Category
🗞
NewsTranscription
00:00 Nous sommes le lundi 20 novembre 2023, il est 8h moins le quart, vous en dites quoi ?
00:03 Chaque matin on vous donne la parole sur un sujet qui fait l'actu ce matin Jeanne-Marie, on parle des violences conjugales.
00:08 Absolument, vous pouvez également témoigner au 05 34 43 31 comme le fait ce matin sur France Bleu.
00:15 Notre invitée, bonjour Corinne.
00:17 Bonjour.
00:17 Merci d'être là, on imagine que c'est loin d'être facile comme démarche.
00:22 On va vous accompagner le mieux possible.
00:24 D'abord, est-ce que vous pouvez nous dire Corinne, comment vous allez aujourd'hui ?
00:27 On va dire que ça va, on peut dire que ça va à peu près.
00:31 Il y a des hauts et des bas.
00:32 Évidemment, racontez-nous pendant des années, vous avez été victime de votre mari, ex-mari ?
00:37 Oui, j'ai été victime de violences psychologiques, j'étais sa chose et je le dépossédais dès que je faisais quelque chose.
00:47 Donc j'ai été suivie, traquée, espionnée dans mes mails, dévalorisée.
00:54 Des violences sexuelles aussi que vous avez subies ?
00:58 Oui, des rapports sexuels non consentis.
01:01 Ça a duré des années Corinne ?
01:03 Oui, au moins une dizaine d'années.
01:05 Plus de 10 ans sous emprise, au début vous vous disiez "c'est comme ça, il est comme ça, je l'ai épousé, je dois l'accepter".
01:12 Au départ de toute façon, quand on rencontre quelqu'un, il y a quand même de l'amour.
01:17 Donc après, par amour, il nous dit toujours "si tu m'aimes, tu fais ça, après je serai gentil".
01:23 Donc on y croit toujours, on a toujours la sensation.
01:26 Mais en fait, finalement, il n'y a rien qui se passe et puis un jour ça devient tellement invivable.
01:31 Mais pendant 10 ans, vous avez gardé ça pour vous ?
01:34 Oui, parce qu'on a toujours peur d'avoir des représailles.
01:37 D'abord chez nous, si jamais ça se sait, par rapport à notre mari, à notre conjoint.
01:42 Et puis après, on a toujours la sensation qu'on ne va pas nous croire.
01:46 Parce qu'on n'a pas de preuves, on n'a pas de...
01:50 Il est allé jusqu'à installer un traceur sur votre voiture ?
01:53 Oui, un espion dans mon téléphone.
01:56 Il disait que je dépossédais, que j'allais faire des courses, qu'il ne voulait pas que je travaille.
02:01 Vous arriviez à continuer à travailler, à vous occuper de votre fille ?
02:04 Oui.
02:05 Regardez la péte haute !
02:06 Ça, ce n'était pas facile, non.
02:08 Et puis voilà, un jour, je suis quand même allée voir une association un an avant de partir.
02:14 Je suis allée deux fois à la gendarmerie, mais ils ont dit "si vous ne portez pas plainte,
02:19 nous, on ne peut rien faire pour vous".
02:20 Et un jour, il se passe quoi dans votre tête, Corinne ?
02:22 Un jour, c'est-à-dire que je suis allée travailler et j'ai eu envie d'avoir un accident.
02:26 Je me suis dit qu'il faudrait qu'il m'arrive quelque chose pour que je m'en sorte.
02:29 Donc je me suis dit "là, ça ne va pas".
02:31 Et voilà, il a essayé de recommencer de m'embêter et je suis partie.
02:34 J'ai pris deux sacs plastiques, je suis partie.
02:36 Vous êtes partie de chez vous, vous avez déposé plainte à la gendarmerie de l'Union, on va en parler.
02:40 Mais on accueille également les auditeurs qui veulent témoigner ce matin au Standard.
02:44 Direction le département de Lariège, 05 34 43 31 31 avec Christine. Bonjour Christine.
02:50 Bonjour.
02:51 Bonjour Christine. Vous avez, vous aussi je crois, été victime de votre conjoint ou ex-conjoint.
02:56 Comment vous avez réussi à vous en sortir ?
02:59 Alors, je m'en suis sortie par la fuite.
03:02 Parce qu'après l'avoir quitté, et ceci à plusieurs reprises,
03:06 parce que j'étais sous une emprise psychologique et physique aussi, oui.
03:11 Il a continué de me traquer en me rendant sur mon lieu de travail tous les matins.
03:18 Et un beau jour, j'ai tout plaqué.
03:21 Mes enfants étaient grands et je suis partie me perdre dans le Sahara.
03:26 Alors j'avais une bonne raison de me perdre, c'est que mon père, qui est mort très jeune, était militaire dans le Sahara.
03:32 Donc j'avais cette raison de partir sur les recherches, rechercher les traces de mon père.
03:37 Et en fait, quand je suis arrivée dans le Sahara, moi je me disais, c'est vivre ou crever.
03:43 Et on m'a mis des enfants malades dans les bras, et depuis 2012, je ne fais que ça.
03:49 Et c'est ça qui vous a sauvée ? C'est votre courage d'aller marcher seule, d'être face à vous-même ?
03:53 Non, j'étais en voiture, j'étais en voiture, je portais des projets culturels,
03:58 autour du petit prince qui ne voit l'essentiel qu'avec le cœur.
04:02 Voilà, de toute façon c'était ça où me flinguer aussi.
04:06 Donc quand je suis arrivée là-bas, on m'a mis des enfants malades dans les bras,
04:11 et ma vie, je l'ai sauvée comme ça.
04:13 Sauf des vies d'enfant, parce que je ne peux pas sauver la mienne.
04:16 Et aujourd'hui vous allez quand même un peu mieux, ou pas Christine ?
04:19 Aujourd'hui je suis rentrée en 2019, je ne fais que ça, je vais aller retour.
04:23 France-Mauritanie, je suis dans ma voiture pendant 10 ans.
04:26 Je me suis occupée de ma mère qui est décédée il y a 3 ans,
04:29 et je me suis dit, soit je repars là-bas, et j'y laisserai ma peau,
04:33 soit je reste ici et je guéris ici.
04:35 Et en fait j'écris, je continue d'organiser des évacuations pour les enfants,
04:39 j'écris des livres, et je viens d'être publiée.
04:42 Un livre qui s'appelle "Les yeux bleus du désert".
04:45 Et ça peut aider effectivement d'écrire pour raconter sa souffrance.
04:49 Merci beaucoup Christine d'avoir pris le temps d'appeler le standard de France Bleu,
04:53 et ça peut aider j'imagine d'autres femmes victimes de violences.
04:56 Corinne, est-ce que vous pouvez nous raconter comment votre dépôt de plainte s'est déroulé
05:01 à la Gendarmerie de l'Union, ça a été un petit peu violent je crois pour vous.
05:03 Oui, déjà c'est violent d'aller porter plainte,
05:06 déjà ça a été violent parce que déjà il y a eu un petit portail,
05:09 il faut sonner à l'extérieur sur le bord du trottoir,
05:11 et on vous dit "racontez votre histoire", parce que sinon on ne peut pas vous ouvrir.
05:15 Après moi je n'ai pas voulu, donc on m'a quand même ouvert,
05:18 après on vous dit "vous racontez là", mais c'est dans une petite salle d'attente.
05:21 Après on m'a fait attendre 3 heures, après on ne m'a pas crue,
05:25 mon mari a une position sociale assez élevée puisqu'il est médecin,
05:31 donc un médecin ne peut pas mentir.
05:34 Un médecin généraliste ?
05:35 Non, il est spécialiste, mais il est bien sous tout rapport,
05:38 donc lui il ne peut pas mentir, on m'a dit que les violences sexuelles,
05:42 c'était juste des rapports sexuels, ça s'appelait faire l'amour avec son mari quand on était mariés,
05:49 on m'a demandé si je savais ce que c'était qu'un traceur,
05:53 même à un moment j'ai appelé mon avocate pour lui dire que j'allais partir,
05:56 que je n'allais pas déposer plainte parce que vraiment...
05:59 Elle a été classée sans suite votre place ?
06:01 Elle a été classée sans suite, moi j'ai déposé plainte le 21 janvier,
06:05 le 9 mars mon mari a été mis en garde à vue pendant 48 heures,
06:09 et après il y a eu une confrontation,
06:11 et la confrontation le gendarme a téléphoné au procureur en 5 minutes,
06:15 il est revenu, il a dit "elle est classée sans suite".
06:17 Il n'y a pas des membres de votre entourage qui ont essayé de vous aider ?
06:20 Parfois on est un petit peu démuni, on ne sait pas...
06:22 Il y a eu de l'aide ?
06:24 Dans l'entourage c'est compliqué parce qu'on a toujours l'impression qu'on ne va pas nous croire,
06:28 donc moi j'ai été voir la PIAF,
06:31 je suis allée deux fois à la gendarmerie de là où je travaille,
06:34 puisque ce n'était pas la même chose,
06:36 j'ai vu une assistance sociale aussi de la gendarmerie qui m'a beaucoup aidée,
06:40 la PIAF m'a aidée, et puis après par instinct de survie je suis partie,
06:44 c'était ça où je ne serais pas là maintenant.
06:46 Aider, témoigner, dénoncer, c'est ce que Thomas réfléchit peut-être à faire.
06:50 Bonjour Thomas !
06:51 Oui bonjour !
06:52 En direct de K-Or !
06:54 Vous voulez apporter votre témoignage je crois ce matin sur France Bleu.
06:57 Oui voilà, moi je n'ai pas été victime de violences conjugales,
07:01 j'ai été l'auteur de violences conjugales.
07:04 D'accord.
07:05 Voilà, en fait je voulais juste dire que concernant ce qui m'était arrivé
07:13 par rapport à mes agissements, c'est vraiment tout ce que je ne pouvais pas m'affliger,
07:20 que j'ai affligé sur ma compagne, tout ce qui était violences,
07:27 tout ce qui n'allait pas dans ma tête, tout ce que j'ai subi, tout ce que je ne pouvais pas...
07:39 C'est courageux ce que vous racontez ce matin Thomas,
07:41 ce que vous êtes en train de nous dire c'est que vous avez subi des violences vous,
07:44 dans votre enfance, que vous avez...
07:46 Des traumatismes, comme tout le monde, mais que chez moi j'arrivais pas à gérer.
07:55 Et que ces violences là en fait, même si c'est des petits actes bénins
08:03 où les gens passent facilement dessus, voilà chez des personnes ça les traumatise,
08:11 mais ils répètent cette violence.
08:13 Mais vous avez fini par réagir et prendre soin de votre compagne ?
08:16 Ou de vous éloigner ?
08:18 Non, c'est très compliqué, l'avenir de Guigui Classon on ne le sait pas,
08:25 mais voilà, c'est un cheminement de vie en fait,
08:32 c'est une retranscription de son vécu,
08:37 de ses émotions qu'on met un petit peu sur face,
08:44 qu'on ne remet pas sur soi et qu'on rejette la faute sur les autres.
08:49 Et il faut absolument dans ces cas là se faire aider, se faire accompagner.
08:52 Merci pour votre témoignage Thomas.
08:54 Corinne, aujourd'hui vous allez comment ?
08:57 Et quel accompagnement vous réussissez à trouver ?
09:00 Alors moi il y a des hauts et des bas, vous le disiez,
09:02 j'essaie de ne pas les montrer, mais il y a des hauts et des bas.
09:04 Après je suis suivie par la PIAF, je vais au groupe de parole,
09:08 on rencontre des femmes qui ont vécu la même chose que nous,
09:12 donc on trouve un petit peu de réconfort.
09:14 Mais je voudrais juste dire que moi ça fait 4 ans que je suis en procédure,
09:18 rien n'est terminé, donc c'est qu'il y a quelque chose qui ne va pas.
09:21 Il faudrait des procédures accélérées.
09:23 Il faut que les institutions judiciaires et policières soient formées,
09:27 soit à notre écoute.
09:29 Nous on a juste besoin d'être écoutés,
09:33 il faut qu'on puisse tenir debout, c'est très difficile.
09:36 Il y a vraiment plein de choses qui ne vont pas.
09:39 Les positifs mis en place ne sont pas suffisants selon vous ?
09:41 Quand on écoute dans les groupes de parole, on a vécu tous la même chose,
09:43 on est dans la même situation.
09:45 Et que dites-vous Corinne aux femmes qui nous écoutent
09:47 et qui sont peut-être victimes de leur conjoint, ex-conjoint ?
09:49 Je leur dis qu'il faut quand même partir, il faut porter plainte,
09:52 mais il ne faut pas y aller tout seul,
09:54 parce qu'on a le droit d'être accompagné par n'importe qui,
09:56 même si c'est une amie de la famille,
09:58 on a le droit, on ne peut pas nous le refuser.
10:00 Et puis après, c'est très dur.
10:03 Moi ça fait 4 ans, il y a des choses qui ne vont pas,
10:08 mais il faut se battre, tout le temps se battre.
10:10 Et on est toujours obligés de raconter notre histoire, nous les femmes,
10:13 comme si on ne nous croyait jamais.
10:17 Je rappelle qu'elle est le 3919, qu'on peut appeler 24h/7.
10:20 Voilà, mais le 3919, moi je l'ai appelé 3 fois,
10:23 ça met une demi-heure avant qu'on nous réponde, donc on raccroche.
10:26 Moi je dis que l'accusé a droit à la présomption d'innocence,
10:31 et la victime, elle devra avoir le droit à la présomption de vérité.
10:35 Parce qu'on ne part pas comme ça de chez soi,
10:37 on ne se met pas dans une très grande précarité,
10:39 juste parce qu'on a envie de raconter des bobards,
10:41 ou pour se faire plaisir.
10:43 C'est un instinct de survie, on ne peut pas faire autrement.
10:45 Ce n'est même pas du courage, c'est pour sauver sa peau.
10:48 Merci Corinne d'avoir accepté de vous joindre ce matin,
10:50 sur France Bleu et France 3, excite Annie Bonne.
10:53 Merci, merci à vous aussi pour les témoignages,
10:55 vous pouvez retrouver la référence du livre de Christine,
10:58 qui nous a donné son témoignage tout à l'heure,
11:00 qui s'appelle "Les yeux bleus du désert",
11:02 sur la page Facebook de France Bleu.