Clémence Marque, présidente de l'association Adrastia

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Clémence Marque, docteur en pharmacie,
présidente de l'association Adrastia ( qui veut alerter sur les risques systémiques), explique les causes de la pénurie de médicaments en pharmacie.

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00:00 France Bleu Saint-Etienne-Loire.
00:02 Il est 7h45, bon début de journée avec France Bleu Saint-Etienne-Loire. On vous écoute ce matin sur la pénurie de médicaments.
00:09 Certains produits manquent parfois en pharmacie depuis la pandémie de Covid. Cela vous est-il arrivé ?
00:15 Est-ce que vous avez pris le parti de faire du stock de médicaments pour éviter de vous retrouver à court ?
00:19 Vous nous le dites au 04 77 10 0 0 10.
00:22 Et vous nous en parlez aussi sur la page Facebook France Bleu Saint-Etienne-Loire.
00:24 Comme Sandra qui nous dit "oui ça m'est arrivé pour ma fille, c'est compliqué de trouver de l'amoxycyline". Bonjour Clémence Marc.
00:31 Bonjour Tiffany.
00:32 Vous êtes docteur en pharmacie et présidente de l'association Adrastia qui alerte sur l'effondrement de notre société.
00:38 Vous participez aujourd'hui à Saint-Etienne à un colloque santé "We are One Health" pour parler justement de la pénurie de médicaments.
00:43 L'amoxycyline que nous cite Sandra sur Facebook c'est un exemple flagrant aujourd'hui de médicaments qu'on ne trouve pas facilement ?
00:49 Tout à fait. C'est un exemple flagrant. On l'a probablement ressenti particulièrement l'hiver dernier lorsqu'il y a eu une triple épidémie.
00:56 Avec la grippe, la bronchiolite notamment, le RSV et le Covid.
01:03 Et donc on a connu des pénuries importantes d'amoxycyline et de paracétamol qui sont les produits de première ligne qui sont utilisés dans ces cas-là.
01:11 Comment on explique ces difficultés à trouver des médicaments pourtant très communs ?
01:15 La pénurie de médicaments est un phénomène qui est mondial, qui touche absolument tous les pays du monde,
01:21 quelle que soit la robustesse de leur économie, de leur système de santé ou même de leur tissu industriel.
01:28 Ce n'est pas que la France qui connaît ça.
01:31 C'est lié d'abord à des causes qui sont conjoncturelles mondiales, notamment l'explosion du marché pharmaceutique mondial sur ces 20 dernières années.
01:41 Trop de demandes ?
01:42 Une demande croissante. Je ne sais pas si on peut dire trop parce que tant mieux si beaucoup de patients dans le monde accèdent à des soins de santé,
01:48 accèdent à des médicaments. Ce marché a été multiplié par trois depuis le début des années 2000.
01:53 C'est une augmentation qui est très forte et qui s'est faite de façon plus rapide que la capacité de la filière industrielle pharmaceutique
02:01 à se développer dans le monde, ce qui crée des tensions entre offres et demandes.
02:07 On a aussi entendu ce matin sur France Bleu Synthétique, un pharmacien de Saint-Prien-en-Jarée nous expliquer que les médicaments ne sont pas vendus assez cher en France.
02:14 C'est aussi votre analyse Clémence Marc ?
02:16 Oui, au-delà de ces causes qui sont communes internationales, on a aussi certaines spécificités françaises,
02:21 notamment le modèle économique du médicament.
02:23 Ce n'est pas la même chose d'avoir des médicaments accessibles ?
02:28 Tout à fait. En France, les prix sont administrés. Ce ne sont pas les industriels qui fixent les prix de leurs produits, les prix leur sont imposés.
02:34 On a un système qui finance l'innovation au dépend de produits plus vieux, plus matures, puisqu'on a une enveloppe contrainte chaque année.
02:44 Pour pouvoir se permettre de se payer toutes les nouvelles innovations qui sortent, on baisse régulièrement les prix des produits les plus anciens,
02:52 qui sont souvent malheureusement les plus essentiels.
02:55 On se retrouve avec une situation en France aujourd'hui avec énormément de médicaments qui ont des prix qui sont très inférieurs aux pays voisins.
03:03 Et pour certains, vraiment pas assez chers pour être rentables pour les industriels.
03:10 Cela crée aussi un problème d'attractivité de la France.
03:14 Dans un monde en tension, on se retrouve avec des fournisseurs qui ont le choix de fournir d'autres marchés où peut-être ils pourront vendre leurs médicaments plus chers.
03:23 La France reste un marché très important dans le monde.
03:27 C'est le cinquième marché mondial, c'est 3% du marché pharmaceutique, seulement 1,5% des profits.
03:33 Donc on voit ici ce problème d'attractivité.
03:36 Mais heureusement les volumes sont encore importants, donc on reste un produit incontournable pour l'industrie pharmaceutique mondiale.
03:41 - Patti nous écrit sur la page Facebook de France Bleu Saint-Etienne Loire, lundi, pénurie d'antibiotiques sur deux communes.
03:46 J'en ai trouvé à 20 km de chez moi grâce à une pharmacienne qui s'est démenée.
03:51 C'est intéressant ça Clémence Marc, les pharmaciens ont quand même des parades pour répondre aux ordonnances, aux demandes des clients.
03:58 - Oui, certains peuvent tout simplement avoir de la chance aussi, parce que ça tout dépend où se situent les malades.
04:05 Puisque aujourd'hui en France, on a la possibilité d'aller dans différentes pharmacies.
04:10 Il est possible que peut-être là où vous habitez il y a un pic épidémique et donc une demande importante.
04:15 Et peut-être que si vous allez dans le département voisin, il y aura un peu plus de produits disponibles.
04:20 Donc ça c'est un enjeu logistique, la logistique du médicament c'est une chaîne très très complexe.
04:24 Parce qu'il faut fournir les 21 000 officines françaises et les fournir très très rapidement.
04:31 Donc effectivement il y a un enjeu aussi de répartition et cet enjeu là finalement c'est un enjeu d'information.
04:35 C'est à dire qu'il faut que l'information circule, qu'on soit au courant le plus vite possible en cas de rupture.
04:42 - C'est pas toujours le cas aujourd'hui, il y a des officines qui ne savent pas forcément ?
04:47 - Alors en fait c'est plutôt au niveau des industriels. C'est à dire qu'aujourd'hui la déclaration du risque de rupture est obligatoire.
04:54 Donc auprès de l'agence du médicament. Ce qui permet d'anticiper au maximum la répartition de ces médicaments.
05:02 Après on aura toujours des disparités parce qu'une épidémie ça peut démarrer très très vite.
05:07 Parfois plus vite que la réactivité de la chaîne de distribution.
05:10 - Alors on comprend bien qu'on peut aller d'une pharmacie à l'autre, les pharmaciens passent des coups de fil aussi.
05:15 René Marc lui sur Facebook nous dit qu'il y a des pharmacies qui font fabriquer elles-mêmes des médicaments.
05:21 Est-ce que c'est répandu comme pratique Clémence Marc ?
05:23 - Alors c'est pas très courant. C'était quelque chose qui se faisait beaucoup il y a encore quelques décennies.
05:29 Mais la plupart des pharmacies ont encore un laboratoire.
05:32 Maintenant encore faut-il pouvoir se procurer l'ensemble des excipients, les principes actifs et tout ça.
05:37 Donc ça peut se faire de façon très exceptionnelle.
05:39 - C'est pas une solution à long terme alors ?
05:40 - C'est pas une solution à long terme, c'est surtout pas une solution à grande échelle.
05:44 - Il y a des solutions qui ont été annoncées, des mesures en tout cas par l'Agence Nationale de Sécurité du Médicament
05:50 comme bloquer les exportations en cas de tension sur un produit.
05:54 On n'a pas d'autre levier immédiat en France ?
05:57 - Alors déjà c'est une bonne chose de pouvoir faire ça.
05:59 Encore faut-il que le médicament en question soit produit sur notre territoire.
06:02 Après d'autres mesures qui sont envisagées, la dispensation conditionnée, c'est en discussion en ce moment,
06:10 donc dans le cadre du PLFSS 2024.
06:12 - Il faut vous préciser de quoi on parle.
06:14 - Alors là ce serait par exemple pour la prescription d'antibiotiques,
06:18 c'est-à-dire que l'antibiotique ne serait délivré que si le pharmacien réalise ce qu'on appelle un trône,
06:23 donc un test rapide pour vérifier qu'il s'agit bien d'une infection bactérienne et non virale.
06:28 - Mais là on perd un temps fou en pharmacie du coup ?
06:30 - Alors oui, on perd un temps fou d'une façon générale pour la gestion des pénuries.
06:33 On considère que c'est au moins un jour pharmacien par semaine alors qu'on manque de pharmaciens en France,
06:38 donc ça fait perdre beaucoup de temps à tout le monde effectivement.
06:41 Mais la réalisation de ces tests rapides permettrait aussi d'optimiser la délivrance des antibiotiques lorsqu'ils sont en rupture.
06:49 - Justement docteur, quels conseils vous pourriez donner à des personnes qui n'arrivent pas à trouver leur traitement en fait ?
06:55 Qui ont fait le tour des pharmacies, ils ont appelé partout ?
06:58 - Alors c'est une bonne question, la solution je pense qu'elle se trouve auprès des professionnels de santé.
07:02 Donc première chose effectivement, demander à son pharmacien de se renseigner,
07:06 certains ont la possibilité de voir aussi les stocks qui sont dans les officines qui sont autour d'eux,
07:10 donc voir s'il n'y a pas une pharmacie pas trop loin dans laquelle ils pourraient se procurer le médicament.
07:14 Et également échanger avec leur médecin parce que parfois il peut exister des alternatives aux médicaments qui manquent.
07:21 - Merci Clémence Marc, docteur en pharmacie et présidente de l'association AdraSia.
07:25 Je précise que le colloque auquel vous participez aujourd'hui à Saint-Etienne, We are One Health,
07:29 est organisé par pas mal de monde, l'association des jeunes anesthésistes réanimateurs en France,
07:33 en partenariat avec l'ECHU Saint-Etienne Métropole et la Société Française d'Anesthésie Réanimation.
07:38 Et bonne journée à vous.
07:39 - Merci.
07:40 - Très bonne journée. Vous pouvez retrouver toutes ces infos sur francebleu.fr.
07:43 Vous pouvez continuer de débattre également sur la page Facebook de France Bleu Saint-Etienne Loire.
07:48 On peut continuer d'en discuter bien sûr sur nos réseaux sociaux.
07:51 Il est 7h53.

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