Xerfi Canal a reçu Tessa Melkonian, professeure de management à emlyon business school, doyenne de la Faculté et de la Recherche, pour parler de l'écologie personnelle.
Une interview menée par Jean-Philippe Denis.
Une interview menée par Jean-Philippe Denis.
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00:00 Bonjour Tessa Melkonian.
00:09 Bonjour Jean-Philippe.
00:10 Tessa Melkonian, professeure de management au EMION Business School.
00:13 Vous êtes doyenne de la faculté de la recherche.
00:15 Tessa Melkonian, l'entreprise aujourd'hui parle de burn-out, d'épuisement professionnel.
00:23 Bref, on a le sentiment que ça ne va pas bien.
00:25 Vous, vous nous dites justement oui, effectivement ça ne va pas bien et il faut en tirer les
00:31 conséquences.
00:32 Oui, c'est un mouvement qu'on avait déjà vu effectivement prendre naissance il y a
00:37 plus d'une quinzaine d'années.
00:39 On s'interroge sur ces questions.
00:41 Aujourd'hui, ça prend une acuité particulière.
00:43 Les burn-out sont massifs et à tous les niveaux.
00:46 C'est aussi intéressant pour nous de voir, y compris au plus haut niveau des entreprises.
00:52 On a des phénomènes de perte de sens, toute cette polémique autour de la grande démission.
00:59 On a nous en tant que professeurs, nos étudiants qui se demandent comment ils pourront exercer
01:05 un métier dans le temps sans s'épuiser.
01:08 Moi, j'aime bien parler d'effondrement des écologies personnelles, à l'instar
01:14 de l'effondrement de l'écologie planétaire.
01:16 C'est intéressant.
01:17 Alors, effondrement des écologies personnelles, c'est très noir.
01:21 Mon idée est assez simple.
01:24 Elle est de dire qu'effectivement, les demandes auxquelles sont soumises les individus aujourd'hui
01:30 dans l'exercice de leurs fonctions et dans leur vie en général, excèdent leurs ressources.
01:35 Donc, on est dans un moment, encore une fois, d'inflexion qui est lié à la grande transition
01:40 que nous vivons entre une économie essentiellement nature industrielle, vers une transition vers
01:48 une économie de nature de service et vers aussi la conscience des limites finies qui
01:54 arrivent au niveau planétaire, qui nous interroge tous sur nos devoirs par rapport à ça, mais
02:00 qui arrive aussi au niveau individuel.
02:01 Nous sommes limités énergétiquement.
02:04 Nous ne pouvons pas tout faire.
02:05 Et pourtant, nous vivons dans une société qui quelque part nous donne une vision de
02:09 pouvoir tout faire.
02:10 Et survalorise justement le fait de se dépasser, de dépasser ses limites, etc.
02:14 Tout à fait.
02:15 Et dans tous les domaines, on voit des pratiques de sport extrême.
02:18 Je m'intéresse beaucoup à ces questions-là, le trail, les marathons, qui sont très corrélés
02:26 à la CSP, positivement.
02:28 Plus j'ai des responsabilités professionnelles, plus je pratique ces sports, on va dire, de
02:32 nature extrême, qui vont beaucoup solliciter mon système sympathique, mes ressources.
02:38 Donc, il y a à la fois un emballement au niveau de la performance individuelle et en
02:43 même temps, il y a toujours la limite finie énergétique qui se rappelle à nous.
02:47 Donc, le burn-out est quelque part un symptôme de société.
02:50 Là, je reprends les propos d'autres chercheurs qui positionnent comme maladie de société
02:55 et qui, moi, me parlent beaucoup de ce point de vue-là et qui m'amènent à militer
02:59 beaucoup et à sensibiliser beaucoup les dirigeants et mes étudiants quand j'interviens auprès
03:04 d'eux sur la notion d'écologie personnelle.
03:07 Nous ne pouvons pas aborder les challenges du 21e siècle sans une réflexion sur notre
03:11 écologie personnelle parce que si nous ne le faisons pas, nous pouvons opérer encore
03:16 longtemps.
03:17 Nous avons quand même beaucoup de ressources, comme la planète.
03:20 Par contre, nous opérons avec très peu de cerveau disponible, pour reprendre l'expression
03:24 de nos collègues militaires, c'est-à-dire j'ai la tête dans le guidon et certes, je
03:29 fais le run, mais je n'ai aucune disponibilité pour penser innovation, alternative, autre
03:38 type d'équilibre.
03:39 Et ça, ça me semble très important et les dirigeants sont aux premières loges parce
03:43 qu'ils doivent donner l'exemple.
03:44 Nous avons parlé d'exemplarité dans une autre émission, mais celle-là est fondamentale.
03:49 Quand moi, je pousse à l'extrême mes propres ressources, c'est difficile pour mes équipes
03:55 de penser écologie personnelle.
03:58 Donc voilà pourquoi les dirigeants sont à de multiples titres pour moi, amenés à devoir
04:05 se poser cette question.
04:06 La question du slow, aujourd'hui, il paraît qu'il faut reculer de temps en temps pour
04:11 mieux sauter, paraît-il.
04:13 C'est très clair.
04:15 Donc en gros, la question de l'énergie, c'est ça que je retiens, la question de
04:19 l'énergie et de l'écologie personnelle, la gestion de cette énergie.
04:22 On est quand même des organismes biologiques aussi.
04:26 Gérons notre énergie au mieux et intégrons-le dans les programmes de formation.
04:31 Merci Tessa.
04:32 Merci Jean-Philippe.
04:33 [Musique]