Marie BESANCON, animatrice du réseau de solidarité au Secours Catholique du Nord Franche-Comté.

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00:00 Il est 8h moins le quart, l'invité du 6/9 Thierry Compredon, on parle ce matin de la
00:05 pauvreté qui ne cesse de progresser en France.
00:07 - Et le nord-franche-comté n'est pas épargné, c'est ce que nous apprend le baromètre annuel
00:11 du Secours catholique.
00:12 Et ce matin on aimerait entendre vos témoignages, est-ce que vous constatez une hausse de la
00:16 pauvreté autour de vous ? Vous pouvez nous appeler dès maintenant au 0384 22 82 82.
00:22 Bonjour Marie Besançon.
00:23 - Bonjour.
00:24 - Merci d'avoir accepté notre invitation, vous êtes l'animatrice du réseau de solidarité
00:28 des quatre antennes du Secours catholique dans le nord-franche-comté.
00:31 Cette hausse de la pauvreté j'imagine que vous la constatez au quotidien.
00:34 - On la constate au quotidien malheureusement avec des bénévoles qui se trouvent de plus
00:38 en plus démunis face à cette augmentation, en se disant mais comment on va faire si
00:44 ça continue à augmenter de façon aussi exponentielle face à des gens qui sont dans
00:48 des difficultés toujours plus prégnantes et des situations sur lesquelles on a du mal
00:52 à avoir une possibilité de s'en sortir durablement.
00:56 - Vous accompagnez comment une famille ?
00:57 - Sur l'année 2022 on a accompagné 1800 familles sur l'air urbain.
01:03 Ça peut paraître dérisoire mais je vous jure c'est énorme de se dire qu'aujourd'hui
01:09 nous ne touchons qu'une partie des familles en grande pauvreté de l'air urbain.
01:12 1800 familles qui n'arrivent pas à vivre dignement au quotidien.
01:16 - Dans ce rapport annuel on s'aperçoit que ce sont les femmes qui sont les plus touchées
01:21 par la pauvreté, comment on l'explique ?
01:22 - On l'explique par plusieurs facteurs.
01:28 Souvent ces femmes, au moment où elles quittent le domicile conjugal, suite à une séparation,
01:35 elles ont la trop grande gentillesse de laisser à l'autre une partie des biens du quotidien.
01:43 Elles n'ont pas des carrières complètes.
01:46 Si elles ont des enfants, elles se trouvent à devoir aménager des temps de travail,
01:49 à prendre des temps partiels pour pouvoir s'occuper des enfants et de la vie de famille.
01:53 Quand ce sont des femmes retraitées, elles ont souvent eu plusieurs enfants et du coup
02:00 une carrière pas tout à fait finie, un minimum retraite et du coup vraiment du mal à joindre
02:07 les deux bouts.
02:08 - Marie Besançon, la difficulté c'est que les femmes mais aussi les hommes ont parfois
02:12 du mal à pousser la porte des associations caritatives comme la vôtre.
02:15 Je vous propose à ce propos d'écouter un témoignage, celui de Laila.
02:21 Elle a connu la précarité, elle a eu le courage de pousser la porte du Secours catholique
02:26 et elle est désormais responsable de l'accueil au Secours catholique de Montbéla.
02:30 Vous la connaissez forcément.
02:31 - Tout à fait.
02:32 J'ai eu deux colis alimentaires mais surtout j'ai parlé avec un monsieur.
02:35 On a parlé très longuement parce que c'était de ça que j'avais le plus besoin en réalité,
02:39 plus que le colis.
02:40 Mais il m'a poussé à m'occuper de moi quand une femme, surtout les femmes, quand elles
02:45 se retrouvent seules comme ça, complètement démolies, quand il y a des enfants, on porte
02:50 tout sur les enfants et on s'oublie soi-même.
02:52 Donc à force de discuter avec ce monsieur, ça m'a permis après de chercher du travail,
02:58 de me sortir la tête de l'eau.
02:59 Ça a mis un certain laps de temps.
03:02 Et puis ensuite, j'ai refait ma vie, je me suis mariée, je travaillais à mi-temps,
03:07 et puis je me suis dit que, comme j'avais mes après-midi, j'ai cherché à faire du bénévolat.
03:12 - Marie Besançon, l'exemple de l'aïl a été mouvant, il ne faut pas hésiter à demander
03:16 de l'aide.
03:17 - Il ne faut pas hésiter.
03:18 Mais c'est souvent très compliqué.
03:19 Le moment où les gens passent la porte, c'est qu'ils n'en peuvent plus.
03:23 Ils passent rarement la porte au moment où il y a...
03:26 Je pense à une dame qui nous témoignait encore il y a deux jours que souvent elle
03:31 mange un jour sur deux, puis que le jour où elle mange, elle mange un neuf.
03:33 Mais elle nous dit ça avec une grande dignité en disant "mais il y en a pour qui c'est
03:39 encore plus difficile que moi".
03:40 Et le moment où elle arrive à passer cette porte, c'est qu'elle n'en peut vraiment
03:45 plus et que même cet oeuf ne suffit plus et qu'elle réalise que c'est...
03:50 Que cet homme peut plus être indigne.
03:53 Ces gens passent souvent la porte et très très souvent, quelles que soient les associations
03:56 que vous allez interroger, ils passent la porte, leurs yeux frôlent le sol, ils n'osent
04:01 pas nous regarder.
04:02 - Il y a un sentiment de honte.
04:03 - Il y a un grand sentiment de honte.
04:04 - Il est 8h10 et nous parlons de la hausse de la pauvreté avec Marie Besançon, animatrice
04:09 du réseau de solidarité des antennes du Secours Catholique dans le Nord-Franche-Comté.
04:12 - Marie Besançon, vous vivez comme d'autres essentiellement de dons.
04:16 Or on sait qu'avec l'inflation les dons sont en baisse.
04:20 Ça vous inquiète j'imagine ?
04:22 - Ça nous inquiète énormément.
04:24 Là chacune des équipes du Nord-Territoire a dû prendre des décisions un peu compliquées.
04:28 On a conscience et on a pleinement conscience aujourd'hui avec les chiffres qui nous sont
04:33 partagés par le National que l'enveloppe qu'on aura pour fonctionner l'an prochain
04:39 ne sera pas plus grande voire beaucoup plus petite que cette année.
04:43 - Ce qui est un paradoxe puisque la pauvreté augmente.
04:45 - Parce que la pauvreté augmente, parce que les charges des personnes augmentent et qu'il
04:49 va falloir répondre plus.
04:50 Donc on a dû revoir nos critères, la façon dont on allait pouvoir accompagner les personnes
04:58 et c'est un sacrifice qui est compliqué pour les bénévoles.
05:02 Ils ne le vivent pas bien et ils appréhendent de devoir dire de plus en plus non à des
05:11 personnes qui en ont besoin.
05:13 Parce qu'on ne dit pas non à des gens qui réussiront à vivre dignement, on dit non
05:20 à des gens qui vivent déjà de façon indigne.
05:22 - Alors l'aide alimentaire ou financière au secours catholique est importante mais
05:26 pas que, votre rôle c'est également de renseigner les gens qui viennent chez vous
05:31 pour leur dire les aides auxquelles ils ont droit.
05:34 Tout le monde ne le sait pas forcément.
05:36 - Ah non, quand vous n'avez jamais fait appel à un service social, vous n'avez aucune
05:42 conscience de quels sont les différents dispositifs qui gravitent autour de vous, les aides auxquelles
05:51 vous auriez le droit.
05:52 Donc la plupart des gens, un tiers des personnes, ne font pas appel aux aides sociales auxquelles
05:58 ils pourraient prétendre, mais par méconnaissance.
06:02 - Donc c'est votre rôle c'est également de les guider et de les orienter.
06:05 - C'est notre rôle de les guider et encore plus aujourd'hui, de se dire il faut absolument
06:08 que vous alliez sur le recours à ces aides pour qu'on puisse venir en compensation et
06:14 on ne peut pas venir en amont.
06:16 Et on accompagne les gens pour qu'ils osent franchir ces portes.
06:20 - Merci beaucoup d'être venue nous voir ce matin à Marguile Bézosson.
06:23 Je rappelle que vous êtes animatrice du réseau de solidarité des quatre antennes du Secours
06:28 catholique dans le Nord.
06:29 Franche Comté, merci et bon courage.
06:31 - Merci beaucoup à vous.

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