Face à une sécheresse historique depuis plus d'un an dans les Pyrénées-Orientales, le nouveau préfet Thierry Bonnier a fait le point sur la situation dans les studios de France Bleu Roussillon ce mardi matin et propose plusieurs solutions.
Category
🗞
NewsTranscription
00:00 - En attendant à 7h48 pour la première fois le nouveau préfet des Pyrénées-Orientales
00:04 est sur France Bleu Roussillon, Thierry Bonnier, il est arrivé dans le département il y a
00:07 4 mois maintenant.
00:08 Il est votre invité ce matin Suzanne Chodjaï.
00:10 - Bonjour Thierry Bonnier.
00:11 - Bonjour.
00:12 - On va commencer par parler sécheresse, ça fait plus d'un an que ça dure dans le département
00:16 une sécheresse historique, vous avez dû le constater depuis votre arrivée, il ne pleut
00:20 quasiment pas.
00:21 Les restrictions sont toujours d'actualité, notamment pour l'agriculture, l'arrosage
00:26 des espaces verts ou encore le remplissage des piscines.
00:29 Est-ce qu'il est possible que vous preniez des mesures encore plus dures si jamais ça
00:33 continue ?
00:34 - Alors à ce stade il n'est pas question de durcir les mesures qui sont prises, au contraire
00:39 nous sommes plutôt en train d'alléger actuellement en tout cas les mesures de restrictions.
00:44 - Alléger les mesures, on a vraiment les moyens d'alléger les mesures en ce moment ?
00:47 - Alors on allège à la marge, c'est par exemple à l'occasion de la Toussaint j'ai autorisé
00:53 l'arrosage dans les cimetières pour les fleurs que les personnes déposent sur les tombes
00:58 donc un certain nombre de mesures à la marge.
01:00 On va aussi autoriser la possibilité de nettoyer les bateaux sur les ports de plaisance de
01:07 manière très encadrée et donc sous la responsabilité des opérateurs, des gestionnaires des ports.
01:11 C'est à la marge.
01:14 On a des comités de gestion de l'eau de manière très régulière, le prochain aura lieu à
01:21 la fin de semaine et on regarde ensemble avec l'ensemble des acteurs s'il est possible déjà
01:26 de savoir l'état de l'eau, effectivement aujourd'hui il n'y a pas besoin d'être météorologiste
01:30 pour savoir qu'il manque ou manque d'eau.
01:32 - Justement comment vous pourriez qualifier la situation aujourd'hui par rapport peut-être
01:36 à l'été dernier ?
01:37 - Un exemple...
01:38 - C'est gravissime, catastrophique, on disait déjà catastrophique l'été dernier ?
01:41 - Non je ne suis pas un catastrophiste, je suis objectif, je regarde.
01:45 Alors au mois d'octobre les précipitations 15 mm d'eau sont tombées, l'année dernière,
01:50 année pourtant compliquée 85 mm d'eau tombées au mois d'octobre.
01:54 Donc les précipitations nous manquent, la saison n'est pas terminée, l'hiver va arriver
01:59 aussi, on attend l'enneigement aussi, qui n'arrive pas pour l'instant, on regarde ensemble
02:05 et au fur et à mesure.
02:06 Ce qui est important c'est d'avoir cette vision partagée avec l'ensemble des acteurs, c'est
02:11 pour cela d'ailleurs que le ministre de l'agriculture, le ministre de la transition écologique nous
02:16 a mis à disposition des inspecteurs généraux qui nous aident à mieux connaître aussi
02:21 la ressource en eau.
02:22 - Mais ça c'est sur le long terme, mais si jamais l'eau ne tombe pas là dans les prochains
02:26 mois qu'est-ce que vous ferez ?
02:27 - Alors il y a un certain nombre de décisions qui ont déjà été prises, de restrictions
02:31 avec l'ensemble des acteurs, que ce soit les filières économiques, le monde agricole,
02:35 pour gérer au mieux et puis les particuliers bien sûr, d'être vigilant tout simplement,
02:42 d'être responsable tous ensemble, pas d'être dans un catastrophisme où regarder les choses
02:49 froidement et par anticipation, il est essentiel.
02:52 J'étais dans le département de l'eau avant d'être dans les Pyrénées-Orientales, le
02:56 problème de la sécheresse on le connaît aussi dans les départements voisins, il y
02:59 a beaucoup de décisions qui ont été prises dans le département voisin par anticipation,
03:03 c'est-à-dire des restrictions éventuellement avant même que le problème se pose.
03:08 - Mais là on est déjà dans le problème.
03:09 - Oui mais on poursuit par exemple sur des restrictions, d'autres départements ont levé
03:12 ces restrictions pour les reprendre quand le besoin se fera ressentir.
03:16 Aujourd'hui le monde agricole a moins besoin d'eau, on est dans une période, donc on a
03:21 maintenu malgré tout l'ensemble des restrictions qui ont été mises en oeuvre au début de
03:26 l'année et sur l'ensemble de l'année 2023, donc on poursuit et on anticipe, on regarde
03:32 et on a mis en place un plan d'action, un plan d'action qui regroupe un certain nombre
03:39 de décisions.
03:40 Je prends un seul exemple, la réutilisation de l'eau, donc des stations de traitement
03:45 d'eau, on était un département où on était très en retard, la France est très en retard
03:50 par rapport à l'Espagne et l'Italie, aujourd'hui le département des Pyrénées-Orientales est
03:55 le deuxième département de France avec le nombre de stations qui retraitent l'eau et
04:00 qui le distribuent, ce qu'on appelle les eaux grises, pour l'agriculture.
04:03 - Même si on est encore loin du compte.
04:05 - On peut mieux faire encore.
04:06 - Vous parliez de l'agriculture, ce matin on a entendu sur notre antenne l'appel à l'aide
04:10 des éleveurs de Cerdagne à cause de la sécheresse, ils n'ont pas de récolte pour le fourral
04:15 d'age et donc les troupeaux sont clairement menacés, ils avaient souscrit à des assurances
04:19 spéciales pour les aléas climatiques qui étaient censés couvrir la sécheresse, mais
04:24 en fait c'est la grosse désillusion, les assurances leur ont finalement répondu que
04:28 non, elles n'épongeraient pas les pertes, donc les éleveurs en appellent à l'État,
04:33 est-ce que l'État répondra présent pour ces éleveurs de Cerdagne ?
04:35 - Alors l'État répond déjà présent, et pas que l'État d'ailleurs, les collectivités,
04:41 le conseil régional a mobilisé des fonds, 300 000 euros exactement pour le fourrage,
04:47 pour acheter du fourrage pour les éleveurs des Pyrénées-Orientales, encore une fois
04:51 il ne s'agit pas de l'ensemble de la région Occitanie, donc ça c'est la première étape,
04:56 il faut savoir qu'effectivement ils sont assurés, les éleveurs sont assurés, le sujet
05:01 qui se pose pour eux c'est le mode de calcul des pertes de fourrage, il y a un système
05:06 qui s'appelle le système Airbus qui est à partir d'un calcul satellitaire et qui visiblement
05:11 d'après eux ne prend mal en compte les reliefs que nous avons dans le département.
05:17 - Il y en a qui se retrouvent avec des factures de 180 000 euros pour acheter du fourrage
05:20 pour les bêtes.
05:21 - C'est ce qu'ils estiment nécessaire pour pouvoir aller jusqu'au printemps.
05:24 Donc nous, en ce qui me concerne et l'ensemble des services de l'État dans le département,
05:30 nous avons fait remonter au cabinet du ministre de l'Agriculture ses spécificités, le système
05:35 fonctionne bien partout en France sauf ici, donc il y a une interrogation, pourquoi il
05:39 ne fonctionne pas ?
05:40 - Quelle est la réponse du ministre ?
05:41 - Pour l'instant on a fait remonter, les éleveurs nous ont saisi récemment, il y a eu des réunions
05:47 avec eux, on va les recevoir aussi la semaine prochaine, donc il faut se mettre autour de
05:51 la table, trouver des solutions.
05:53 - Les viticulteurs eux aussi viennent de vivre la pire vendange de leur histoire, en tout
05:57 cas en volume, des vignerons de toute la région manifestaient déjà le mois dernier, une
06:02 opération coup de poing sur l'A9, ils avaient détruit la marchandise des camions espagnols,
06:06 ils ont prévu de manifester une nouvelle fois samedi à Narbonne, en fait ils accusent
06:10 l'État de ne pas suffisamment les aider, est-ce que vous entendez leur colère ?
06:14 - Alors j'entends leur difficulté, la colère je l'entends également, les viticulteurs
06:21 au doigt que je connais bien sont venus me voir et c'est moi qui les ai reçus en audience,
06:25 on a pu échanger, ils savent très bien les efforts qui ont été faits, qui sont importants
06:28 de la part de l'État, ils ont mal vécu d'une certaine manière, on peut le comprendre en
06:33 termes de sensibilité que l'État a immobilisé 6 millions d'euros pour des agriculteurs qui
06:38 ont subi la sécheresse dans les P.O. je pense notamment aux arboriculteurs et aux maraîchers,
06:43 ces agriculteurs ont bénéficié de ces aides parce qu'ils n'ont pas pu arroser alors qu'ils
06:47 irriguaient, les viticulteurs des P.O. irriguent très peu, il y a 5% seulement d'irrigants,
06:54 donc ils ont perdu des récoltes, mais leur problème n'est pas lié à une décision de
06:58 l'État comme les maraîchers ou les arboriculteurs, donc les 6 millions d'euros étaient destinés
07:03 à ceux qui n'ont pas pu irriguer alors qu'ils irriguaient, ils avaient des autorisations
07:07 d'irrigation en temps normal.
07:08 Pour les viticulteurs, ils bénéficient malgré tout des dispositifs de droit commun, donc
07:13 les exonérations de taxes foncières non bâties, ça ne suffit pas, ils veulent plus,
07:20 ils bénéficient aussi des calamités agricoles également, donc ça c'est l'indemnité
07:24 de solidarité nationale, donc après ils souhaitent davantage, sachant que leur difficulté
07:29 n'est pas liée qu'à la sécheresse, c'est important de le dire, et lorsque je les ai
07:33 reçus en audience, ils ont rappelé qu'ils subissaient aussi un certain nombre de dysfonctionnements
07:38 avec les négociants, de dysfonctionnements aussi sur les marchés internationaux.
07:43 - Mais est-ce que l'État répondra à leur appel ?
07:45 - L'État a déjà répondu à leur appel, notamment sur ce qu'on appelait le prêt garanti
07:50 par l'État, où ils demandaient un étalement sur 10 ans, donc le ministre de l'Agriculture
07:55 a donné son accord pour transformer les prêts garantis par l'État, les PPG, en prêts bonifiés,
08:05 donc avec un étalement plus long.
08:06 Une dernière question sur la sécheresse, en pleine du Roussillon, le schéma de cohérence
08:18 territorial prévoit d'accueillir 35 000 nouveaux habitants d'ici une dizaine d'années, donc
08:23 construire de nouveaux logements en conséquence, est-ce que c'est bien raisonnable ?
08:26 - Alors vous le savez, il y a un certain nombre de dispositions qui existent, sur lesquelles
08:31 on commence à intégrer, c'est ce qu'on appelle le fameux zéro artificialisation net, le ZAN,
08:37 qui suscite un certain nombre de débats avec les élus, qui est en cours de discussion,
08:41 y compris au niveau national, donc il faut effectivement donner la possibilité à nos
08:47 concitoyens des Pyrénées-Orientales de se loger, tout simplement.
08:51 Donc il y a des contraintes et des obligations qui sont portées par les collectivités,
08:55 je pense à l'obligation de créer aussi des logements sociaux.
08:59 Aujourd'hui, beaucoup des communes du littoral ont un taux de résidence secondaire très
09:04 important avec des difficultés pour nos concitoyens de se loger.
09:08 - Donc il faut limiter ?
09:09 - Il faut limiter d'un côté et en même temps développer aussi des logements.
09:12 Ce n'est pas forcément, encore une fois, le ZAN n'est pas forcément une interdiction
09:16 de construire des logements, c'est de construire des logements, éviter l'étalement urbain.
09:21 - A Bao, par exemple, vous avez décidé d'interdire un projet immobilier, un projet de nouveau
09:27 lotissement parce qu'il n'y a justement pas assez d'eau, ça veut dire que vous êtes
09:30 en mesure de le faire, est-ce que vous pourriez interdire d'autres projets comme ça ?
09:33 - Tout à fait, évidemment.
09:34 Alors il y a les documents d'urbanisme sur lesquels on travaille avec les collectivités
09:38 locales et on assure un contrôle évidemment, un contrôle de l'égalité de ces opérations,
09:44 que ce soit les SCOT, que ce soit les PLU, les PLUI, donc les plans locaux d'urbanisme.
09:50 On vérifie que ces plans locaux soient...
09:53 Et la répartition de la charge des logements doit être aussi plus... avec une vision beaucoup
09:58 plus collective.
09:59 - Est-ce que vous êtes favorable à la création de nouvelles retenues d'eau dans le département ?
10:02 - Alors j'y suis absolument favorable.
10:05 - Où ça ?
10:06 - Donc aujourd'hui on travaille sur les aspres, la retenue des aspres, et moi j'ai invité...
10:12 Alors ces retenues, elles doivent être multi-usages.
10:14 Aujourd'hui quand on sait que les pompiers par exemple, je ne parle pas des pompiers
10:19 qui ont utilisé des moyens aériens, les pompiers au sol utilisent de l'eau potable pour éteindre
10:23 les incendies.
10:24 Donc je souhaite aussi que ces retenues puissent être des retenues multi-usages et la destination
10:29 évidemment des agriculteurs bien sûr, mais au-delà.
10:33 Donc on y travaille, donc le sujet c'est d'accélérer ces procédures.
10:37 J'ai demandé aussi qu'on ne me dépose que les collectivités locales, parce que ça
10:42 doit être aussi...
10:43 Que les collectivités locales doivent être aussi associées à ces démarches, parce
10:47 que ça permet au Conseil Régional, au Conseil Départemental et à l'État d'accompagner
10:51 financièrement ces retenues qui sont indispensables.
10:53 - Sur la sécurité Thierry Bonnier, Perpignan a bénéficié pendant plus d'un an de renfort
10:58 de gendarmes mobiles, 80 gendarmes.
11:01 Pourquoi on ne les voit plus ces derniers temps ? Est-ce qu'ils sont partis ?
11:03 - Ils étaient là pour une année, donc ils sont restés plus qu'une année.
11:10 Donc aujourd'hui ils sont mobilisés dans les métropoles au regard des différents événements.
11:14 - Donc ils sont partis, est-ce qu'ils reviendront ?
11:15 - Ils reviendront occasionnellement et ce qui est important de savoir c'est que la mobilisation
11:21 des forces de l'ordre dans le département, de la police nationale notamment, en lien
11:25 avec les polices municipales, est extrêmement mobilisée.
11:28 Aujourd'hui, alors même que les forces mobiles sont parties depuis presque un an, les chiffres
11:37 de lutte contre la délinquance sont excellents, notamment dans le cadre de la lutte contre
11:42 les stupéfiants où les chiffres sont extrêmement bons.
11:45 - Et très rapidement, les points de passage à la frontière, notamment l'école de Bagnouls
11:50 et de Morayas, est-ce qu'ils vont rouvrir étant donné qu'on a vu que dans les Pyrénées
11:54 Atlantiques c'est faisable ?
11:55 - Alors dans les Pyrénées Atlantiques, les PPA, les points de passage autorisés ont
12:01 rouvert parce que les accords entre la France et l'Espagne ont été mis en œuvre, c'est
12:06 tout simplement avec la création de brigades mixtes franco-espagnoles, c'est l'objet même
12:11 de l'accord entre la France et l'Espagne de janvier 2023.
12:14 De notre côté, la brigade mixte n'a pas encore été créée, nous attendons des avancées
12:22 de la part des autorités espagnoles que nous espérons évidemment et qui devraient se
12:25 réaliser donc pour l'instant la brigade mixte n'a pas été créée donc le PPA n'est pas
12:29 ouvert.
12:30 - Merci beaucoup Thierry Bonnier, vous êtes le préfet des Pyrénées Orientales, à très
12:33 bientôt.