Au bonheur des livres - Mémoires de la guerre

  • l’année dernière
Chaque jour nous le rappelle, la guerre reste tristement d’actualité en Ukraine ou au Proche-Orient. Les conflits du passé peuvent-ils alors mieux nous faire comprendre ceux du présent ? C’est l’une des questions que posera un numéro exceptionnel d’« Au bonheur des livres » consacré à l’histoire du XXe siècle.
Guillaume Durand accueille en effet Jean-Louis Barré, éditeur et écrivain, auteur d’une formidable nouvelle somme biographique sur le général De Gaulle, dont paraît aujourd’hui le premier tome : « De gaulle, une vie – L’homme de personne, 1890, 1944, tome 1 » (Ed. Grasset). L’occasion de refaire le parcours d’un homme hors du commun, de son initiation militaire jusqu’au second conflit mondial, en le contextualisant en compagnie d’un autre invité remarquable, Olivier Wieviorka, historien et professeur à l’ENS, qui a écrit une monumentale « Histoire totale de la Seconde Guerre mondiale » (Ed. Perrin), dont il exposera le principe et l’originalité méthodologique.

Mieux connaître le passé pour bien comprendre le présent de notre histoire en marche : telle est l’ambition d’une émission qui invite plus que jamais à la réflexion, par la passion de la lecture.
Année de Production : 2023
Transcript
00:00 [Musique]
00:17 – Bonjour à tous, je suis ravi de vous retrouver avec Olivier Livorcat
00:20 pour une histoire totale de la Seconde Guerre mondiale chez Perrin
00:23 avec la collaboration du ministère des Armées.
00:25 Olivier, bonjour. – Bonjour.
00:26 – Tout le monde, ceux qui se passionnent pour l'histoire,
00:29 tout le monde sait que vous êtes un des grands spécialistes mondiaux
00:32 de cette Seconde Guerre mondiale, d'où une histoire totale.
00:35 Tous les continents, sauf l'Amérique évidemment, qui a été épargnée,
00:38 tous les détails, vous trouvez ça dans ce livre qui est un véritable événement.
00:41 Et il se trouve que pour la même émission, avec Jean-Luc Barreille
00:45 qui est à la fois romancier, qui est à la fois biographe
00:47 et qui est en même temps éditeur des éditions bouquins,
00:50 nous sommes face à une autre somme des années de travail,
00:54 l'homme de personnes, c'est le premier tome de trois tomes d'une biographie
00:57 du général de Gaulle. Nous allons plonger dans deux époques qui se croisent,
01:02 vous le savez, à savoir la carrière du général de Gaulle
01:05 et puis cette fameuse Seconde Guerre mondiale qui résonne en nous actuellement.
01:08 Il suffit de connaître les déclarations de Vladimir Poutine,
01:11 de voir ce qui se passe au Moyen-Orient.
01:14 Vous dites d'ailleurs, et je vais commencer par Jean-Luc,
01:16 mais en faisant un petit détour par vous, Olivier,
01:18 que la grande question qui est posée, c'est d'ailleurs à vous deux que je l'adresse,
01:22 et qui est celle de ces deux livres, c'est qu'au fond,
01:25 l'homme que nous sommes, les hommes que nous sommes, hommes et femmes,
01:28 quand on est confronté à ce genre de situation,
01:30 la question fondamentale, c'est de savoir si on doit se soumettre
01:33 ou si on doit se démettre et se révolter.
01:36 Et c'est la question qui est posée à travers des massacres fondamentaux
01:40 qui ont quand même entaché cette moitié du XXe siècle.
01:42 Quelle est la réponse que vous donnez après avoir autant travaillé, Olivier ?
01:47 – Ecoutez, oui, vous avez entièrement raison.
01:48 Je pense que la Seconde Guerre mondiale a posé aux hommes et aux femmes de l'époque
01:52 des questions qui étaient à la fois existentielles et essentielles,
01:55 dans la mesure où la Seconde Guerre mondiale ne ressemble pas à la première.
01:59 En fait, les individus ont été soumis à des pressions extrêmement fortes,
02:04 la guerre et la violence de guerre, mais aussi, ne l'oublions pas,
02:07 l'occupation et ne l'oublions pas, la dictature.
02:10 Et ces trois éléments ont placé... – Et les exterminations.
02:13 – Et les exterminations.
02:14 Et les individus ont été placés donc devant des choix
02:16 à la fois existentiels et essentiels,
02:18 parce que chacun avait au fond une marge de manœuvre,
02:21 pour savoir s'il était du côté des bourreaux ou du côté des héros,
02:27 et en même temps ces choix engageaient la vie des individus.
02:30 Et c'est pour cela, je crois aussi, que la Seconde Guerre mondiale
02:32 nous parle beaucoup plus que la première,
02:34 où l'éventail des choix, l'éventail des possibles
02:36 était beaucoup plus limité pendant le premier conflit.
02:38 – Voilà, la Seconde Guerre mondiale n'a pas redessiné, évidemment,
02:42 le profil de la plupart des États du monde.
02:44 Je le disais, l'Amérique a été épargnée,
02:46 nous en parlerons dans un instant avec Olivier.
02:49 – Dans la famille de Gaulle, Jean-Luc Barret, donc bonjour,
02:52 l'homme de personne, 1890-1944,
02:55 il vit dans une rue qui porte un nom magnifique,
02:57 la rue Princesse, son appartement, enfin cette maison a disparu,
03:00 ils n'ont jamais été capables de l'acheter,
03:02 son père s'appelait Henri, c'était un personnage d'une voiture extrême,
03:05 sa mère était très catholique,
03:07 une enfance très heureuse dans cette rue Princesse,
03:09 et puis très rapidement, parce que c'est une biographie,
03:13 à une représentation de l'aiglon, il a 10 ans,
03:15 il dit à son père "je serai soldat".
03:17 – Oui, la dimension du théâtre est très importante,
03:20 si on veut comprendre de Gaulle, et dans la famille,
03:22 on jouait du théâtre, on jouait corneille, on jouait racine,
03:26 et je crois qu'il a inventé déjà son personnage comme ça,
03:29 et ce n'est pas par hasard que c'est au théâtre, en effet,
03:32 une représentation de l'aiglon avec Sarah Bernard,
03:34 et il dit à son père "je vais être soldat",
03:35 donc tout démarre au fond par l'aspect de dramaturgie un peu épique.
03:39 – Et il écrit lui-même.
03:41 – Alors il n'écrit pas une très bonne pièce,
03:43 mais en fait c'est un homme de théâtre
03:45 qui va toujours être aussi dans la composition d'un rôle,
03:48 le rôle c'est de Gaulle, il va créer ce personnage au fond.
03:51 Quand il parle de lui à la troisième personne,
03:53 ce n'est pas une preuve d'orgueil,
03:53 c'est simplement que c'est comme une espèce de grand acteur
03:56 qui se projetterait dans un personnage qu'il a lui-même créé.
03:59 – Voilà, ce personnage, ce sera une duplication du Cyrano de Bergerac,
04:03 par exemple, il fait une sorte de parodie dans ce temps,
04:06 et de parodie de la tirade du nez, il a une dizaine d'années,
04:11 il s'investit considérablement dans cette idée de la carrière des armes,
04:16 c'est un personnage qui, avec ses contemporains,
04:21 sa stature, son allure, son comportement
04:23 est largement différent des autres immédiatement.
04:26 – Y compris en famille, y compris en famille d'ailleurs.
04:28 – Avec ses frères.
04:29 – Il n'est pas l'aîné, mais il prend la tête de la famille,
04:33 il est parfois même désagréable avec ses frères,
04:35 je donne un exemple, quand ils sont ensemble dans un collège,
04:37 je lui raconte à son père ce que ne fait pas son frère pour les études, etc.
04:41 Donc il est assez arrogant, il est le fils préféré de sa mère,
04:45 et le père est très inquiet de ce que pourrait devenir son fils,
04:47 extraordinaire, tellement le fils est singulier au fond,
04:50 et très original, et il a une forme d'obsession,
04:54 c'est de devenir un jour un soldat, enfin, il aurait pu devenir aussi un écrivain,
04:57 il aurait pu devenir un professeur, ça faisait partie des éventualités,
05:00 mais être soldat, c'était réparer aussi la blessure du père,
05:04 le père n'avait jamais pu faire une carrière militaire
05:06 à cause de la guerre de 70 et parce que les moyens financiers manquaient.
05:09 Donc c'est presque un geste réparateur,
05:12 mais à l'époque il est obsédé, comme toute cette génération,
05:15 par l'idée de la revanche, et au fond la grande carrière, le grand idéal,
05:19 c'est quand même d'être un soldat et un jour de venger finalement la France.
05:22 - Jean-Luc Marey, ce que vous racontez avec beaucoup d'intérêt,
05:25 c'est que De Gaulle est à la fois un homme extraordinairement brillant,
05:27 un jeune homme, il lit énormément des philosophes, des écrivains,
05:32 bon les grandes idoles, vous parliez de Corneille, mais c'est Château-Brillant,
05:35 il lit Bergson, il s'intéresse à la philosophie allemande par le biais de son père,
05:39 qui devient enseignant, très marqué par l'enseignement des jésuites,
05:44 pas très, comment dirais-je, proche de ce grand mouvement de la République,
05:48 du sort noir de la République, mais le paradoxe c'est qu'il passe son bac,
05:52 il n'obtient pas une note exceptionnelle, il entre à Saint-Cyr,
05:55 il n'obtient pas une note exceptionnelle, donc si vous voulez,
05:57 vous nous décrivez une sorte de génie en train d'avancer,
06:00 mais que finalement l'université de l'époque, si l'on peut dire,
06:04 sanctionne d'une manière moyenne.
06:06 - Oui, alors ce qui caractérise de Gaulle, c'est l'intelligence,
06:09 mais c'est d'abord le caractère, quand on lit "Le fil de l'épée",
06:11 il dit que c'est d'abord le caractère qui compte plus que l'intelligence,
06:14 au fond c'est un homme de caractère qui a du mal à s'adapter au milieu dans lequel il est,
06:18 parce qu'il n'aime pas forcément Saint-Cyr, c'est pas forcément un univers qu'il aime,
06:22 - Il y travaillera bien, parce qu'il va piquer un 13ème.
06:25 - Voilà, mais enfin il est moins classé que le futur maréchal Juin,
06:29 - Qui est major.
06:29 - Et ça, c'est pas forcément ce qui lui importe le plus,
06:32 c'est d'être, c'est d'exister, c'est d'affirmer soit des idées,
06:36 soit d'affirmer un caractère, avec cette idée quand même d'un destin qui est en lui.
06:40 - Et ce destin, il va commencer par l'exercer à Arras,
06:44 et là, première coïncidence évidemment incroyable,
06:46 il arrive à Arras comme jeune sous-officier,
06:49 on a passé beaucoup de choses dans cette affaire,
06:51 mais c'est justement le charme inouï de ces deux livres,
06:54 vous voyez, j'ai pris un calculateur de notes, je ne peux même plus les relire,
06:58 tellement chaque page est passionnante.
07:00 Arras, il retombe, il tombe sur Pétain,
07:03 c'est-à-dire que le patron du régiment où il va,
07:07 c'est le maréchal, celui qui n'est pas encore maréchal,
07:10 mais c'est Pétain qui le dirige.
07:11 - Oui, alors, juste une précision, il va, il n'est pas à Arras par hasard,
07:15 il a le choix entre la coloniale et l'infanterie,
07:18 et il choisit ce que peu d'officiers à ce moment-là choisissent,
07:20 plus un gras, c'est l'infanterie, c'est-à-dire de rester en métropole,
07:24 parce qu'il pense que c'est là évidemment, que là va se jouer le sort de la France.
07:28 Et là, il rencontre Pétain qui est un personnage à l'époque qui finalement,
07:31 il y a beaucoup de similitudes entre eux,
07:33 parce que Pétain est une sorte d'anticonformiste à l'époque,
07:35 c'est un personnage un peu iconoclaste,
07:36 il va devenir général parce que la grande guerre va éclater,
07:40 mais il a beaucoup de mal à progresser dans la hiérarchie.
07:42 - Je voudrais donner un détail qui explique quand même,
07:45 ce sont deux hommes qui sont très passionnés par la logistique,
07:49 et très critiques à l'égard d'un mouvement de guerre qui se fait beaucoup à l'époque,
07:53 en gros, je parle toujours contre Olivier, parce que j'ai peur,
07:56 c'est-à-dire l'assaut absolu, la version presque traditionnelle,
08:01 la cavalerie, la chevalerie, etc.
08:03 On se rue vers l'ennemi.
08:04 - Ça, c'est De Gaulle, ça.
08:05 - Voilà, et ça, Pétain est totalement hostile à ça,
08:08 et d'une certaine manière, De Gaulle verra comme jeune soldat,
08:11 parce qu'il est pendant la guerre blessé 3-4 fois,
08:15 il verra quelle absurdité il y a à se rouer sur les lignes ennemies,
08:20 alors que la logistique n'est absolument pas préparée.
08:22 - Oui, mais ça, c'est un état d'esprit,
08:24 c'est presque une philosophie de l'action chez De Gaulle.
08:26 Il voit les limites, effectivement, de sa propre vision,
08:29 il n'empêche que ça sera toujours son idée que l'offensive
08:32 doit primer dans l'action militaire,
08:34 là où la guerre d'usure, pour schématiser et résumer,
08:38 est plutôt la philosophie de Pétain.
08:40 D'ailleurs, sa gloire viendra du fait qu'il a été économe de ses hommes,
08:43 contrairement à d'autres, qui, évidemment, étaient de véritables bouchés.
08:48 Mais c'est deux philosophies de la vie, au fond,
08:51 c'est deux philosophies qu'on va retrouver dans les années 30,
08:53 entre celui qui va prôner une défense, pour le coup, offensive,
08:57 moderne, etc., et un homme qui va se réfugier
08:59 derrière une vision plus traditionnelle.
09:01 - Ils se retrouveront après la guerre,
09:02 puisque De Gaulle va travailler pour Pétain,
09:04 ce qui est quand même absolument invraisemblable,
09:06 quand on entre dans le détail de ça après, évidemment,
09:09 avoir connu les relations qui seront et leur opposition fondamentale
09:12 au nom du destin de la France.
09:13 Petit à petit, évidemment, il va s'intéresser à la chose publique,
09:17 publier des livres, parler de l'état de l'armée française.
09:19 Ça nous ramène, puisqu'on a commencé en 70,
09:22 par cette idée quand même qu'il existe en France,
09:23 chez certains personnages éclairés,
09:25 une incurie totale de l'état-major,
09:28 une incurie totale de la culture politique des hommes qui nous dirigent.
09:31 C'est pour ça, d'ailleurs, qu'il va rejoindre un cabinet
09:34 et commencer à jouer un rôle politique avant de partir pour Londres,
09:38 qui est un endroit d'Yélizabeth de Miribel,
09:40 qui a été sa correspondante, peut-être aussi son amie,
09:43 en tout cas celle qui fut sa confidente.
09:45 Londres, qui était une ville dont on partait,
09:48 et non pas d'une ville dans laquelle on voulait se rendre.
09:51 Vous écrivez ça très bien dans votre livre.
09:53 Olivier Livorca, "L'histoire totale de la seconde guerre mondiale",
09:56 je précise, puisque vous avez déjà une envie prodigieuse de lire ces deux livres,
10:00 que nous allons revenir évidemment sur la guerre,
10:03 au moment où elle va se déclencher avec nos deux amis,
10:05 mais qui implique évidemment la France dans cette affaire-là.
10:10 Mais là, nous allons faire la guerre mondiale,
10:12 la guerre que vous appelez totale.
10:14 Tous les continents sont concernés.
10:17 Et j'ai plusieurs questions précises à vous poser d'entrée.
10:19 La première concerne évidemment le décembre 41, peur d'armure,
10:24 qui est le tournant des tournants, puisque vous racontez,
10:26 et l'un et l'autre, que Churchill, puis de Gaulle,
10:30 qui était avec le colonel Passy, écoutent à la radio ce qui se passe,
10:33 et l'un et l'autre disent, puisque les Américains vont rentrer en guerre,
10:35 cette fois-ci la guerre a basculé, le nazisme s'est terminé.
10:38 Donc on est le 7 décembre, le 7 ou 8 décembre 41.
10:42 Mais alors, question Olivier, quand vous voyez partir du Japon
10:45 une escadron avec 6 porte-avions, des curacés, des destroyés,
10:50 400 avions, des sous-marins de poche, etc.,
10:54 comment se fait-il que les Américains, au matin,
10:56 il y a eu des films, se réveillent sans se rendre compte
10:59 de ce qui va leur tomber dessus ?
11:00 – Alors, vous avez raison de souligner ce point,
11:03 parce que vous avez eu toute une théorie complotiste
11:05 qui affirmait que Roosevelt en fait était au courant,
11:08 et qu'il aurait laissé au fond les réparables se commettre
11:11 pour obliger ses concitoyens américains à entrer en guerre.
11:16 En fait, c'est malheureusement, comme souvent en histoire,
11:18 une suite d'erreurs, une suite de mauvaises interprétations.
11:22 Par exemple, lorsque les premiers appareils sont en vue de Pearl Harbor,
11:26 eh bien, ils sont repérés par des radars auxquels à l'époque
11:29 les Américains ne croient pas.
11:31 – Archipel d'Hawaï donc.
11:32 – Archipel d'Hawaï, et au fond, ils croient que ce sont des B-17,
11:36 des bombardiers, qui reviennent au Bercail,
11:39 et donc ils n'y prêtent pas attention.
11:41 – C'est incroyable.
11:42 – C'est incroyable, mais c'est ainsi.
11:43 – C'est l'armée japonaise, c'est l'armée impériale qui leur tombe dessus.
11:45 – Oui, mais vous avez également, et c'est ce qui explique
11:48 cette méconnaissance, ou en tous les cas cet aveuglement,
11:50 vous avez un solide mépris pour les Japonais,
11:53 qui est un mépris, n'hésitons pas à le dire, raciste,
11:55 qui fait qu'aucun Américain n'imagine que les Japonais
12:00 puissent monter une opération aussi sophistiquée.
12:02 – Olivier, quand on traverse 5000 km comme ça,
12:04 ça n'avance pas à la vitesse de la lumière un porte-avions,
12:07 comment sait-il qu'il n'y a pas la moindre information
12:10 et que ça tombe du côté de l'état-major ?
12:12 – Oui, mais parce que…
12:13 – Parce que vous décrivez Roosevelt comme quelqu'un,
12:15 contrairement à ce que vous avez dit tout à l'heure,
12:16 qui est totalement abattu par la nouvelle.
12:18 – Tout à fait, il est abattu au départ et ensuite il devient résolu.
12:23 Mais nous n'avons pas non plus, il faut le souligner,
12:27 les moyens techniques qui existent aujourd'hui.
12:30 Vous évoquez Pearl Harbor, mais lorsque les Anglo-Américains
12:34 lancent l'opération Torch en novembre 1942, cette opération Torch…
12:38 – Pour rappeler de où il s'agit.
12:39 – Oui, pour débarquer en Afrique du Nord,
12:40 et bien les Allemands ne la repèrent pas immédiatement.
12:43 Ils la repèrent et ensuite ils commettent une erreur d'appréciation
12:46 en pensant que les convois se dirigent plutôt vers Malte,
12:50 vers la Libye, vers l'Égypte et non pas vers le Maroc et l'Algérie.
12:53 Donc vous n'avez pas les moyens techniques de repérer
12:57 nécessairement des Armadas et ensuite, même si vous les repérez,
13:01 vous n'avez pas nécessairement la capacité à interpréter
13:05 le sens que revêtent ces voyages.
13:08 – Ce que raconte ce livre est absolument effrayant,
13:12 c'est-à-dire que vous décrivez la peur,
13:15 c'est-à-dire les soldats qui ont la bouche noire de peur.
13:17 Vous donnez un des exemples dans les batailles du Pacifique
13:19 qu'on connaît un peu moins, Iwo Jima, une petite île,
13:21 21 km², vous pouvez imaginer.
13:24 Alors il faut rappeler que les Japonais sont en guerre
13:26 contre les Chinois et que leur idée c'est évidemment
13:28 de prendre le contrôle de l'Asie et le contrôle du Pacifique
13:32 de manière à pouvoir se réapprovisionner
13:34 et pouvoir assumer cette guerre.
13:35 Donc ils n'ont pas du tout l'intention d'aller planter
13:37 le drapeau impérial à Washington, ils veulent simplement s'assurer,
13:41 car vous le dites depuis le début, la grande caractéristique
13:44 de la seconde guerre mondiale c'est que c'est une guerre
13:46 d'infrastructures, une guerre industrielle,
13:49 et qu'il n'est pas tout à fait anormal que les Américains
13:50 et les Russes finissent par l'emporter,
13:52 car ce sont les deux grandes industries
13:54 qui dominaient le monde à l'époque.
13:58 Je vais de surprise en surprise, je vais à Iwo Jima,
14:00 21 km², 76 jours de bombardement,
14:04 tous les Japonais périssent, ils sont plus de 20 000,
14:06 les deux tiers des Américains périssent pour 21 km²
14:11 d'une petite île dans le Pacifique.
14:12 La violence des combats, vous en parlez,
14:15 elle est absolument irresistible, je dis violence des combats
14:17 et violence des massacres.
14:18 Stalingrad, une horreur, Kursk, une horreur,
14:21 la forêt des Ardennes, une horreur,
14:23 les soldats claquent des dents, vous le racontez,
14:27 mais c'est important de le rappeler.
14:29 Les massacres sont multiples.
14:31 Quand les croix fléchées, je raconte un peu votre vie
14:33 parce que ça m'a bouleversé, quand les croix fléchées
14:36 que sur les fascistes ont pris le pouvoir
14:39 avant même que Budapest ne tombe en 1945,
14:43 ils vont massacrer combien ?
14:44 10, 20, 30 000 Juifs qui avaient échappé à la déportation,
14:49 comme ça en quelques heures.
14:50 - Tout à fait, parce qu'en fait, vous avez dans cette guerre
14:54 à la fois une violence de guerre qui, dirait Clausewitz,
14:58 conduit à une ascension aux extrêmes,
15:00 c'est-à-dire qu'au fond, toutes les barrières morales sautent.
15:03 On n'hésite pas à bombarder, on n'hésite pas à massacrer.
15:05 - C'est la violence de ce que vous dites
15:07 dans ce qu'on est en train de vivre aujourd'hui.
15:09 - Bien entendu.
15:09 Ensuite, vous avez une violence qui est la violence raciste,
15:13 qui conduit à la Shoah,
15:14 mais qui conduit aussi les Japonais à ne pas faire de quartier,
15:18 vous l'avez rappelé, avec les Chinois.
15:20 Et puis, vous avez une violence de l'exploitation économique
15:22 qui conduit à la servitude.
15:24 Alors, en Europe, nous avons bien entendu
15:26 le service du travail obligatoire.
15:28 Et ce n'était pas très drôle de travailler en Allemagne,
15:31 a fortiori sous les bombes.
15:33 Mais la violence de l'exploitation économique
15:35 que les Japonais imposent en Asie est extrême.
15:37 On en a d'ailleurs une illustration avec le film
15:40 "Le pont de la rivière Kourou".
15:42 Donc, tous ces éléments, si vous voulez,
15:43 vont aboutir à des massacres énormes
15:47 et des massacres dont il faut le souligner,
15:48 les civils sont beaucoup plus victimes que les militaires.
15:51 - Sur les 60 et 70 millions de morts,
15:53 il y a essentiellement des civils,
15:55 plus de 25 millions de Russes.
15:57 Les Russes n'ont pas été les derniers,
15:58 bien qu'étant, après avoir signé le pacte germano-soviétique.
16:01 Évidemment, il y a l'opération Barbarossa
16:03 et il se précipite vers Berlin.
16:04 Alors eux, leur stratégie, c'est de contourner l'Allemagne
16:08 et de passer par les pays de l'Europe orientale,
16:10 où là ont lieu des viols, des vols,
16:13 des situations qui sont apocalyptiques.
16:15 Et c'est pour ça que le livre est passionnant
16:17 et très complémentaire de celui de Jean-Luc Barré.
16:21 Question concernant la France,
16:23 car on va avoir des conversations avec Jean-Luc
16:25 et avec vous sur le rôle de De Gaulle
16:26 et les grands hommes, finalement, de cet épisode exceptionnel.
16:30 Vous me dites, moi qui étais un petit professeur d'histoire,
16:33 qu'en fait, l'État-major, moi j'avais toujours pensé
16:35 que les Allemands, ils étaient passés par la Belgique
16:37 et puis le problème de la France était réglé.
16:39 C'est vrai que ça a été une débâcle terrible,
16:41 mais ils s'y sont pris à 30 fois.
16:42 Oui, tout à fait, parce que...
16:43 Alors que moi, j'avais l'impression
16:44 qu'ils avaient pris la décision
16:45 et que c'était réglé après la Pologne.
16:47 Non, il faut d'abord rappeler que l'entrée en guerre
16:50 du Royaume-Uni d'abord et de la France ensuite
16:52 a été une mauvaise nouvelle pour Hitler.
16:53 Il ne faut pas imaginer que Hitler déroule un plan
16:58 inscrit dans Mein Kampf.
17:00 Par exemple, au départ, il ne comptait pas attaquer la Pologne.
17:03 Donc ça, il faut le souligner.
17:04 Et par rapport à ses plans, il va effectivement hésiter
17:09 parce qu'il a un État-major qui, au fond,
17:12 adopte une vue tout à fait classique,
17:14 c'est-à-dire entrée par la Belgique.
17:16 Et c'est parce que toutes ses offensives sont ajournées
17:20 que Hitler va tendre une oreille attentive
17:22 à ce que lui propose un stratège, Manstein,
17:24 qui lui dit il va falloir frapper
17:26 là où le dispositif français est le plus faible,
17:29 à savoir dans les Ardennes.
17:30 Et là, on va percer et réduire l'armée française à néant.
17:35 Et c'est ce plan que Hitler va choisir.
17:37 C'est ce que l'on a appelé donc la Blitzkrieg,
17:39 qui en fait n'est pas une idée théorisée ex ante.
17:43 Hitler ne se dit pas je vais faire la Blitzkrieg.
17:44 C'est en fait un plan qui est un petit peu
17:47 un plan du dernier espoir et qui va effectivement fonctionner.
17:52 Il fonctionne en France alors qu'il n'a pas été théorisé.
17:54 En revanche, en Russie, il est théorisé.
17:56 Hitler pense obtenir la décision rapidement,
17:58 mais grâce à Dieu, il échoue.
18:00 – Il y a aussi les mythes et légendes de cette histoire.
18:01 Je vais prendre quelques exemples avant que nous démarrions
18:04 la conversation générale sur Churchill, De Gaulle, Eisenhower,
18:09 enfin les grands personnages qui ont marqué cette période,
18:12 évidemment Staline, Roosevelt.
18:14 C'est quelques mythes, Rommel, Montgomery par exemple.
18:17 Montgomery a toujours été le grand officier britannique, etc.
18:21 Vous nous racontez qu'à Caen, pour la libération de Caen
18:24 après le débarquement, il n'a pas été très bon,
18:26 que quand il était en Belgique et qu'il a fallu aller en Bavière
18:29 très rapidement, il a laissé échapper
18:31 pratiquement 100 000 hommes allemands
18:32 parce qu'il a voulu faire une pause et que ça a été une catastrophe,
18:35 et que donc la bataille pour la reconquête de l'Allemagne
18:38 a été très compliquée pour une raison qui est fondamentale,
18:42 c'est que quand Munich intervient, Daladier, Chamberlain, Hitler, etc.,
18:47 il n'y a pas simplement cette déception qui a lieu évidemment
18:50 chez Daladier quand il rentre en France et qu'il dit au fond,
18:54 les Français ne comprennent rien à ce qui se passe.
18:56 Il y a aussi le fait que Chamberlain est applaudi par les Allemands,
18:58 c'est-à-dire que les Allemands, sachant que Hitler veut faire la guerre,
19:02 sont quand même encore, au moment où la guerre commence, pacifistes.
19:05 - Oui, vous avez entièrement raison de le souligner,
19:07 les Allemands ne veulent pas la guerre et on le voit...
19:09 - Et à la fin, ils sont déchaînés.
19:11 - Oui, parce qu'au fond, cette guerre, ils ne la veulent pas,
19:14 mais ils sont prêts à la faire parce qu'ils ont le sentiment
19:17 que la guerre de 14-18 s'est mal terminée
19:21 et qu'on va leur imposer un conflit et que ce conflit,
19:24 il faut relever le gant.
19:25 Donc, c'est ce qui explique que les Allemands soient au fond
19:28 résignés à faire la guerre.
19:29 Ils la font sans enthousiasme, mais ils la font.
19:31 Mais à partir du moment où vous avez cette grande croisade
19:33 contre le bolchevisme, renaît au fond l'idée,
19:37 non seulement d'encerclement, mais de menace existentielle pour l'Allemagne.
19:40 L'idée que l'Allemagne va disparaître, submergée par l'Est
19:43 et un Est au village Peuhamen, puisque c'est un Est communiste.
19:48 Donc, vous avez au fond un impensé de la Seconde Guerre mondiale
19:52 qui, en fait, reste très présent à la fois au niveau de la réflexion
19:57 des dirigeants dans le second XXe siècle,
19:59 mais également dans la mémoire des individus.
20:02 Parce que le conflit a été si radical, si total, si puissant
20:05 que nous emportons tous, dans une certaine mesure,
20:07 la marque encore incandescente.
20:09 - Oui, les familles qui sont là aujourd'hui et qui ont un grand-père
20:12 qui a participé justement à ces assauts, à ces massacres,
20:15 car ils ont été importants.
20:16 Question Jean-Luc Barré, on parle aux grands hommes.
20:19 Comment se fait-il que l'un des plus grands poètes français,
20:22 saint John Perse, Alexis Saint-Léger,
20:24 qui a été pendant très longtemps directeur du Quai d'Orsay
20:26 et qui était à New York,
20:29 comment se fait-il qu'il ait fait une campagne quand même assez violente
20:33 anti-De Gaulle auprès des Américains et auprès de Roosevelt ?
20:36 Car vous avez en Afrique du Nord, Giraud et Darlan,
20:40 De Gaulle plaide auprès de Churchill en disant
20:43 "c'est moi qui suis le représentant de la France"
20:45 et plein de gens le débinent.
20:46 - Oui, enfin, saint John Perse, qui s'appelle Alexis Saint-Léger,
20:49 en fait, comme diplomate, est aussi responsable de ce qui s'est passé,
20:52 de l'échec de la diplomatie française dans les années 30,
20:55 il en est un des responsables.
20:56 Donc c'est un homme qui, pour le coup, n'a pas eu une vision,
20:59 il a une vision essentiellement pacifiste d'ailleurs
21:01 des problèmes à ce moment-là.
21:03 Le rapport avec De Gaulle est impossible avec beaucoup de ces gens-là
21:06 parce qu'au fond, c'est un militaire, il ne supporte pas cette idée-là,
21:09 il pense que De Gaulle est un nationaliste avant tout
21:12 et peut-être même une sorte d'apprenti dictateur
21:14 et donc il ne correspond pas aux codes républicains finalement,
21:19 qui sont ceux de saint John Perse, mais il va très loin,
21:20 saint John Perse, en effet, et il va alimenter l'antigaullisme de Roosevelt.
21:25 - À Washington. - À Washington.
21:26 Sans doute, c'est le plus influent, en plus que Jean Monnet encore,
21:30 et au fond, il ne se réconciliera jamais avec De Gaulle.
21:33 C'est d'ailleurs la question qui va se poser pendant toute cette période,
21:36 c'est le nombre de gens de valeur, de grande qualité
21:40 qui vont se défier de De Gaulle,
21:41 ce qui vient que De Gaulle, à Londres, sera entouré de tout le reste,
21:44 si je puis dire, parfois de personnages très secondaires.
21:46 - Pauvres sorciers.
21:49 - Là, on parle des Anglais, mais des Français eux-mêmes,
21:52 il n'y aura pas tout de suite, mais même à la Libération d'ailleurs,
21:55 parfois il y aura même une pénurie de ministres, de dirigeants de qualité,
21:59 parce que beaucoup de gens ont refusé de le rejoindre,
22:02 au nom de ces idées-là d'ailleurs, et au nom de cette défiance.
22:05 - Je reviens à vous Olivier, parce qu'il faut conclure,
22:08 ce qui est intéressant quand on confond ces deux livres
22:10 qui sont absolument passionnants, c'est que dans l'histoire totale,
22:13 finalement l'histoire de France, après la défaite et le début,
22:17 elle est minime dans le destin qui se passe dans le monde entier.
22:21 On a joué un rôle mineur dans cette affaire-là.
22:23 - Oui, la France a joué un rôle mineur,
22:25 un rôle mineur, cela ne veut pas dire un rôle négligeable,
22:27 d'une part parce que la France est un enjeu,
22:29 tant pour l'Axe que pour les Alliés,
22:32 n'oublions pas que la France va fournir une contribution économique,
22:35 par exemple, extrêmement importante au Reich.
22:39 Par ailleurs, il faut souligner que la France, elle a un empire,
22:42 et que cet empire va être un enjeu,
22:44 un enjeu non seulement géopolitique, des bases,
22:47 mais un enjeu économique et un enjeu démographique.
22:50 L'armée qui va contribuer d'une part à libérer l'Italie
22:54 et de l'autre à libérer la France, c'est une armée,
22:56 pour reprendre la formule consacrée, d'indigènes de la République,
22:59 très largement.
23:00 - Vous racontez au passage, je redonne sur ces statistiques,
23:02 j'adore lire dans le détail,
23:05 c'est que les soldats qui font la campagne d'Italie,
23:07 pour la mort, c'est 10%,
23:09 c'est-à-dire qu'ils sont à 10% certains de mourir
23:11 et à 30% certains d'être blessés, mutilés,
23:13 donc c'est une véritable horreur.
23:15 - La guerre en Italie a été une guerre atroce
23:17 et c'est une guerre qui a été portée, effectivement,
23:19 par les goumiers, par les tirailleurs sénégalais, etc.
23:24 Et puis l'empire va fournir aussi des ressources,
23:27 en caoutchouc, en or,
23:29 d'abord à Vichy et ensuite à la France combattante,
23:34 qui est au CFLN.
23:35 Donc la France a joué un rôle mineur,
23:37 mais ne l'a pas joué un rôle négligeable.
23:40 - Dernier point qui est important,
23:41 là je suis obligé de retrouver mes notes
23:43 pour pouvoir poser cette question,
23:45 c'est évidemment les bombes atomiques Hiroshima et Nagasaki.
23:49 Nous sommes, vous le savez, en 1945,
23:52 c'est le 6 et le 9 que ces deux bombes vont tomber.
23:55 Il n'a pas été possible d'obtenir les Japonais une réédition.
23:58 Il a fallu donc que ces deux bombes atomiques soient larguées,
24:01 ce qui est une intrinsité absolue
24:03 et qui nous pose encore un problème aujourd'hui.
24:05 - Oui, alors dans le même temps,
24:06 il faut bien insister sur un point,
24:08 c'est que ce ne sont pas les bombes atomiques
24:11 qui provoquent la réédition du Japon.
24:13 Vous avez bien entendu ces deux bombes qui jouent un rôle,
24:17 mais ce qui a joué un rôle encore plus important,
24:18 c'est l'offensive que déclenche l'armée rouge.
24:20 L'empereur est donc confronté à un dilemme.
24:22 Est-ce qu'il faut accepter une occupation soviétique
24:26 ou une occupation américaine ?
24:27 Je vous laisse deviner son choix.
24:29 Alors, il est vrai qu'à partir de 1945,
24:33 on va entrer dans un autre régime militaire, stratégique, diplomatique,
24:38 régi par l'atome, mais à l'époque, en 1945,
24:41 ces bombes ont été utilisées de manière classique,
24:44 comme en fait des bombes super puissantes,
24:47 mais dont l'essence n'était pas différente.
24:49 Tout ce qui va être ensuite équilibre de la terreur,
24:53 destruction mutuelle assurée, riposte au gradué,
24:56 ne viendra qu'après.
24:58 Et de ce point de vue, donc, Hiroshima et Nagasaki,
25:00 c'est à la fois une aurore et un crépuscule.
25:04 Un crépuscule parce que, au fond,
25:06 ça clôt la Seconde Guerre mondiale avec,
25:08 je le répète, l'intervention de l'armée rouge,
25:11 mais c'est aussi une aurore parce que l'on va changer de dimension,
25:15 du point de vue stratégique et géopolitique,
25:17 avec, bien évidemment, cette menace nucléaire
25:20 qui, désormais, pèse sur la planète.
25:21 – Jean-Luc Barré, évidemment, le cœur de ce livre,
25:25 famille qui démarre en 1970,
25:27 famille qui doute de ce qu'est la vie politique,
25:29 famille qui doute de ce qu'est l'État-major,
25:31 famille qui va donner, donc, à la France,
25:33 son plus grand homme du XXe siècle.
25:36 Est-ce que c'est votre conviction profonde ?
25:38 Et est-ce que de De Gaulle, il n'y aura plus ?
25:42 – Non, je pense qu'il n'y a pas eu de De Gaulle avant,
25:45 entre Napoléon et De Gaulle, il y a eu Clémenceau, mais c'est tout.
25:47 Donc, je veux dire, c'est des personnages tout à fait exceptionnels,
25:50 qui ont surtout, moi, ce qui m'a le plus frappé,
25:51 c'est peut-être la chose qui a été la plus…
25:53 – Parce que deux tomes arrivent.
25:55 – Oui, non, mais c'est la vision.
25:56 C'est-à-dire qu'on l'a beaucoup enfermé dans le pragmatisme de De Gaulle,
25:58 en disant "l'homme des circonstances",
26:00 c'est un mot qu'il emploie beaucoup, la vision.
26:02 Comment cet homme arrive à construire ?
26:04 Vous parliez tout à l'heure de la question allemande et russe.
26:08 Lors d'une conférence en 1920 en Pologne,
26:10 il annonce l'alliance entre les Russes et les Allemands.
26:14 Il dit aux Polonais "vous êtes sans doute le seul rempart possible".
26:17 Il est très lucide sur ce que peut faire la Pologne.
26:19 Donc, l'intuition, la vision, et ça, c'est quelque chose d'absolument fascinant,
26:24 parce que c'est très rare, au fond, dans l'histoire.
26:27 Aujourd'hui, on ne vit plus que dans l'actualité,
26:29 on ne vit pas dans l'histoire.
26:30 Je ne sais pas s'il n'y aura pas d'autres De Gaulle demain.
26:31 Ce que je vois aujourd'hui, c'est qu'en tout cas, on n'a plus d'homme de vision.
26:35 – Je voudrais signaler le livre d'Antony Bivor,
26:37 "Calmain, Lévy, Russie, Révolution et guerre civile".
26:39 Vous le connaissez, évidemment, autre grand historien.
26:44 Il raconte la prise du pouvoir par les bolcheviks.
26:46 C'est très simple, les bolcheviks prennent le pouvoir.
26:48 Lénine, qui a encore au fond de lui un soupçon démocratique,
26:52 organise les élections législatives.
26:53 Il les perd et il n'y aura plus jamais d'élection.
26:55 Tout est interdit du jour au lendemain.
26:57 Bivor a fait, sur ce thème-là, un livre, évidemment,
26:59 qui est aussi important que les deux vôtres.
27:02 Trois livres, mais en tout cas deux qui viennent de sortir,
27:05 qui sont exceptionnels.
27:06 Le livre de Bivor Klax, qui s'appelle "Histoire totale de la Seconde Guerre mondiale",
27:09 c'est chez Perrin, avec l'aide du ministère des Armées.
27:13 Je n'ai pas pu aborder le quart du 25e, du 50e de ce qu'il y a dans ce livre.
27:18 Et c'est exactement la même chose avec Jean-Luc Barré.
27:21 Une multitude de détails, de références, de lectures, Bergson, Châteaubriand,
27:28 qui était quand même, stylistiquement, l'une des idoles du général de Gaulle,
27:31 car plus il était en prison, plus il lisait.
27:33 Et je vous recommande vraiment ces deux livres.
27:36 Celui-là est publié aux éditions Grasset.
27:38 J'étais… C'est passé.
27:39 Vous voyez, Jean Fabouille, comme on dit.
27:42 J'étais ravi de passer cette demi-heure avec vous.
27:44 J'espère que les gens vont vous regarder,
27:46 car ce sont deux livres absolument indispensables.
27:49 [Musique]

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