Robert Vautard est climatologue et co-président du GIEC.
Regardez Le débat du 29 novembre 2023 avec Yves Calvi et Amandine Bégot.
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00:00 Vous êtes sur RTL.
00:02 7h, 9h
00:05 RTL matin. Il est 8h19, bonjour Robert Wotar. Bonjour. Vous êtes climatologue, co-président du GIEC, le groupe d'experts
00:12 intergouvernemental sur l'évolution du climat. Merci beaucoup d'être avec nous ce matin sur RTL, à la veille donc de l'ouverture de la COP
00:18 28 de Dubaï aux Émirats Arabes Unis. Une conférence pour le climat bien particulière. Son président,
00:24 le sultan Al-Jaber est accusé d'avoir voulu conclure des marchés sur les énergies fossiles dans le cadre des préparatifs.
00:29 Le pape et Joe Biden ont déjà annoncé qu'il ne viendrait pas. Tout cela au sein de pays, les Émirats,
00:35 qui tirent plus de la moitié de leurs revenus du pétrole et du gaz. Robert Wotar,
00:38 est-ce que vous avez vraiment envie d'y participer à cette COP, après tout ce que je viens d'aligner là ?
00:43 Alors c'est essentiel d'y participer.
00:46 Voilà, nous sommes des climatologues, donc des scientifiques,
00:49 et nous avons
00:52 à faire l'état des connaissances. Voilà, donc c'est vraiment essentiel que les climatologues soient présents d'une façon...
00:59 Mais je vais y revenir, mais cette organisation, est-ce que ça n'est pas une manipulation ? Vous comprenez ma question ?
01:03 Je ne pense pas, parce que c'est...
01:06 Enfin, je ne pense pas, j'en suis sûr même. Ce sont les États qui décident de leur...
01:10 de l'endroit où se situe la COP. Et puis, bon, ça tourne d'année en année.
01:17 Et là, c'est à Dubaï. Bon, vous savez, c'est un État
01:23 pétrolier, certes, mais
01:26 tous les États ont des consommations carbonées, donc finalement, voilà, c'est pas...
01:31 Êtes-vous sûr que les COP ne sont pas tout simplement des réunions où on se donne bonne conscience ?
01:35 Non, les COP sont vraiment des réunions où les discussions se font.
01:41 C'est pas facile de réduire les émissions de gaz à effet de serre.
01:45 Il y a des pays... Il y a beaucoup de pays. Il y a... Bon, voilà, il y a 195 pays, enfin, il y aura à peu près 200 pays
01:52 qui y participent d'une façon ou d'une autre. Et c'est vraiment un exercice qui n'est pas simple.
02:00 Il y a des intérêts divergents entre les pays. Les économies se sont fondées sur des...
02:04 Voilà, sur des principes différents, sur des ressources différentes.
02:11 Et malgré cette difficulté, il est essentiel que les pays se retrouvent
02:16 chaque année pour faire le...
02:20 faire ces négociations.
02:22 Organiser une conférence sur le climat à Dubaï est absurde et dangereux, affirme dans une tribune au Monde, 180 signataires engagés pour le climat.
02:28 Ils dénoncent la présence des lobbyistes carbonés. Qu'en pensez-vous, Robert Wotar ?
02:32 Alors, bien sûr, il y aura des lobbyistes. Ça, c'est...
02:36 C'est une évidence. C'est une... Il y a 70 000 personnes, je crois, attendues.
02:41 Donc c'est un endroit de rencontre et c'est un endroit où il va y avoir un très grand nombre d'événements.
02:48 Le GIEC va faire des événements et c'est vraiment
02:53 important que ça se produise tous les ans. Ce que je voudrais dire, c'est que là,
02:58 si vous me permettez,
03:01 cette année est particulière parce que la COP doit faire le bilan mondial
03:05 des accords de Paris, en gros, de la façon dont les pays ont réduit ou
03:12 ont appliqué les accords de Paris. Donc c'est vraiment une...
03:16 Au bout de cinq ans, on fait le point sur la façon dont les émissions ont été réduites.
03:23 Pas seulement les émissions, il y a des questions d'adaptation, il va y avoir d'autres sujets.
03:27 Donc on fait le point cette année. Donc c'est vraiment très important. Il y a un point technique qui est essentiel.
03:33 Mais on a progressé depuis Paris ? Vous qui observez tout ça et qui êtes
03:35 vraiment à même de prendre le pouls, je dirais, de la situation ?
03:39 Alors, il y a eu quelques progrès. Ils sont très largement insuffisants, mais il y a néanmoins quelques progrès
03:45 qu'il faut signaler. Sur des...
03:47 Il y a des politiques publiques qui ont été engagées pour réduire les émissions de gaz à effet de serre dans
03:53 plusieurs pays, pas tous, mais dans pas mal de pays quand même. Et ces politiques
04:01 mènent à une toute petite réduction. On est très loin du compte.
04:05 Qui fait réellement des efforts ?
04:07 Alors, il n'est pas possible, dans ma position, de pouvoir citer un tel ou tel...
04:13 Oui, vous ne pouvez pas donner des notes.
04:15 Non, non, non. Et puis c'est trop tôt en fait. Donc le bilan des accords de Paris, il sera livré à la fin du processus.
04:23 Mais de façon claire et non diplomatique au sens péjoratif du terme, vous comprenez ce que je veux dire ?
04:27 C'est finalement comme il faut les organiser, ces coops, et qu'on a envie de les maintenir parce qu'elles sont
04:31 nécessaires, nous dites-vous, ce matin, alors qu'on peut
04:33 quand même faire preuve de scepticisme sur le bilan pour l'instant, vous nous dites, on doit préserver l'objectif.
04:39 C'est ce que je comprends de votre prise de parole.
04:41 Bien sûr, les objectifs des accords de Paris, je le rappelle, sont de réduire les émissions de gaz à effet de serre bien en deçà de 2°C
04:49 et de poursuivre les efforts jusqu'à 1,5°C.
04:52 Alors, aujourd'hui, les 1,5°C ne vont pas être atteints dans l'immédiat.
04:58 On va probablement les dépasser, très probablement les dépasser, au début des années 2030.
05:04 Mais après, il y a des technologies qui pourraient, comment dire, permettre de revenir en fin de siècle à des valeurs plus proches de 1,5°C.
05:13 Vous êtes en train de nous dire, on va rater le rendez-vous, mais il faut continuer à se parler et on aura peut-être des outils pour essayer de compenser en partie.
05:19 Pardonnez-moi, je le dis avec mes mots.
05:21 Oui, vous avez tout à fait raison.
05:23 Et ça va être aussi un des gros enjeux de la COP.
05:27 Ça va être de voir comment on formule ces émissions de gaz à effet de serre avec les promesses qu'on va faire sur le fait qu'on va les éliminer ensuite.
05:39 C'est un jeu un petit peu particulier, mais ça sera au cœur des négociations, c'est clair.
05:47 L'élimination des gaz à effet de serre ensuite.
05:50 Vous nous dites qu'il n'est pas trop tard, on se doit d'être optimiste.
05:53 Oui, il n'est pas trop tard. Peut-être que les 1,5°C seront très difficiles à atteindre, c'est clair, même en fin de siècle.
06:01 Pardonnez-moi, mais en tant que journaliste qui traite de ces questions de longue date et qui ne suis pas un spécialiste, je suis totalement convaincu aujourd'hui que les 1,5°C, c'est fini.
06:09 J'ai tort ?
06:11 Non, vous n'avez pas tout à fait tort.
06:13 Je dois faire de la pensée positive et me dire, bon...
06:15 Non, vous n'avez pas tout à fait tort.
06:17 Ce n'est pas impossible. Nous, on se doit d'élargir le spectre.
06:21 Il y a des technologies qui pourraient permettre d'y revenir, avec un petit dépassement et puis un retour.
06:27 Mais c'est effectivement extrêmement difficile.
06:30 Néanmoins, le 1,5°C n'est pas un seuil au-delà duquel on baisse les bras et c'est terminé.
06:37 Puisque, effectivement, 1,6°C, c'est moins bien qu'1,5°C, mais c'est mieux qu'1,7°C.
06:43 C'est sûr. Je vous le dis comme ça.
06:45 Je peux comprendre.
06:46 C'est ça qui est fort.
06:47 C'est à peu près ce que je me dis à chaque fois que je me mets en régime.
06:49 C'est exactement ça.
06:51 Ça fait deux fois que vous employez le terme de "technologie".
06:54 Vous nous dites que certaines technologies vont peut-être pouvoir nous aider, si j'ai bien compris, à moyen terme.
06:58 Lesquelles, en essayant d'être le plus clair possible pour nos auditeurs ?
07:02 Alors, ce sont des technologies de ce qu'on appelle d'élimination des gaz à effet de serre, d'élimination du CO2,
07:08 qui ne sont encore pas du tout mûres au niveau des coûts, au niveau du déploiement à l'échelle mondiale.
07:17 C'est quand même une vision un petit peu futuriste.
07:20 Mais qui développe ces technologies ? Qui travaille dessus réellement ?
07:22 Il y a aujourd'hui des entreprises qui travaillent sur ce type de technologies.
07:27 Il y a les scientifiques aussi qui travaillent à essayer de voir si c'est économiquement viable, notamment des économistes.
07:37 On essaye de savoir si c'est réellement déployable.
07:43 Et tous ces gens-là, ils seront présents ou en tout cas, ils prendront la parole éventuellement au sein de cette nouvelle réunion ?
07:49 Alors, les scientifiques et les ingénieurs seront présents, oui, dans cette réunion.
07:55 Mais après, cette réunion, c'est essentiellement une organisation avec un volet politique.
08:01 Ce sont des négociations.
08:04 Et les États vont certainement proposer des compromis du genre
08:11 "Bon, je vais émettre encore un petit peu, mais je vais réduire plus après ou bien alors, je m'interdis d'émettre si je ne stocke pas le CO2 que j'émets."
08:22 Il y a des choses comme ça qui vont être sur la table.
08:24 Même les États-Unis et les Chinois ?
08:26 Je ne sais pas. Je vous réponds très franchement, je ne sais pas ce que les États-Unis et les Chinois vont proposer.
08:32 Les discours climato-sceptiques de très nombreux leaders populistes sur les réseaux sociaux vous inquiètent-ils ?
08:37 On a un nouveau président qui vient d'être élu en Argentine et il a tenu des propos absolument ahurissants.
08:42 Quand il y a une transition majeure à faire au niveau mondial, c'est sûr, c'est comme un grand déménagement.
08:49 Il y a un moment où on se dit "Non, ce n'est pas possible, on ne va pas faire comme ça."
08:53 Donc j'ai l'impression que c'est une phase un petit peu nécessaire de questionnement.
08:59 Mais la science nous amènera un jour ou l'autre, non seulement la science, mais les ressources nous amèneront à faire cette transition quoi qu'il arrive.
09:09 Vous nous dites "Nous y serons contraints."
09:11 Nous y serons contraints tôt ou tard.
09:13 Merci beaucoup Robert Votard. Vous êtes le coprésident du GIEC, bonne journée à vous.
09:18 que cette...