BE SMART - Emission du samedi 18 novembre

  • l’année dernière
Samedi 18 novembre 2023, BE SMART reçoit Wilfrid Galand (Directeur stratégiste, Montpensier finance) et Laurence Daziano (économiste, Sciences Po)

Category

🗞
News
Transcript
00:00 [Musique]
00:07 Salut à tous, c'est Bismarck. On est reparti pour une demi-heure de débat, de discussion autour de l'actualité géopolitique, particulièrement centrée sur la Chine.
00:19 Tiens, tenez, on va prendre pour accroche le sommet de l'Asie pacifique. La semaine dernière, rencontre entre Xi Jinping et Joe Biden. Qu'est-ce qui se passe ? Est-ce que c'est un signe de rapprochement ?
00:29 Alors qu'on parlait de guerre froide. On va voir ça, c'est parti, c'est Bismarck.
00:34 [Musique]
00:39 Et pour parler de tout ça, Laurence D'Asiano est avec nous. Salut Laurence, prof à Sciences Po, Wilfried Galland, salut Wilfried.
00:45 Bonjour Stéphane.
00:46 Tu mériterais d'être prof à Sciences Po.
00:48 Merci, merci, c'est un très beau compliment. J'ai été élève.
00:52 Je ne sais pas, ça l'a été à une époque. Je ne sais pas comment ça tourne Sciences Po. On va laisser Laurence prendre le cinquième amendement, tu sais, et ne pas s'exprimer sur un sujet qui pourrait l'amener dans des difficultés personnelles.
01:06 Mais je ne sais pas. Wilfried Galland, donc, non, j'en sais rien, pardon pour cette plaisanterie idiote. Wilfried Galland, donc, stratégiste, mon pensier, finance.
01:14 Laurence, qu'est-ce qui se passe ? Pourquoi est-ce que Xi Jinping va voir Joe Biden ? Enfin, il va voir Joe Biden, il va à un sommet de l'Asie-Pacifique qui se déroule à San Francisco.
01:24 OK. Il y va tout le temps dans les sommets de l'Asie-Pacifique ? C'est-à-dire, il aurait pu éviter d'y aller parce que c'était à San Francisco ?
01:32 Il aurait pu éviter d'y aller, mais je crois que tous les deux avaient vraiment intérêt à se rencontrer. Ils ont sur leurs agendas personnels, tous les deux, le besoin, la nécessité de se rencontrer.
01:43 Xi Jinping, et on y reviendra, parce qu'il a quand même besoin de s'assurer que son économie ne va pas être totalement à l'arrêt.
01:52 Et il a encore besoin des Américains. Il a encore besoin... C'est le marché. On en reviendra avec Wilfried. Son marché, l'excédent commercial chinois vis-à-vis des États-Unis, je crois, n'a jamais été aussi important.
02:06 Donc il a besoin du marché américain. Il a besoin de la technologie américaine. Or, elle devient rare. Il a besoin... Et on voit d'ailleurs que tous les acheteurs chinois essaient d'acheter toutes les puces qu'ils peuvent trouver dans le monde, quel que soit le marché, parce qu'ils ont besoin de cette technologie américaine.
02:22 Les Chinois ont également besoin de financement. Or, les financements américains se sont asséchés. Les entreprises chinoises sont beaucoup parties de la bourse de New York, parce que les règles font que quand on est à la bourse de New York, il faut pouvoir ouvrir ses comptes, et que les entreprises chinoises qui étaient listées, elles n'avaient pas forcément envie d'ouvrir leurs comptes aux analystes américains.
02:45 Et puis de l'autre côté, Joe Biden, lui, il avait déjà fort affaire en Europe avec la guerre en Ukraine. Maintenant, il a fort affaire au Moyen-Orient avec le conflit israélo-palestinien. Il n'a pas envie d'ouvrir un troisième front sur Taïwan. Donc ils avaient intérêt à se parler.
03:08 En termes de politique intérieure, selon les postures, selon ce qui est repris par les médias de chaque côté, c'est de montrer qu'on y est allé, mais qu'on est resté ferme, et que pour autant, on discute, et que s'il y a un problème, c'est toujours la faute de l'autre, mais que nous, on y est allé.
03:24 Et donc ça les renforce aussi sur le plan intérieur. Donc ils avaient tout intérêt à se parler. Xi Jinping a snobé la dernière réunion du G7, ou du G20, non c'était le G20, parce qu'il avait des petits problèmes intérieurs. Il n'y est pas allé. Il a envoyé son Premier ministre.
03:43 Il y avait aussi une autre réunion à laquelle il n'était pas allé. Donc là, s'il y va, c'est qu'il a vraiment envie d'y aller. Il y accorde de l'importance.
03:52 - Il y accorde de l'importance et tu nous as dit pourquoi. Tu confirmes tout ça ? J'ai lu la mise en place d'une ligne directe. Ça fait furieusement penser au Teletip Rouge après les missiles de Cuba.
04:04 Je ne sais pas si c'est une si bonne nouvelle que ça. Ça veut dire qu'en tout cas, les armées en ce moment sont géographiquement, on va juste dire géographiquement, sur des points de confrontation qui font qu'il y a besoin d'une ligne directe express, automatique au cas où.
04:20 - Oui, mais justement, elle n'existait plus et une des craintes qu'on pouvait avoir, c'était une certaine guerre par inadvertance, par erreur. Et donc ça limite aujourd'hui le risque d'erreur. Je pense que c'est une bonne nouvelle.
04:32 - Si tu crains une guerre par inadvertance, ça veut dire que les canons sont chargés.
04:36 - Ça veut dire que, effectivement, évidemment, dans le détroit de Taïwan, on sait que c'est une zone de confrontation évidente. Je pense que les deux ont des soucis à la fois géopolitiques et économiques.
04:48 - Géopolitique, on y reviendra. Je pense qu'effectivement, Joe Biden n'a qu'une envie, c'est que la Chine joue de son rôle stabilisateur au Moyen-Orient, au Proche-Orient, ce qui, pour l'instant, a plutôt été le cas. Et donc, surtout ne pas changer ça.
05:04 Conserver cette puissance qui a tout intérêt, ce qu'il n'y ait pas d'embrasement, qui a dans ces rares faits d'armes diplomatiques la réconciliation, en tout cas dans les images entre l'Arabie saoudite et l'Iran.
05:15 - Oui, il faut expliquer ce lien qui est super important, Wilfried. On reviendra, mais j'y tiens parce qu'après, on va oublier. Effectivement, la Chine a les moyens de faire pression sur l'Iran parce que la Chine est le seul débouché aujourd'hui pour le pétrole iranien.
05:30 - Et le fait d'armes diplomatiques de la Chine, il n'y en a pas beaucoup parce que la Chine ne s'expose pas énormément dans les conflits internationaux. Le fait d'armes, c'est effectivement d'avoir mis autour de la table les deux ennemis sunnites et chiites, les Saoudiens d'un côté.
05:47 - C'est considérable comme fait d'armes. Il ne faut pas prendre ça à l'aile. Non, mais tu dis le seul fait d'armes comme si c'était genre... Ça montre que les Iraniens sont quand même les mains liées devant la volonté chinoise et qu'ils n'ont pas le choix.
06:02 - Là où je dis le seul fait d'armes, je pense qu'il ne faut pas le surinterpréter non plus. C'est-à-dire qu'on a eu de très belles images. On n'a pas eu non plus de signatures, de traités commerciaux, de représentations. Enfin voilà, on a eu un premier pas très important. C'est pour ça que je disais le seul point.
06:18 - Ça permet quand même aujourd'hui à l'Arabie saoudite de garder dans cette situation qui est quand même une situation un peu complexe, de garder un rôle de pivot qui d'une manière surprenante d'ailleurs, quand on se plonge 4-5 ans en arrière, apparaît comme une voie d'apaisement.
06:39 - Et je pense que les Saoudiens aujourd'hui soient considérés par l'ensemble de la région, Israéliens compris, comme une voie d'apaisement. Et c'est pas mal si c'est autour d'eux que se centralise l'ensemble des négociations qui vont devoir s'ouvrir à un moment ou à un autre.
06:51 - Ça, qu'on le veuille ou non, c'est le fait des Chinois quand même. Quand on remonte tout le fil.
06:55 - La Chine a cet aspect stabilisateur. Donc ça c'est un point important. L'autre point c'est qu'on va parler évidemment des enjeux économiques de Xi Jinping qui sont très importants.
07:06 Les enjeux économiques de Joe Biden sont également très importants. Quand on voit dans les sondages aujourd'hui sur la présidentielle américaine, là l'élément qui lui est reproché à Joe Biden, dans l'électorat, en particulier l'électorat des fameux états clés sur lesquels tout le monde se focalise,
07:21 c'est une situation économique qui est moins favorable dans la perception des électeurs que ce qu'elle était il y a un an. Et donc il a tout intérêt, étant donné que les liens malgré tout entre la Chine et les Etats-Unis, les liens commerciaux restent très importants.
07:33 En relatif, ils ont tendance à baisser, mais en absolu ils ont tendance à l'inverse à progresser. En relatif, ils baissent effectivement les liens entre la Chine et les Etats-Unis.
07:41 Mais il a tout intérêt à ce que ce débouché très important pour la Chine, mais aussi ce lien très important entre les Etats-Unis et la Chine, continue à fonctionner pour justement que l'économie puisse tourner et ne pas, par exemple...
07:56 - Il a besoin des produits chinois pas chers quoi, pour le dire.
07:58 - Et justement, et ne pas forcer le Congrès par exemple à adopter, imaginons, de nouveaux tarifs supplémentaires, de nouvelles taxes supplémentaires à l'importation qui feraient remonter l'inflation et qui le dégraderaient encore dans les sondages.
08:10 Donc je pense que l'enjeu est double, à la fois géopolitique, force de stabilisation dans un moment très compliqué, et également stabilisation économique pour les deux.
08:18 - Quand tu dis "relatif absolu", c'est-à-dire, parce que tu disais, vous disiez, le déficit commercial américain n'a jamais été aussi important vis-à-vis de la Chine, mais ça c'est un chiffre brut qui ne tient pas compte de l'inflation, qui ne tient pas compte de l'augmentation globale de l'ensemble du commerce ?
08:32 - Quand on regarde l'ensemble des partenaires de l'économie américaine, en relatif, le poids de la Chine est en train de baisser.
08:40 - Au profit du Mexique ?
08:42 - Au profit du Mexique et d'autres pays, surtout d'Asie, en particulier le Vietnam, les Philippines, mais au-delà de ça, les chiffres bruts de commerce, de biens entre les deux, là aussi, ont tendance à monter.
08:54 En revanche, plus, et je rejoins tout à fait ce qu'a dit Laurence, plus dans les domaines les plus importants pour l'économie chinoise, c'est-à-dire qu'effectivement, dans les domaines technologiques, ça devient très très dur d'avoir des relations avec la Chine, et là aussi, l'enjeu est très très important pour Xi Jinping.
09:14 - Et on peut espérer une détente de ce côté-là, on n'en sait rien.
09:16 - Dans une année électorale, c'est compliqué quand même.
09:19 - Oui, voilà, l'année électorale qui vient, il ne faut pas oublier.
09:22 - L'année électorale qui va être très... Je ne sais pas, Trump a tellement de dossiers, j'ai l'impression qu'il laisse la Chine tranquille.
09:31 Je suis en train de réfléchir pendant que je vous parle, parce que le type me fascine, on n'est pas le seul, je suis très près de tout ce qu'il raconte, peu importe, c'est un défaut, c'est un vice, sans doute.
09:43 J'ai l'impression qu'en ce moment, il laisse de côté les Chinois.
09:46 Bon bref, je referme la parenthèse.
09:48 - À mon avis, c'est conjoncture.
09:50 - Oui, c'est conjoncture.
09:52 - Il a tellement de sujets juridiques qu'en fait, il se concentre sur ce qu'il appelle les ennemis intérieurs et la vermine intérieure, ce qui est quand même une expression qu'il s'agit de méditer à sa juste valeur.
10:05 - C'est fascinant.
10:07 Il a des sujets intérieurs, Laurence.
10:11 Je rappelle que, je ne sais pas si tu restes convaincue, mais tu es l'une de celles qui est convaincue que de toute façon, à un moment ou à un autre, lui, et plutôt dans pas très longtemps, réglera le sort de Taïwan.
10:27 Tu restes convaincue que c'est quand il se réveille le matin au sommet de son agenda.
10:33 - Je reste convaincue que pour les dirigeants chinois et notamment pour Xi Jinping, j'avais dit 2027 parce que c'est l'année du centenaire de l'armée populaire chinoise.
10:53 Après, il y a aussi 2049 qui est le centenaire de la République populaire chinoise.
11:00 Il ne peut pas y avoir un élément qui soit électron libre dans le tout qu'est la grande Chine au moment où il va y avoir ses anniversaires.
11:11 Et quand on regarde ce qu'on dit 2024 année électorale, il n'y aura pas que les États-Unis, il y a Taïwan aussi.
11:17 Et à Taïwan, il y a plusieurs candidats.
11:20 Il y a le patron de Foxconn qui a dit qu'il était candidat.
11:25 Bizarrement, Foxconn a affaire à beaucoup d'enquêtes en Chine continentale parce que visiblement, ils ne sont pas conformes sur beaucoup de choses dans leurs usines.
11:34 Donc là, c'est la machine, comme pour Alibaba, la machine qui s'est mise en route, qui se remet en route pour voir comment le politique peut casser l'économique.
11:45 Et puis, il y a d'autres candidats. Et le fait que le prochain président soit peut-être moins versé vers l'indépendance comme l'est la présidente actuelle,
11:56 et soit peut-être plus conciliant, ça va pouvoir aussi jouer.
12:00 Donc pour moi, Taïwan se rapprochera de la Chine ou bien par la force.
12:06 Mais encore une fois, la force, comme je l'avais expliqué, ce n'est pas forcément les soldats chinois qui vont être parachutés.
12:13 Même si la Chine entraîne beaucoup son armée dans des bases en Mongolie et ailleurs.
12:19 Ça peut être un blocus économique, ça peut être un blocus électronique, électromagnétique, et alors là, il n'y a plus rien qui passe.
12:27 Donc ça, c'est la manière un peu plus forte qui viendrait de la Chine, ou bien une manière un peu plus douce qui va être petit à petit un rapprochement.
12:34 Parce que vous aurez à un moment un président ou un pouvoir taïwanais qui lui-même sera plus enclin ou verra plus d'avantages ou peut-être moins d'inconvénients à aller vers la Chine que de rester indépendant.
12:47 Mais je vois mal, depuis 10 ans que Xi Jinping est au pouvoir, il ne fait qu'accroître la main de l'État sur l'économie, sur la société.
13:00 Et Taïwan est une épine pour le pouvoir chinois depuis le début.
13:07 Je ne vois pas pourquoi il renoncerait.
13:10 La manière dont il le fera, plus ou moins forte, plus ou moins douce, plus ou moins...
13:15 Le timing a un moment anniversaire, mais il y arrivera.
13:21 Et sa situation politique aujourd'hui, on en avait parlé d'ailleurs dans des situations différentes, mais ensemble, ce geste que moi je continue à trouver très impressionnant,
13:32 de ne plus donner les statistiques de chômage des jeunes parce que ça devenait indicible.
13:37 Naïvement, je me dis, mais enfin, les Chinois ne peuvent pas tout simplement truquer les statistiques ?
13:45 Pourquoi est-ce qu'ils ont besoin de les supprimer purement et simplement ?
13:49 Non, visiblement, il y a des choses là qui leur échappent, et notamment le fait de truquer les statistiques.
13:55 Bref, est-ce que la situation là...
13:57 Ils publient de moins en moins de statistiques d'ailleurs.
13:58 Oui, mais c'est...
13:59 Ils publient de moins en moins de statistiques économiques, c'est très frappant.
14:01 À mesure que la situation se dégrade.
14:03 Déjà, en fait, depuis l'arrivée au pouvoir de Xi Jinping, en fait, depuis, en gros, depuis 2013, 2012, 2013,
14:11 on a une baisse continue du nombre de statistiques économiques chinoises qui sont publiées.
14:19 Et donc ça ne date pas uniquement de la dégradation de la situation, c'est la volonté, en fait, de plus en plus,
14:24 soit, pour certains positifs disent, de se recentrer sur l'essentiel,
14:28 soit de jeter un voile pudique sur des éléments qui ne sont pas nécessairement des éléments sur lesquels le pouvoir veut communiquer.
14:35 Mais pourquoi ils ne les trafiquent pas, bon Dieu, enfin ?
14:37 En fait, c'est une question également d'honneur pour eux.
14:40 C'est-à-dire, il ne s'agit pas de dire "le pouvoir a besoin de masquer", non, le pouvoir juste ne publie plus...
14:46 - Il n'y a pas de village Potemkin.
14:47 - Exactement, le pouvoir ne publie plus, donc il n'y a plus de problème.
14:51 C'est un vérité de sujet.
14:54 Et effectivement, pour reprendre ce que disait Laurence, moi, ce qui me marque énormément,
14:58 c'est, on en parle souvent Stéphane, entre nous, le premier des 14 principes de Xi Jinping dans la Constitution.
15:05 Il faut assurer le leadership du parti communiste chinois sur toute forme d'organisation sociale en Chine.
15:10 Évidemment, il est hors de question qu'il y ait quoi que ce soit qui dépasse.
15:14 Il faut assurer le leadership du parti communiste, surtout.
15:17 Et donc, quand en plus il y a un pays qui peut échapper au parti communiste en étant en Chine,
15:23 sachant que l'invention du territoire chinois est assez récente, mais maintenant il l'a véritablement intégré,
15:28 moi ce qui m'a marqué, c'est que quand on se plonge dans certains écrits chinois,
15:32 en 1942 le peuple taïwanais était considéré par le peuple chinois comme un peuple différent.
15:35 1942, ce n'est pas il y a deux siècles.
15:38 Donc on voit que le discours comme quoi la Chine de toute éternité,
15:42 la Taïwan de toute éternité fait partie de la Chine est un discours intéressant.
15:45 On va faire venir Frédéric Ancel et un bouquin entier sur les frontières.
15:48 Mais c'est intéressant de voir comment...
15:51 Les frontières sont l'application de la politique, la plus pure expression de l'application de la politique, évidemment.
15:56 Mais c'est intéressant, ça veut dire que la Chine hésite toujours entre...
16:01 A la fois une approche aujourd'hui qui est très une approche nationale,
16:04 état-nation quasiment ethnique, les Han, etc.
16:07 et une approche historique centrée sur la notion d'empire avec des états qui font allégeance.
16:13 Et en fait on a toujours cette espèce de balancier dans la politique chinoise
16:17 entre d'un côté le côté très centralisateur et le côté finalement on est tous ensemble mais je suis au centre de tout.
16:24 Ce qui m'a toujours marqué c'est la fameuse phrase du ministre des affaires étrangères chinois,
16:29 je crois que c'était à un sommet de l'ASEAN en 2010 de mémoire,
16:32 disant au ministre des affaires étrangères de Singapour "La Chine est un grand pays, tous les autres sont des petits pays, c'est un fait".
16:37 (rires)
16:39 Le décor est planté.
16:41 Là on est tranquille.
16:43 On dirait du De Gaulle mal digéré, tu sais.
16:46 C'était le début.
16:51 Mais revenons sur la situation intérieure.
16:54 On en parlait ensemble, Laurence, post zéro Covid, etc.
16:57 Quand il avait finalement tout lâché, il dit "débrouillez-vous, on remplit les hôpitaux, on fait mourir les vieux, etc.
17:03 j'en peux plus de cette histoire".
17:05 Et on avait dit "là ça tangue".
17:07 Bon, visiblement ça ne tangue plus.
17:09 Ou en tout cas on n'en entend plus parler.
17:11 Ça encore c'est une conviction personnelle que j'ai déjà exprimée sur ton plateau.
17:15 Moi je pense que ça tangue quand même un petit peu.
17:19 Parce que parmi les gestes qui sont mémorables, il y avait quand même la sortie de Hu Jintao du fameux Congrès du Parti Communiste.
17:28 Absolument.
17:29 Là qui était la nécessité de montrer à la face du monde qui était le chef.
17:34 Donc ça voulait dire qu'il y avait besoin de le montrer.
17:37 Donc c'était peut-être pas évident pour tout le monde.
17:39 Donc ça quand même, ça montrait qu'il y avait peut-être eu des dissensions en interne.
17:46 Parce que nous on voit le Parti Communiste chinois comme quelque chose de monolithique.
17:50 Mais derrière ça, ça discute.
17:52 Alors pour ceux qui ont tort, ça ne se passe pas toujours très bien après.
17:55 Mais il y a de la discussion quand même.
17:57 Il y a eu également cet été...
17:59 Un débat en jeu on va dire.
18:00 Voilà. Il y a eu également cet été, à la fin de l'été, les hauts dirigeants communistes se réunissent tous dans la petite île du Hénan dans le sud de la Chine.
18:10 Et là, cette année, on a eu des retours qui disaient...
18:15 Alors moi je lis un peu la presse asiatique, notamment le Nikkei, qui disait que ça ne s'était pas bien passé du tout pour Xi Jinping.
18:22 Et qui disait également que la vieille garde, et notamment la vieille garde militaire, s'en serait pris frontalement à Xi Jinping pendant ce conclave qui a lieu tous les ans.
18:36 Et que donc Xi Jinping aurait été un peu ébranlé.
18:39 C'était une des raisons pour lesquelles il ne serait pas allé au G20 à Bali ensuite.
18:44 Donc il y a quand même de la contestation en interne.
18:49 Je pense que le pouvoir de Xi Jinping, il est en train de le resserrer.
18:53 Donc la lutte anticorruption, tout le monde avait vu que c'était bien pour éliminer en interne du parti la frange qu'il ne suivait pas.
19:02 C'est-à-dire plutôt la frange des héritiers du parti communiste plutôt que les héritiers Prince Rouge.
19:07 Hu Jintao faisant d'ailleurs partie de cette mouvance.
19:10 L'ancien Premier ministre Li Keqiang qui vient de décéder, qui aussi faisait partie de cette mouvance.
19:19 Et pour moi la contestation est aussi importante.
19:23 Parce que pour en venir à Li Keqiang qui est mort jeune, il avait 68 ans, de manière très...
19:29 Enfin vraiment, personne ne s'y attendait.
19:32 En Chine, il y a eu tout un mouvement de recueillement qui n'était pas officiel, qui n'était pas instrumentalisé par le parti qui a essayé après de récupérer.
19:42 Mais la seule façon qu'ont eu les Chinois, de ce que j'en interprète, de manifester contre Xi Jinping, c'était de rendre un hommage appuyé à Li Keqiang,
19:55 à sa demeure, en portant des fleurs, en portant le deuil, alors que rien n'avait été décidé, ce n'était plus un personnage public.
20:02 Il n'était même plus un personnage politique important puisqu'il avait été démis de toutes ses fonctions.
20:09 Mais il y a eu pendant une semaine des hommages appuyés de la population sans qu'il y ait d'appel du parti, sans que ce soit orchestré par le parti.
20:17 Et il était connu comme étant un opposant notoire, enfin un opposant à Xi Jinping.
20:23 Il a même été vu un moment comme son dauphin.
20:27 Les Chinois trouvent le moyen de protester.
20:32 Donc vous avez une partie de l'élite qui proteste cet été lors du conclave dans le Hainan.
20:38 Et vous avez la population chinoise qui, quand elle trouve un moment pour manifester ou pour exprimer un certain mécontentement, le fait.
20:48 Une île qui soit dite en passant est une station balnéaire, paraît-il, extraordinaire.
20:52 Tout à fait.
20:53 Et je discutais récemment, je lui ai appris ça.
20:55 En fait, je fais très franc, je ne connaissais pas son existence.
20:59 Et le paradoxe, mais on est au cœur de la Chine, donc c'est là où se réunissent effectivement les dignitaires du Parti communiste.
21:06 Et c'est le premier site de chiffre d'affaires de LVMH.
21:12 Cet île est aujourd'hui l'un des poumons du business mondial de LVMH.
21:22 Ça résume bien la situation quand même.
21:25 Elle a remplacé Hong Kong comme centre de shopping pour les Chinois.
21:27 Bref, situation économique, Phil Freed ?
21:34 Je pense que c'est on est exactement dans cette continuité d'un pouvoir qui cherche à se relancer.
21:43 Moi, ce qui m'a beaucoup marqué, c'est effectivement une langueur de l'économie chinoise très importante depuis plusieurs mois, caractérisée en particulier par.
21:53 Alors, je n'aime pas ce terme de déflation, mais en tout cas, une baisse des prix depuis plusieurs mois, une baisse des prix à la consommation.
22:00 C'est quand même un des rares endroits dans le monde où les prix à la consommation diminuent.
22:04 On a des baisses extraordinairement significatives.
22:07 Pourquoi ? Parce qu'il y a un ralentissement de la consommation ?
22:09 Parce qu'on avait un ralentissement global de la consommation.
22:12 On avait parce qu'on a eu tout dernièrement des signaux qui montreraient qu'on peut commencer à penser, très prudent, qu'on se relance un peu de ce point de vue là.
22:23 Et pourquoi est-ce que c'est important ?
22:25 C'est parce que les Chinois, très longtemps, ont refusé toute relance intérieure.
22:31 On refusait toute relance de la consommation intérieure.
22:33 Pour Xi Jinping, ce qui s'est passé en 2008 est considéré comme étant une erreur majeure.
22:39 C'est-à-dire la relance profonde, puissante de l'économie, à la fois dans son volet industriel et dans son volet consommation,
22:46 est considérée comme un volet du consumérisme à l'occidentale, et donc doit être combattue par le socialisme à visée chinoise.
22:54 Et c'est purement idéologique, parce qu'économiquement, ils en auraient évidemment les moyens de considérer une relance facile.
22:59 Et alors ce qu'on voit quand même, c'est que depuis quelques semaines, on a une certaine inflexion,
23:04 alors qu'il ne dit pas évidemment son nom et qu'il ne dit pas qu'on va relancer la consommation,
23:07 mais on a quand même eu l'annonce d'un plan de 1000 milliards de bannes.
23:11 Alors 1000 milliards de bannes, ça fait 127 milliards de dollars, mais malgré tout, à l'échelle de l'économie chinoise, ça commence à être relativement significatif.
23:20 - On passe à peine un dixième de ce que font les américains. - Bien sûr, mais jusqu'à présent, il n'y avait jamais eu cette relance directe.
23:29 Jusqu'à présent, on était toujours dans des relances indirectes. On passait par les pouvoirs locaux,
23:34 on passait par des entreprises d'État qui étaient sommées d'aider ce fameux secteur immobilier.
23:39 Là, on a une relance directe. Et ce qu'on commence à voir, là aussi, il faut le confirmer,
23:45 c'est qu'on commence à avoir peut-être un début de retour d'une certaine forme de consommation en Chine,
23:51 et peut-être d'un peu plus d'optimisme du secteur privé.
23:55 Moi, ma crainte, c'est qu'effectivement, le secteur privé soit définitivement cassé
24:00 par la volonté des autorités, clairement exprimée et clairement mise en œuvre, de mettre tout sous le jour du Parti communiste.
24:07 Là, peut-être qu'on voit depuis quelques semaines, quelques jours, à peine quelques semaines, plutôt quelques jours,
24:14 les premières fleurs qui s'épanouissent, que 100 fleurs éclosent.
24:20 - Oui, mais ça a mal fini. - Oui, ça a mal fini.
24:22 - Ça a mal fini. - Justement, voilà. Donc peut-être que ça va le finir.
24:24 Mais en tout cas, moi, mon espoir pour l'économie mondiale, c'est qu'effectivement, les prévisions,
24:30 pourtant ce ne sont pas des as sans prévision, mais du FMI se confirment, c'est-à-dire qu'ils viennent de revoir à la hausse,
24:35 c'est la première fois depuis très longtemps qu'ils revoient à la hausse leurs prévisions de croissance chinoises
24:38 et que ça pourrait nous éviter une récession mondiale. Mais en tout cas, le problème économique chinois est un problème profond,
24:43 un problème de confiance des entreprises et des ménages privés.
24:46 - Mais en fait, ce que tu m'apprends là, me semblait inimaginable finalement, qu'il y ait encore quelque part dans le monde,
24:55 et alors pas n'importe où en plus. - Une déflation.
24:57 - Non, non, non, ça à la limite. Non, un pouvoir qui idéologiquement veuille casser le secteur privé.
25:04 - Ah ben, en fait... - Ah oui, non mais... Je suis ravi, vous me l'apprenez.
25:10 - Quand on écoute les dictionnaires de Xi Jinping, il dit, il faut, en anglais, "embrace", donc accepter avec joie l'amertume,
25:19 qui est le premier pilier de la grandeur. - Oui, c'est ça, manger le pain noir.
25:24 - Voilà, donc autant dire... - Parce que ton cher Vietnam, Laurence, qui est plus communiste que lui, tu meurs, si j'ose dire.
25:32 Ils sont pas du tout dans cette logique-là. - Alors, l'économie vietnamienne aujourd'hui, après un tout petit décrochage Covid,
25:40 parce qu'ils avaient oublié de se vacciner en 2021, en fait, c'est devenu la base arrière de la Chine.
25:46 Et quand on regarde, par exemple, les exportations vers les États-Unis, on voit que... - Ça transite.
25:52 - Voilà, en fait, les exportations chinoises, au lieu d'être fabriquées en Chine, et puis parfois, c'est le dernier morceau qui est fabriqué au Vietnam,
26:00 c'est pas grand-chose, mais ça a le tampon vietnamien, ça a plus le tampon chinois. Et il y a eu tout un mouvement...
26:06 - Oui, mais il n'y a pas cette volonté de briser le secteur privé qui... - Alors, non, mais les Vietnamiens ont toujours suivi ce que faisaient les Chinois
26:12 avec un petit peu de retard. - Donc ça va venir. - Donc, s'ils voient que la société leur échappe, parce qu'il y avait aussi ça dans la mentalité chinoise,
26:23 c'est ce que je t'avais raconté avec Zhang He, ce navigateur chinois qui était allé un petit peu trop loin, puis quand il était revenu,
26:30 l'empereur Ming lui avait dit « tu brûles tous tes navires parce que le pouvoir, c'est moi, c'est pas les marchands ».
26:35 Donc on en a exactement là pour la Chine. Les Vietnamiens suivent toujours un peu. Donc, s'il y a une trop grande...
26:43 Mais les Vietnamiens tiennent un peu plus le Vietnam, je pense que ne tiennent que le Parti communiste ne tient... - La Chine.
26:50 - Ne tient la Chine. C'est encore plus profond. Mais pour revenir à ce qu'on disait... - Rapidement, parce qu'on est quasi au bout.
26:59 - La volonté de tenir l'économie et la société, Xi Jinping a quand même fait toute une campagne contre les jeunes garçons qui étaient un petit peu trop efféminés.
27:11 Et là, maintenant, il commence à dire que les femmes, c'est à la maison et ça fait des enfants.
27:15 Donc il y a quand même un raidissement idéologique chinois que l'on retrouve en politique avec un impact sur l'économie et un impact sur la société.
27:24 - Ça nous promet... - Vas-y, parce que c'est toujours le moment compliqué. Il reste 50 secondes. Donc une conclusion...
27:32 - Je trouve que quand on voit la trajectoire de l'économie chinoise, on se dit qu'on se prépare quand même des moments très compliqués,
27:38 en particulier dans son dialogue avec à la fois les Occidentaux et évidemment avec Joe Biden, parce que l'écart en termes de valeur est en train de devenir tellement fort
27:48 que ça va devenir difficile d'avoir des relations continues et de confiance, dont on a besoin, entre deux plaques qui divergent tellement,
27:58 y compris d'un point de vue désormais de fonctionnement au quotidien. Ça, c'est quand même un véritable sujet.
28:05 - On se retrouvera dans quelques mois pour en parler ensemble avec grand plaisir. - Avec plaisir.
28:10 - Laurence D'Asiano, donc Wilfried Galland, qui nous accompagnait cette semaine sur Be Smart. À la semaine prochaine.
28:17 (Générique)

Recommandée