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Alors que la lutte contre les violences faites aux femmes est une cause de plus en plus partagée en Europe, certains chiffres sont toujours inquiétants et les Etats-membres de l'Union européenne ne réussissent pas à s'accorder pour faire front commun face à ces violences. Année de Production : 2023

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00:00 ...
00:24 -Bonjour à tous et merci de nous rejoindre pour "Ici, l'Europe".
00:28 Nous recevons un grand invité en prise avec le quotidien des Européens.
00:33 Nous avons le plaisir de rejoindre en duplex de Bruxelles
00:35 et de la Commission européenne
00:37 Margaritis Skinnas, le vice-président
00:40 de cette Commission européenne chargée des migrations
00:43 et de la promotion du mode de vie européen.
00:46 Bonjour, M. Skinnas.
00:48 -Bonjour. Bonjour de Bruxelles.
00:51 -Vous avez été, je le rappelle,
00:53 dans la précédente Commission Juncker,
00:55 porte-parole principale avant d'être proposée en 2019
00:58 comme commissaire par le Premier ministre conservateur
01:01 Kiriakos Mitsotakis,
01:03 dans les rangs du Parti populaire européen.
01:06 Vous vous préoccupez de notre mode de vie
01:08 et de nos valeurs, fortement ébranlées
01:11 par les multiguerres et les multicrises.
01:15 Notre Europe, par exemple, est très affectée
01:17 par la guerre entre Israël et le Hamas,
01:20 avec parfois un sentiment d'impuissance diplomatique,
01:24 vous le diriez ?
01:26 -Oui. Juste au moment où l'Europe sortait de la pandémie,
01:32 avec une gestion efficace,
01:36 le monde autour de nous continue à être
01:39 un monde incertain, plein de problèmes, de crises.
01:44 D'abord, l'invasion russe à l'Ukraine,
01:46 et maintenant, une autre guerre au Moyen-Orient.
01:49 Encore une fois, l'Europe est appelée
01:54 à jouer le rôle d'une force de bien
01:57 dans le système multilatéral mondial.
02:02 Nous contribuons à des solutions,
02:04 nous cherchons à promouvoir le dialogue,
02:08 la coexistence,
02:10 et je suis relativement optimiste
02:13 que, même comme en Ukraine,
02:15 maintenant au Moyen-Orient,
02:17 l'Europe continuera à apporter des solutions
02:20 aux problèmes qu'il faut rappeler
02:22 et qui sont des problèmes que l'Europe n'a pas créés,
02:25 mais qui est appelée à résoudre.
02:28 -D'ailleurs, partout en Europe,
02:29 on voit les réflexes communautaires
02:31 et les discriminations augmenter.
02:33 Des milliers d'actes antisémites recensés en France,
02:36 des centaines en Allemagne et à l'est de l'Europe.
02:38 Votre portefeuille inclut la lutte contre l'antisémitisme.
02:43 En quoi l'Europe, la Commission européenne, peut aider ?
02:46 -Ca nous préoccupe beaucoup,
02:48 parce que nous, les Européens,
02:50 lors du siècle passé,
02:51 on a eu l'expérience de cette tragédie de Soa.
02:55 Nous savons comment ça commence
02:58 et nous avons appris comment ça se termine.
03:01 Alors, nous sommes déterminés de ne pas
03:05 révivre ce chapitre noir de notre histoire.
03:10 La protection des communautés juives partout en Europe,
03:14 c'est une priorité centrale pour cette Commission.
03:17 J'ai eu l'opportunité d'être avec eux
03:22 à la communauté juive d'Anvers, à Strasbourg, à Thessalonique.
03:26 Et je réitère la détermination de la Commission européenne,
03:30 de l'ensemble du collège, de mes collègues commissaires,
03:34 de faire tout ce qu'on peut.
03:36 Tout d'abord, pour renforcer leur sécurité
03:39 autour des synagogues,
03:42 les écoles juives partout en Europe,
03:44 mais aussi faire en sorte
03:46 qu'on ne rouvre pas
03:49 cette porte de haine
03:52 qu'on connaît fort bien en Europe,
03:55 qui va réintroduire dans nos sociétés
03:58 tous les cauchemars, le régé d'autrui
04:03 et la tragédie qui déclenche.
04:07 Nous sommes déterminés de défendre notre modèle de vie européen.
04:11 Vous parlez de la priorité d'intensifier
04:15 l'application des règlements de l'Union européenne
04:17 sur Internet pour les contenus terroristes, haineux
04:20 ou de désinformation, qu'ils soient antisémites ou islamophobes.
04:24 Est-ce qu'on arrive vraiment, ces dernières semaines,
04:26 à faire baisser cette haine en ligne ?
04:29 Oui, vous avez raison à le souligner.
04:32 Pour la première fois, nous avons à notre disposition
04:36 des outils européens solides
04:39 qui nous permettent
04:42 de réduire ce phénomène,
04:45 de lutter contre la haine en ligne.
04:49 Nous avons, par exemple, la directive
04:52 qui oblige les plateformes technologiques
04:54 de supprimer tout contenu
04:57 terroriste
05:00 dans une heure, depuis la notification.
05:03 Et avec mon collègue Thierry Breton,
05:05 nous avons mis en place le fameux
05:08 Digital Services Act,
05:10 qui est le nouveau règle de gouvernance numérique,
05:14 qui nous permet d'infliger des amendes
05:17 aux plateformes technologiques
05:19 qui ne respectent pas l'obligation
05:22 de lutter contre la haine et la discrimination.
05:25 Alors, bien sûr, l'antisémitisme progresse,
05:29 mais l'islamophobie aussi, avec la montée
05:31 du nationalisme identitaire dans nos pays.
05:34 - On en a eu un exemple, encore,
05:36 mercredi dernier, aux Pays-Bas,
05:38 où, à la surprise générale,
05:39 c'est le candidat de l'extrême droite,
05:42 Gerd Wilders, qui est arrivé en tête
05:44 avec 37 sièges sur 150 au Parlement.
05:46 M. le vice-président de la Commission européenne
05:49 en charge des migrations,
05:50 quand vous voyez dans un pays fondateur
05:52 comme les Pays-Bas,
05:54 un homme arrivé en tête
05:55 avec un programme essentiellement sur ce thème.
05:58 Comment vous interprétez cette victoire ?
06:01 - Tout d'abord, il faut le rappeler,
06:03 que 25 % de Néerlandais ont voté pour Gerd Wilders,
06:07 mais il y a 75 % des électeurs
06:12 qui n'ont pas voté pour lui.
06:14 Deuxièmement, il faut voir la composition
06:18 du nouveau gouvernement aux Pays-Bas,
06:20 et il faut attendre un peu
06:22 pour constater si ce discours de haine
06:26 soit reflété dans l'action du gouvernement.
06:29 Troisièmement, Wilders,
06:31 comme d'autres forces populistes et demagogues en Europe,
06:36 projette une image d'une Europe
06:39 incapable de gérer la migration.
06:43 Eh bien, on va leur prouver qu'ils sont en faux,
06:48 parce que dans quelques semaines,
06:50 nous aurons finalement un grand accord européen
06:53 sur la migration et l'asile
06:55 après des années d'échecs.
06:58 Pour la première fois,
07:00 on aura un cadre global, holistique, cohésif,
07:05 qui nous permettra de gérer la migration
07:08 au niveau européen, par les institutions européennes,
07:11 avec des ressources européennes,
07:13 et sur la base de valeurs et règles
07:15 ancrées au droit européen.
07:17 On va prouver à M. Wilders qu'il n'a pas raison.
07:22 J'imagine quand même qu'il y a une certaine inquiétude
07:25 qui se manifeste à Bruxelles,
07:26 puisque cette extrême droite néerlandaise
07:29 très eurosceptique veut organiser un référendum
07:32 sur le NEXIT, la sortie de l'Union européenne.
07:35 On sait que les référendums en Europe
07:37 ne se terminent pas toujours bien.
07:38 On l'a vu avec le Brexit en 2016.
07:41 L'Europe s'inquiète de cela ?
07:44 Je répète qu'il faut attendre voir
07:47 si le gouvernement qui sera formé aux Pays-Bas
07:51 aura comme programme toutes les choses
07:56 assez excentriques qui ont été discutées
08:00 lors de la campagne.
08:01 Mon sentiment, ce ne sera pas le cas.
08:05 Deuxièmement, l'Europe est une union de démocratie.
08:10 C'est pour ça que nous sommes l'Union européenne,
08:13 parce que nous sommes l'épicentre mondial
08:16 de la démocratie et de la bonne gouvernance.
08:18 Alors les élections ne nous font pas peur.
08:22 Les élections sont notre atout, son autre avantage.
08:26 Alors j'ai confiance en nos systèmes démocratiques,
08:31 en nos modèles de société,
08:33 et je préfère attendre voir un gouvernement responsable
08:38 qui va travailler avec l'Europe, pas contre l'Europe.
08:41 Cela dépend finalement aussi du parti PPE
08:44 dont vous êtes issu, de sa volonté de faire alliance
08:48 avec cette extrême droite.
08:49 On l'a vu par exemple, ça a été le cas en Italie.
08:52 Est-ce que ce n'est pas une façon de dédiaboliser
08:56 cette extrême droite ?
08:57 Est-ce que vous êtes favorable à ces alliances
08:59 droite traditionnelle, droite plus extrême ?
09:02 Je ne pense pas que le rôle des commissaires européens
09:06 soit d'exprimer une opinion sur tout ce qui se passe en Europe.
09:10 Moi, je ne vois pas mon rôle
09:12 comme un commentateur de développement politique.
09:16 Je préfère me concentrer sur l'action du gouvernement.
09:19 Et vous citez l'Italie.
09:22 Je tiens à souligner que le gouvernement italien,
09:27 depuis sa formation, est contrairement
09:29 aux prédictions ou aux analyses,
09:33 se porte comme un véritable gouvernement européen
09:38 qui travaille avec l'Union européenne
09:41 dans tous les domaines d'importance,
09:44 soutient l'Ukraine.
09:46 Il est avec nous dans ce souci
09:48 de trouver l'accord sur la migration.
09:50 Alors, je préfère rester sur l'action
09:53 plutôt que sur l'opinion.
09:56 En tant que vice-président de la Commission européenne,
09:58 vous avez proposé un nouveau pacte migratoire
10:00 en septembre 2020.
10:02 Le dossier attend actuellement des négociations finales
10:05 entre les législateurs de l'Union européenne
10:07 qui devraient être finalisées en février 2024.
10:10 Vous croyez à une solution à 27
10:12 avec d'ailleurs un volet relocalisation des réfugiés,
10:16 notamment ceux arrivés dans le sud ?
10:19 Oui, je suis optimiste et confiant
10:23 que finalement, nous aurons ce grand accord européen
10:27 qui comportera trois éléments principaux.
10:33 Tout d'abord, un volet externe
10:36 de partenariat avec le pays tiers
10:39 d'origine et de transit de flux migratoires.
10:42 Deuxièmement, un système de contrôle
10:44 des frontières extérieures de l'Union,
10:47 de procédures uniformes
10:48 qui comporte aussi des retours faciles, rapides
10:54 pour tous ceux qui n'ont pas le droit
10:56 d'être sous la protection juridique d'asile
10:59 de l'Union européenne. Et troisièmement,
11:01 un système de partage de responsabilités
11:04 et de solidarité entre le 27.
11:07 Pour la première fois après des années et des années
11:11 des essais, des efforts,
11:13 cet accord est ante portas.
11:16 Et je pense que ce sera un grand...
11:20 un grand élément de l'héritage
11:24 de cette commission von der Leyen.
11:26 C'est parfois difficile, les accords migratoires,
11:30 l'externalisation dont vous nous parlez,
11:32 avec la Tunisie, ça devait servir de modèle du genre,
11:35 avec des violences racistes,
11:37 le sujet est plus délicat que prévu, non ?
11:40 Dans nos accords de partenariat avec le pays tiers
11:43 d'origine et de transit de flux migratoires,
11:47 la migration est un de plusieurs éléments
11:50 qui consiste, qui bâtissent ce partenariat.
11:56 On ne travaille pas que sur la migration
11:58 avec le pays tiers.
12:00 Vous venez de citer l'accord avec la Tunisie,
12:03 ça comporte cinq filières,
12:06 cinq chantiers de coopération
12:08 entre l'Union européenne et la Tunisie,
12:10 dont la migration est le cinquième.
12:13 Et d'ailleurs, si vous voyez un peu
12:16 les effets que cet accord a produits,
12:19 c'est avec satisfaction que nous constatons
12:22 que ça a contribué à réduire
12:25 significativement, substantiellement,
12:28 les chiffres, le nombre d'arrivées
12:32 vers la Méditerranée centrale.
12:33 Alors c'est une approche
12:36 que l'Europe va poursuivre les années à venir,
12:39 travailler avec nos voisins
12:41 pour trouver des solutions de développement,
12:43 de croissance, pour que leurs citoyens
12:45 puissent avoir de meilleures vies là, chez eux,
12:48 au lieu de mettre leur vie
12:49 dans les mains de passeurs à la Méditerranée.
12:52 Georgia Meloni, la présidente du Conseil italien,
12:54 a signé de son côté, sans prévenir personne,
12:57 avec son homologue albanais,
12:59 le 6 novembre, un protocole d'accord
13:01 qui prévoit l'installation en Albanie
13:03 d'une zone d'accueil pour les migrants
13:05 sauvés par la marine italienne,
13:07 et donc une zone sous droit d'ailleurs italien
13:10 en territoire extérieur.
13:12 La Commission devrait se prononcer sur ce texte.
13:14 Ça présente des interrogations juridiques tout de même ?
13:18 Oui, nous sommes en train d'examiner
13:22 un peu plus en détail cet accord,
13:25 mais les premières données
13:28 nous montrent que c'est un accord
13:31 qui prévoit que cette procédure
13:34 de gestion d'asile
13:36 restera dans les mains
13:39 des représentants italiens.
13:41 Alors il n'y aura pas
13:43 une sous-délégation à un pays tiers,
13:47 il y aura des bateaux italiens
13:50 qui vont transporter
13:52 les demandeurs d'asile,
13:54 ils vont les remettre
13:57 aux diplomates italiens
13:59 et qui vont suivre les procédures italiennes.
14:02 Alors si c'est le cas,
14:05 je pense que cet accord ne pose pas de problème
14:07 de compatibilité avec le droit communautaire
14:10 ni avec le futur pacte
14:13 sur la migration et l'asile.
14:15 Parlons un peu, et on n'en parle peut-être pas assez,
14:17 des 3,5 millions de non-européens
14:19 qui entrent chaque année légalement
14:22 dans l'Union européenne.
14:23 La migration de la main-d'oeuvre
14:25 est considérée par votre Commission
14:27 comme l'une des solutions pour lutter
14:28 contre ces arrivées irrégulières
14:31 et combler les lacunes du marché du travail.
14:33 Vous présentez un projet de nouvelle plateforme
14:36 destinée à mettre en relation les migrants
14:38 et les offres d'emploi
14:40 dans l'ensemble de l'Union européenne
14:41 qu'on a surnommé le Tinder pour l'emploi.
14:45 Est-ce que ça peut marcher ?
14:46 Et puis est-ce que c'est un bon signal ?
14:49 Oui, je pense que c'est très important
14:53 parce que pour la 1re fois,
14:55 on ouvre une porte dans notre maison
14:59 pour éviter que les gens
15:02 continuent à sauter par la fenêtre.
15:04 Ce système de mobilité organisée,
15:08 c'est un système simple,
15:10 c'est un système qui est volontaire
15:15 et qui permettra d'aligner les postes vacants
15:19 dans nos marchés de travail européens
15:21 avec les ouvriers de pays tiers,
15:24 surtout des pays d'origine de transit
15:26 de flux migratoires,
15:27 qui auront les compétences nécessaires
15:31 pour les postes vacants en question.
15:33 Alors, une fois qu'on a ce match,
15:36 cet alignement entre postes libres
15:39 et demande d'emploi,
15:41 le système notifiera
15:43 à nos états membres concernés
15:46 la possibilité de faire venir
15:49 ces travailleurs pour travailler
15:50 dans les secteurs qui sont très nécessaires
15:53 pour nos économies et nos sociétés.
15:55 Le secteur de soins de santé,
15:58 l'agriculture, le tourisme,
16:00 l'horeca, le numérique, etc.
16:03 Alors, je suis confiant
16:05 que c'est une nouvelle option attrayante.
16:08 Ce n'est pas l'Europe fortresse,
16:12 c'est une Europe ouverte
16:14 aux travailleurs de pays tiers,
16:18 une Europe organisée,
16:20 une Europe qui offre des solutions pratiques,
16:24 pas de discours ou approche démagogique
16:28 sur la migration et la mobilité organisée.
16:30 Merci, Margaritis Kinas.
16:32 Merci, M. le vice-président,
16:34 d'avoir très bien illustré
16:35 cette action de la Commission européenne.
16:38 Merci à vous de nous avoir suivis.
16:40 Vous restez en notre compagnie.
16:42 Le débat continue.
16:43 Il continue à Bruxelles
16:44 à l'occasion du 25 novembre,
16:46 journée des violences faites aux femmes
16:48 entre députés européens.
16:50 Je rejoins mon camarade de public Sénat
16:52 pour en parler.
16:54 ...
16:59 -Merci de nous rejoindre au Parlement à Bruxelles
17:01 pour notre débat à la rescousse
17:04 des femmes maltraitées.
17:05 Le 25 novembre est la journée internationale
17:08 de lutte contre les violences faites aux femmes.
17:12 Dans l'Union européenne,
17:13 qu'on imaginait comme le continent le plus protecteur,
17:16 encore une femme sur trois a subi des violences physiques
17:19 ou sexuelles, une sur deux a été victime
17:22 de harcèlement sexuel.
17:23 Sept femmes meurent chaque jour
17:25 sous les coups de leur conjoint
17:27 ou d'un membre de leur famille.
17:29 Pour rendre cette lutte plus efficace,
17:31 deux pistes.
17:32 Une directive européenne, d'abord,
17:34 pour harmoniser les définitions des violences
17:37 et les législations au sein des 27 Etats membres.
17:40 -Et ces définitions posent d'ores et déjà problème,
17:43 notamment celle du viol.
17:44 La France, la Hongrie, la Pologne et d'autres pays
17:47 refusent de constituer un crime de viol européen.
17:50 Autre grand sujet de fâcherie,
17:52 la convention d'Istanbul du Conseil de l'Europe
17:54 sur les violences faites aux femmes,
17:56 un texte entré en vigueur le 1er octobre dernier.
17:59 La Commission européenne l'a ratifié au nom de l'Union,
18:02 mais en se passant de l'accord de six pays membres.
18:05 La Bulgarie, la République tchèque, la Hongrie, la Lettonie,
18:08 la Lituanie et la Slovaquie n'ont pas achevé la ratification
18:12 de ce texte. Certains pays l'estiment idéologique.
18:14 -C'est le cas de votre pays, en tout cas,
18:17 pour ce qui est de la non-ratification,
18:19 la Bulgarie. Radane Kanef, bonjour.
18:21 Vous êtes député européen du Parti populaire européen,
18:25 qui est au pouvoir aussi, ici, à droite, dans l'hémicycle.
18:30 Et puis, nous sommes aussi avec Gwendoline Delboscorfil,
18:33 députée européenne, l'Ever pour la France,
18:36 membre de la commission femmes au Parlement européen.
18:40 On a l'impression qu'en Europe,
18:42 les femmes ne sont pas si bien protégées des violences
18:46 quand on voit les chiffres,
18:47 alors qu'on pourrait croire qu'au contraire,
18:50 c'est un continent extrêmement épanouissant
18:52 pour les femmes et protecteurs.
18:54 -Ah oui, non, c'est pas une découverte.
18:57 En France, depuis des années,
18:59 des associations tiennent le compte des féminicides.
19:02 C'est des nombres effarants.
19:04 Les enfants qui meurent sous les coussons
19:06 sont des nombres effarants.
19:08 On a des nombres effarants dans nos pays
19:11 qu'on pense des pays riches,
19:12 avec un certain nombre de libertés, sans discrimination.
19:16 Mais nos sociétés sont encore très patriarcales
19:18 et qu'elles laissent place à cela.
19:20 Donc, on a dit beaucoup, on a écrit des choses,
19:23 mais aujourd'hui, dans les faits,
19:25 on laisse encore les hommes tuer des femmes.
19:28 -Radane Kaniyev, la parole des femmes s'est libérée
19:31 à propos de ces violences il y a quelques années
19:33 avec le mouvement #MeToo.
19:35 Est-ce que vous constatez des avancées
19:37 dans la lutte contre ces violences ?
19:39 En Bulgarie, pas plus tard que cet été,
19:42 des citoyens et citoyennes bulgares
19:44 ont appris à se battre contre les violences
19:46 et à se protéger.
19:48 -Disons que le problème primaire en Bulgarie,
19:50 c'est un problème d'information, de statistiques, de données.
19:54 En fait, il y a pas de données systématiques
19:58 et soutenues pour des dizaines d'années.
20:02 Je dirais les dernières deux décennies
20:04 du régime communiste et puis les 30 années
20:07 après la chute du régime,
20:09 on n'a pas suffi de faire une statistique robuste.
20:13 Sur ce problème, alors,
20:16 ce qu'on a pu voir,
20:19 c'est une augmentation sérieuse, grave,
20:23 des cas de violences
20:25 au regard des femmes
20:28 et une tendance spécifique,
20:31 je dirais plutôt récente,
20:33 des cas très graves,
20:36 très sérieux,
20:38 en tant que séparation des couples jeunes.
20:42 -On est sur le chemin d'une directive européenne,
20:44 mais elle semble avancer au ralenti sur ce thème.
20:47 En quoi elle consiste ?
20:49 Faisons de la pédagogie.
20:50 Qu'est-ce qu'elle pourrait changer concrètement ?
20:53 -Elle aurait l'avantage qu'aujourd'hui,
20:56 on fait souvent référence à un texte,
20:58 la Convention d'Istanbul,
21:00 qui concerne le Conseil de l'Europe en général,
21:02 au-delà de l'Union européenne,
21:04 et qui reste un grand cadre.
21:06 Une directive doit très rapidement être mise en place
21:09 par les Etats membres et devenir de la loi de chaque Etat membre.
21:13 C'est un certain nombre d'obligations
21:15 aux Etats membres pour définir tous ensemble
21:18 les violences faites aux femmes,
21:19 pour mieux travailler sur la question des statistiques,
21:23 savoir déjà où on en est,
21:24 et puis mettre en place au niveau judiciaire comme policier
21:28 ce qu'il faut pour que d'abord, ça soit sanctionné
21:31 et puis jugé correctement,
21:34 et surtout, beaucoup faire de la prévention aussi,
21:38 permettre assez rapidement aux femmes
21:40 qui sont dans ce genre de situation
21:43 à aussi pouvoir être protégées.
21:45 Mais c'est un gros travail sur une harmonisation des définitions.
21:48 -Radha Nkaniyev, dans la liste de ces définitions de violences
21:52 à harmoniser, il y a le viol, le cyberharcèlement,
21:55 les mutilations génitales.
21:57 Le Parlement européen souhaite même aller plus loin
22:00 en incluant les mariages et stérilisations forcées.
22:03 Vous êtes pour cette harmonisation
22:05 des définitions de violences en Europe,
22:07 faites aux femmes ? -Oui, je suis pour.
22:10 Nous avons la liberté de mouvement en Europe.
22:14 Je pense que nous devons avoir aussi
22:18 la protection commune,
22:20 et notamment la protection des femmes
22:23 contre la violence au regard des femmes communes,
22:26 comme politique européenne,
22:28 comme politique, je dirais, humaniste.
22:31 Et aussi, du point de vue
22:34 de la politique pratique,
22:35 parce que ce n'est pas l'idéologie.
22:37 Ce sont nos valeurs,
22:40 assez clairement.
22:42 Alors oui, je suis pour.
22:45 J'espère que les problèmes
22:48 avec des Etats membres différents
22:51 vont être résolus.
22:52 -Le problème vient de la France, en l'occurrence.
22:55 C'est la France qui résiste le plus
22:57 sur l'harmonisation de la notion de viol
23:00 selon les autorités,
23:03 parce qu'elle estime que le droit pénal
23:05 est une compétence nationale.
23:07 Vous regrettez cette réticence
23:10 à côté de la Hongrie et de la Pologne,
23:12 de la France ? -Oui, je la regrette.
23:14 Ce n'est pas le seul sujet
23:16 où la France, pour des raisons institutionnelles,
23:19 de souveraineté, de choix juridiques,
23:21 va bloquer des choses.
23:23 On a souvent un problème, ce Parlement,
23:25 à travailler avec le Conseil,
23:27 parce que la France met le Parlement de côté.
23:30 C'est une erreur, à mon avis,
23:32 d'utiliser ce genre d'argues-ci.
23:34 Il y a des complexités juridiques,
23:36 mais il faut savoir les dépasser.
23:38 Si on veut une Union européenne forte,
23:41 c'est important d'un point de vue pratique
23:43 que ces lois existent,
23:45 mais je pense aussi que c'est important
23:47 pour afficher que l'Union européenne
23:49 est un espace où les femmes sont protégées,
23:52 et les pays devraient pouvoir dépasser
23:54 leur souveraineté et leurs questions juridiques
23:57 de droit pénal.
23:58 -La France le refuse pour des raisons juridiques,
24:01 même quand la Hongrie et la Pologne
24:03 refusent de créer ce crime de viol européen.
24:06 Est-ce que c'est pour d'autres raisons idéologiques ?
24:09 -Je pense que ce sont des raisons idéologiques,
24:12 parce que je connais très bien le discours en Bulgarie
24:15 pour presque une dizaine d'années maintenant,
24:18 car il y a eu,
24:21 mais ça existe encore,
24:23 cette propagande très forte, je dirais furieuse,
24:26 idéologique contre la Convention d'Istanbul.
24:29 La propagande qui a mené
24:31 à une décision du corps constitutionnel
24:36 de la Bulgarie,
24:37 qui a des parts signifiantes de la Convention
24:40 contre la Constitution bulgare.
24:42 Ce à quoi je ne suis pas d'accord,
24:44 je suis homme de droit, je suis professionnel de droit,
24:47 et je pense que ces arguments ne sont pas sérieux,
24:50 mais c'est déjà part de notre réalité juridique en Bulgarie.
24:53 -C'est sur quoi exactement que ça porte ?
24:56 Qu'est-ce qui les gêne ?
24:57 -C'est la politique du genre,
24:59 la notion du "gender"
25:01 dans la Convention d'Istanbul.
25:05 C'est la fixation principale
25:10 de cette propagande,
25:11 qui est, d'une part, clairement
25:15 une propagande russe en Europe orientale.
25:18 -La notion de genre qui pose problème, en effet,
25:21 à tous les ultraconservateurs réunis
25:24 contre cette Convention d'Istanbul.
25:27 On parlait de six pays, Bulgarie, Hongrie, Lettonie,
25:31 Lituanie, République tchèque, Slovaquie,
25:33 tous S-pays de l'exte,
25:35 tous gouvernés par des gens
25:37 qui sont plutôt conservateurs.
25:39 Est-ce que, finalement,
25:42 elle est présente, cette question de genre ?
25:45 Elle est omniprésente dans la Convention d'Istanbul
25:48 ou c'est essentiellement une convention
25:50 qui protège contre les violences ?
25:53 -Elle est clairement présente.
25:54 L'idée, c'est bien que les crimes commis
25:57 pour cause de genre, c'est-à-dire que si vous violentez
26:00 aussi une personne LGBTI à cause de son genre,
26:03 si vous violentez une personne trans,
26:05 il y a bien la question de genre et il y a bien l'idée
26:08 qu'on n'est pas simplement une femme physiologiquement
26:11 et qu'on n'est pas seulement attaqué,
26:14 parce qu'on est une femme, on est parfois attaqué
26:16 pour ses orientations sexuelles et pour d'autres raisons
26:20 plus politiques.
26:21 Après, la Convention d'Istanbul, c'est beaucoup d'autres choses.
26:24 C'est, là encore, à nouveau, des définitions
26:27 et des préconisations pour les Etats qui l'assignent
26:30 de prévention, d'éducation sexuelle.
26:32 C'est énormément d'autres choses.
26:34 L'éducation sexuelle est aussi souvent quelque chose
26:37 que les réactionnaires n'aiment pas et vont refuser.
26:40 Il y aura aussi, on va se le dire clairement,
26:43 dans ces pays-là, et pas que dans ces pays-là,
26:46 pour les partis nationalistes et des partis de droite
26:49 et pour tous nos pays, il y a aussi l'idée
26:51 que les violences faites aux femmes ne sont que le fait de migrants
26:55 et pas du tout que l'homme blanc soit capable de violences.
26:58 Donc, ça va encore plus loin que la question du genre
27:01 ou de l'éducation sexuelle,
27:03 c'est qu'il y a encore beaucoup de réticences à se dire
27:06 que nos sociétés sont violentes et patriarcales.
27:08 -Il y a une bataille culturelle, idéologique,
27:11 qui est menée au sein de l'union entre différents pays.
27:14 -Oui, et avec une espèce de paradoxe,
27:17 parce qu'au niveau de ce Parlement,
27:18 nous écrivons tous nos textes avec les mots "genre",
27:21 nous écrivons aussi la commission,
27:23 produit aussi beaucoup de documents avec les mots "genre".
27:27 Un certain nombre de ces valeurs sont assumées par l'UE,
27:30 mais remises en cause dès que les gouvernements des Etats membres
27:33 repassent à un côté plus droite, extrême droite.
27:36 Même en France, la question du genre revient régulièrement,
27:40 elle revient même chez des membres du gouvernement.
27:43 La question de l'éducation sexuelle,
27:45 elle n'est plus en France, c'est un sujet de débat.
27:48 -Oui, alors, cela dit, la référence au genre
27:50 dans la convention d'Istanbul, elle est quand même assez légère,
27:54 au sens que c'est l'incitation à promouvoir
27:56 dans les programmes d'enseignement des rôles non stéréotypés
28:00 de genre, et puis, finalement, ça met un peu l'accent
28:03 sur la notion de consentement, un consentement qui est important
28:06 entre les hommes et les femmes et qui a été révélé,
28:09 finalement, par un mouvement comme MeToo.
28:12 Donc, est-ce que c'est à ça qu'il faut éduquer,
28:14 peut-être, à la fois les garçons et les filles ?
28:17 -Je suis absolument sûr
28:19 que l'éducation sexuelle est très, très importante.
28:23 L'éducation contre la violence est aussi très importante.
28:29 Je ne serais pas totalement d'accord avec mon collègue
28:33 parce que je dirais, pour exemple,
28:36 que la Bulgarie ne peut pas être vraiment considérée
28:39 comme une société patriarcale.
28:41 En Bulgarie, les femmes ont le droit de voter
28:45 depuis 1937,
28:49 ce qui est bien avant la France et l'Italie,
28:51 pour exemple, et pendant le régime
28:55 de la dictature communiste,
28:58 il y avait une émancipation formelle
29:00 et juridique presque absolue,
29:02 mais dans les mêmes années,
29:05 la violence en domicile,
29:08 la violence domestique,
29:11 le harcèlement au boulot,
29:13 et puis aussi les autres types de violences
29:17 contre les femmes sont bien augmentées.
29:19 Alors, c'était pas la raison d'être
29:22 une société assez patriarcale,
29:25 mais une société qui ne lutte pas,
29:28 qui cache les problèmes,
29:30 qui fait, disons, le camouflage des problèmes,
29:34 parce que ça devait être une société parfaite,
29:37 et ça n'était pas bien sûr,
29:39 comme notre société maintenant.
29:41 Elle n'est pas parfaite aussi.
29:43 -Est-ce que ces valeurs conservatrices
29:45 en Europe de l'Est vont perdre du terrain,
29:48 par exemple, quand on voit les dernières élections en Pologne
29:51 avec des centristes qui vont arriver au pouvoir ?
29:54 Est-ce que ça peut infléchir
29:56 cette bataille d'idéologie sur ces violences faites aux femmes ?
29:59 -Encore une fois, vous savez, moi, je suis conservateur,
30:03 mais moi, je suis pas le type
30:06 qui va cacher l'effet de la violence.
30:09 Alors, je dirais pas que c'est une lutte idéologique,
30:13 c'est une lutte humaniste
30:17 pour les droits de tout le monde
30:19 et pour les droits des faibles dans un conflit,
30:22 bien sûr, parce que, même physiquement,
30:26 il y a la différence, nous le savons.
30:29 Il y a des tendances dans les sociétés,
30:32 et la lutte contre les violences,
30:35 la violence au regard des femmes,
30:38 doit être une lutte pour tout le monde,
30:41 pour les conservateurs, pour les libéraux,
30:43 pour les socialistes, pour tout le monde.
30:46 -Là-dessus, vous serez d'accord,
30:47 mais parlons quand même des femmes demandeuses d'asile,
30:51 peut-être les moins protégées du monde,
30:53 dans leur pays d'origine, on pense à l'Afghanistan, l'Iran,
30:56 où elles sont forcées de se voiler,
30:59 la discrimination qu'elles subissent leur donne de mois en mois
31:02 le droit à l'asile chez nous, en tout cas.
31:05 C'est une problématique.
31:06 -Les femmes migrantes, les femmes réfugiées
31:09 sont tout en bas de l'échelle,
31:11 et c'est celles qui souffrent le plus.
31:13 On a aussi des violences dont on parle très peu,
31:16 alors que c'est dans les plus nombreuses,
31:18 c'est les femmes à l'égard des musulmanes.
31:21 Une femme qui porte un voile va se faire cracher dessus
31:24 plusieurs fois par jour.
31:25 Il y a des femmes qui sont plus sujettes
31:28 à toutes ces violences, et qu'on ne protège pas,
31:31 parce qu'il y a de l'idéologie derrière.
31:33 -Il faut faire attention à ces stéréotypes
31:35 qu'on a sur les pays de l'Est et d'Europe centrale.
31:38 La Pologne, les sondages montrent
31:40 que c'est une population qui n'est pas homophobe,
31:43 qui est féministe.
31:44 Toutes ces questions d'avortement,
31:47 la grande violence sur l'avortement en Pologne,
31:49 viennent de gouvernements.
31:51 Si demain, nous avons Marine Le Pen au pouvoir en 2027 en France,
31:55 je le dis, nous rencontrerons les mêmes problèmes,
31:58 alors que la société française a évolué sur ces questions-là.
32:01 -Une société patriarcale, c'est une société
32:04 où on n'enseigne pas des exemples de femmes à l'école,
32:07 où toutes les grandes auteurs ne sont pas connues,
32:10 où les grandes sportives et les aventurières ne sont pas connues.
32:13 On a peu de femmes en politique.
32:15 C'est pas une société comme autrefois,
32:17 forcément, où les femmes restent à la maison
32:20 et s'occupent des enfants.
32:22 -Il y a des exemples, comme la Bulgarie,
32:24 avec des...
32:25 Avec une tendance de violence
32:29 contre les femmes assez sérieuse.
32:31 Et en même temps, qui peut pas être considérée
32:35 comme patriarcale, même sur ce critère.
32:38 Nous avons les femmes dans les arts,
32:41 dans l'architecture, dans la médecine,
32:44 depuis les années 30,
32:45 et puis dans toute la période du communisme,
32:48 et puis après la chute du communisme,
32:50 dans les 30 nouvelles années démocratiques,
32:52 nous avons beaucoup de femmes dans la politique bulgare,
32:56 et ça, c'est absolument positif, bien sûr.
32:58 Nous avons beaucoup de femmes au Parlement européen,
33:01 mais nous avons des problèmes très sérieux
33:04 dans les familles, dans les couples,
33:07 et ça, on doit avoir la résolution sur ces problèmes.
33:12 -Restez vigilants sur cette violence larvée.
33:14 Merci véritablement à vous d'avoir enrichi ce débat,
33:18 de vos expériences et de vos pays respectifs.
33:21 Merci de nous avoir suivis sur France 24 et Public Sénat.
33:24 -Suivez l'information sur nos antennes.
33:26 (Générique)
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