"Il est clair que nous nous impatientons", indique le ministre des Armées, Sébastien Lecornu

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Le ministre des Armées, Sébastien Lecornu, était l'invité de BFMTV pour évoquer les négociations sur la libération des otages du Hamas, à propos desquelles le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, a évoqué ce mardi des "progrès".

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Transcription
00:00 Bonjour Monsieur le Ministre. Bonjour. Merci de nous recevoir ici au ministère des armées. On est dans le bureau du général de Gaulle. Bonjour Patrick. Bonjour Apolline.
00:08 Vous revenez d'une tournée dans les pays du Proche et du Moyen-Orient, Egypte, Arabie Saoudite, Emirat Arabe Unie, Israël, un peu plus tôt c'était le Liban.
00:17 Et vous avez participé aux négociations secrètes, aux discussions autour du sort des otages. Vous allez nous en expliquer les coulisses.
00:24 Quel rôle pour la France ? Quel dénouement en espérer ? Quel sort pour les otages ? Quelle perspective aussi pour la guerre sur place dans la région ?
00:33 Et est-ce qu'on peut espérer une trêve ? C'était une mission qui sur le moment était assez secrète mais vous allez nous en dévoiler aussi les résultats. Patrick.
00:42 La première question elle est très simple. On vit une journée de bascule. Le Hamas a dit on est proche d'un accord.
00:48 Le Qatar qui est en train d'accueillir toutes ces médiations dit on est proche d'un accord.
00:52 Fait très important, la Croix-Rouge est sur place, non pas pour négocier, c'est jamais son rôle, mais pour, on le comprend, organiser des modalités pratiques.
01:01 Qu'en est-il des otages ?
01:03 Et vous voyez la difficulté humaine de cette question pour les familles que j'ai pu rencontrer à Tel Aviv.
01:08 On a huit personnes disparues otages au moment où je vous parle parmi nos concitoyens.
01:13 Et évidemment ces annonces, ces déclarations nourrissent beaucoup d'espoir et de fait je vous confirme donc qu'il y a beaucoup d'espérance,
01:20 y compris à Paris, y compris au sein des chancelleries, au sein des services de renseignement, de voir aboutir évidemment cette libération d'otages.
01:28 Néanmoins, j'invite à la prudence, déjà parce qu'on a déjà eu des déceptions depuis maintenant plus de 40 jours,
01:34 que la situation de communication entre les différents négociateurs et la bande de Gaza sont parfois particulièrement difficiles sur le terrain tout simplement technique.
01:42 Le Hamas reste un groupe terroriste, donc évidemment tout repose sur sa parole, tout repose aussi sur les différents engagements israéliens.
01:51 Donc la situation elle reste particulièrement fragile, mais oui, il y a de l'espérance.
01:54 Et de manière globale, on a évidemment pesé de tout notre poids et nous continuerons de peser de tout notre poids dans cette négociation pour libérer nos otages,
02:02 déjà parce que historiquement la République française n'abandonne jamais les siens.
02:06 Est-ce que ça veut dire qu'Israël et le Qatar, pour la première fois, Israël, Qatar et Hamas, parlent quasiment d'une même voix, ou en tout cas sont d'accord sur les termes d'un accord ?
02:16 Il y a vraiment des raisons d'espérer. Je ne sortirai pas de cette formule parce que je ne veux pas donner trop de détails sur les paramètres des discussions qui sont en cours.
02:25 Le président de la République met une pression maximale sur cette affaire, ça explique effectivement mon déplacement dans la région.
02:30 Je me suis même apprêté la vive rendu de nouveau au Qatar et en Égypte.
02:34 C'est la mission qui vous était assignée ?
02:35 En fait, une mission de sécurité globale. Le ministère des armées, au fond, c'est un peu le ministère de la sécurité extérieure.
02:40 Là, au général Darmanin, il est ministre de l'intérieur. Dans l'agenda de sécurité qui est le nôtre, il y a la maîtrise de l'escalade.
02:46 On va sans doute y revenir. Vous avez cité le Liban. On a 700 soldats français à la frontière entre Israël et le Liban.
02:52 Mais évidemment, la question des otages est pour nous une priorité absolue.
02:55 Et le ministre des armées, le ministre de tutelle de la DGSE, je n'ai pas vocation à en dire plus,
02:59 mais il est évident que l'ensemble de la diplomatie française et nos services, sous l'instruction du président de la République, sont mobilisés.
03:05 Mais vous dites le mot "espoir". Je crois que c'est la première fois que vous le dites de manière aussi précise.
03:09 Est-ce qu'il s'agit d'heures ? Est-ce qu'il s'agit de jours ?
03:13 On verra. Il y a déjà eu des espoirs déçus depuis le début.
03:18 Dans ma vie d'homme, la rencontre que j'ai eue avec les familles de nos otages à Tel-Elviv, je n'ai jamais fait quelque chose de si difficile.
03:25 Voilà, ni pour me plaindre, ni pour m'épancher, je suis ministre des armées,
03:29 mais je vois le niveau de fatigue, le niveau de tension dans laquelle elles sont.
03:33 Imaginons au moment où je vous parle, elles ont vu les déclarations qui sont sorties ce matin par le Hamas.
03:38 Elles ont vu les déclarations de cher Mohamed Altani, le Premier ministre et ministre des Affaires étrangères du Qatar.
03:42 Elles m'entendent parler déjà d'espérance et d'espoir. Je pense qu'il faut qu'on ait une communication mesurée sur le sujet.
03:48 Mais de fait, les choses bougent.
03:49 À quelle heure est-ce que vous pouvez nous dire ce qui justifie à vos yeux pour la première fois d'utiliser ce mot d'espoir ?
03:56 Les alignements dans les différentes prises de position des différentes parties de la négociation.
04:01 Une trêve humanitaire ?
04:03 Il est clair que si nous la demandons depuis de nombreux jours, elle a évidemment un sens sur le terrain purement humanitaire à Gaza.
04:10 Là aussi, on y reviendra sans doute. Elle a un sens dans la manière dont Sahel prend en compte les populations civiles de Gaza.
04:17 Il est clair que la trêve humanitaire permet aussi d'organiser la sortie d'otages.
04:21 C'est une absolue évidence et c'est pour ça que le président de la République, très fortement, a dit des choses sur les trêves humanitaires
04:26 qui doivent à terme mener à un cessez-le-feu. Ce n'était pas complètement gratuit.
04:30 Alors, il y a l'espoir, de l'espérance. Malheureusement, on parle en tout de 240 otages.
04:35 On comprend déjà que le tri va être assez difficile.
04:39 Il n'y a pas encore de canot très officiel pour dire, il y a d'un côté les femmes et les enfants, de l'autre les hommes.
04:46 Est-ce que vous sentez des difficultés justement, puisque les otages et disparus français sont à la fois des femmes, des enfants et des hommes ?
04:55 Il n'y a pas une vie d'un être humain qui compte moins ou plus que la vie d'un autre être humain.
04:59 Je pense que ça, c'est aussi le sens de nos valeurs et que ce n'est pas parce que les crises sont très graves qu'il faut se détourner de nos valeurs.
05:05 Et donc, c'est une absolue évidence. Après, si on en croit aussi le droit humanitaire, et j'y crois beaucoup, le droit de la guerre,
05:10 même si c'est un groupe terroriste armé, il est clair que rien ne peut justifier la détention d'enfants qui ont moins de 10 ans,
05:17 qui ont entre 10 et 15 ans pour certains, qui sont des garçons, des jeunes garçons, des jeunes filles, et de manière plus globale, les femmes.
05:25 Donc, les femmes et les enfants d'abord, pardon de le dire comme ça, relève une forme de bon sens dans les discussions que nous avons.
05:31 Et je reviens sur ce chiffre, 240. Est-ce qu'il est toujours juste ? Est-ce que vous parleriez d'otages, de disparus ?
05:38 Qu'est-ce qui fait que vous utilisez ces deux mots-là ?
05:40 C'est très juste. Pourquoi depuis le début, au fond, on dit les deux mots ? Puisque c'est très compliqué d'avoir des preuves de vie.
05:45 Et d'ailleurs, à chaque fois qu'on a eu des preuves de vie, on s'est engagé à les communiquer aux familles.
05:50 Mais force est de reconnaître que nous en avons peu. Et donc, nous avons cette prudence qui renvoie aussi à la manière dont on prend soin des familles.
05:57 Je pense que c'est un fil d'Ariane très clair et très important dans ce que nous cherchons à faire, de parler d'otages et de disparus.
06:03 Puisque lorsque vous avez une preuve de vie, on peut employer le mot "otage". Lorsque vous n'avez pas de preuve de vie depuis longtemps,
06:09 ou jamais eu de preuve de vie depuis l'enlèvement, vous parlez de disparus.
06:12 Et donc, cette précaution et le flou que nous employons sur les huit personnes est volontaire d'un commun accord avec les familles.
06:18 Et sur le chiffre de 240, qui est le chiffre global qui avait été donné par Israël, il a bougé, pas bougé ?
06:23 C'est le dernier chiffre donné par Israël. Après, vous avez vu qu'un certain nombre de médias se sont fait écho de morts.
06:29 Donc peut-être que le chiffre, désormais, est un tout petit peu en dessous. En tout cas, il faut bien comprendre aussi que la situation au sein de la bande de Gaza
06:35 ne conduit pas à avoir des listes très claires, des tableaux propres, pardon de parler comme ça.
06:41 Mais la négociation, les négociations se font, évidemment, dans un cadre aussi qui est parfois un peu flou, y compris quand les télécommunications sont mauvaises dans Gaza.
06:49 Flou, mais avec quand même un parcours très précis en ce qui vous concerne.
06:53 Vous l'avez dit, vous avez commencé par les pays arabes, vous êtes allé en Israël, vous êtes retourné.
06:58 Alors que ça n'était pas prévu, me semble-t-il, dans votre programme initial.
07:01 Vous êtes retourné, malgré tout, au Qatar et en Égypte.
07:04 Ce qui veut bien dire que la France, à travers vous, a pris une part active. Quel est le rôle précis de la France dans ces négociations ?
07:11 En fait, le président de la République fait beaucoup de choses par téléphone, à son niveau, avec évidemment les différents services qui sont sous l'autorité de l'État.
07:17 Mais là, on était dans un moment du dossier où elle a souhaité me dépêcher sur place.
07:21 Donc j'avais des messages très précis de sa part. En plus, dans le monde oriental, le téléphone, les visios, ou même sur des communications cryptées, tout ça a ses limites.
07:32 Et à un moment donné, il y a des échanges qui doivent se faire de visu qui a permis aussi de remettre la pression.
07:36 Là aussi, je serai discret sur le contenu de mes conversations. Mais il est clair que nous nous appassiontons.
07:42 Ça fait plus de 40 jours, les familles sont fatiguées.
07:44 On sait très bien aussi que, et là, ce n'est pas un scoop ce que je vous dis, mais plus le temps passe, plus les otages et leur vie peuvent être en danger.
07:50 C'est une évidence ce que je vous dis là. Et donc, effectivement, il y a une impatience française.
07:54 Et le président de la République a décidé de m'envoyer aussi dans la région.
07:57 – Impatience qui se manifeste par quoi ? Quand vous avez dit "j'ai haussé le ton", ça veut dire quoi ?
08:00 – Au Qatar notamment.
08:01 – Ça veut dire partout. Ça veut dire que j'ai porté la voix du président de la République sur les attentes qu'étaient les nôtres.
08:08 Et notamment sur les questions de trêve humanitaire, sur la priorité, pardon du mot priorité,
08:13 mais en tout cas l'importance des jeunes enfants qui sont otages.
08:16 Je pense que c'est évidemment consensuel. Et donc, que ce soit avec mon homologue israélien,
08:20 les services israéliens que j'ai rencontrés, les différents interlocuteurs au Qatar,
08:24 oui, j'ai refait droit aux priorités françaises.
08:26 Et dans l'architecture de l'initiative de paix et de sécurité du président de la République,
08:30 on pourra y revenir, il y a beaucoup de sujets qui concernent évidemment les sujets politiques,
08:34 les sujets de maîtrise de l'escalade, les sujets politiques pour le lendemain de la guerre,
08:39 la lutte contre le terrorisme, il y a beaucoup de choses.
08:41 Mais enfin, il y a une priorité qui doit tout dominer.
08:43 Et ça, c'est la fierté d'être français et d'incarner ces valeurs-là,
08:46 c'est qu'on n'abandonne jamais les nôtres.
08:48 Et regardez dans notre histoire, interrogez par exemple le président Sarkozy
08:52 sur ce qui avait été fait à l'époque pour d'autres otages.
08:54 Il y a une tradition française importante, et le président de la République s'inscrit dans cette tradition.
08:58 Vous avez beaucoup cité le Qatar depuis le début.
09:00 C'est vraiment la clé dans cette affaire d'otages et de trêve humanitaire.
09:04 C'est un acteur central, oui.
09:06 Combien de Français, parmi ceux qui pourraient être libérés,
09:09 est-ce qu'il y aura des Français ? Est-ce que c'est une certitude ?
09:12 J'ai des chiffres, mais je les garde pour moi.
09:15 Je ne peux pas en dire plus.
09:17 Parce qu'il y a une incertitude importante dans ces discussions, et je le redis.
09:21 Je vois, et c'est normal, on espère.
09:24 Donc on est en train de souligner l'espérance.
09:27 Je ne voudrais pas que cette espérance soit douchée.
09:29 Ça va forcément être long.
09:31 Et je vais vous dire, même s'il y a des libérations d'otages prochainement,
09:33 ça ne sera pas les 240 otages ou la liste estimée.
09:36 Donc il restera des personnes qui seront détenues par le Hamas.
09:39 Donc je pense qu'il faut avoir une communication la plus sobre possible.
09:41 Mais, vous avez dit, il n'y a pas de listing,
09:44 mais vous arrivez quand même à voir qu'il y a peut-être la possibilité d'inclure les Français dedans.
09:50 Après que toute la difficulté aussi pratique, pardon de le dire comme ça,
09:55 mais les otages ne sont pas tous à un seul endroit.
09:57 Donc ils sont dispersés de par la bande de Gaza, comme chacun sait.
10:02 La presse internationale l'a suffisamment raconté pour que je puisse le confirmer.
10:05 Et donc évidemment, ça rend aussi les discussions difficiles.
10:08 Elles ont des repérages, des raisons évidemment très organisationnelles.
10:12 Pardon d'insister là-dessus, mais c'est vrai qu'on a envie de comprendre aussi
10:15 le degré de précision de vos discussions.
10:17 D'abord sur les lieux, quand vous dites les repérer, est-ce qu'on sait,
10:21 on ne va pas vous demander de nous le dire aujourd'hui,
10:23 mais est-ce que vous, en tout cas, vous savez où sont ces otages ?
10:26 Est-ce qu'Israël a une idée de où sont ces otages ?
10:28 Et vous le comprenez, je ne veux pas rentrer davantage dans les détails.
10:30 Je pense déjà que ma parole explicite un certain nombre de choses
10:34 dans ce moment particulier que nous connaissons.
10:36 C'était le choix du Président de la République aussi
10:38 qu'on puisse véritablement mettre cette pression nécessaire sur les différents acteurs.
10:43 Les choses sont en train de bouger.
10:44 Espérance, mais prudence, je dois le redire.
10:46 Comment on négocie ? On dit quoi ?
10:48 Il faut un objet de négociation.
10:51 On négocie quoi ? On négocie des prisonniers ? Est-ce qu'on négocie une trêve ?
10:54 Il y a plusieurs paramètres à la négociation.
10:56 Certains sont dans les mains de l'État d'Israël, d'autres sont dans les mains du Hamas.
11:01 Le Qatar, lui, est un intermédiaire et établit la discussion.
11:04 Lui-même discute avec les Américains et avec nous-mêmes.
11:07 Donc oui, ce sont plusieurs paramètres qui s'additionnent
11:10 et qui rendent par définition les discussions compliquées.
11:13 Mais cette guerre, elle ne va pas s'arrêter.
11:14 Et justement, après la question des otages,
11:18 quelle que soit la résolution, on l'espère la meilleure possible,
11:21 vous avez bien fait sentir que le sort des 240 otages
11:25 ne pourra pas être réglé de façon totalement générale.
11:27 Mais on ne comprend pas, finalement, quel est l'objet de négociation du Hamas.
11:32 Parce qu'une fois que cette question est réglée,
11:34 qu'est-ce qu'il reste à négocier pour des terroristes
11:36 qui n'avaient fait que demander la destruction d'Israël,
11:39 qui n'arrivera pas ?
11:40 Non mais c'est pour ça qu'il faut garder la bonne position.
11:44 Nous, quels sont nos intérêts ?
11:46 On n'est pas là pour se mettre à la place du Hamas.
11:48 On n'est pas là d'ailleurs même pour se mettre à la place d'Israël,
11:51 même si Israël est notre allié, je veux le redire.
11:54 Israël a le droit de se défendre
11:56 et il est bien normal qu'Israël réagisse à l'attaque terroriste épouvantable
12:00 qu'ils ont connue le 7 octobre dernier.
12:02 Nous, la question c'est quels sont nos intérêts aussi dans cette affaire.
12:04 Voilà la solidarité que l'on doit évidemment avoir.
12:07 Et c'est pour ça que le président de la République avance sur le trépied qui est le nôtre.
12:10 Il y a forcément une réponse sécuritaire.
12:12 La libération des otages en fait partie.
12:14 Mais c'est la question aussi de la lutte contre le terrorisme.
12:16 Je rappelle quand même que trois de nos soldats sont morts en Irak à la fin du mois d'août
12:20 dans une forme d'indifférence globale, je tiens à le dire.
12:23 C'est-à-dire de la part de qui ?
12:25 Des élites, de l'opinion publique.
12:27 Je n'en fais procès à personne.
12:29 C'est juste qu'on voit qu'on est installés dans une routine
12:32 dans la lutte contre le terrorisme.
12:34 Le sergent-chef Mazier, il est mort au combat face à Daesh.
12:38 Ce n'était pas il y a 4 ou 5 ans.
12:40 C'était à la fin du mois d'août.
12:42 Donc la question terroriste, on l'a vu avec Arras de manière nationale.
12:45 Mais on le voit aussi avec ce qui se passe au Sahel, évidemment.
12:49 Au Mali, au Niger, avec ce qui se passe au Levant, en Irak
12:52 où la situation a l'air d'être stabilisée.
12:54 Pareil avec ce qui se passe en Afghanistan.
12:56 Donc il y a un pilier sécuritaire.
12:57 Après, il y a un pilier humanitaire.
12:59 Je trouve que les forces armées françaises y contribuent amplement.
13:02 On le voit bien avec l'envoi de ce bateau, ce porte-hélicoptère amphibie,
13:05 le Dixmude, qui va donner des capacités hospitalières
13:07 pour soigner de jeunes enfants blessés au sein de la bande de Gaza.
13:10 Enfin, en Égypte, mais qui vont venir de la bande de Gaza.
13:12 Puis après, un volet plus politique dans lequel il y a la question
13:15 de la solution aux deux États.
13:17 Catherine Colonat est à la manœuvre sous l'autorité du président de la République
13:19 sur cette affaire.
13:20 Et puis aussi la question de la lutte contre l'escalade.
13:22 Je le disais, 700 soldats français, qui en parlent d'ailleurs peu de gens,
13:25 à la frontière entre le Liban et Israël, sous mandat des Nations Unies.
13:29 C'est notre dernière mission Nations Unies.
13:31 Casque bleu, comme on disait jadis.
13:33 Ce n'est pas une mission d'interposition, c'est une mission d'observation et de déconfliction.
13:36 Et toute la journée, nos soldats constatent un seuil de violence
13:40 qui s'élève petit à petit entre le Liban, les tirs du Hezbollah, et Israël,
13:45 qui est évidemment aussi quelque chose qui nous préoccupe beaucoup.
13:47 Les otages sont la priorité, mais vous le voyez bien et vous avez raison.
13:50 La mise en perspective des enjeux, des défis de sécurité humains,
13:54 j'en parle même pas, sont énormes.
13:56 Il nous faut donc avoir une réponse qui soit bien organisée.
13:58 Vous avez mentionné Catherine Colonat, j'ai une question un peu franche.
14:01 Vous êtes le ministre de la Défense, mais vous avez fait de la diplomatie.
14:04 Pourquoi vous ? Est-ce que c'est aussi parce que c'est une ministre des Affaires étrangères
14:09 et que dans ces pays-là, on a plus de mal à négocier avec une femme ?
14:12 Non, parce que pour le coup, Catherine Colonat est une diplomate chevronnée.
14:16 Elle y a un réseau très important. Elle y connaît du monde de longue date.
14:19 En fait, on ne parle pas aux mêmes personnes.
14:21 Il se trouve que lorsque vous êtes ministre des Armées, mais interrogez Florence Parly ou Jean-Yves Le Drian avant moi,
14:26 vous avez accès facilement aux réseaux sécuritaires, les services et les armées.
14:31 Pardon, mais dans des pays dans lesquels les services et les armées occupent une place plus importante
14:35 que dans nos démocraties, c'est le moins que l'on puisse dire.
14:38 Catherine a évidemment beaucoup d'interlocuteurs qui sont dans des réseaux politiques,
14:42 diplomatiques et humanitaires, ce qui est extraordinairement précieux
14:45 pour ce que nous cherchons à faire actuellement.
14:47 Donc en fait, on se complète. Elle a fait d'ailleurs la première passe, si j'ose dire, dans la région.
14:51 Elle a fait la première tournée. Moi, j'ai fait la deuxième avec des interlocuteurs qui sont un peu différents.
14:56 Et en fait, à nous deux, évidemment, ça permet d'avoir une action à 360.
14:59 Et justement, sur cette histoire de, vous disiez, il y a le trépied de la politique française,
15:03 on a pu avoir le sentiment que vous bougiez le curseur au fur et à mesure, depuis le 7 octobre.
15:09 Au départ, dans l'insistance sur le droit d'Israël à se défendre.
15:14 Aujourd'hui, davantage sur la pression mise à Israël vis-à-vis des civils dans la bande de Gaza.
15:21 Comment a évolué le curseur ? C'est presque comme vos allers-retours là-bas.
15:27 On a l'impression que parfois, il y a eu un peu des allers-retours dans la politique, dans la voie de la France.
15:32 Et pourtant non, en fait. Et c'est ça qui est difficile. On est dans le bureau du général de Gaulle.
15:35 Donc on sait à quel point tenir une position d'équilibre, c'est compliqué.
15:39 Et c'est encore plus compliqué aujourd'hui avec les réseaux sociaux,
15:42 avec la guerre informationnelle qui nous est menée par certains compétiteurs.
15:46 Mais les dirigeants n'ont pas eux-mêmes se sont dit décontenancés.
15:49 La note des ambassadeurs en question a été quand même largement montée en épingle.
15:52 Elle dit juste l'état de l'opinion publique dans les pays arabes.
15:55 Et on le sait, on la connaît.
15:56 Donc c'est aussi normal que des hauts fonctionnaires de l'État
15:59 fassent remonter l'état des opinions publiques des pays concernés.
16:02 Non, en tout cas, la position est équilibrée, elle n'a pas changé.
16:05 Elle est cohérente et constante.
16:06 La difficulté que nous avons, comme toutes les positions équilibrées,
16:10 c'est qu'elle soit entendue par toutes les parties et tous les acteurs.
16:13 C'est pour ça qu'il faut être pédagogue.
16:15 Il faut aussi répéter souvent les mêmes choses.
16:17 Il faut se déployer comme on l'a fait dans la région.
16:19 Le président de la République a pris plusieurs fois la parole.
16:21 Mais au fond, on voit bien, le problème de ce dossier, on le sait tous,
16:24 c'est que les drames humains, l'émotion qui est sous-jacente,
16:27 fait qu'il faut toujours choisir son camp.
16:29 Or, l'histoire même de la diplomatie française et de la politique française,
16:32 du général De Gaulle à Emmanuel Macron,
16:34 en passant par les autres présidents de la République,
16:36 c'est cet équilibre-là.
16:37 Et cet équilibre-là, il n'a jamais été consensuel.
16:39 Parce que par définition, je le disais récemment,
16:41 la diplomatie française n'est pas là pour faire plaisir à tout le monde.
16:44 Elle est là pour traduire et nos valeurs d'une part, mais aussi nos intérêts.
16:48 C'est là où le ministre des Armées rentre aussi peut-être davantage en ligne de compte,
16:51 puisque dans nos intérêts, il y a nos intérêts de sécurité.
16:53 On a quand même l'impression que, justement,
16:55 vous êtes totalement porté sur les relations extérieures,
16:58 mais que pour le grand public français,
17:00 il y a quand même un manque de lisibilité flagrant.
17:02 C'est difficile, tout le monde n'a pas une maîtrise de relations internationales
17:06 ou ne sort pas d'un institut d'études politiques.
17:08 Lorsqu'on entend parler d'une coalition anti-Daesh
17:12 qui pourrait s'étendre au Hamas, lorsque le président,
17:14 alors que oui, si on a un œil averti, on sait pourquoi le tonnerre est parti.
17:18 Et ce n'était pas seulement pour faire de l'humanitaire
17:21 à destination des populations de gaz.
17:23 N'empêche, il est parti sans l'autorisation d'Israël
17:25 et sans avoir une place au port en Égypte.
17:27 Vous, vous savez que vous avez le coup d'après.
17:29 Mais comment rendre lisible cette politique
17:32 sur le sujet le plus inflammable depuis 80 ans, presque ?
17:36 Je pense qu'il nous faut peut-être aussi rendre mieux les coups.
17:39 L'affaire du tonnerre est fascinante.
17:41 Le président de la République prend l'engagement
17:44 que la France va être nation cadre en matière sanitaire.
17:47 Ça veut dire en clair, on met une mise de moyens de départ
17:49 et on organise avec d'autres alliés, qu'ils soient de la région ou européens,
17:53 le fait d'arriver à prodiguer, mettre en œuvre une offre de soins,
17:57 pardonnez-moi, pour les habitants de Gaza qui seraient blessés.
18:00 Très vite, tous les tireurs couchés sont sortis
18:03 et en disant "mais c'est pas vraiment un bateau hôpital, etc."
18:06 Ce bateau était déjà en mer.
18:08 Il avait une fonction hospitalière.
18:10 Il a une fonction hospitalière à bord, pas de doute.
18:12 - Quatre blessés, possible d'être accueillis ?
18:15 - Mais l'intérêt... On n'a jamais dit que c'était un bateau hôpital.
18:18 Ce sont nos détracteurs qui l'ont labellisé comme tel.
18:21 Il est évident qu'un port-hélicoptère, c'est un plot logistique avancé en mer.
18:24 Et il y a quoi sur un port-hélicoptère ?
18:26 Des hélicoptères.
18:27 Donc ça nous permettait tout simplement, évidemment,
18:29 de commencer à soigner des gens, de les mettre en protection,
18:31 par exemple à Chypre, qui ce sont des discussions que nous avions eues.
18:34 La difficulté aussi, c'est que nous avons trop de personnes
18:36 en politique intérieure française qui font le recel
18:39 de chaque mauvaise information, voire de mensonges.
18:42 Et ça, je le déplore.
18:43 C'est pour le coup, à mon avis, la différence avec les opposants du général de Gaulle
18:46 qui avaient, à mon avis, une autre vision et une autre dignité
18:49 que celles et ceux que nous pouvons avoir aujourd'hui.
18:50 Ça, c'était la minute plus politique. Pardon, un peu l'une de ma larme.
18:52 - Non, non, au contraire, au contraire.
18:54 Je ne pouvais pas vous laisser comme ça.
18:56 - Cette fuite en avant, par exemple, de la France insoumise,
18:59 elle est visible à l'international.
19:00 Tout ça nous fait du tort.
19:01 Quand j'ai parlé de honte, je le pense à dessein.
19:03 Et Dieu sait que je respecte les députés de la France insoumise
19:05 parce qu'ils ont été élus par les Français
19:07 et qu'ils contrôlent l'action du gouvernement
19:08 et qu'il est bien normal que je réponde à leurs questions.
19:10 - Parce que ça donne des armes.
19:11 - Mais lorsque les positions sont à ce point anti-françaises,
19:14 mais qui vont d'ailleurs contre la position d'équilibre,
19:17 telle que le général de Gaulle ou Emmanuel Macron l'ont défendue au fil du temps,
19:20 ça brouille aussi le message.
19:22 Après, pour revenir, parce que je ne me dérobe pas sur cette question,
19:25 la difficulté, c'est d'expliquer très facilement
19:28 un dossier effectivement épouvantablement complexe.
19:32 Mais je vais revenir sur le droit d'Israël pour se défendre.
19:35 C'est quand même simple que de dire
19:38 Israël a connu et vécu une attaque terroriste absolument épouvantable
19:44 qui touche le fondement même de la promesse du vivre ensemble israélien
19:50 qui est la sécurité pour la population d'Israël,
19:53 pour les Juifs qui ont décidé de s'y établir,
19:56 de vivre en sécurité.
19:57 Donc oui, Israël a le droit de se défendre,
19:59 comme nous, nous nous sommes défendus contre les attaques terroristes
20:02 qui ont été projetées depuis le Levant sur notre propre sol.
20:05 Et ensuite on dit, mais c'est en même temps, c'est le bon sens,
20:09 Israël doit le faire en respectant le droit humanitaire et le droit de la guerre.
20:13 Et lorsqu'il y a des frappes qui malheureusement impactent beaucoup trop les civils,
20:18 c'est que de toutes les évidences, ce droit n'est pas suffisamment intégré dans les frappes de Tsaïl.
20:22 Et quand le président de la République dit "je les condamne",
20:25 on est dans l'équilibre de la position de la France, en deux phrases.
20:27 J'ai une dernière question peut-être plus personnelle.
20:29 Au retour de cette tournée, où vous avez dû discuter,
20:33 y compris avec des gens qui sont dans la zone grise entre amis et ennemis,
20:37 je pense aux Qatar,
20:39 et y compris savoir qu'il y a des représentants du Hamas
20:43 qui eux aussi doivent accepter les termes d'un accord.
20:47 Comment on vit ça, de devoir négocier avec ceux dont on estime qu'ils ne sont pas fréquentables ?
20:53 Quand vous avez passé deux heures avec les familles,
20:55 vous trouvez toute l'énergie de faire ce qu'il faut.
20:58 Ça c'est la dimension humaine de ma réponse,
21:00 et le président de la République vous répondrait à mon avis la même chose,
21:03 parce qu'il a passé le même moment comme Catherine Colana avec les différentes familles.
21:07 Après j'invite aussi une réflexion pour nos téléspectateurs,
21:10 c'est de regarder aussi pourquoi les choses sont comme ça.
21:13 Pourquoi le Qatar joue ce rôle ?
21:15 Pourquoi le Qatar cherche à peser ?
21:18 Parce que d'un côté son grand voisin c'est l'Iran,
21:20 qui pose des défis de sécurité majeurs à travers son histoire.
21:25 Que tous les pays du Golfe regardent ce qui se passe à Washington
21:29 avec la campagne présidentielle qui débute.
21:32 Qu'un certain nombre de ces pays,
21:34 ou parfois aussi répondus aux demandes qui leur avaient été formulées dans le passé,
21:37 j'en dirais pas plus, d'accueillir un tel ou un tel.
21:40 Donc la réalité c'est que chaque pays a son agenda.
21:43 Et donc nous on a nos valeurs, on a notre morale républicaine,
21:46 on la défend, pour autant je le dis aussi, je suis ministre des armées,
21:49 pas de bisounours, on est là aussi pour défendre nos intérêts.
21:52 Et donc nous avons des partenaires stratégiques
21:54 qui nous aident aussi à défendre nos intérêts.
21:56 Et je pense qu'on ne comprendrait pas que le gouvernement de la République française
21:59 et le chef de l'État ne défendent pas les intérêts de la France et des Français.
22:01 Merci, merci Patrick, merci Monsieur le Ministre.

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