COP28 à Dubaï: 3 questions à François Gemenne, membre du GIEC

  • l’année dernière
Pourquoi organiser la COP28 à Dubaï ? Les COP ont-elles vraiment une utilité ? Nous avons posé 3 questions à François Gemenne, politologue et co-auteur du sixième rapport du GIEC (Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat), avant l'ouverture de la conférence mondiale de l'ONU sur le climat.
Transcription
00:00 L'objectif de 2°C de l'accord de Paris est encore atteignable,
00:03 même si évidemment la fenêtre de tir se rétrécit de plus en plus.
00:08 Nous devons apprendre à gouverner, littéralement, cette nouvelle terre dans l'urgence.
00:14 Beaucoup de gens, beaucoup d'observateurs trouvent la situation complètement anachronique ou absurde.
00:26 Moi j'ai tendance à dire qu'on a jusqu'ici longtemps tourné autour du pot des énergies fossiles,
00:32 alors qu'on sait bien que c'est l'éléphant dans la pièce.
00:34 On sera à un endroit où il ne sera plus possible de tourner autour du pot.
00:37 Et donc en quelque sorte, organiser la COP28 à Dubaï, c'est aussi prendre le taureau par les cornes
00:42 et discuter directement avec les pays qui ont fondé toute leur économie
00:49 sur l'exploitation de ces énergies fossiles et des hydrocarbures.
00:53 Et la grande question, évidemment, par rapport à la sortie des énergies fossiles,
00:57 c'est aussi qu'est-ce qu'on dit par rapport à ces pays dont l'économie dépend de ces hydrocarbures.
01:03 Si aujourd'hui on est dans une logique où chaque pays se dit "je fais ma part et je m'arrête là",
01:13 on ne va jamais y arriver.
01:15 Notamment parce que la part que représente chaque pays, sa part de responsabilité en quelque sorte,
01:20 ne peut pas se réduire, à mon sens, à la proportion d'émissions qui sont émises,
01:27 qui sont générées sur son territoire.
01:29 L'enjeu, et pour un pays comme la France qui est la cinquième ou sixième puissance économique mondiale,
01:34 l'enjeu de faire sa part, c'est de déployer un leadership
01:37 et évidemment de voir comment il est possible de réduire non seulement ses propres émissions,
01:43 mais de réduire les émissions mondiales de gaz à effet de serre.
01:46 Parce qu'évidemment le climat se fiche que les émissions proviennent de Paris, de Lagos ou de Jakarta.
01:52 Je pense qu'il y aura d'abord un enjeu très important sur la question des pertes et dommages.
02:02 Il y a eu cet accord à la COP 27 qui était très important politiquement
02:06 et qui me sent vraiment ouvrir de nouvelles voies,
02:08 y compris dans une sorte de redéfinition d'une responsabilité qui dépasse les frontières,
02:13 où donc les pays industrialisés reconnaissent leur responsabilité dans les dommages causés aux pays du Sud
02:20 et s'engagent formellement à les indemniser.
02:22 Si les pays industrialisés n'arrivent pas avec une proposition concrète sur la table avec des financements,
02:28 les pays du Sud auront forcément l'impression d'avoir été roulés dans la farine.
02:33 L'autre gros sujet, ça sera évidemment la question de la sortie des énergies fossiles.
02:39 Comment est-ce qu'on va pouvoir envisager un plan de sortie des énergies fossiles
02:45 sur lequel tout le monde s'accorde, et donc aussi des pays comme les Émirats,
02:50 comme l'Arabie Saoudite, comme le Qatar.
02:52 Quand TotalEnergie prévoit d'augmenter sa production de pétrole de 3 ou 4% par an chaque année pour les prochaines années,
03:00 c'est très clairement parce qu'il n'y a pas de signal politique.
03:03 On a parfois tendance à voir les accords dans les COP comme des accords avant tout politiques entre États.
03:10 Et bien sûr c'est le cas, mais on oublie que ce sont aussi des signaux très forts
03:14 qui sont envoyés aux entreprises et aux marchés dans la manière dont elles vont envisager
03:18 leur propre avenir, leur modèle d'affaires et leur production.
03:22 Je pense que ce qui va vraiment pousser à l'action, à l'action des gens, des gouvernements, des entreprises,
03:28 c'est une parvenance à montrer à quel point ils ont intérêt à cette action climatique
03:32 et à quel point cette action climatique peut être bénéfique pour eux.
03:36 Or nous la décrivons toujours comme une liste d'efforts à faire, de sacrifices à consentir,
03:41 de renoncements à accepter, c'est-à-dire de choses dont on n'a fondamentalement pas envie.
03:45 Il faut je crois montrer pourquoi nous y aurions intérêt et donc comment la vie peut changer en mieux.
03:52 [Musique]
04:03 [BIP BIP BIP]

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