Après un an de sécheresse historique dans les Pyrénées-Orientales, les nappes phréatiques sont toujours au plus bas et il n'a presque pas plu en octobre. Certains scientifiques appellent à limiter l'accueil de nouveaux habitants, notamment en plaine du Roussillon.
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00:00 Mais d'abord à 7h46 sur France Bleu Roussillon, toujours pas de pluie importante sur les Pyrénées
00:06 orientales, un automne encore très sec.
00:08 Ça fait plus d'un an que le département vit une sécheresse hors normes avec des restrictions
00:13 d'eau imposées par la préfecture.
00:15 Alors maintenant, qu'est-ce qu'on fait ? Comment peut-on préserver, sauver les nappes
00:19 phréatiques ? On va poser la question à votre invité ce matin, Suzanne Choudjaï.
00:23 Bonjour Henri Gotte.
00:24 Bonjour.
00:25 Vous êtes hydrogéologue, ancien président de l'université de Perpignan, alors ces
00:30 derniers temps vous multipliez les conférences sur le thème de la sécheresse pour proposer
00:34 vos solutions d'avenir.
00:35 Ce week-end par exemple vous étiez à Saurède.
00:38 Quand on connaît la situation des nappes phréatiques dans les Pyrénées orientales,
00:42 leur niveau historiquement bas et puis les pluies inexistantes, est-ce qu'on peut encore
00:47 sauver la situation ou est-ce que c'est perdu d'avance pour l'été prochain ?
00:50 Quelle question !
00:53 Écoutez, pour l'instant, il ne pleut pas et il n'y a pas de perspective de pluie
00:59 dans l'immédiat, au moins dans les jours ou semaines qui viennent.
01:03 Il a plu à peine un quart de ce qui doit tomber normalement au mois d'octobre.
01:07 Tout à fait.
01:08 Or, cette eau finalement, elle ne sert qu'à humidifier la terre, puisqu'on a des conditions
01:14 quand même qui sont de sécheresse des sols importantes.
01:19 C'est deux mètres quand on fait ces deux mètres qui sont secs.
01:23 Je ne sais pas, je pense que malheureusement il faut faire des choses.
01:28 On aurait dû d'ailleurs les faire il y a peut-être 20 ans.
01:32 On est en retard ?
01:33 Oui, bien sûr qu'on est en retard.
01:36 Alors maintenant on court derrière en quelque sorte.
01:38 Mais il y a des solutions.
01:39 Alors je dirais qu'il y a des solutions à court terme, à moyen terme et à long terme.
01:44 Et comment on fait alors ? Quelle est la première chose à faire selon vous ?
01:47 La première chose à faire c'est de continuer les économies.
01:49 On a réussi à faire 30% d'économies l'été dernier ?
01:52 Tout à fait, 30% sur l'eau potable.
01:55 Ce qui prouve quand même que le public a conscience de ces problèmes-là, forcément.
02:01 Mais ça ne suffit pas.
02:03 Ça ne suffit pas.
02:04 D'autant que quelles que soient les solutions qu'on adoptera, ce ne seront que des solutions
02:08 dites d'adaptation.
02:09 Autrement dit, on s'arrangera avec ce qu'on a pour que ça aille mieux.
02:13 Mais il viendra un moment où ce sera inopérant ces solutions parce qu'il y a un changement
02:19 climatique et parce que ça ne s'arrangera pas.
02:21 Il va falloir s'adapter au fait qu'il ne pleut pas, c'est ça ?
02:23 Tout à fait.
02:24 Il faut faire sans la pluie ?
02:25 On ne peut pas faire sans la pluie.
02:27 Toutes les ressources en eau dépendent de la pluie.
02:30 Donc c'est difficile de faire sans la pluie.
02:32 Simplement il faut avoir une gestion de l'eau qui soit différente de ce qu'on a maintenant
02:37 comme gestion.
02:38 Et puis prévoir des solutions pour qu'on ait davantage d'eau.
02:42 Alors ces solutions, par exemple, c'est le stockage.
02:46 Développer les retenues de stockage, les multiplier dans le département ?
02:49 Les retenues collinaires.
02:50 Bien sûr, on le sait.
02:53 On ne parle pas des bassines, attention.
02:54 Les bassines, c'est pomper l'eau des nappes phréatiques.
02:57 Là, on parle de...
02:58 Retenir l'eau de surface.
02:59 Voilà, l'eau qui tombe ou dévier les eaux de canaux, c'est ça ?
03:04 Tout à fait.
03:05 D'ailleurs, on a une bassine dans le département, une grande bassine, c'est la retenue de Villeneuve-la-Rao.
03:11 Parce que finalement, elle n'est alimentée que par le barrage de Vincent et le canal de Pervignon.
03:18 Alors il en faudrait une autre ?
03:19 Oh non, pas de cette ampleur.
03:22 Je pense que la solution, c'est des petites unités, disons, entre 50 000 et 200 000 m3.
03:29 Où ça ?
03:30 Essentiellement, ça commencerait d'après...
03:34 La Chambre d'Agriculture a travaillé ces problèmes-là.
03:37 Et ça devrait commencer théoriquement par la vallée du Thèques.
03:40 Pourquoi le Thèques ?
03:41 Parce que c'est la seule vallée où il n'y a pas de barrage.
03:44 Donc on commencerait par ça.
03:46 Vous dites aussi qu'on peut recharger les nappes manuellement.
03:49 Comment on fait ?
03:50 Oui, alors il y a eu une expérimentation qui a été déjà faite sur la nappe du Boules
03:55 du côté de Boules-de-Terre-Ner.
03:57 C'est une zone sensible, on le sait, cet été, par exemple, on a été obligé de
04:02 lâcher de l'eau du barrage de Vincent alors qu'il était bas, de façon à réalimenter
04:08 la nappe du Boules.
04:09 Tout simplement, on lâche de l'eau, le canal de Perpignan se déverse dans le ruisseau
04:16 du Boules, s'infiltre et réalimente la nappe.
04:20 Donc ça fonctionne ?
04:22 Ça fonctionne.
04:23 Alors, encore faut-il trouver, ça ne fonctionne pas partout.
04:25 Il faut les sites qui se prêtent à cela.
04:27 Qu'on ait un canal proche, que la topographie...
04:31 Mais ça a été fait par la Chambre d'Agriculture, il y a eu toutes les études à laquelle j'ai
04:35 participé, avec des critères.
04:38 Il ne faut pas...
04:40 Il faut que ce soit gravitaire.
04:41 Il ne faut pas mettre du pompage, des choses comme ça, tout gravitaire.
04:45 Il faut que la morphologie s'y prête.
04:47 Il ne faut pas qu'il y ait trop d'ouvrages qui permettent de faire ça.
04:53 Et la réutilisation des eaux usées, là ça commence à se faire dans le département,
04:58 les stades, les espaces verts...
05:01 Est-ce qu'on est en retard ?
05:02 On est très en retard.
05:04 Vous savez, la France c'est 1% de réutilisation des eaux usées.
05:10 L'Espagne c'est 14%, c'est à côté.
05:13 Alors, l'État...
05:15 Essentiellement, c'était des contraintes administratives.
05:18 Et l'État vient de lever ces contraintes administratives en élargissant un petit peu
05:23 les possibilités de réutilisation.
05:25 Donc là, il faut accélérer absolument ?
05:26 Absolument, il faut accélérer.
05:28 France Bleu Roussillon, l'invité du 6/9.
05:31 7h52, notre invité Suzanne Chaudjailly, Henri Gotte, hydrogéologue et ancien président
05:36 de l'Université de Perpignan.
05:37 Face à la sécheresse, vous estimez qu'il faut stopper les nouvelles constructions dans
05:41 le département, surtout en plaine.
05:43 Alors, vous évoquez notamment la plaine où il est prévu de construire près de 35 000
05:48 logements supplémentaires dans les 15 prochaines années.
05:51 Il n'y a pas assez d'eau pour tout le monde, selon vous ?
05:53 Bien sûr que non.
05:54 Si on fait le calcul, 35 000 logements, c'est à peu près 100 000 personnes.
05:58 Si on compte 3 personnes par logement, en gros.
06:01 100 000 personnes dans 15 ans, ça fait plus de 5 millions de mètres cubes supplémentaires
06:08 qu'il faudrait.
06:09 Vous connaissez la situation maintenant, où on ira les chercher ? C'est ça le gros problème.
06:15 Et c'est pourtant ce qui est prévu, les 35 000 nouveaux logements.
06:18 Bien sûr.
06:19 Alors du coup, c'est quoi ? C'est irresponsable selon vous de les construire ?
06:21 Écoutez, comme d'habitude, ce sont des contraintes contradictoires.
06:26 Moi je comprends que les maires des communes veuillent développer leurs communes.
06:30 Comment développer des communes avec des habitants supplémentaires ? Parce que ça
06:34 développe bien sûr les taxes, mais aussi les commerces.
06:37 Il y a tout un ensemble qui est lié à la présence de personnes.
06:41 Moi je le comprends ça.
06:44 Simplement, le critère eau n'a pas été pris en compte par le SCOT.
06:49 Enfin, par la révision du SCOT.
06:51 Le SCOT, c'est justement le document qui prévoit l'aménagement du territoire dans
06:56 les prochaines années.
06:57 Tout à fait.
06:58 Et malgré...
06:59 Alors le SCOT précise bien qu'il y aura un problème d'eau.
07:04 Mais enfin, préciser qu'il y aura un problème d'eau, ce n'est pas le résoudre.
07:08 Donc pour vous, ce n'est même pas 35 000 logements, ce n'est même pas 1 000, ce n'est
07:11 même pas 2 000, c'est zéro logement qu'il faudrait construire.
07:14 Pas tout à fait.
07:15 Parce que la législation est sortie, il y a eu un tollé lorsqu'est sorti la loi ZAN,
07:20 zéro artificialisation nette.
07:22 Lorsqu'est sorti, il y a eu un tollé.
07:24 Et donc l'État a revu un petit peu sa copie et maintenant on admet que chaque commune,
07:32 quelle que soit sa taille, devrait avoir un hectare supplémentaire pour construire.
07:38 Quelle que soit sa taille.
07:40 Ensuite, il peut y avoir des mutualisations entre communes voisines.
07:44 Dernière question, Henri Gotte.
07:46 L'été dernier, la préfecture avait tenté de trouver un équilibre entre les usages
07:50 agricoles, les usages liés au tourisme aussi, faire en sorte que tout le monde s'en sorte
07:55 à peu près malgré les restrictions d'eau.
07:57 L'été prochain, est-ce qu'on y arrivera à ça ou pas ?
08:00 Si on repart sur les bases actuelles de précipitation, on n'y arrivera pas.
08:05 Parce que l'année dernière, on est parti sur des bases avec des nappes qui étaient
08:09 moyennement hautes.
08:12 Ce n'est pas le cas cette année.
08:14 Cette année, on part avec des niveaux très bas.
08:16 Donc, si à ces niveaux très bas, on n'ajoute pas de pluie, ce qui pour l'instant se profile,
08:23 on n'y arrivera pas.
08:24 On le rappelle, il a plu moins d'un quart de ce qu'il doit pleuvoir normalement en octobre.
08:29 Merci beaucoup Henri Gotte.
08:30 Vous êtes en conférence d'ailleurs ce week-end à Saint-Estève ?
08:32 Tout à fait.
08:33 A quelle heure, quand ?
08:34 C'est à 18h30, si je me souviens bien.
08:38 Samedi ?
08:39 Samedi, oui, madame.
08:40 Et où ça ?
08:41 À la salle de la Méditerranée, je crois que ça s'appelle.
08:44 La place de la Méditerranée, je ne sais pas où c'est, mais on trouvera.
08:47 Henri Gotte, hydro-géologue, ancien président de l'Université de Perpignan.
08:51 Merci beaucoup, bonne journée.