eaux
04:38 que préconise et que met en oeuvre M. Joyot,
04:41 a ses limites.
04:42 - Le président du syndicat ?
04:43 - Le président du syndicat, je pense qu'il faut le faire,
04:45 et qu'il a raison de le faire.
04:47 Mais si on n'envisage pas de traiter la cause,
04:49 on va dans le mur.
04:51 - Vous sensibilisez qui là-dessus ? L'ARS, la préfecture ?
04:53 - L'ARS et la préfecture.
04:55 - Sont-elles sensibles, ces institutions ?
04:57 - C'est pas le syndicat des eaux qui est responsable,
04:59 c'est l'ARS et la préfecture qui doivent mettre en oeuvre
05:01 les circulaires ministériels
05:03 qui imposent de reconvertir
05:05 certaines aires de labours en prairies.
05:07 Et là, on va revenir vers un système vertueux,
05:10 mais beaucoup plus acceptable pour la population.
05:13 Je pense qu'il y a là un enjeu politique majeur.
05:17 Alors, cet enjeu, il est à l'échelle de l'Europe.
05:19 Il y a 19 ans, avec certains collègues,
05:23 nous avons publié un article
05:25 sur les risques des perturbateurs endocriniens
05:28 qu'on trouve dans l'eau,
05:29 sur le cancer du sein de la femme.
05:31 La circulaire européenne,
05:33 il y a deux semaines,
05:35 la circulaire Riche a mis une croix
05:38 sur le contrôle de ces produits chimiques dangereux.
05:40 Parce qu'au nom de la compétitivité économique,
05:43 on accepte maintenant
05:45 des produits chimiques qui peuvent être détectés.
05:48 - Là, des symboles, le glyphosate,
05:50 officiellement interdit, mais on prolonge l'utilisation par dérogation.
05:52 - Par exemple, je crois qu'il y a là...
05:54 Il faut prendre conscience que c'est pas gagné.
05:56 Et je crois que, là aussi, il faut absolument
05:59 pour rassurer la population,
06:01 montrer par des mesures tangibles, réelles,
06:05 qu'on agit sur la cause, et pas uniquement
06:07 par des palliatifs, que sont les mélanges des eaux.
06:10 - C'est un clignotant qu'on découvre cette semaine.
06:12 En attendant, on peut, estimez-vous,
06:14 vous, professeur de santé publique, boire l'eau du robinet.
06:16 - Oui, je la bois.
06:18 Je crois que la question qui est de,
06:22 par exemple, d'utiliser de l'eau en bouteille en plastique,
06:25 me paraît une illusion.
06:27 En gros, remplacer une pollution par une autre.
06:29 Et là, je crois qu'il faut aussi sortir des fantasmes,
06:34 mais être courageux sur l'attaque, sur les causes.
06:37 Et c'est ça qui me paraît vraiment essentiel à annoncer.
06:40 - Et c'est le message qu'il faut passer ce matin,
06:42 Xavier Lecouteau, rélu d'opposition à la mairie de Caen.
06:44 Merci. - Au revoir.