7 MINUTES POUR COMPRENDRE - Attaque au marteau à Paris: pourquoi l'assaillant était-il en liberté?

  • l’année dernière
Une attaque a fait un mort et deux blessés samedi 2 décembre au soir autour du quai de Grenelle dans le 16e arrondissement de Paris. L'assaillant a été interpellé. Un touriste allemand est mort et deux personnes ont été blessées samedi soir à Paris, après une attaque au couteau et au marteau. L'assaillant supposé est un homme déjà connu des autorités françaises et fiché S.
Transcript
00:00 Avec nous Alexandra González du service Police Justice de BFM TV, Jérôme Poirot,
00:08 consultant terrorisme BFM TV et Jean-Charles Brizard, président du Centre d'analyse du
00:13 terrorisme et enseignant à Sciences Po. Jean-Charles Brizard, on en sait désormais plus sur le profil
00:20 du terroriste de samedi, converti à l'islam radical même s'il a fait croire un temps à
00:24 une déradicalisation, malade psychiatrique, la tentation est de se dire qu'est ce que ce type
00:30 faisait dehors ? Que répondez-vous à ça ? Bon c'est assez compliqué dans son cas parce qu'il
00:37 a pu lurer à plusieurs reprises à la fois les enquêteurs, ça a été le cas en 2016 après son
00:43 interpellation en juillet 2016 pour ce projet d'attentat qu'il fomentait à la défense et
00:50 un tac au couteau où il a prétendu effectivement qu'il avait radicalement changé en mai 2016,
00:56 c'est ce qu'il a prétendu en dépit des nombreux éléments recueillis par les enquêteurs à savoir
01:02 notamment ces supports numériques qui le contredisaient puisqu'il montrait qu'il avait
01:06 consulté abondamment à la fois de la propagande de l'état islamique postérieurement et puis
01:11 surtout ses contacts, c'est-à-dire qu'il avait des contacts avec toute la sphère djihadiste,
01:17 un certain nombre d'acteurs endogènes de cette sphère à la fois des individus connus,
01:21 d'autres moins connus et quelques-uns sont des auteurs d'actes terroristes,
01:26 Larossi Abala, Adel Kermiche ou encore Abdullak Ansaroff. Et puis par la suite après 2016,
01:36 en 2020 après l'assassinat de Samuel Paty lorsqu'il est à nouveau en garde à vue puisqu'il était en
01:42 contact avec cet individu, l'auteur de l'attentat, il a également prétendu qu'il avait renoncé à
01:49 l'Islam purement et simplement donc il a leurré à plusieurs reprises, il est parvenu finalement à
01:53 déjouer la vigilance des services. Alors ça Alexandre Gonzalez c'est une vraie difficulté,
02:00 cette capacité qu'a cet homme à la dissimulation et pas que sur un seul thème d'ailleurs.
02:05 Non, en fait lorsqu'il va voir volontairement les policiers en octobre 2020, il est déjà sorti de
02:12 prison à ce moment-là, il a toujours un suivi le concernant mais il est en liberté dehors. Il va
02:18 voir spontanément les policiers, il va dire comme le disait Jean-Charles Brizat "je me suis écarté de
02:22 la religion, je suis devenu anti-islamiste radicaux, j'ai la haine contre les islamistes
02:28 qui appellent ouvertement ou non à la violence et sachez que je prends un traitement, j'ai fait
02:34 des crises d'angoisse". Il est dans une tactique de dissimulation qui est totale et qui va faire
02:40 illusion. Jean-Charles Brizat, est-ce que ça peut être l'une des explications à la suspension de son
02:45 traitement psychiatrique ? Alors ça c'est à mon avis c'est un autre sujet. Pour poursuivre sur le
02:52 premier qui me semble le plus important sur la dissimulation, il a également prétendu, on était
02:59 à l'audience en 2018 qui aboutit à son jugement, sa condamnation pardon, pour cinq années d'emprisonnement
03:05 dont un an avec sursis, il a prétendu qu'il s'était auto déradicalisé, il est allé très loin
03:11 dans cette manipulation. Non je crois qu'en réalité son attitude, ses manipulations ont permis de
03:22 déjouer malheureusement le suivi des services parce que les services de renseignement suivent
03:26 des individus, c'était le cas pour celui-ci bien sûr, et régulièrement ils évaluent cette personne
03:31 et sur la fois d'éléments matériels tangibles qu'il récupère, qu'il recueille à la fois à travers
03:37 les interceptions électroniques, téléphoniques, les balisages etc. Il décide soit d'une surveillance
03:43 renforcée, soit quasi carrément d'une judiciarisation. En l'occurrence cet individu savait
03:49 parfaitement ce qu'il faisait, jusqu'au bout il a dissimulé ses intentions donc c'est
03:54 extrêmement difficile, c'est un cas extrêmement particulier, alors c'est pas le seul bien entendu,
03:57 il y en a d'autres, mais voilà c'est la difficulté à laquelle doivent faire face aussi les services
04:02 de renseignement, des individus qui sont de plus en plus rodés finalement aux techniques des services
04:07 de renseignement. Mais pardon Jérôme Poirot, les services antiterroristes savent de quoi il s'agit
04:11 cette dissimulation, c'était un phénomène qui est connu qui s'appelle la Takia, comment on déjoue
04:16 cette volonté de dissimulation quand effectivement on est face à un individu qui répète à son
04:21 entourage et aux enquêteurs "je me suis déradicalisé". Il n'y a pas beaucoup de prise pour les services
04:27 de renseignement puisque comme ça a été indiqué, soit on est en présence d'un individu qui a commis
04:33 une infraction ce qui permet de le mettre entre les mains de la justice, le cas échéant qu'il soit
04:37 condamné et emprisonné, mais le fait de mentir, de dissimuler ses intentions n'est pas une infraction.
04:43 Je pense que peut-être une des difficultés dans cette affaire c'est que son comportement a dû,
04:49 j'imagine, amener à alléger les mesures de surveillance dont il était l'objet. Non pas
04:56 que les services antiterroristes d'initiative aient considéré qu'il était moins dangereux,
05:01 je pense que la dissimulation de ce type d'individu c'est quelque chose qui est détecté par la DGSI,
05:07 mais pour surveiller des individus les services de renseignement doivent obtenir une décision
05:12 d'une autorité administrative indépendante qui est très très sourcilleuse sur les autorisations
05:19 qui sont délivrées pour des mesures de surveillance, des écoutes téléphoniques,
05:22 des pièges informatiques, etc. - Jérôme, fin octobre sa mère fait un signalement, comment se
05:28 fait-il qu'on n'attache pas d'importance, que les services n'attachent pas d'importance apparemment
05:32 à ce signalement ? - Je crois que dans ce cas-ci, le ministre de l'Intérieur, si, la DGSI s'est
05:36 inquiétée de ce signalement, mais comme les éléments recueillis ne permettaient ni de
05:42 judiciariser ni manifestement de mettre en place une surveillance renforcée, voyez,
05:47 s'il avait fait l'objet d'une surveillance très renforcée, elle aurait été suivie. Être suivi,
05:52 ça nécessite des moyens considérables. - C'est-à-dire qu'on ne peut pas lui reprocher
05:55 de ne pas avoir encore agi, c'est ce que vous voulez dire ? - Non, c'est ça, mais je crois
05:58 que les services de renseignement, notamment la DGSI, sont en partie entravés par la fameuse
06:04 loi sur le renseignement de 2015 qui encadre de manière très étroite les surveillances qui
06:09 peuvent être opérées. - C'est-à-dire qu'on ne peut pas le mettre sous surveillance, effectuer
06:12 des filatures, ça c'est impossible, la loi ne le prévaut pas ? - Alors, les filatures sont hors
06:15 du champ, mais les filatures c'est ce qu'il y a de plus consommateur de moyens, mais simplement
06:19 les écoutes téléphoniques, la surveillance des SMS, etc. Vous savez, dans l'affaire des frères
06:24 Kouachi, c'est-à-dire le drame de Charlie Hebdo qui a fait de nombreuses victimes, les services
06:30 de renseignement, la DGSI à l'époque, avaient dû interrompre les surveillances parce que cette
06:35 fameuse autorité administrative indépendante considérait qu'il n'y avait plus suffisamment
06:40 d'éléments pour attenter à la vie privée de ces terroristes en puissance. - Jean-Charles Brizard,
06:46 Gérald Darmanin, qui sera l'invité d'Apolline de Manerbe dans 12 minutes maintenant, disait hier
06:50 soir que la France était durablement sous la menace terroriste. Cette menace terroriste,
06:54 elle vient des sortants, ce qu'on appelle les sortants, c'est-à-dire ceux qui sont en prison
06:59 et qui en sortent et qu'il faut surveiller d'une manière ou d'une autre. Est-ce que c'est ce qui
07:05 s'est passé samedi soir, ce terroriste, et l'incarnation de ce phénomène de sortants ? - Les
07:12 sortants sont une des composantes de la menace à laquelle la France doit faire face, ça n'est pas
07:17 la seule. Il y a d'autres composantes, il y a une composante endogène, d'en font partie les sortants,
07:22 il y a la menace qu'on appelle inspirée, c'est-à-dire celle qui est émue par soit des raisons
07:29 personnelles, soit par le contexte international, soit qui répond à des appels multiples,
07:35 lancés régulièrement, des menaces lancées par des organisations djihadistes de l'étranger. Et puis
07:40 il y a la menace endogène, on sait qu'elle se reconstitue, on en a eu la preuve en novembre
07:45 dernier en France, à Strasbourg, avec un attentat des jouets qui impliquait deux étrangers, un
07:49 tadjik et un russe, qui étaient directement téléguidés par l'État islamique en Afghanistan.
07:54 Ça veut dire que cette menace-là, aujourd'hui, elle est prise extrêmement au sérieux, mais donc
07:58 voilà, la physionomie de la menace, elle est diverse. - Mais Jean-Charles Rizard, pour prolonger la
08:04 question d'Adeline, les quelques 80 en moyenne qui sont remis en liberté chaque année, ont-ils
08:09 le profil psychiatrique de celui qui a tué samedi à Paris ? - Pour moi, ce n'est pas un enjeu central,
08:18 c'est-à-dire qu'on sait qu'à peu près 20% des individus impliqués dans des filières terroristes
08:24 ont des troubles psychiatriques ou psychologiques. Celui-ci, en l'occurrence, ses troubles se sont
08:30 manifestés beaucoup plus tard, bien après sa peine en 2018, lorsqu'à l'époque, le tribunal,
08:35 les experts avaient estimé qu'il n'y avait aucun trouble, à la fois psychologique ou psychiatrique.
08:40 Mais encore une fois, les troubles de cette nature n'empêchent pas des poursuites pour des faits de
08:51 terrorisme. Ça a été démontré à plusieurs reprises ces dernières années, bien sûr, sauf s'il y a
08:56 une altération du discernement, une abolition du discernement, évidemment, ça fait autre chose.
09:04 Mais on a des cas multiples d'individus qui ont été poursuivis et condamnés pour ces faits,
09:09 alors qu'ils avaient des troubles psychologiques ou psychiatriques.

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