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Mathieu Bock-Côté propose un décryptage de l’actualité des deux côtés de l’Atlantique dans #FaceABockCote

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00:00Il est quasiment 19h00 et c'est un plaisir de vous retrouver pour Face à Mathieu Bocoté.
00:04Cher Mathieu, ravi de vous retrouver en ce début de saison.
00:07C'est un bonheur de vous revoir, cher Eliott.
00:09On se disait avant le début de l'antenne, c'est la troisième année qu'on est ensemble en quelque sorte.
00:15Très juste, quatrième année de l'émission, troisième année ensemble.
00:18L'amour dure trois ans.
00:19Non, beaucoup plus longtemps.
00:20Beaucoup plus longtemps.
00:21Soyez optimiste.
00:22Arthur Dematrigan est avec nous, cher Arthur.
00:25Est-ce que vous avez passé de bonnes vacances ?
00:26Ça va.
00:27Bon, c'est un petit ça va.
00:31Il y a eu, je vous rappelle, quelques censures, des problèmes, des trucs comme ça.
00:34On pensait partir en vacances tranquillement.
00:37Puis, dissolution, JO, puis tout ce qui s'est passé après.
00:40Donc, c'était des vacances mouvementées.
00:42Eh bien, écoutez, c'est un plaisir de vous retrouver.
00:44On va retrouver la sérénité qui appartient à cette émission tout au long de la saison.
00:49Le point sur l'information, c'est avec Adrien Spiteri.
00:51Cher Adrien, bonsoir.
00:55Bonsoir, Eliott.
00:56Bonsoir à tous.
00:57Il n'y a plus d'espoir qu'Amelia ne reviendra pas parmi nous.
01:00Ce sont les mots du père de la fillette de 7 ans renversée par une moto jeudi soir à Valoris.
01:05Le chauffard effectuait une roue arrière à pleine vitesse.
01:08Dans un message publié sur les réseaux sociaux, le papa remercie la population pour son soutien,
01:13alors qu'une cagnotte a été lancée par les habitants.
01:16Éric Ciotti lance son propre parti, son nom, l'Union des Droites pour la République.
01:21Une annonce faite lors de sa rentrée politique.
01:23Aujourd'hui, toujours officiellement président de LR,
01:26Éric Ciotti estime que la marque Les Républicains est aujourd'hui dépassée et discréditée.
01:31Et puis, les fans d'Oasis se sont rués sur les sites de billetterie.
01:34Aujourd'hui, après l'annonce de la reformation du groupe, 15 ans après,
01:38mais cette affluence a causé des pannes provoquant la colère des acheteurs.
01:41Au total, 17 concerts sont prévus en Angleterre et en Irlande.
01:47Merci Adrien pour le point sur l'information.
01:49À la une de face à Mathieu Bocoté,
01:51entre la régulation des réseaux sociaux et la censure,
01:54la frontière est parfois extrêmement fine.
01:56Au Brésil, X, anciennement Twitter, est frappé d'interdiction.
02:00Son patron, Elon Musk, crie au scandale.
02:03Bloquer un réseau social, fermer un compte, limiter la liberté d'expression,
02:08est-ce que l'Occident serait tenté par cette vague autoritaire ?
02:13On en parle dans un instant.
02:14À la une également, 46 jours que le gouvernement Attal a dimissionné,
02:1946 jours qu'il n'a pas été remplacé.
02:21C'est difficile de trouver une majorité dans une assemblée archipélisée.
02:25La gauche pourrait bien retrouver Matignon alors que la France tangue à droite.
02:29Conséquence du front républicain et nombreux sont les électeurs de droite
02:34qui regrettent d'avoir choisi le NFP pour faire barrage au RN.
02:39On en parle dans cette émission.
02:41Enfin, pour la première de la saison, cher Mathieu, vous recevez Philippe Nemo.
02:46À 48 heures de la rentrée scolaire, le philosophe a écrit, entre autres,
02:50« Repensez l'enseignement ».
02:52Voilà le programme de face à Mathieu Bocoté.
02:55Mathieu Bocoté, c'est parti.
02:57On va commencer avec cette question, la tentation autoritaire de l'Occident.
03:01La nouvelle peut sembler venir de loin, mais vous la jugez importante.
03:04X, le réseau social, anciennement appelé Twitter,
03:08vient d'être frappé d'interdit au Brésil.
03:11Elle nous rappelle les tensions entre ce réseau social et son propriétaire,
03:14Elon Musk, et une bonne partie de la classe politique occidentale.
03:18Et cela interpelle évidemment les pays européens.
03:22Oui, je dirais qu'aujourd'hui, en fait, l'histoire, le combat qu'on voit partout en Occident
03:27entre la liberté d'expression et une nouvelle censure qui se déploie à grande vitesse
03:33au nom, paradoxalement, de l'État de droit, nous y reviendrons.
03:36Mais la page importante de cette histoire aujourd'hui,
03:39et probablement cette semaine, s'écrit au Brésil.
03:42Alors, je vous donne le contexte de ce qu'on peut se dire,
03:44de quelle manière la politique brésilienne peut interpeller la politique européenne ou américaine,
03:49et on verra.
03:50Point de départ de ce conflit, on est en avril, où le choc est ouvert véritablement.
03:56On reproche, le juge Alexandre de Moraes reproche à Elon Musk
04:01de ne pas être à la hauteur de la tâche de régulation et d'encadrement des réseaux sociaux
04:08que les pouvoirs occidentaux cherchent à imposer de plus en plus.
04:12L'idée est toute simple.
04:13Au nom de la lutte contre la désinformation, au nom de la lutte pour les valeurs démocratiques,
04:18au nom de la lutte contre la haine, les autorités brésiliennes avaient poussé à la fermeture
04:24de nombreux comptes Twitter, de comptes X, des comptes Twitter,
04:28en accusant ces comptes d'être des comptes qui font la promotion de propos haineux ou de désinformation.
04:34Deux concepts qu'on va retrouver dans quelques instants.
04:37Le problème, c'est que Musk et d'autres disent que ce ne sont pas des comptes qui étaient fermés
04:42par le pouvoir, qui étaient frappés d'interdit, illégalisés, disons-ça ainsi,
04:47parce qu'ils tenaient des propos haineux.
04:48C'était simplement des opposants politiques, des adversaires politiques
04:52qui tenaient une ligne conservatrice dans un pays divisé, comme d'autres, le Brésil.
04:57On se souvient d'ailleurs des circonstances où Bolsonaro a été chassé du pouvoir.
05:02Mais j'y reviens, au cœur de la bataille, il y a deux concepts.
05:08On y revient dans un instant, désinformation, donc on accuse Twitter de permettre l'expression d'événements,
05:15de faits, de mettre des récits dans l'actualité qui seraient non conformes à la vision de l'information
05:20telle que portée par les autorités au Brésil, et aussi de permettre donc des propos haineux.
05:26Mais ce que Musk et d'autres disent, en un instant, ce ne sont pas des propos haineux,
05:28c'est simplement des propos que vous n'aimez pas à gauche,
05:31ce sont des propos que vous voulez frapper d'interdiction à gauche, ce n'est pas la même chose.
05:35Donc là, la bataille est engagée depuis un temps, et là, il y avait un problème,
05:39c'est-à-dire qu'on est au mois d'avril, ça progresse, qu'est-ce qu'on apprend?
05:43Eh bien que le représentant légal de Twitter au Brésil était menacé,
05:48Musk le retire pour différentes raisons, et là, le même juge, toujours Alexandre de Moraes,
05:52le croisé démocratique, dit « vous nommez quelqu'un dans les prochains temps où je vous frappe d'interdit ».
05:59Et qu'est-ce qui arrive? Musk n'a pas cédé à ce pouvoir autoritaire
06:03qui décide de paramétrer intégralement la liberté d'expression, donc qu'est-ce qu'il dit?
06:08Il dit « nous allons prendre les mesures nécessaires pour suspendre Twitter au Brésil, X au Brésil,
06:14vous n'aurez plus accès, vous n'aurez plus accès à ce réseau social au Brésil, c'est terminé ».
06:19Alors, il ne faut pas oublier, quand on sait que Twitter est aujourd'hui le réseau social à peu près libre qui existe,
06:26n'oubliez pas que cette semaine, Mark Zuckerberg a reconnu, a reconnu, donc ça c'est Meta, c'est Facebook, c'est Instagram,
06:32il a reconnu qu'au moment des élections, il a pratiqué la censure à l'invitation du gouvernement américain en 2021 autour de la question du COVID,
06:40mais aussi, mais aussi au moment des élections américaines de 2020, il a participé, il a été manipulé en quelque sorte par le FBI
06:48qui voulait favoriser le candidat Biden plutôt que le candidat Trump autour de la fameuse question de l'ordinateur de Joe Biden.
06:53On est dans un contexte de manipulation des réseaux sociaux, on est dans un contexte où on le voit en Europe avec la fameuse,
06:59l'acte européen sur le numérique porté par Thierry Breton, on est dans un cadre où les amendes sont de plus en plus élevées pour sanctionner les réseaux sociaux
07:07s'ils ne censurent pas les fameux propos haineux qui, je le redis, sont souvent des propos sceptiques envers les idées de gauche globalement,
07:15sceptiques envers le culte diversitaire, sceptiques envers le néo-socialisme, sceptiques envers différentes choses d'ailleurs.
07:21Alors qu'est-ce qui se passe là-dedans? Fermeture de Twitter, tout simplement. Donc des millions d'utilisateurs en sont privés, mais plus encore,
07:28ceux qui utiliseraient un VPN, vous savez, ce qui permet quelquefois de s'invisibiliser technologiquement pour avoir accès à Twitter,
07:35des amendes à environ jusqu'à 8000 euros par jour. Si vous vous connectez au site Internet interdit, 8000 euros par jour.
07:45Donc là, qu'est-ce qu'on voit ici? Mais c'est une guerre ouverte en tant que telle. C'est une guerre ouverte au Brésil, mais qui est la même guerre qui se déroule aujourd'hui
07:53en Occident, en fait aux États-Unis, au Canada, en Grande-Bretagne, en Europe occidentale et ailleurs. Et là, une chose qu'il faut rappeler,
08:00Mme von der Leyen, en janvier 2024, elle était au forum de Davos. Et qu'a dit Mme von der Leyen? Quel est l'enjeu, la priorité des priorités de ce qu'on appellera
08:10poliment l'oligarchie post-occidentale ou européiste dans son cas? Elle dit que c'est la lutte contre la désinformation. Ce n'est pas le réchauffement climatique,
08:18ce n'est pas l'immigration, ce n'est pas la faillite de l'État social partout, non. C'est la lutte contre la désinformation. Parce que qu'est-ce que le régime,
08:26comme je l'appelle, le régime diversitaire, qu'est-ce qu'il nomme désinformation aujourd'hui? C'est toute remise en question de son récit officiel,
08:35quels que soient les enjeux. On pourrait penser à la COVID, évidemment, mais bien au-delà, le rapport entre immigration et insécurité. La question, justement,
08:41qu'est-ce qu'un propos haineux aujourd'hui? Qu'est-ce que la fameuse extrême droite? Qu'est-ce que le populisme? Cette question-là, elle est aujourd'hui centrale.
08:49Donc, au nom de la lutte à la désinformation, Mme von der Leyen nous dit que c'est ça, la chose la plus importante. Traduisons, le contrôle du récit médiatique et la capacité
08:57à bannir ceux qui auraient la capacité de produire un autre récit médiatique, ça, c'est la chose la plus importante. Et la lutte contre les propos haineux, je l'ai dit, qui revient très souvent à la lutte
09:07contre les propos conservateurs ou les propos de droite, tout simplement. D'ailleurs, soyez sans penser, vous avez déjà entendu quelqu'un de gauche se faire accuser de désinformation?
09:14Vous avez déjà entendu quelqu'un de gauche se faire accuser de propos haineux? Et moi, je poserais la question, parce qu'on l'a vu aux États-Unis cet été avec Kamala Harris,
09:22il y a eu une forme d'épiphanie, de révélation. On a découvert, effectivement, que Joe Biden était à peu près sénile devant nous. On nous répétait depuis des années que c'était une flèche intellectuelle,
09:31d'une puissance intellectuelle. Il n'avait jamais été aussi vif que ces dernières semaines. Soudainement éjecté, parce que le mensonge éclate devant nous tous, tous ceux qui ont répété pendant des années
09:40que c'était Joe Biden santé cognitive exceptionnelle, est-ce qu'il faisait de la désinformation? Ah bien ça, on a oublié cette accusation. Quoi qu'il en soit, tout ça nous conduit à une situation
09:50qui fait penser, soit dit en passant, à ce qui s'est passé en Grande-Bretagne cet été.
09:53Et justement, le Royaume-Uni n'a-t-il pas été aussi le théâtre cet été de cette censure dont vous parlez?
09:59Et incroyablement. C'est-à-dire, on rappelle encore une fois les événements. Le meurtre de trois petites filles, et soit dit en passant, plusieurs autres blessés, par un fils d'immigrant rwandais,
10:11mais né en Grande-Bretagne, né au Royaume-Uni, né au Pays de Galles. Donc il y a deux manières de raconter médiatiquement l'événement. La première, je vous ai dit, fils de migrant rwandais en Grande-Bretagne, ou alors un fils du Pays de Galles comme les autres.
10:25Or, le récit médiatique a très vite considéré que la première description des événements relevait à peu près du propos haineux, et la deuxième était la seule autorisée.
10:34On est dans un pays en Grande-Bretagne où, il faut comprendre, le débat sur l'immigration est refoulé, étouffé, neutralisé, presque censuré depuis des années, près de 50 ans à certains égards, 60 ans.
10:44Qu'est-ce que j'entends par là? Eh bien, il a fallu attendre 2018, au moment de l'affaire de Telford, pour qu'on puisse parler du lien entre immigration et insécurité en Grande-Bretagne,
10:53quand on a découvert que c'était ce gang pakistanais qui avait organisé un système d'esclavage sexuel avec des jeunes filles de la classe ouvrière britannique, sur le mode « classe ouvrière blanche », ce ne sont pas les mêmes termes, ce sont les termes utilisés là-bas, il y avait une dimension absolument révoltante.
11:09Et tout le monde le savait depuis des années. La police le savait, les services sociaux le savaient, mais personne n'en parlait. Pourquoi? De peur de se faire accuser de racisme.
11:17Et bien là, qu'est-ce qu'on voit? Cette histoire, en trame de fond, on pourrait dire aussi la transformation de Londres en Londonistan, ça fait partie aussi de l'inquiétude britannique, émeutes contre l'immigration en Grande-Bretagne.
11:29Et là, on va le dire tout de suite, toute violence, toute violence, qu'elle soit contre des biens ou des personnes, est à condamner intégralement, sans la moindre nuance.
11:37Donc, dans ces émeutes, il y a eu une part odieuse et elle doit être condamnée. Mais si on veut comprendre ces émeutes, on ne peut se contenter des excès qu'on y a vus.
11:45Alors, qu'est-ce qu'on a vu? On a vu véritablement une protestation dans un pays où la critique de l'immigration massive a peu d'écho médiatique et politique. Il ne faut pas l'oublier non plus, ce n'est pas comme une démocratie d'Europe occidentale sur ça.
11:57Et bien, qu'est-ce qu'on a vu devant ces émeutes? Le pouvoir a dit, on va mater ce peuple insurgé, on va mater ce peuple en rébellion. Comment?
12:05Notamment, on va mater les casseurs, ça va de soi, on est tous d'accord avec le fait qu'il faut mater les casseurs, mais aussi les tweets, mais aussi les retweets, mais aussi les partages d'images sur les réseaux sociaux qui seraient assimilés à des propos haineux.
12:19Et je rappelle que la définition du propos haineux, elle est très large aujourd'hui. Moi, sanctionner l'incitation à la violence, aucun souci. Mais ce que je constate, c'est que la notion de propos haineux, elle est beaucoup plus large aujourd'hui.
12:32Et en Grande-Bretagne, donc, il y a eu cette idée qu'on allait resserrer les lois sur la liberté d'expression. On allait même, il faut bien comprendre, libérer des places en prison pour être capable de rentrer les manifestants, les émeutiers en prison à la place des criminels ordinaires, entre guillemets, qui s'y retrouvaient.
12:48Et il y a eu un grand méchant, un grand méchant dans cette séquence britannique, c'était encore, je vous le donne en mille, Elon Musk. On reprochait à Elon Musk de rendre accessible, par Twitter, par X, de donner aux gens les moyens de raconter une actualité qui n'est pas celle des grands médias.
13:06Il donne aux communes immortelles, par Twitter, la possibilité de mettre en scène des événements qui, sinon, sont considérés comme des faits divers sans importance, d'exprimer des points de vue qui, dans les médias autorisés du régime, dans la presse officielle, ne le sont pas. Et là, on a entendu plusieurs personnes dire, Twitter, ou X, ça devient un scandale, Musk se comporte comme un voyou, il devra payer.
13:29Certains ont même envisagé la possibilité de le poursuivre. Je précise qu'on a vu, ces dernières semaines, le patron de Telegram se faire arrêter. Le tout demeure nébuleux. Qu'est-ce qu'on voit à travers cela? On voit que la défense de la liberté d'expression est de plus en plus considérée comme un scandale dans le monde occidental, ce que j'appelle, moi, le devenir soviétique du monde occidental.
13:53Notre élite oligarchique pouvait, peut tolérer des blogs marginaux, peut tolérer des balados, des podcasts marginaux, peut tolérer des feuilles de chou marginales, mais quand une parole publique, forte, construite, est capable de contester l'idéologie officielle et sa mise en récit et sa description des événements, selon ce que j'appelle le récit médiatique officiel, alors là, la tentation de la répression est très forte et on la voit aujourd'hui.
14:19C'est le devenir soviétique des sociétés occidentales et je redoute, quant à moi, et je le dis, qu'Elon Musk se retrouve tôt ou tard, lui aussi, derrière les barreaux.
14:27La régulation des réseaux sociaux, Mathieu Boquete, n'est-elle pas pourtant et pour autant nécessaire?
14:33Si on entend par là qu'il faut sanctionner tout appel à la violence, si on doit sanctionner la diffamation, je suis absolument d'accord, mais ça c'est vrai dans tous les domaines de la vie, soit dit en passant, dans l'espace public.
14:45Là, ce n'est pas de ça dont on parle. Au nom d'une conception vaseuse, en fait réinventée, pour ne pas dire inversée, pour ne pas dire orwellisée de l'État de droit, qu'est-ce qu'on voit?
14:55Au nom de l'État de droit, la régulation des réseaux sociaux sert à frapper ceux que le régime considère comme ses ennemis, ses adversaires, pour mater, pour infréquentabiliser, pour frapper d'interdit ceux qui pensent mal.
15:09Il y a plusieurs autres méthodes. Pénalisation bancaire, donc retrait des services bancaires, censure, poursuite devant les tribunaux, fermer des chaînes télé.
15:17Vous imaginez, en Occident aujourd'hui, certains pensent même qu'on peut fermer une chaîne télé qui a un véritable succès parce qu'elle contrevient une certaine idée du pouvoir.
15:24Je n'imagine pas ça, non. Peut-être au Daguestan, mais c'est peut-être imaginable.
15:27Alors, voyons tout cela. Il y a un moment répressif en Occident aujourd'hui, un moment répressif, et on continue de croire qu'on vit en démocratie, en État de droit, alors qu'on est dans un moment autoritaire, pour ne pas dire un moment traversé par une tentation totalitaire.
15:39Cette tentation totalitaire vous inquiète-t-elle aujourd'hui, Arthur de Vatrigan, ou vous considérez que cette liberté sur les réseaux sociaux peut avoir des travers très inquiétants, dangereux, et c'est pourquoi il faut réguler massivement les réseaux sociaux?
15:56Il y a toujours eu un ordre moral, et heureusement, et il y a toujours eu des lois, et notamment les plus anciennes, celles qui ont façonné notre civilisation, qu'on appelle « loi naturelle », c'est-à-dire un ensemble de règles qui ordonnent nécessairement la vie humaine et que, pourtant, les hommes n'ont pas faite, et ce sont des règles qui fixent à la fois les limites et qui offrent des orientations sur notre liberté.
16:16Mais la modernité passant par l'art, ces lois naturelles ont été ridiculisées, ont été pilonnées car soi-disant oppressives et ont été envoyées aux oubliettes au nom de la liberté, avec comme conséquence première de livrer l'homme à l'arbitraire de la volonté des hommes.
16:32Donc aujourd'hui, on parle de censure. On sait que l'été est propice au festival, les censeurs s'en sont donnés un cœur joie cet été. On peut évidemment citer les comptes de personnalités, comme Alice Cordier, présidente des Nemezif, qui s'est vue supprimer son compte Instagram.
16:47Nous, notre magazine, on a eu droit à un traitement de faveur également parce qu'on s'est fait virer de plateforme en une semaine, de Meta, qui est, je rappelle, le patron d'Instagram, histoire de passer de bonnes vacances, notre banque nous a aussi viré.
16:58Donc on a vu une censure se mettre en place cet été de manière assez violente. Alors la censure n'est pas, comment dire, mauvaise par principe. Par exemple, je regrette qu'il n'y a pas eu de censure à l'époque où Libé, où le monde faisait la promotion de la pédophilie.
17:12Si je reviens à Elon Musk, demander à une entreprise étrangère de respecter les règles d'un pays comme la France, par exemple, ça ne me choque pas non plus. Mais la question, en fait, c'est le consentement à ces règles.
17:24C'est-à-dire qu'on observe depuis des décennies que ce consentement, c'est-à-dire la reconnaissance de la légitimité de ceux qui édictent et qui font appliquer les règles, est de plus en plus contesté, voire même refusé, comme l'impôt d'ailleurs, ce qui va devenir un problème.
17:38Et c'est pour une raison assez simple, c'est que ce n'est pas l'interdiction, ce ne sont pas les limites, ce ne sont pas les lois, ce ne sont pas nulle part la source qui sont contestées, mais c'est le but.
17:47C'est-à-dire qu'on voit des instances officielles ou des dirigeants attaquer Elon Musk parce qu'il laisserait trop de liberté.
17:55Or, en même temps, on ne voit pas ces mêmes dirigeants n'exiger une explication, ou même ils se taisent, lorsque un autre géant américain, comme Meta, par exemple, censure leurs ressortissants.
18:07C'est quand même assez étonnant. Et donc, après, on ne peut pas s'étonner de la contestation de leur légitimité, voire même du sentiment d'injustice.
18:16De même, quand on voit ce qui s'est passé en Grande-Bretagne, Mathieu l'a rappelé, comment on pourrait résumer en une phrase une personne qui n'aurait absolument pas suivi ces événements ?
18:24C'est « Incoupable, mille arrestations ». C'est le titre d'un reportage de notre correspondante à Londres qu'on a fait et qui est assez effrayant de ce point de vue-là.
18:33Mais si vous voulez, depuis que le gauchisme culturel s'est emparé du magistère moral, l'ordre évolue plus vite que les chenilles en mutation, on l'a vu.
18:42C'est-à-dire que nous sommes contraints aujourd'hui d'écouter les baliseurs, c'est-à-dire Radio France, pour savoir qu'est-ce qu'il faut éviter pour éviter une sortie de route.
18:49Mais le problème de ces nouveaux curés, c'est qu'ils ont mis dans le même sac péché et crime, oubliant les leçons très anciennes d'Abelard et oubliant que tout gauchiste qu'ils sont,
18:58même avec un stéthoscope, ils n'iront jamais sonder les cœurs et les reins. Je m'explique. Le délit qui justifie le plus de censure, on appelle ça la provocation ou l'incitation à la haine.
19:10Or, la haine toute seule, comme l'a expliqué notre prochain invité Philippe Nébeau dans un de ses ouvrages, c'est qu'un sentiment.
19:17C'est-à-dire qu'à la différence de la violence, c'est quelque chose qui n'est pas visible.
19:20Or, vous pouvez faire dire ce que vous voulez à l'invisible et donc interdire tout parce que vous allez interpréter l'invisible, et surtout quand il s'agit de torpiller le bien commun.
19:29Autre sujet à présent, et on va parler de politique. Demain, Mathieu Bocoté, on devrait connaître le nom du prochain Premier ministre.
19:37J'imagine que nos téléspectateurs se disent enfin. Tendance centre-gauche quand le pays est à droite.
19:43Ce n'est pas moi qui le dis, c'est l'ancien président de la République Nicolas Sarkozy dans les colonnes du Figaro hier.
19:49D'ailleurs, Nicolas Sarkozy a expliqué qu'il n'aurait pas accepté ce barrage républicain à voter pour la France insoumise plutôt que le Rassemblement national.
20:00Lui, ce n'était ni LFI, ni RN, et on apprend via une étude Ipsos que certains électeurs de droite qui ont fait ce choix du NFP au second tour, ils regrettent.
20:12Et ça vous intéresse ?
20:14C'est intéressant, c'est soit parce que la chape de plomb soudainement se soulève un peu, soit il y a un effet, on le dégrise, c'est possible aussi.
20:22C'est-à-dire au moins, on a battu le fascisme, c'est très bien, on a battu le fascisme, on découvre seulement qu'il n'y avait pas de fascisme à battre et que le danger est ailleurs.
20:29Qu'est-ce qui s'est passé en fait, c'est que moi j'entendais depuis des années, mais des années, des gens nous dire, à gauche comme à droite d'ailleurs, la diabolisation ne fonctionne plus.
20:39Le front républicain ne fonctionne plus, les Français ne sont plus là.
20:43Moi j'étais très sceptique par rapport à ça, je disais la diabolisation fonctionne encore, il suffit de presser sur un bouton,
20:48c'est-à-dire quand la situation devient inquiétante pour plusieurs, quand le régime se sent fragilisé, pour rediaboliser immédiatement.
20:57Et c'est ce qu'on a vu dans les suites européennes et plus encore à la suite du premier tour.
21:03Une machine à diaboliser qui a fait en sorte qu'encore une fois, on a dû rejouer la comédie antifasciste comme d'habitude.
21:09Et encore une fois, ça a surtout révélé quand même la faiblesse intellectuelle d'une partie de la droite dite classique,
21:16qui juge sa propre respectabilité dans sa capacité à obéir aux sanctions, aux dictates moraux de la gauche.
21:24Donc la gauche dit voilà ce qui est respectable, la droite classique dit d'accord, nous nous soumettons,
21:28et à ce moment on a l'impression que la République est bien gardée.
21:31Ce qu'on a vu en fait, c'est le résultat de 40 ans de conditionnement idéologique, de fascisation de l'adversaire,
21:38vous noterez avec l'extrême droitisation du désaccord, vous noterez, c'est devenu une querelle centrale,
21:44j'en avais beaucoup parlé dans mon livre « Le totalitarisme sans le goulag », la question de la définition de l'extrême droite,
21:49on était partout, on demandait est-ce qu'on doit ou non utiliser le terme « extrême droite »,
21:53oui ou non, quelles sont les circonstances, à quelles conditions.
21:56Autrement dit, on sait que ce terme-là demeure la bombe atomique qui permet d'exclure quelqu'un de la vie politique durablement.
22:03Donc qu'est-ce qu'on a vu, je précise, 40 ans au moins de diabolisation, sur le plan politique, le Front républicain,
22:1098, les élections régionales, on se rappellera de la Seine-Charles-Million, 2002, la présidentielle, 2017, 2022, 2024, les législatives,
22:19et ça fonctionne toujours. Pourquoi ça fonctionne toujours ? Parce que si vous ne respectez pas les codes du Front républicain,
22:25et que vous dites globalement « je ne suis pas RN », mais c'est un parti légitime, d'ailleurs si c'est un parti légitime,
22:30on peut s'allier avec lui ou ne pas s'allier, selon les préférences des uns et des autres, il ne s'agit pas de dire aux gens pour qui voter,
22:35mais il s'agit de dire que nous ne sommes pas devant la bête immonde parmi nous. Mais si vous ne respectez pas ça, la sanction sera terrible.
22:42Résultat, on pourrait le dire, c'est-à-dire discrédit, diabolisation, les conséquences peuvent être assez lourdes, quoi qu'on en dise.
22:50Tentative de détruire votre vie, on a vu d'authentiques fake news lancées par la presse de gauche pour détruire des individus pendant les législatives.
22:58Je note par ailleurs que le système électoral français n'est pas fait pour fonctionner avec cette diabolisation.
23:03Qu'est-ce que ça donne ? On le voit depuis ces 40 jours ou quelques cents gouvernements.
23:07C'est un système électoral qui produit un résultat politique contraire à la volonté populaire, qui produit en fait de l'impuissance politique.
23:15Dans ce contexte, on peut dire que la diabolisation fonctionne encore, le système électoral est déréglé à cause de cette règle,
23:22et au final, la droite classique a encore confirmé qu'elle était surtout une gauche obéissante.
23:27L'ERN, Mathieu Bocoté, n'a-t-il pas mené depuis de nombreuses années une politique dite de dédiabolisation ?
23:34Est-ce qu'il faut comprendre que finalement, c'est un échec dans la dédiabolisation ?
23:39Parce que ça ne peut pas fonctionner. Auprès de la population, oui, mais auprès des élites, non.
23:43Or, on le saurait si en démocratie, le peuple décidait.
23:46On a cru que la diabolisation de l'ERN reposait sur les déclarations historiques outrancières et choquantes de Jean-Marie Le Pen.
23:53Mais ce qu'on constate, c'est que ce n'est pas le cas.
23:55Parce que Marie Le Pen a beau avoir rompu avec toutes ses déclarations à plusieurs reprises,
24:00en répétant chaque fois le fait qu'elle ne se sentait en rien engagée par cela et en condamnant,
24:04eh bien, on continue de la diaboliser sur le même mode qu'hier.
24:08Pourquoi ? Parce que ce qui était vraiment diabolisé, au RN ou ailleurs dans les autres partis de droite populiste,
24:13c'est la critique de l'immigration massive.
24:16La critique de l'immigration massive, on pourrait dire aussi que toute remise en question du système,
24:21se fera toujours appeler « extrême droite ».
24:24Il ne faut pas oublier que, par exemple, en Europe du Nord, le premier visage de l'extrême droite,
24:28c'était l'opposition au socialisme d'État.
24:30C'était l'opposition à l'État fiscaliste, à la pression fiscale obligatoire.
24:34Donc, on nommait « extrême droite » à ce moment-là la droite qui était contre l'État-providence.
24:38L'extrême droite, le concept a servi à tout en toutes circonstances.
24:41Et les partis dits populistes, qui cherchent sans cesse à donner un gage,
24:45à prouver qu'ils sont bien, qu'ils ont passé le test,
24:47qu'ils sont désormais des partis démocratiques comme les autres, entre guillemets,
24:50c'est-à-dire des partis de gauche comme les autres,
24:52ils se soumettent à un dispositif qui les condamne à la neutralisation et à l'échec.
24:56Ils devraient réfléchir minimalement au contexte dans lequel ils évoluent.
24:59Peut-être que la dédiabolisation s'est retournée contre eux.
25:02Arthur de Vatrigan, ces électeurs dits de droite,
25:05qui regrettent quelques semaines plus tard d'avoir mis un bulletin à NFP dans l'urne,
25:10plutôt que de voter pour le Rassemblement national.
25:14Comment vous le décodez ?
25:16Disons que les réflexes sont assez tenaces et assez difficilement compatibles
25:20avec le régime rationnel d'adultes et éclairés qu'on nous claironne toute la journée.
25:25Néanmoins, je suis assez surpris, ce revirement est assez rapide.
25:27Un électeur de droite a besoin de plus de temps pour se rendre compte qu'il s'est trompé.
25:30Mais peut-être que cette fois-ci, le barrage des castors est un peu plus brin que ma langue d'habitude.
25:35Il faut juste rappeler ce que c'est que le Front républicain.
25:38Un Front républicain, c'est le désir adulescent d'un électeur de droite
25:41de vouloir toujours plus plaire à la gauche, quitte à s'amputer toute conscience.
25:44Là, je faisais partie du camp qui pensait que le Front républicain était en voie de disparition.
25:49Non seulement il n'est pas en voie de disparition, mais il est en pleine forme,
25:52puisqu'il s'est même tapé l'incruste au Parlement,
25:54puisqu'on a vu nos grands démocrates, au nom des valeurs de la République,
25:57s'asseoir sur les valeurs de la République en empêchant le premier groupe d'opposition,
26:00à savoir le Rassemblement national, d'accéder au poste clé.
26:04Mais sur le principe du Front républicain, c'est quoi ?
26:07C'est accepter qu'il y a un opposant dans le jeu démocratique,
26:10mais dès qu'une élection pointe son nez,
26:12c'est transformer cet opposant ou cet adversaire en ennemi.
26:15Un ennemi qu'on ne joue pas avec, qu'on ne discute pas,
26:17on l'élimine ou on le neutralise.
26:19Et depuis des décennies, pour transformer cet adversaire en ennemi,
26:22on l'accusait, à tort ou à raison, de racialisme, d'antisémitisme
26:26et de tentation totalitaire en rejetant les institutions.
26:30Soit, si vous voulez, autant de qualité qu'une partie de la gauche
26:33non seulement assume, mais certains même revendiquent.
26:36Et qu'est-ce qu'on a vu derrière ce barrage ?
26:39Et peut-être ce qu'ont vu des Français ou des électeurs de droite,
26:41finalement, que le problème n'était pas que le camp national ou la droite
26:44étaient antisémites, racialistes ou contre les institutions,
26:48puisque ce n'est pas le cas, mais tout simplement
26:50qu'elles n'étaient pas de gauche, c'est-à-dire qu'elles étaient
26:52de droite ou du camp national.
26:54Bon, il a fallu un peu de temps pour s'en rendre compte.
26:56On verra si ça remarchera en la prochaine étape.
26:58La publicité, on revient dans un instant pour la deuxième partie
27:00de Face à Mathieu Bocoté.
27:02Mathieu, vous recevez ce soir Philippe Nemo,
27:05qui a écrit Repenser l'enseignement.
27:08Je le rappelle, on est à 48 heures de la rentrée scolaire.
27:11Ce sera un sujet absolument passionnant.
27:13On se retrouve donc dans un instant sur CNews. Restez avec nous.
27:21Quasiment 19h30 sur CNews.
27:24On poursuit Face à Mathieu Bocoté, toujours avec Mathieu, bien sûr,
27:27et avec Arthur De Vatrigan.
27:29Nous recevons ce samedi soir Philippe Nemo.
27:31Merci d'être avec nous. Vous êtes philosophe.
27:33Vous avez écrit notamment Repenser l'enseignement.
27:38Je me tourne vers Mathieu Bocoté.
27:40Cher Mathieu, pourquoi avoir invité Philippe Nemo ce soir?
27:44Je reprends votre terme, notamment parce que c'est une œuvre riche.
27:47C'est une œuvre très riche, celle de Philippe Nemo,
27:49parmi certains ouvrages.
27:51Je pourrais en nommer plusieurs.
27:53Tout récemment, un essai consacré à l'œuvre d'Hayek,
27:56le philosophe, l'économiste.
27:58La France aveuglée par le socialisme.
28:00La régression intellectuelle de la France.
28:01Philosophie de l'impôt.
28:02Esthétique de la liberté.
28:03Qu'est-ce que l'Occident?
28:04Une histoire des...
28:05C'est une œuvre riche qui permet, la philosophie politique bien comprise,
28:08permet d'éclairer la vie politique d'un pays.
28:12C'est ce que nous allons faire.
28:13Nous allons par ailleurs culminer dans cet entretien
28:15avec le nouveau livre de Philippe Nemo, Repenser l'enseignement.
28:18Philippe Nemo, bonsoir.
28:19Bonsoir.
28:20Question première.
28:21Vous avez publié, il y a quelques semaines, dans le Figaro,
28:25une tribune où vous mettiez en garde
28:27les différents partis de centre de droite
28:29en disant, faites attention, l'exercice du pouvoir,
28:32peut-être devriez-vous vous allier d'une manière ou de l'autre
28:34à la gauche radicale?
28:35Vous disiez même, je crois, l'extrême gauche.
28:37Prenez le pouvoir, le danger serait immense pour la France.
28:40Qu'entendiez-vous par là?
28:41Eh bien, j'entends que les hommes politiques se croient très sages
28:47en méditant des partis de billard à trois bandes ou quatre bandes.
28:52Et la constitution de la Ve République a donné une importance,
28:55à mon avis, excessive à la présidence de la République.
28:59Et donc, tous les hommes politiques qui veulent dépasser un certain niveau
29:02se vivent comme étant en course à partir du moment
29:04où certains présidents, que je n'aimerais pas, ont été présidents.
29:08Pourquoi pas moi?
29:09Et donc, très souvent, au lieu qu'ils aient une stratégie
29:13de service public et de mise en œuvre de leurs idées
29:18et des idées de leurs électeurs, ils font des ruses
29:23et ils croient qu'il est plus malin de ne pas faire ceci
29:26ou de faire cela et le public ne comprend pas.
29:29Et là, on a une élection qui montre que les deux tiers
29:35ou les trois quarts de la France sont de droite
29:37et on a des gens qui prétendent avoir été premiers à l'élection
29:41et donc gouverner.
29:43Donc, c'est tout à fait anormal.
29:45Alors, un remède possible est une alliance entre le centre et les LR.
29:52On pourrait même imaginer que cette alliance aille plus loin,
29:55si vous voulez.
29:56Mais enfin, il y a les interdits que vous savez.
29:58Mais au moins, les LR devraient pouvoir participer à une coalition.
30:01Et d'ailleurs, il ne s'agit pas seulement du Premier ministre,
30:04mais des ministres.
30:05Et moi, personnellement, pour des raisons que vous comprendrez
30:07tout à l'heure, je serais très curieux de savoir
30:09qui sera le futur ministre de l'Éducation nationale,
30:12comme s'il n'y avait rien à faire dans ce domaine.
30:15Donc, je pense que les leaders de LR croient qu'ils se compromettraient
30:22en participant à cette coalition, alors qu'au contraire,
30:25on pourrait les voir à l'œuvre et avoir envie ensuite de voter pour eux,
30:29pour des élections plus importantes.
30:32Car vous évoquiez dans votre texte, et on y arrivera,
30:34je ferai le lien avec un de vos ouvrages, notamment le rapport au socialisme,
30:37vous évoquiez une gauche particulièrement radicale.
30:40Dans un de vos ouvrages, vous me direz si je vous comprends bien,
30:44vous dites que la France est un pays plus socialiste qu'elle ne le croit.
30:48C'est-à-dire, le récit officiel, c'est que la France serait victime
30:51du libéralisme, de l'ultralibéralisme, du turbolibéralisme, du néolibéralisme.
30:54Et vous nous dites, non, la France est un pays socialiste sans le savoir.
30:57Est-ce que je décris correctement une bonne partie de votre avis ?
31:00Vous avez tout à fait raison. Il y a un chiffre bien simple, si vous voulez.
31:05Au début du XXe siècle, les prélèvements obligatoires étaient de 10%.
31:08Maintenant, ils sont de 50%.
31:10Donc, le pays s'est socialisé.
31:12Alors, la courbe, évidemment, a bondi après la Seconde Guerre mondiale,
31:18quand on a créé la Sécurité sociale.
31:20Il y avait des bonnes raisons de la créer, si vous voulez.
31:23Et puis, peu à peu, on n'a plus remis en cause
31:26le fait que l'État puisse prélever toujours plus d'impôts.
31:29C'est pour ça que j'ai écrit ce livre qui s'appelle « La philosophie de l'impôt ».
31:32C'est qu'au fond, quand on regarde un peu l'histoire des idées,
31:36on s'aperçoit que chaque fois qu'il y a eu des grandes mutations en France,
31:38il y a eu des grands débats sur l'impôt, justement.
31:40Et puis, depuis 40 ans, il y a beaucoup de livres d'économistes
31:43sur l'efficacité de tel ou tel impôt,
31:45ou des livres de fiscalistes contestant tel ou tel procédure.
31:49Mais il n'y avait pas de réflexion de fond, si vous voulez.
31:51Et grâce à l'absence de cette réflexion de fond,
31:54les fonctionnaires ont pu continuer à augmenter les prénombres obligatoires.
31:57Puisque si vous voulez vendre quelque chose sur un marché,
31:59il faut que ce soit mieux que ce que vend le concurrent,
32:01que ça marche bien.
32:03Et si ce n'est pas le cas, les acheteurs n'achètent pas.
32:06Pour augmenter les impôts, c'est beaucoup plus simple.
32:08Il suffit de le décréter.
32:10Alors, on est passé comme ça de 25% à 50%.
32:14Et si on vous prend 50% de la valeur de votre travail,
32:20on vous enlève...
32:22Alors, j'ai expliqué ça dans plusieurs ouvrages,
32:24mais s'il vous plaît, il y a un rapport entre ce qu'on a et ce qu'on est.
32:28Alors, on peut en discuter philosophiquement,
32:31mais si vous avez un cheval, vous devenez cavalier.
32:34Si vous avez un bateau, vous devenez marin.
32:37Il y a une relation entre l'être et l'avoir.
32:39Si on vous enlève la moitié de ce que vous avez,
32:41et quand je dis la moitié, ce n'est pas seulement l'impôt sur les riches,
32:44c'est la feuille de paye du simple salarié,
32:48dont la valeur de travail est par exemple 100,
32:51mais on lui donne en salaire que 60,
32:55parce que le reste est payé par les charges patronales.
32:58Il paie lui-même les charges salariales dessus,
33:01et après, il paie la TVA pour tous ses achats.
33:04Donc, on prend au Français la moitié de ce qu'il crée comme valeur.
33:09Et vous me direz qu'en principe, ils ont quelque chose en échange,
33:13mais nous connaissons les grandes qualités des services publics français.
33:17De toute façon, cette qualité est sous-optimale dès lors qu'il n'y a pas de concurrence possible.
33:24Je me permets de vous relancer sur ça.
33:27Est-ce que vous diriez que finalement, même un gouvernement de droite
33:30qui prendrait le pouvoir d'une manière ou de l'autre
33:33à cause de la pesanteur de l'histoire de la fiscalité,
33:35peut-être aussi à cause d'autres dimensions.
33:37Le socialisme n'est pas qu'économique.
33:39On peut penser aux lois sur la liberté d'expression,
33:41on peut penser aux différentes lois,
33:43l'extension de l'ingénierie sociale.
33:45Un gouvernement de droite aussi résolu serait-il,
33:47gouvernerait dans un régime dit de gauche ?
33:50Mais parce que le gouvernement de droite, vous y faisiez allusion tout à l'heure,
33:54il y a une certaine faiblesse intellectuelle des gens de droite.
33:57Et cette faiblesse peut être due au fait qu'ils sont faibles,
34:00comme ça peut arriver à tout le monde.
34:02Mais elle est due très largement aussi à leur éducation,
34:04puisqu'ils sont tous énarques.
34:06Et donc, ils ont un certain type de formation.
34:08Ils sont étatistes comme les autres ?
34:10Oui, il y a une vieille tradition française,
34:12qui a été écrite par Tocqueville,
34:14qui était antérieure à la révolution française.
34:16Mais depuis lors, vous avez eu au 19e et au 20e siècle
34:18une extraordinaire croissance.
34:20C'est ce qu'on appelle le monde moderne.
34:22Et cette croissance a été accomplie par la liberté économique.
34:26Mais c'est pas ce qu'on enseigne à Sciences Po.
34:29Donc ils sont très irresponsables, si vous voulez,
34:31même les gens de droite.
34:33Et M. Fillon, qui passait pour un homme bien de droite,
34:39quand il était au pouvoir,
34:41a créé un impôt exceptionnel, très important,
34:45sans sourciller.
34:48Arthur de Vatrigan.
34:50Vous dites qu'il y a une faiblesse intellectuelle à droite.
34:52Mais je vais vous donner une autre de vos raisons,
34:54que vous décrivez dans un brillant ouvrage,
34:56que Mathieu a cité.
34:58Vous dites que la censure contribue
35:00à la régression intellectuelle.
35:02Est-ce que vous pouvez nous expliquer en quoi la censure...
35:04Pour vous, la censure, il ne faut pas toucher à la loi de 1880.
35:07Tout ce qui touche à la loi de 1880,
35:09c'est-à-dire Guesso, Pleven, tout ça,
35:11c'est quelque chose qui est mauvais.
35:13En quoi ça contribue à la régression intellectuelle ?
35:15Mais parce que, comme Mathieu, de votre côté,
35:18l'a expliqué aussi tout à l'heure,
35:20si vous avez une pensée unique,
35:22vous n'avez pas de ressources intellectuelles
35:26pour penser autre chose.
35:28Et ce qui est tout à fait scandaleux
35:30dans les lois que vous citez,
35:32c'est qu'elles ont fait un délit
35:37de l'opinion elle-même.
35:39Ce qui est contraire à toute la tradition du droit pénal.
35:41Le droit pénal, c'est si vous portez tort à quelqu'un
35:43par des coups et blessures, par exemple,
35:45ou par un vol.
35:47Tout le monde peut constater
35:49la réalité du mal subi par la victime.
35:52Et puis si on peut prouver que c'est vous qui l'avez fait,
35:54il est normal qu'on vous punisse.
35:56Alors que là, on punit les idées
35:58dont on suppose qu'elles auraient plus tard
36:00un effet néfaste.
36:02Mais ceci oblige à...
36:08Par exemple, un responsable du Front National,
36:13professeur de japonais,
36:15Bruno Gollnisch,
36:17avait dit...
36:19On l'interrogeait sur des chambres à gaz,
36:22et il a dit...
36:24J'ai du mal à répondre à votre question
36:26parce que je ne suis pas historien.
36:28Il a été condamné en première instance,
36:31mais par contre, il a été blanchi par la Cour de cassation.
36:33Et il n'avait absolument jamais dit
36:35que les chambres à gaz n'avaient pas existé.
36:37D'ailleurs, il ne le pense pas.
36:39Mais du simple fait qu'il n'obéissait pas
36:41au doigt et à l'œil,
36:43à l'injonction qui lui était faite,
36:45c'était un motif de sanction pénale.
36:49Alors, posons la question de la censure.
36:51Il y a une tradition française de liberté.
36:54On peut croire qu'il y a aussi
36:56une autre tradition française,
36:58qui est la terreur, qui est la tentation,
37:00qui a un rapport plus trouble à la liberté,
37:02mais qui n'est pas que française aujourd'hui.
37:04J'évoquais en première partie de l'émission
37:06ce qui se passe au Brésil, en Grande-Bretagne,
37:08au niveau européen, en Écosse, en Irlande.
37:12Aujourd'hui, l'ensemble du monde occidental
37:14semble s'approprier, au-delà des lois françaises,
37:17une conception de la liberté d'expression
37:19qui a un parfum soviétique.
37:21Mais ça a plus qu'un parfum soviétique.
37:23La terreur jacobine est une anticipation
37:25des totalitarismes du XXe siècle.
37:28Ce qui est terrible, c'est que cette censure
37:33de la parole contribue à empêcher
37:37que certains problèmes soient posés et réglés.
37:39On ne peut pas régler des problèmes
37:41si on ne peut pas les poser.
37:43Il y a plein de dossiers,
37:45il y a quelques grands dossiers,
37:47la sécurité, l'immigration, l'école,
37:49qu'il faut régler, puisque tout marche mal.
37:53Mais pour les régler, la solution
37:55ne se trouve pas comme ça.
37:57Elle ne peut se trouver que par une série
37:59de discussions, de livres, de répliques,
38:01de discussions, de colloques.
38:03Mais si à chaque colloque qu'on fait
38:05sur l'immigration, il y a des individus
38:07qui viennent en menaçant
38:09de vous interdire de parler,
38:11et par conséquent, vous renoncez
38:13à faire la conférence,
38:15je crois que ça vous est arrivé au Canada,
38:17eh bien, le dialogue n'existe pas.
38:19Et par conséquent, le progrès collectif
38:21par la discussion,
38:23qui est le principe même
38:25de la démocratie,
38:27depuis les Grecs,
38:29la libre parole sur l'agora,
38:31disparaît et cela provoque
38:33une régression intellectuelle
38:35du pays tout entier,
38:37régression qui d'ailleurs
38:39est accompagnée, aggravée
38:41par le monopole
38:43de l'État sur l'école.
38:45On arrive sur la question de l'école
38:47dans un instant, mais on a évoqué
38:49plusieurs de vos thèmes.
38:51La France est victime
38:53de régressions intellectuelles,
38:55la question du socialisme.
38:57Tout cela, on sent que c'est une pente glissante.
38:59Tout à peu, les libertés,
39:01on en perd une, on en perd une autre,
39:03l'extension de l'ingénierie sociale,
39:05l'extension de la censure.
39:07Est-ce qu'on pourrait arriver à un moment
39:09de point de non-retour, c'est-à-dire
39:11sans révolution à R majuscule,
39:13on constaterait qu'on a changé de régime
39:15et que la démocratie libérale appartiendra
39:17à notre passé et certainement pas
39:19On peut toujours avoir un espoir.
39:21Il y a plein de Français qui pensent librement.
39:23Dans tous les troquets de France,
39:25les gens disent ce qu'ils pensent.
39:27Plus on se rapproche de l'élite, de moins en moins.
39:29J'avais une métaphore.
39:31Vous avez une ville avec des grandes avenues
39:33et des petites rues.
39:35Vous le disiez tout à l'heure, je crois.
39:37On tolère que dans les petites rues,
39:39il y ait des petites agitations,
39:41mais si on débouche sur la grande avenue,
39:43les canons tirent en enfilade.
39:45Mais il y a un critère très important, je crois.
39:47J'ai cité le taux des prélèvements obligatoires.
39:49Tout l'immense élan inventif
39:51de la science et de la technologie occidentale
39:53et de l'économie occidentale
39:55a été fait au XIXe
39:57et dans la première moitié du XXe siècle
39:59jusqu'au début des Trois Glorieuses
40:01dans le cadre d'un projet
40:03qui s'appelait
40:05l'économie occidentale.
40:07L'économie occidentale,
40:09c'est-à-dire l'économie de l'Occident,
40:11c'est-à-dire l'économie de l'Occident
40:13jusqu'au début des Trois Glorieuses
40:15dans des sociétés où le prélèvement obligatoire
40:17était de 10% ou de 15%.
40:19Et à partir du moment
40:21où nous sommes à 50%, on pourrait atteindre
40:23un point de non-retour parce que du coup
40:25personne ne peut agir.
40:27On vous enlève la moitié de ce que vous avez.
40:29Seul peut investir
40:31quelqu'un qui a suffisamment
40:33d'argent pour que le fait
40:35d'investir, de prendre un risque,
40:37n'aboutisse pas à ce qu'il
40:39soit plus logé ou qu'il soit plus nourri.
40:41Donc il faut laisser
40:43les richesses se créer
40:45pour qu'il y ait des initiatives.
40:47Je ne pense pas qu'on
40:49ait déjà atteint le point de non-retour
40:51mais ça devient très inquiétant avec ce chiffre de 50%.
40:53Alors, on a parlé
40:55des élites, ce qui nous oblige à parler de l'école.
40:57L'école, c'est-à-dire l'éducation nationale
40:59plus largement, l'enseignement pour le dire autrement,
41:01la formation des élites,
41:03la transmission de la culture et vous publiez
41:05« Repensez l'enseignement », vous allez aussi publier dans quelques mois
41:07donc ça sort lundi si je ne me trompe pas,
41:09vous allez aussi publier dans quelques mois un deuxième tombe
41:11à cet ouvrage. Et la question
41:13de la critique de l'école, elle est fréquente
41:15dans l'espace public en France. On peut penser
41:17aux travaux d'Alain Finkielkraut, on peut penser aux travaux
41:19de Bérénice Levé, à d'autres.
41:21Quel est le problème central aujourd'hui avec ce qu'on appelle
41:23l'éducation nationale en France ? Est-ce que c'est un problème
41:25partout présent en Occident ou est-ce qu'il y a
41:27une spécificité française dans la crise de l'école ?
41:29Il y a une spécificité française, c'est l'éducation nationale.
41:31C'est-à-dire le monopole.
41:33Le monopole
41:35un peu détricoté par
41:37trois lois au 19ème siècle. La loi Guizot
41:39qui libère l'enseignement primaire
41:41en 1933, la fameuse loi
41:43Fallou qui libère l'enseignement secondaire
41:45en 1850
41:47et la moins connue mais très importante aussi
41:49loi Dupont-Loup-Laboulay de
41:511875 qui libère l'enseignement supérieur
41:53et grâce à laquelle existent
41:55les instituts catholiques aujourd'hui.
41:57Mais néanmoins,
41:59l'État a le monopole.
42:01Je reviens d'un long voyage
42:03en Suède et en Suisse
42:05où j'ai visité les écoles
42:07avec les systèmes scolaires.
42:09Ça n'a rien à voir avec nous.
42:11En Suisse, il y a 26 cantons
42:13j'ai toujours peur de me tromper sur le chiffre exact
42:15et 26 politiques scolaires différentes
42:17même si chaque canton observe
42:19le voisin
42:21et si un d'entre eux
42:23fait des bêtises affreuses, les autres se gardent
42:25de bien de l'imiter et ils n'imitent
42:27que si une innovation leur parait bonne.
42:29Et quant à la Suède,
42:31c'est un incroyable pays socialiste, entièrement.
42:33À l'origine, un peu moins aujourd'hui.
42:35Alors justement,
42:37j'ai fait un voyage merveilleux en Suède
42:39parce que j'ai visité
42:41de magnifiques écoles
42:43et ce sont des écoles indépendantes
42:45qui reprennent maintenant à peu près 17% de la scolarisation
42:47en Suède. Et comment ça s'est passé ?
42:49La gauche a décidé
42:51pour une raison X
42:53de municipaliser
42:55la gestion de l'éducation.
42:57Il y avait un ministère central
42:59et pour que les choses soient mieux gérées,
43:01on a donné à chaque commune
43:03je crois qu'il y en a 200, quelque chose comme ça,
43:05en Suède, le budget correspondant
43:07au nombre d'enfants qu'ils ont dans la commune.
43:09Et puis, il se trouve que la droite
43:11est arrivée au pouvoir l'année d'après
43:13et qu'elle a profité de cette situation
43:15pour créer des écoles indépendantes.
43:17Alors ça veut dire que quelqu'un peut créer une école
43:19avec des critères
43:21il faut qu'il ne soit pas repris de justice,
43:23il faut qu'il soit de bonne mœur,
43:25c'est plus qu'il ait un diplôme,
43:27mais c'est la seule exigence.
43:29Il arrive dans une commune
43:31et il dit je vais ouvrir une école.
43:33Et si certains enfants de la commune
43:35s'inscrivent à l'école,
43:37il reçoit pour chaque enfant
43:39une certaine somme, c'est le fameux chèque éducatif.
43:41Et cette somme
43:43est retirée à la commune
43:45pour les écoles publiques de la commune.
43:47Donc quand ceci a été fait,
43:49alors vous imaginez qu'on fasse ça en France,
43:51mais pourquoi pas,
43:53pour l'instant ça serait une proposition.
43:55Mais le résultat était excellent
43:57parce que du coup,
43:59200 écoles se sont très vite créées
44:01en un an ou deux,
44:03avec des gens responsables
44:05en tirant de la concurrence.
44:07Mais du coup,
44:09les écoles publiques elles-mêmes
44:11se sont améliorées
44:13parce qu'elles ne voulaient pas
44:15que les élèves fuient
44:17dans les écoles indépendantes.
44:19Cette mesure libérale
44:21a boosté tout le système
44:23et j'étais très séduit
44:25parce que j'ai visité
44:27des écoles magnifiques
44:29où il y avait quelqu'un qui était dedans depuis 15 ans,
44:31qui avait recruté les professeurs,
44:33qui se séparait parfois de professeurs
44:35qui ne marchaient pas.
44:37Il y avait un pilote dans l'avion, si vous voulez.
44:39Et c'est exactement ce qu'il ne peut pas y avoir
44:41avec le système actuel de l'éducation nationale.
44:43Vous dites même que le ministère
44:45a changé la nature même du métier
44:47de l'enseignant.
44:49C'était dans un de vos essais précédents.
44:51On disait donc même qu'il s'en revendique
44:53le métier passait de quoi à quoi.
44:55C'est quoi le métier d'enseignant aujourd'hui ?
44:57Peut-être que votre définition explique
44:59la pénurie à chaque rentrée scolaire d'enseignants.
45:01Oui, parce que
45:03le pouvoir a été pris
45:05depuis longtemps dans l'éducation nationale
45:07par les pédagogistes,
45:09ce que j'appelle pédagogistes
45:11pour distinguer des pédagogues,
45:13puisque la pédagogie en tant que science
45:15est très intéressante.
45:17Mais là, ce sont
45:19des partisans d'une certaine pédagogie.
45:21Ma thèse, c'est que
45:23cette pédagogie n'a aucune
45:25justification objective.
45:27Elle a uniquement
45:29pour fonction de rendre possible
45:31le collège unique.
45:33A partir du moment où vous décidez pour des raisons politiques
45:35qu'il y a un collège unique,
45:37vous ne pouvez plus enseigner véritablement
45:39au niveau du secondaire, comme on le faisait jadis
45:41et comme j'ai fait dans le lycée où j'étais élève.
45:43Parce qu'aussitôt que vous commencez
45:45à enseigner méthodiquement
45:47et sérieusement
45:49une discipline à des élèves,
45:51les uns comprennent tout de suite, les autres le lendemain,
45:53les autres la semaine d'après et les autres jamais.
45:55Donc au bout d'un certain temps, il faut bien
45:57les distinguer en filières.
45:59Si vous ne voulez pas de filière, vous voulez un collège unique,
46:01il y a une seule solution,
46:03c'est de ne rien enseigner à personne.
46:05Mais pour ne rien enseigner à personne, il faut
46:07meubler le temps et il faut que les élèves
46:09ne deviennent pas fous et
46:11qu'ils ne cassent pas les murs.
46:13Donc on les distrait avec
46:15une pédagogie ludique.
46:17Dans un chapitre du livre,
46:19j'étudie très précisément
46:21la séquence.
46:23On n'a peut-être pas le temps d'en parler,
46:25mais il se trouve que
46:27maintenant au CAPES,
46:29toutes les épreuves sont des épreuves
46:31pédagogiques et donc
46:33ce qu'on demande aux candidats
46:35pour être professeurs dans les collèges
46:37et les lycées, c'est de savoir faire des séquences.
46:39Or les séquences, contrairement
46:41à ce que leur nom suggère, c'est des choses sans suite.
46:43Je ne rentre pas dans le détail,
46:45on n'a pas le temps.
46:47Mais si on a encore quelques secondes,
46:49je vais simplement vous donner
46:51le titre du second livre
46:53qui est en préparation.
46:55Ce sera le second volet d'un diptyque.
46:57Le premier,
46:59c'est un recueil d'articles
47:01que j'espère important,
47:03mais on le désordre
47:05d'un recueil d'articles.
47:07Et le second sera beaucoup plus théorique.
47:09Il s'appelle
47:11l'éducation nationale
47:13de point origine,
47:15au pluriel, apogée
47:17et déclin d'un concept.
47:19Car je crois que le concept d'eux-mêmes est faux.
47:21Alors on a abordé la question de l'école par l'école,
47:23mais à vous entendre, l'obsession du collège
47:25unique, par exemple, est-ce que ça ne nous ramène pas
47:27à une obsession idéologique
47:29qui est liée à la question
47:31du socialisme aussi? C'est l'obsession égalitaire.
47:33Un égalitarisme absolu
47:35qui ne tient pas compte de la diversité des tempéraments,
47:37de la diversité des natures et l'école
47:39qui, quelquefois, finalement, sert à broyer
47:41les tempéraments et presque à effacer
47:43la culture. Je vais vous le dire en deux mots.
47:45Vous savez,
47:47à l'école, on enseigne ce qui est
47:49vrai, beau et bien.
47:51Théoriquement. Non mais c'est
47:53l'idée même de l'école.
47:55Vous trouvez que l'école actuelle ressemble quoi à ça?
47:57Je vous dis que, par définition, on enseigne
47:59à quoi sert
48:01l'école, c'est à enseigner le vrai,
48:03les savoirs,
48:05et aussi la morale et aussi les
48:07éthiques. Or, le pouvoir
48:09spirituel a toujours été séparé
48:11en Europe du pouvoir temporel.
48:13Puisque pendant des siècles, c'est l'Église qui a eu le pouvoir
48:15spirituel, elle prétendait savoir ce qui était vrai, beau
48:17et bien, et les États ne s'occupaient
48:19en matière d'éducation que des murs,
48:21de la discipline,
48:23du statut des universités,
48:25et de la police aussi.
48:27Mais bon,
48:29ça a donné l'Occident.
48:31Et puis, à partir du XVIIIe
48:33siècle, avec l'apparition
48:35des savoirs nouveaux, il a
48:37révélé à beaucoup de gens, surtout à partir
48:39du dernier tiers du XVIIIe siècle,
48:41qu'on ne pouvait pas laisser les
48:43ecclésiastiques former seules la jeunesse
48:45parce que leurs écoles n'étaient pas assez ouvertes aux sciences
48:47nouvelles. Alors,
48:49du coup,
48:53une réforme scolaire était dans l'air,
48:55si vous voulez. Mais est arrivée
48:57la Révolution Française, et la Révolution Française,
49:01il y a eu deux révolutions,
49:03comme je l'ai expliqué dans un livre, et les Jacobins
49:05voulaient avoir le monopole de l'école
49:07avec l'affreux projet
49:09de l'Opérité de Saint-Fargeau, défendu
49:11par Robespierre devant la Convention,
49:13parce qu'ils voulaient changer l'homme,
49:15changer l'homme, régénérer
49:17l'homme, arracher
49:19toutes les racines
49:21des sociétés antérieures. Et pour ça,
49:23c'était possible qu'ils pouvaient mettre tous les enfants
49:25dans un camp entre 5 et 12 ans.
49:27– Il nous reste une minute, je suis obligé de vous couper
49:29maintenant, alors qu'on nous fera une autre émission
49:31sur l'école au grand complet, mais je ne peux pas
49:33m'empêcher, il nous reste le temps d'une dernière question,
49:35vous nous disiez de forger l'homme nouveau,
49:37cette tentation de forger l'homme nouveau,
49:39elle domine encore l'école aujourd'hui,
49:41est-ce qu'elle domine aussi la gauche ? Est-ce que la gauche a renoncé
49:43à l'homme nouveau ? – C'est seulement
49:45si vous voulez forger un homme nouveau, que vous avez
49:47besoin du monopole scolaire.
49:49Voilà, c'est aussi simple que ça.
49:51Et je plaide aujourd'hui pour
49:53reséparer le pouvoir, Jules Ferry
49:55a espéré pouvoir
49:57réunir le pouvoir spirituel
49:59et le pouvoir temporel dans l'État,
50:01en rendant les nominations
50:03de professeurs, les choix de programme légèrement
50:05indépendants des décisions du ministre.
50:07Mais il n'y est pas arrivé, parce qu'il croyait,
50:09Jules Ferry croyait arracher
50:11le pouvoir à l'Église et le donner
50:13à la science, mais en réalité il l'a donné
50:15à l'idéologie, puisque le corps enseignant est devenu
50:17socialiste.
50:19Voilà, donc aujourd'hui,
50:21la confusion des pouvoirs spirituels et temporels
50:23dans l'éducation nationale aboutit à sa ruine
50:25actuelle et il faut de nouveau séparer
50:27le pouvoir spirituel et le pouvoir temporel
50:29et ceux qui liront mon livre
50:31verront la formule
50:33que je propose à ce sujet.
50:35Un grand merci Philippe Nemo d'être venu pour cet entretien
50:37passionnant avec Mathieu Boccoté,
50:39le rendez-vous est donc pris pour le second
50:41tome, merci à vous Arthur
50:43de Vatrigan, merci Mathieu,
50:45rendez-vous la semaine prochaine pour un nouveau
50:47numéro et nous on se retrouve dans un instant
50:49pour l'heure des pros, restez avec nous sur CNews.

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