7 MINUTES POUR COMPRENDRE - Pourquoi l'extrême droite gagne du terrain en Europe?

  • l’année dernière
L'extrême droite gagne du terrain en Europe: après la Hongrie de Viktor Orban, ce sont les Pays-Bas qui font de la place à l'extrême droite. Geert Wilders et son parti a gagné lors des élections législatives néerlandaises.

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00:00 [Générique]
00:04 Parce que l'extrême droite arrive largement en tête des élections législatives aux Pays-Bas.
00:10 Le Parti de la liberté, parti ouvertement islamophobe, remporte 35 sièges sur 150.
00:17 Et vous voyez ici son chef, Gerd Wilders. Va-t-il devenir Premier ministre ?
00:21 A priori, pour le moment, non.
00:23 Mais ce qui est sûr, c'est que pendant la campagne, il a porté un message anti-immigration
00:27 qui a infusé dans les urnes. On le surnomme le Trump néerlandais.
00:31 D'ailleurs, il a la même cravate. Écoutez-le cette nuit.
00:34 Nous sommes devenus le premier parti et de loin.
00:38 Je veux dire par là que pour beaucoup de gens, si vous leur aviez demandé il y a un an,
00:42 ils vous auraient traité de fous. Mais c'est arrivé aujourd'hui.
00:45 Je suis donc très fier, je suis très heureux et cela m'apporte un grand sentiment de responsabilité.
00:49 Les gens attendent notre programme d'espoir, une politique d'asile et d'immigration plus stricte.
00:54 Et que les gens reçoivent plus d'argent pour payer leurs factures et leurs courses.
00:58 Nicolas Poincaré, Mathieu Croissando et Laurent Neumann sont avec nous.
01:03 C'est une surprise, Laurent, cette poussée de l'extrême droite au Pays bas 35 sièges.
01:07 Alors c'est vrai que les sondages ne laissaient pas apparaître une victoire aussi nette.
01:12 Ils ont gagné 20 sièges par rapport aux dernières élections.
01:16 C'est colossal. Cela ne veut pas dire pour autant d'ailleurs que c'est le futur patron de l'exécutif.
01:21 Parce qu'il va falloir faire des coalitions.
01:23 Oui, parce qu'il va falloir faire des coalitions et que toutes les formations politiques, y compris la droite,
01:27 ont toujours dit une alliance avec le parti de Wilders.
01:31 C'est hors de question. Vous connaissez la politique.
01:34 Peut-être que dans les heures qui viennent, la droite va peut-être céder
01:37 ou en tout cas un certain nombre de membres de la droite vont peut-être être séduits par cette victoire.
01:42 Vous voulez bien nous donner ou nous rappeler les grandes lignes du programme ?
01:46 Alors en gros, ça marche sur deux jambes.
01:49 D'abord, anti-immigration et d'ailleurs je ne devrais pas dire ça, je devrais dire anti-islam.
01:53 Ce n'est pas l'extrême droite diabolisée que revendique Marine Le Pen.
01:57 Ici, Gerd Wilders ne fait pas de différence entre les musulmans et les islamistes.
02:01 Pour lui, le Coran, c'est Mein Kampf.
02:03 Ecoutez ce que je dis. Le Coran, c'est Mein Kampf.
02:07 Donc tous les musulmans n'ont rien à faire aux Pays-Bas.
02:10 Voilà le programme de Gerd Wilders.
02:12 Et puis il y a une deuxième jambe, c'est l'Europe.
02:14 Alors lui, à titre personnel, il n'est pas favorable à l'idée de quitter l'Europe.
02:18 Mais en revanche, il veut un référendum obligatoire et contraignant
02:23 pour demander l'avis des Néerlandais, est-ce que vous voulez rester ou non dans l'Europe ?
02:27 Un peu ce qui s'était passé en Grande-Bretagne.
02:30 Cameron, lui, était contre le fait de quitter l'Europe.
02:33 Enfin, il nous a vendu un référendum.
02:34 Puis vous avez vu comment ça s'est terminé.
02:36 Ce qui vient de se passer là, c'est peut-être un séisme dans l'Union Européenne.
02:41 Vraiment, le mot n'est pas excessif.
02:43 On parle de 35 sièges, donc c'est un parlement néerlandais qui est très morcelé.
02:46 Ce n'est pas une victoire éclatante non plus quand on arrive à 35 sur 150 sièges.
02:50 Donc il n'y a pas de majorité évidente.
02:52 C'est vrai, mais si Wilders dirige demain une coalition et qu'après-demain, il y a un référendum,
02:56 si les Néerlandais décident de dire oui et de quitter l'Union Européenne, je confirme, c'est un séisme.
03:01 Gerd Wilders, Nicolas Poincaré, il n'a aucun tabou sur le programme et dans les mots non plus.
03:06 C'est le Trump européen, c'est comme ça en tous les cas qu'on le surnomme.
03:09 Oui, alors Trump, effectivement, par la coupe de cheveux, par la cravate et puis sur le fond.
03:13 On pourrait aussi le comparer à Jean-Marie Le Pen, dont il est assez proche, qu'il admire beaucoup.
03:17 Parce que comme Le Pen, il est dans le paysage politique depuis des années et des années.
03:21 C'était, je crois, ses sixièmes législatives.
03:23 Il a constamment gagné du terrain, mais personne jusqu'à aujourd'hui n'imaginait gagner.
03:29 Alors, Laurent vient de très bien le dire, il n'a aucun tabou.
03:32 Il a organisé, par exemple, des concours de caricature de Mahomet,
03:37 ce qui lui a valu de vivre sous une protection policière depuis des années.
03:42 Il a, dans le manifeste de son parti, dit qu'il veut que les Pays-Bas ne soient pas pays islamiques.
03:46 Il ne doit pas y avoir de Coran dans son pays.
03:49 Il veut interdire le voile dans les bâtiments publics.
03:51 Donc, il a effectivement cette obsession de l'islam et cette obsession anti-européenne.
03:57 Par exemple, sur l'Europe, il veut aussi interdire aux ressortissants européens, par exemple français,
04:02 de pouvoir travailler aux Pays-Bas.
04:04 Il voudrait rétablir des permis de travail, ce qui est contraint à tous les traités européens,
04:08 mais ce qui ne le dérange pas.
04:10 Effectivement, il a le côté provocateur de Trump et puis ces deux obsessions anti-musulmanes et anti-européennes.
04:17 D'ailleurs, il n'a aucun problème avec l'amalgame, n'hésitant pas à traiter les Marocains de racailles.
04:22 Absolument, il ne dit pas "l'immigration est liée à la délinquance".
04:29 Il prend un pays tout entier et dit "les Marocains, c'est des racailles".
04:32 Et toute sa carrière politique est fondée sur ces transgressions verbales.
04:38 Le problème, c'est que ça marche.
04:40 Ces amalgames, c'est un tabou qui est franchi.
04:42 Ceux qui votent Wilders attendent ça de lui.
04:45 Ça fait des années qu'il prospère en tenant ce discours.
04:49 Il faut bien l'entendre, ce n'est plus un discours seulement anti-immigration.
04:52 Dans son projet, c'est immigration zéro.
04:54 C'est même immigration moins que zéro.
04:57 Il trouve que zéro, c'est déjà trop.
04:59 Il veut faire un solde migratoire négatif qui passerait par l'expulsion massive de l'éclatation.
05:03 Ce que ne fait pas Marine Le Pen chez nous, c'est d'apparaître officiellement comme anti-islam.
05:09 Lui, ça ne le dérange absolument pas.
05:12 L'inquiétude, vous fronciez les sourcils quand j'ai dit que c'était un séisme en Europe,
05:16 c'est qu'il y a des gouvernements non pas aussi radicaux que Wilders en Europe,
05:22 mais en tout cas qui partagent les mêmes buts.
05:24 Il y a Fratelli d'Italia avec Giorgia Melloni en Italie.
05:28 Il y a Viktor Orban en Hongrie.
05:30 La bonne nouvelle, c'est que les libéraux l'ont emporté sur le pis en Pologne,
05:34 mais vous avez l'extrême droite qui participe à des coalitions en Lettonie,
05:39 donc dans d'autres pays.
05:40 On voit bien qu'il y a une montée de ce vote populiste, anti-immigration et anti-européen.
05:46 Tout cela a un peu plus de six mois des élections européennes.
05:49 Est-ce que cette poussée de l'extrême droite, elle va se ressentir aussi dans ces urnes-là dans six mois, Mathieu ?
05:54 C'est bien simple.
05:55 L'extrême droite aujourd'hui, c'est la deuxième force politique dans plus de la moitié des pays européens.
06:00 Elle est soit aux portes du pouvoir, soit, comme l'a dit Laurent, au pouvoir.
06:04 On la voit en Italie, en Suède, en Finlande, en Hongrie.
06:07 En coalition en Suède, Finlande, Lettonie, en Hongrie, bien sûr.
06:10 C'est une extrême droite en plus qui a changé de visage.
06:12 Ils ne sont pas toujours d'accord entre eux.
06:14 On parle de populistes, d'ultraconservateurs, de nationalistes.
06:18 On n'est plus forcément dans l'extrême droite xénophobe, comme c'est le cas pour les Pays-Bas,
06:23 mais c'est une extrême droite qui joue sur la peur du déclassement sur le continent européen,
06:28 l'impression que les Européens sont devenus des perdants de la mondialisation,
06:31 évidemment sur les problématiques migratoires.
06:33 Les partis progressistes, eux, ont des réponses traditionnelles au nom des principes et des valeurs.
06:37 Les partis populistes, eux, ont des réponses sur les peurs et les colères.
06:41 Et on voit bien qu'en six mois, ça risque de ne pas se retourner.
06:44 Ce qui est intéressant, c'est que dans tous ces pays, il n'y a pas une cause commune.
06:47 Il y en a plein.
06:48 Oui, et puis il y a des degrés, si j'ose dire.
06:51 On peut trouver d'ailleurs assez paradoxal que Marine Le Pen,
06:55 qui par exemple sur le terrain national, fait tout pour se dédiaboliser, se normaliser, se banaliser.
07:02 Au moment où Gert Wilders gagne les élections, elle est une des premières à le féliciter.
07:07 Or, la ligne directrice de Wilders aux Pays-Bas, ce n'est pas Marine Le Pen, c'est Jean-Marie Le Pen.
07:13 Il faut bien avoir cette idée-là en tête, encore une fois.
07:17 Donc ça veut dire qu'il y a des degrés, mais à l'arrivée...
07:20 Prenez l'exemple de l'Italie, Georgia Melody, ce n'est pas l'ami de Marine Le Pen.
07:23 En revanche, Matteo Salvini, qui fait partie de sa coalition, oui.
07:27 Et Salvini, c'est un cran au-dessus.
07:29 Là, on se rapproche des thèses ou des positions de Gert Wilders.
07:33 Mais à l'épreuve du pouvoir, vous évoquiez l'Italie, on pourrait aussi évoquer la Hongrie,
07:37 l'extrême droite au pouvoir, ça donne quoi ?
07:39 Eh bien, ça donne des stratégies anti-immigration, un pas de côté vis-à-vis de l'Union européenne.
07:47 Regardez par exemple Viktor Orban, il passe son temps à vouloir s'affranchir des règles européennes,
07:52 des règles sur la liberté des médias, la liberté des femmes.
07:57 C'est d'ailleurs ce qui s'est passé en Pologne.
07:59 À force de contraindre les femmes, je pense notamment à l'IVG,
08:03 à l'arrivée, les femmes se sont d'une certaine manière rebellées dans les urnes.
08:07 Et finalement, le pisse a été battu par Donald Tusk, qui était un libéral et un pro-européen.
08:14 Mais je prolonge ma question, les électeurs sont satisfaits ou ils sont déçus ?
08:18 Alors, le pisse, par exemple, en Pologne, est là depuis longtemps.
08:22 Donc toute la partie anti-immigration, on ferme les frontières, on reste entre nous.
08:26 Gerd Wilders, d'ailleurs, au passage, il est même contre le droit d'asile.
08:29 Je ne sais pas si vous voyez la remise en cause de nos valeurs européennes.
08:33 Il veut que le droit d'asile, on dit stop, terminé, au moins pour les Syriens
08:36 et tous les originaires de pays musulmans.
08:39 Cette ligne-là, dans ces pays-là, en Pologne, on apprécie.
08:44 Par contre, quand ça se double d'un certain nombre de décisions dites conservatrices,
08:49 pour des raisons notamment religieuses, chrétiennes, je pense à l'abortement,
08:53 là, tout à coup, ça bascule dans le sens inverse.
08:56 Il y a quelques instants, le député européen Raphaël Glucksmann a estimé
08:59 que l'Union européenne était en danger de mort interne et de mort externe.
09:03 Poutine est en train de gagner son pari.
09:06 Je ne vois pas bien le rapport entre Poutine et les élections aux Pays-Bas.
09:12 Ce qui est intéressant, ce qu'on n'a peut-être pas encore assez dit,
09:15 c'est que Gerd Wilders a certes remporté les élections hier,
09:18 mais il n'est pas encore Premier ministre.
09:20 Il y a quand même encore beaucoup d'incertitudes.
09:22 Il y a des coalitions qui vont se dessiner.
09:24 Il y a un homme qui s'appelle Peter Holmstig qui dirige le nouveau contrat social,
09:30 inspiré de Jean-Jacques Rousseau, le nom du parti.
09:32 Il est assez populiste et c'est pour l'instant le seul qui a dit
09:35 « moi je veux bien prendre la tête d'une coalition ».
09:37 Donc ça pourrait être lui le Premier ministre.
09:39 C'est un dissident du parti chrétien démocrate.
09:41 Si Gerd Wilders décidait de le suivre, rien n'a encore fait.
09:45 Mais ça pourrait être lui le Premier ministre.
09:47 Juste un mot pour commenter ce que disait Raphaël Glucksmann.
09:50 S'il y a un lien en réalité, et c'est assez documenté,
09:53 la Russie cherche à financer, à aider, à soutenir tous les partis populistes en Europe
10:00 qui sont contre l'Union européenne.
10:02 Le projet de Poutine c'est de faire imploser l'Union européenne.
10:05 L'Union européenne c'est le niveau de prospérité économique
10:07 et le plus grand espace démocratique du monde.
10:09 Et on voit bien que ces démocraties sont aujourd'hui menacées
10:11 parce que quand l'extrême droite est au pouvoir,
10:12 elle remet aussi en cause l'État de droit,
10:14 les magistratures suprêmes, le travail des ONG, parfois la presse.
10:18 Donc c'est ça que je trouve.
10:19 D'un mot, fort de cette poussée de l'extrême droite partout en Europe,
10:23 est-ce que la victoire de Marine Le Pen en 2007,
10:25 est-ce que ça rend la victoire de Marine Le Pen en 2007 possible ou probable ?
10:29 Alors ce qui se passe aux Pays-Bas n'est pas comparable à ce qui se passe en France.
10:33 Mais en revanche, les faits sont importants.
10:35 Je note que Marine Le Pen a été une des premières en Europe
10:38 à féliciter Gerd Wilder.
10:40 Ce n'est pas rien, c'est un message qui est envoyé.
10:42 Et oui, vous avez raison, il y a des élections intermédiaires,
10:45 c'est un peu nos mid-terms en France.
10:47 À mi-mandat d'Emmanuel Macron, il y a ces élections européennes.
10:51 Et si au mois de juin prochain, le Rassemblement national arrive en tête,
10:55 ce sera déjà une première pierre sur le chemin vers 2027.
10:59 Et quand on voit ce qui se passe dans d'autres pays européens,
11:01 autour des mêmes sujets, problème avec l'Europe, problème avec l'immigration,
11:05 on voit bien que ces deux éléments-là sont en pleine progression,
11:08 et ce, dans tous les pays d'Europe sans exception.
11:11 Merci à tous les trois d'avoir été avec nous ce matin sur le plateau de première édition.

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