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00:00 C'était au festival Coachella 2023 en Californie.
00:02 Rosalia se produit sur scène en se filmant en selfie,
00:05 le tout retransmis en direct sur les écrans derrière elle.
00:08 Si vous êtes allé à un concert ces dernières années,
00:10 vous avez sans doute remarqué des décors de plus en plus imposants,
00:13 des accessoires instagrammables, des écrans parfois verticaux,
00:16 et les réseaux sociaux et l'omniprésence des téléphones n'y sont pas étrangers.
00:19 Le focus a reparti du grand écran au petit écran du téléphone.
00:24 Ça, c'était avant, quand les gens fumaient et qu'il n'y avait pas la 4G.
00:28 Et ça, c'est le moment mélancolique dans un concert aujourd'hui.
00:31 Le téléphone est devenu central dans les concerts,
00:33 qui sont jugés à travers ces milliers d'images amateurs,
00:36 qui vont sortir de la salle ou du stade, direction les réseaux.
00:39 Tout le monde dans l'audience est maintenant le curateur de leur contenu.
00:42 Ray Winkler est architecte, basé à Londres.
00:45 Son agence a travaillé sur des concerts dans le monde entier
00:47 avec Pellemel, Beyoncé, Madonna, U2, les Rolling Stones ou Johnny Hallyday.
00:53 Il y a 50 000 personnes et chacun a 10 abonnés.
00:57 C'est 500 000 personnes.
00:58 100 abonnés, c'est 5 millions de personnes qui le regardent.
01:02 Vous savez ce que je veux dire ?
01:03 Ça grandit exponentiellement.
01:04 Forcément, ça change aussi le rapport du spectateur à l'événement,
01:07 puisqu'il est devenu aussi important d'être au concert
01:10 que d'être vu, assistant au concert, par des gens qui n'y étaient pas.
01:13 Avant, vous et moi allions à la scène et nous avons notre oeil concentré sur la scène.
01:19 Ce focus a changé de l'artiste à l'écran,
01:22 car les écrans sont devenus très grands.
01:25 Mais, par contre, en même temps,
01:27 le focus a changé de l'écran grand à celui de l'écran petit.
01:31 Beaucoup de choses ont à voir avec les détails,
01:44 avec la façon dont nous désignons l'intégration des vidéos dans le scénario,
01:47 la façon dont nous désignons les costumes dans le scénario.
01:49 Beaucoup de ces détails, qui étaient un peu blancs à l'étrange,
01:54 sont devenus très, très clairs.
01:56 La caméra est maintenant si concentrée et voit les détails que l'œil nez ne voit pas.
02:00 Le téléphone est aussi devenu très utile pour les réglages de la lumière,
02:03 selon Frédéric Fayard, qui a lui travaillé avec des groupes aussi éclectiques
02:07 que Chaka Pong, Zaz ou Kassab.
02:09 Aujourd'hui, le téléphone est devenu une référence extrêmement solide
02:13 pour régler la balance, l'équilibre d'une image générale.
02:18 Le directeur artistique se souvient d'une anecdote
02:20 lors d'un événement à la fin des années 2010.
02:22 A ses côtés se trouve Yvan Kassar, pianiste et compositeur de renom.
02:26 Et il y avait en fait effectivement un orchestre philharmonique qu'il avait rassemblé,
02:29 donc une cinquantaine de personnes, de musiciens.
02:32 Et j'ai pris mon téléphone pour faire les niveaux et il m'a regardé,
02:34 il m'a dit "mais qu'est-ce que tu fais ?"
02:36 Je lui ai dit "ben je règle les niveaux", donc il a vraiment cru que je me moquais de lui.
02:39 Il explique que comme l'œil humain a tendance à équilibrer naturellement ce qu'il voit,
02:43 le téléphone est un complément indispensable pour peaufiner les réglages.
02:46 Au rang des changements, on pourrait aussi noter des accessoires gros
02:49 et des installations d'envergure visibles de loin,
02:51 comme l'écran XXL de U2, l'arche des adieux d'Elton John,
02:55 ou la structure du groupe de K-pop Blackpink,
02:57 qui rappelle les hanoks, ces maisons traditionnelles coréennes.
03:00 Il faut maintenant se concentrer sur des zones
03:02 dont, historiquement, on ne s'était pas inquiété,
03:03 parce que vous avez dit "la personne la plus proche de ce point est à 20 mètres".
03:08 Il y a une langue métallurgique,
03:10 une sorte de narration, une narration beaucoup plus grande
03:12 dans laquelle l'artiste se trouve au centre.
03:14 Et régulièrement, le spectacle se construit autour de ça
03:17 pour que l'on puisse se concentrer sur l'artiste quand le téléphone est posé.
03:21 C'est ce qui justifie aussi une approche parfois circulaire
03:23 pour abolir la division entre le centre et les côtés.
03:26 Alors les téléphones et notre rapport à l'image sont loin d'être les seules influences.
03:30 Le set design a aussi évolué parce que le matériel est de plus en plus imposant,
03:34 performant et abordable à mesure que la technologie se perfectionne.
03:37 Et il reste peu probable que le téléphone devienne l'alpha et l'oméga
03:40 de la scénographie du futur.
03:42 L'écran de rappel en fait en forme à portrait,
03:44 si c'est pour faire des groupes loin, voir des visages,
03:45 c'est plus naturel et c'est plus logique.
03:47 Parce que j'ai envie de dire, naturellement, si on regarde nos têtes,
03:49 elles sont plus longitudinales qu'horizontales.
03:52 Donc ce n'est que mon point de vue.
03:53 Mais de mon point de vue, je ne vois pas en train de modifier
03:56 les postulats de scénographie,
03:58 parce qu'en fait on a un outil qui va nous servir
04:00 à transférer de l'information de manière verticale.
04:03 Le souci principal, c'est l'histoire que veut raconter l'artiste
04:06 et que le public vive la musique ensemble.
04:08 La seule raison pour laquelle les gens s'inquiètent de sortir de leur lit,
04:11 de voyager dans la ville, peut-être même dans un autre pays,
04:14 et de se mettre, possiblement, dans la pluie, pendant 4 heures,
04:17 c'est parce que nous sommes des tribaux,
04:19 nous voulons vivre ensemble,
04:20 nous voulons ressentir dans un groupe de gens
04:22 qui partagent la même passion.
04:24 [Musique]