Lutte contre le terrorisme : "On ne peut pas renoncer à notre Etat de droit"

  • l’année dernière
Invité de la matinale de Public Sénat, l’ancien juge anti-terroriste, Jean-Louis Bruguière est revenu sur les moyens législatifs permettant d’anticiper les actes terroristes. L’ancien magistrat plaide pour un renforcement des moyens tout en respectant strictement l’Etat de droit.

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Transcript
00:00 et je veux dire les parlementaires, les politiques, la question est posée sur la table.
00:05 Alors on ne va pas sortir de la polémique politicienne des uns et des autres,
00:09 ce n'est pas le sujet ici.
00:10 Il y a effectivement le sujet qui est la possibilité, c'est comment neutraliser.
00:15 On a la possibilité de le faire par exemple pour des délinquants sexuels, etc.
00:19 Il y a une disposition spécifique mais qui ne peut pas être étendue à cela.
00:23 Il y a eu une proposition qui a été faite de loin pour pouvoir faire une rétention administrative
00:27 dans ce domaine qui n'a pas été retoqué par le procédé fiscal.
00:31 – Est-ce que pour vous il faut y revenir, à cette rétention de sûreté ?
00:35 – Changer la constitution c'est quand même une aventure importante,
00:39 surtout dans l'architecture, je veux dire, donc politique actuelle,
00:43 pas certain qu'on y arrive et il faut aussi que tout le monde comprenne
00:47 qu'une loi de ce genre n'est pas rétroactive, elle ne peut pas être rétroactive,
00:50 elle est pas là pour l'avenir.
00:51 – Non mais est-ce que pour vous, c'est pas rétroactif effectivement,
00:53 mais est-ce que cette question de la rétention de sûreté,
00:55 c'est-à-dire qu'on puisse continuer à mettre des gens en prison
00:58 une fois la peine exécutée s'ils sont dangereux ?
01:00 – Alors moi j'ai réfléchi un peu à la question,
01:02 c'est un peu une première pour l'ex-sénat parce que je ne l'ai pas dit à personne,
01:07 je pense qu'on pourrait peut-être faire évoluer les dispositions légales sur le MICAS,
01:15 les mesures individuelles de contrôle administratif de sécurité,
01:19 qui prévoit déjà des mesures de contrats importantes
01:22 qui vont aller même jusqu'au bracelet électronique dans certaines conditions,
01:25 valables trois mois, jusque dans la limite d'un an.
01:28 Et je me disais que par, si vous voulez, en repassant un petit peu
01:32 par la loi de 2017 que vous avez citée, que je connais bien,
01:35 et notamment qui permet des visites domiciliaires,
01:40 donc des mesures qui sont très attentatoires à la liberté individuelle
01:43 et qui ne peuvent être ordonnées, et là pour le coup on passe à l'aide jaune
01:47 que par l'autorité judiciaire ou son encontre judiciaire,
01:49 la preuve c'est que c'est le JLD,
01:51 pourquoi on ne pourrait pas imaginer un dispositif permettant
01:54 donc des mesures beaucoup plus contraignantes en fonction de l'évoluée du MICAS,
01:58 du style assignation résidence, ou alors même rétention administrative
02:02 sous contrôle judiciaire, c'est-à-dire avec une autorisation préalable
02:05 de juge de la liberté de la détention pour une durée donnée
02:08 et avec un contrôle permanent, l'intéressé pouvant demander au juge
02:12 la levée de la mesure ou non.
02:14 Là je ne pense pas que le Conseil judiciaire s'y opposerait,
02:16 parce que là pour le coup on n'aurait plus un contrôle judiciaire,
02:20 c'est ça la difficulté.
02:22 – Donc ça c'est possible sans toucher à la Constitution,
02:26 c'est une évolution législative.
02:28 – La loi de 2017 n'a pas été retoquée, une perquisition c'est quand même une mesure,
02:31 débouler chez vous à 6h du matin pour faire…
02:34 alors il faut qu'il y ait un mandat.
02:36 – Juste une observation si vous me permettez,
02:38 j'ai cru comprendre aussi que dans le cas de l'attentat d'Arras le 13 octobre,
02:42 l'assassin de Dominique Bernard a fait l'objet d'une visite domiciliaire
02:46 la veille de son passage à l'acte,
02:48 ça montre aussi que l'ensemble de ces…
02:51 même si on a un arsenal qui a été fortement renforcé,
02:54 qui donne beaucoup d'outils, qui met beaucoup d'outils à disposition,
02:57 là on voit que dans les deux attentats qui viennent de se produire,
03:01 on n'a pas affaire à des loups solitaires,
03:03 des gens qui passent à l'acte sans aucun…
03:05 – Les loups solitaires ?
03:06 – Ça n'existe plus, on est d'accord, là ce sont des fichés S,
03:08 des gens qui étaient dans les radars, etc.
03:10 qui étaient quand même suivis,
03:12 or force est de constater que ça ne fonctionne pas,
03:14 ça ne les empêche pas de passer à l'acte,
03:16 si il manque, il y a bien quelque chose qui manque.
03:18 – Alors, si vous voulez, il y a deux choses,
03:21 il y a le recueil du renseignement, là c'est important,
03:24 c'est la capacité que l'on a aujourd'hui,
03:26 et voilà, on l'a déjà renforcé,
03:28 d'avoir une possibilité de recueillir des signaux très faibles
03:32 à basse intensité très tôt, ça c'est crucial.
03:36 – Et le lien entre les différents services
03:39 s'est beaucoup amélioré ces dernières années,
03:41 vous l'avez dit à plusieurs reprises.
03:42 – Absolument, moi j'ai connu, quand j'étais aux affaires,
03:44 entre guillemets, c'était pas…
03:46 – Est-ce que ce serait pas temps aujourd'hui d'utiliser par exemple
03:48 des logiciels, de passer à l'intelligence artificielle
03:50 pour interpréter ces signaux faibles que vous décrivez ?
03:52 – Oui, comme vous le savez, la loi de 2017
03:54 autorise précisément l'intelligence artificielle,
03:56 dans des conditions très particulières,
03:58 très encadrées, notamment sur les interceptions électroniques,
04:01 c'est surtout la DGSE qui nous fait des moyens, etc.
04:04 Et puis, moi je peux vous dire que les relations qui existent
04:08 entre des grands services, notamment les services américains,
04:10 qui ont des capacités comme la NSA,
04:12 donc très supérieures aux nôtres,
04:14 en question de moyens, ou les britanniques, etc.
04:16 et très fortes.
04:18 La communauté internationale du renseignement
04:20 fonctionne dans ce domaine-là particulièrement très bien.
04:23 – Mais ce qu'on a un peu du mal à comprendre,
04:25 Jean-Luc Bruggemann, peut-être naïvement,
04:27 c'est que ces gens sont repérés par les services de renseignement,
04:29 ils sont suivis, là vous l'avez dit, il n'y a pas eu de faille dans le suivi,
04:32 et pourtant… – On regarde le dispositif factuel.
04:34 – Oui, des dispositifs existants, et pourtant ils passent à l'acte.
04:37 Alors qu'est-ce qui manque ?
04:38 Est-ce que ce sont des moyens dans le renseignement
04:40 ou est-ce que c'est ailleurs que ça pèche ?
04:42 – Non mais vous savez, attendez, la nature humaine,
04:44 moi j'ai vu, j'ai quand même une longue expérience,
04:46 à l'époque, ces gens n'étaient plus faciles
04:49 parce qu'ils étaient dans des réseaux structurés, etc.
04:51 pas comme aujourd'hui.
04:52 Mais vous avez quand même des gens qui sont…
04:54 le passage à l'acte est quelque chose de très individuel,
04:57 il y a l'individu tout d'un coup qui dit "je passe à l'âge que je veux"
05:00 ou pas du tout, ou demain.
05:02 On arrive à un secteur où, effectivement,
05:04 le problème de la décision est quelque chose de très compliqué,
05:09 très personnel, très fugace, très aléatoire.
05:13 Alors ce qu'il y a, c'est qu'on détermine des profils,
05:16 donc des potentialités.
05:17 Celui-là, il a des potentialités extrêmes d'un jour ou l'autre passer à l'acte.
05:21 Mais de déterminer que tel hôtel va passer à l'acte demain à 18h à tel endroit,
05:24 non, c'est très compliqué.
05:26 – Mais ça veut dire qu'il y a une forme d'impuissance.
05:28 – Comment ?
05:29 – Ça veut dire qu'il y a une forme d'impuissance.
05:31 – Il y a, à ce niveau-là, sauf si vous voulez,
05:34 effectivement la neutralisation, qui est très compliquée
05:36 parce qu'on ne peut pas…
05:38 C'est une des méthodes.
05:40 Alors c'est vrai que si vous avez un suivi extrêmement serré,
05:43 plus le suivi est serré, plus les informations ont été,
05:45 plus, si vous voulez, les capacités que l'individu "vous échappe"
05:50 ou passe à l'acte sont plus faibles.
05:52 C'est incontestable.
05:54 Mais hormis, si vous voulez, la rétention administrative,
05:59 c'est-à-dire en fait un emprisonnement,
06:01 ou une neutralisation dans un milieu clos et fermé,
06:05 je ne vois pas, non.
06:07 Aujourd'hui, l'arsenal peut évoluer.
06:10 – Mais est-ce qu'il faut le faire évoluer ?
06:12 Parce que c'est aussi la question, c'est que là,
06:14 on est sur une ligne de crête entre l'État de droit,
06:16 nos libertés et en même temps assurer la sécurité des citoyens.
06:20 Est-ce qu'il faut faire évoluer ?
06:22 Est-ce qu'il faut accepter de rogner nos libertés pour assurer notre sécurité ?
06:25 – On ne peut pas.
06:26 Moi je veux dire, parce que là-dessus je suis très ferme,
06:28 je me suis fait insulter sur un plateau, peu importe, c'est pas grave,
06:31 mais en tout cas, je pense que moi je suis…
06:33 on ne peut pas renoncer à notre État de droit,
06:35 ça c'est vraiment fondamental.
06:36 Il faut quand même voir, en tout cas les gens d'Al-Qaïda,
06:38 parce qu'on a trouvé des documents à une époque,
06:40 dont on nous avait poussés par des provocations,
06:43 pour pousser un certain nombre d'États à sortir de l'État de droit.
06:45 Et justement, à sortir de notre argumentation et de notre justification de l'U.S.
06:49 – C'est l'objectif des terroristes.
06:50 – Voilà, c'est sûr.
06:51 – On a des objectifs des terroristes.
06:52 – C'est un objectif.
06:53 Donc il faut être très vigilant,
06:54 alors évidemment dans la classe politique,
06:56 il y a des gens qui poussent aux extrêmes,
06:58 et moi je dirais non.
07:00 Alors d'autant plus, d'autant plus que, et là je reviens,
07:03 la France est le pays en Europe qui est le plus éloigné,
07:05 on nous a suffisamment critiqué, la MTE.
07:07 [Musique]

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