Élus par les territoires, les sénatrices et les sénateurs connaissent le terrain et côtoient les acteurs de notre patrimoine agricole et nourricier, tout ce qui fait de la France un pays où le contenu de l'assiette relève d'un engagement quotidien.
Vincent Ferniot rencontre ces hommes et ces femmes, en compagnie d'un sénateur ou d'une sénatrice, sur son territoire. Année de Production : 2024
Vincent Ferniot rencontre ces hommes et ces femmes, en compagnie d'un sénateur ou d'une sénatrice, sur son territoire. Année de Production : 2024
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00:00 Retrouvez "Manger c'est voter" avec Mutualia, la mutuelle des territoires.
00:07 Bonjour, c'est beau, hein ? La cité de Carcassonne, la perle de l'Aude.
00:23 Vous l'avez compris, aujourd'hui "Manger c'est voter" est en Occitanie, dans l'Aude, le numéro 11.
00:28 Et on va rencontrer ensemble Sébastien Pla, le sénateur socialiste, écologiste et républicain,
00:33 qui nous attend au château de Perpertuse, au site Qatar. C'est aussi ça l'Aude.
00:40 [Générique]
01:08 Bonjour monsieur le sénateur. Bonjour Messire.
01:10 Bienvenue à Payerre-Pertuse.
01:12 Ah bah écoutez, merci de m'y accueillir.
01:14 Sous cette citadelle incroyable, le château de Perpertuse, c'est un haut lieu du département et du catarisme.
01:22 Un haut lieu historique de la puissance de la couronne française.
01:25 Sous le château, là, dans la vallée, il y a un très beau village. Comment s'appelle-t-il ?
01:31 Duillac, sous Payerre-Pertuse.
01:33 Duillac, c'est chez vous ? C'est chez moi.
01:35 C'est là que vous êtes né ? C'est là où j'ai été conçu.
01:38 C'est là où mon père est né, mes grands-parents sont nés.
01:41 C'est le berceau familial où j'habite toujours.
01:44 Quel est votre métier à l'origine ?
01:46 Mon premier poste, c'était directeur d'office de tourisme.
01:48 Et puis très rapidement, j'ai été propulsé maire de mon petit village de Duillac, sous Payerre-Pertuse, à l'âge de 23 ans.
01:54 Ça n'a pas été simple au départ parce que c'était pas prévu.
01:56 Moi, j'ai jamais fait de politique. Je suis pas né dans un parti.
01:58 Je n'ai pas milité. Je ne faisais pas un projet de vie et de carrière du tout.
02:03 Et je me suis retrouvé maire d'un petit village.
02:05 Alors vous allez me dire, un petit village sans inclin de l'habitant, il n'y a rien d'extraordinaire.
02:09 Si ce n'est que ce petit village est le propriétaire d'un des plus fantastiques monuments du département de l'Eau de Château de Payerre-Pertuse.
02:17 Et grâce à ce château, j'ai créé du réseau.
02:20 Et puis on initie des choses, on réalise des projets et on se prend en jeu.
02:24 C'est magnifique quand on fait.
02:25 Un maire est un faiseur, d'abord et avant tout.
02:27 C'est probablement le seul élu d'une république qui, quand il a une idée, peut arriver au bout et la réaliser.
02:32 Vous vous sentez un peu comme le capitaine de l'équipe des maires de votre territoire.
02:37 C'est ça être sénateur pour vous ?
02:39 Oui, c'est ça.
02:40 Vous savez, 20 ans, j'ai été élu maire pendant 20 ans.
02:42 Je l'ai vécu à 200% ce magnifique mandat.
02:47 Et aujourd'hui, les représenter, pour moi, c'est un honneur incroyable et indescriptible.
02:53 Alors vous, vous êtes socialiste.
02:55 J'ai envie de dire presque socialiste d'ADN, socialiste de naissance.
03:00 De gauche, plutôt.
03:04 Je suis issu d'une famille rouge, militante, vigneronne, effectivement.
03:08 J'ai été élevé dans ces valeurs-là.
03:10 Et aujourd'hui, qu'est-ce qui l'en subsiste dans votre engagement ?
03:13 Il en subsiste la volonté d'améliorer le quotidien des gens et en particulier des plus vulnérables.
03:22 Le Sénat me permet, aujourd'hui, de défendre des causes remarquables, dont une qui me tient à cœur.
03:29 C'est la question des violences sexuelles sur les mineurs.
03:33 J'ai récemment eu l'honneur, au Sénat, de faire passer un texte de loi à l'unanimité sur ces questions-là, notamment dans le sport.
03:40 J'ai l'impression, très sincèrement, à travers cette fonction-là, de pouvoir œuvrer vers plus de solidarité,
03:48 vers un meilleur accompagnement des plus faibles qui se sentent un peu lésés.
03:53 Mais ce n'est pas facile aujourd'hui.
03:55 Moi, j'ai une pensée vraiment pour eux.
03:57 Toute la journée, on va la passer ensemble, aller visiter ce qui se fait de mieux ici.
04:04 Mais on n'aura pas beaucoup de temps et donc on ne verra pas tout.
04:07 Je pense qu'on va rencontrer des personnalités et des personnages, surtout.
04:10 De grands personnages, mais bon, surprise.
04:12 Allez, je vous suis. On y va.
04:14 Allez, allons-y.
04:15 Cette journée dans l'Audre semble un véritable festin qui commence par un cassoulet de Castelnaudary,
04:21 se poursuit avec un plateau de fromage de chèvre chez Jean-Baptiste Gachard.
04:25 Et puis, évidemment, un verre de vin.
04:27 On ira du côté de Limoux, avant de découvrir le moulin et le pain de Roland Feuillasse
04:33 pour terminer chez Gilles Boujon, icône de la gastronomie audoise.
04:37 Mais tout de suite, direction le port de Gruysan,
04:40 où nous attend Jean-Baptiste, le pêcheur et ses merveilles de la mer.
04:44 - Bonjour. - Allez, bonjour.
04:46 Il est conter, il a dit 20 nœuds pour ça aujourd'hui.
04:49 - Ah bah oui, dites donc. - Bien, bien, ça va.
04:51 - Jean-Baptiste, là, on peut dire que... - Ouais, c'est vite 20 nœuds.
04:54 - Ah bah tant mieux. Depuis combien de temps vous êtes pêcheur ici à Gruysan ?
04:57 - Moi, ça fait 22 ans.
04:59 - Est-ce qu'aujourd'hui, vous avez le sentiment que c'est un métier qui est considéré ?
05:04 - Le métier comme fait nous, c'est pas pêcheuratif, on appelle ça le petit métier.
05:08 Le petit métier, c'est la polyvalence.
05:10 - Oui, en fait, vous êtes poly-pêcheur, parce qu'il faut savoir tout pêcher quand on est un petit artisan.
05:15 - Il faut savoir tout pêcher. Et malheureusement, on est sous des pressions et des contraintes de l'Europe
05:20 qui cherchent à éteindre complètement cette polyvalence.
05:23 Voilà, et cette polyvalence, c'est ce qui nous permet de vivre.
05:25 Si aujourd'hui, les sols, ça marche pas, après-midi, je prends ma barque, je vais dans les tangues.
05:29 Et je vais pêcher des mulets ou des loups. Et ça, on veut nous le lever.
05:33 - Monsieur le sénateur, la pêche est extrêmement sous le microscope des autorités européennes
05:39 qui, disons-le très net, emmerdent les petits pêcheurs.
05:43 C'est comme si tout était fait pour protéger la pêche industrielle, notamment des pays du Nord,
05:48 et que dès qu'on est au Sud, et particulièrement au Méditerranée, on vous aiguillonne en permanence.
05:54 - Oui, ça démontre que la technostructure est trop loin des réalités du terrain.
05:58 Voilà, c'est ça la principale problématique.
06:00 Il y a des gens qui ne connaissent pas les métiers et les traditions,
06:03 parce qu'un pêcheur comme Jean-Baptiste, au-delà de son métier, perpétue aussi un savoir-faire des traditions.
06:07 Et ce sont surtout des hommes et des femmes qui pratiquent un écosystème et un territoire
06:12 dont ils ont une capacité de le gérer, de le connaître, puisque c'est leur fond de commerce, au final.
06:17 Et donc là, ils gestionnent des espaces lagunaires, des étangs, de la mer.
06:20 Là, sur pêche, ce n'est pas eux.
06:22 - C'est vous, la courroie de transmission entre ce que disent les artisans, pêcheurs, les agriculteurs et les grandes institutions ?
06:29 - Totalement. C'est notre ADN et c'est surtout notre job au Sénat de défendre les territoires.
06:34 Moi, je suis un fervent défenseur des traditions et de nos territoires.
06:37 - Est-ce qu'on peut descendre sur le bateau ? - Oui, bien sûr.
06:40 - Parce que je me dis, autant qu'à démarrer une journée dans l'Aude, au moins que je sois monté sur un bateau.
06:45 - Sans se casser la gueule, c'est mieux. - Il faut se tenir tout au tas.
06:49 - Toutes ces règles de pêche, c'est quand même un frein énorme à faire votre métier correctement, j'ai envie de dire,
06:58 parce que vous êtes au milieu des réglementations.
07:00 - On est en plein milieu, je vais vous dire, un point où c'est que ça fait maintenant 4 ans que je paye une secrétaire.
07:06 - Ah, mais frais, bien sûr. - Pour l'administratif. - Pour l'administratif.
07:10 - À combien de pourcents vous vous sentez Occitan, Français, Européen ?
07:14 - Je me sens premier Gruysanais. - Ah, vous diriez... - Au droit.
07:18 - Deux tiers Occitan, Gruysanais. - Occitan, Français.
07:22 - Et par contre, je vous avoue que je me sens pas trop Européen. - Oui, je m'en doute.
07:26 - C'est pas possible de pouvoir gérer au niveau Européen des petites gens comme nous.
07:32 - La prudomie, par exemple, de Gruysan a des règles sur la pêche à l'anguillet, par exemple,
07:35 qui ne sont pas les mêmes que la prudomie de Bages, qui est à vol d'oiseau ici, à 15 km.
07:40 Alors imaginez-vous la Commission européenne qui s'amuse à mettre le nez dedans.
07:44 C'est une patcha que ça me fait.
07:46 Là, aujourd'hui, on est dans une Europe dans laquelle on ne s'y reconnaît plus.
07:51 Moi, en tout cas, je m'y reconnais plus parce que malheureusement,
07:54 tous ceux qui viennent de l'Europe, il n'y a pas une seule bonne nouvelle.
07:57 Voilà, chaque fois qu'il vient quelque chose d'anglo, c'est pour nous taper dessus et nous rester dedans.
08:01 - J'insiste et j'exhorte les pêcheurs à s'organiser, à un syndicat, et c'est le cas, le Comité des pêches,
08:07 à faire quoi pour apporter une voie qui permette de faire évoluer les choses de manière positive
08:14 et de défendre leurs spécificités.
08:16 - Jean-Baptiste, j'aimerais qu'on élargisse un petit peu le regard
08:19 et qu'on parle de la ressource halieutique en Méditerranée.
08:22 Très longtemps, on a dit que c'était un vrai souci, il n'y a plus de poissons.
08:25 Où est-ce qu'on en est aujourd'hui ?
08:27 - Vous savez, il y a un mot qui est à la mode, c'est l'effondrement de la biodiversité.
08:31 Ça, c'est extraordinaire.
08:33 Moi, vous savez, je n'ai pas fait d'études, je suis allé très peu à l'école.
08:37 Par contre, la force que j'ai par rapport à ces gens, justement,
08:40 c'est que moi, à la pêche et à la mer, j'y suis tous les jours.
08:43 Il y a quelques années, tout le monde était en crise en disant
08:45 "il n'y a plus de merlu, il n'y a plus de merlu, il n'y a plus de merlu".
08:47 Cette année, c'est une très grande année de merlu.
08:49 On vient de faire une très grande année de sèche.
08:51 Cette année, il y a des rougés, il y a des droits dans les étangs.
08:53 Je crois qu'à un moment donné, tous ces gens qui brandissent les standards de l'effondrement,
08:57 les standards de la peur, tout simplement, il faudrait qu'ils sortent des bureaux,
09:01 sortir de Facebook et d'Internet et venir un petit peu plus,
09:04 comme le fait d'ailleurs Sébastien, et comme vous le faites vous aujourd'hui,
09:07 venir voir les pêcheurs.
09:08 Il y a quelques années en arrière, on parlait du thon,
09:10 il n'y avait plus de thon méditerranéen du thon.
09:12 Il n'y a jamais eu autant de thon rouge que ces dernières années.
09:15 Donc, la preuve, on est capable de gérer la ressource sans problème.
09:19 Il n'y a pas un effondrement du tout des espèces à Méditerranée.
09:21 En tout cas, Méditerranée et dans le golfe du Lion, ce n'est pas le cas.
09:25 Il y a cette impression que les pêcheurs sont des hommes plus libres, peut-être ?
09:31 Vous savez, quand vous partez à 3h du matin à la mer, il y a juste les feux allumés,
09:35 vous voyez que les phares qui clignotent, vous sortez, vous êtes seul.
09:37 Mais petit à petit, quand le soleil monte, on revient un peu à la vie ou à la civilisation, je dirais.
09:42 Mais cette liberté, vous la payez.
09:45 C'est une liberté qu'on paye au prix de notre vie.
09:47 Mais on dit qu'on a toujours quelqu'un au-dessus de soi, un patron.
09:51 Vous, votre patron, c'est qui ?
09:53 Le patron, chaque pêcheur, il y a beaucoup de pêcheurs qui ne sont pas croyants.
09:56 Le patron, c'est le tang. C'est lui qui décide.
09:59 Merci beaucoup Jean-Baptiste.
10:00 Avec plaisir.
10:01 Bienvenue à la maison du Scudier.
10:06 Bonjour Gérard.
10:07 Le cassoulet est prêt.
10:09 J'attaque par la saucisse de Toulouse, la fermeté.
10:13 Où en est cette guerre de clochers ancestrale entre les 3 cassoulets ?
10:20 Celui de Toulouse, de Carcassonne et de Castelnaudary.
10:24 Disons que Toulouse, c'est plutôt maté, le Castelnaudary.
10:27 Avec du saucisson à l'ail, souvent.
10:29 Et Carcassonne, ils auraient fait ça avec plutôt des pentades, des perdereaux, des choses comme ça.
10:34 Et même de la viande d'agneau, c'est ce que j'ai entendu dire.
10:37 Mais ce n'est pas la recette du vrai cassoulet.
10:39 Ici, tu es à la capitale mondiale du cassoulet.
10:42 Donc ça n'a pas du tout été tranché, chacun encore dépend de son cassoulet.
10:46 C'est tranché par le Parlement.
10:48 Mais attention, il faut faire une distinction entre ce qu'on est en train de goûter là,
10:53 qui est du cassoulet frais, et la conserve, que ce soit en bocaux ou en boîte de tôle,
11:00 ça n'est pas le même produit.
11:02 Moi, je dis souvent, c'est quelqu'un qui mange une viande rouge et quelqu'un qui mange une viande très cuite.
11:07 On n'a pas les mêmes aspects du goût.
11:09 La conserve, on dit souvent que c'est un dépannage.
11:11 Ça, tu vas avoir plus d'envie de le partager avec des amis.
11:14 Le cassoulet, il ne faut pas oublier que c'est d'abord un partage.
11:17 La problématique de la grippe aviaire dans un produit où le canard est si important,
11:21 ça a dû vous causer du souci, non ?
11:24 Il faut savoir qu'en 2018, en France, on faisait plus de 30 millions de canards.
11:28 Avec la grippe aviaire, on est passé à 18 millions.
11:30 Et tous les jours, je vous le dis, c'est 1 500 parts de cassoulet qu'il faut alimenter, faire.
11:36 Et il y a eu des fois où c'est vraiment passé à cuisiner le canard près.
11:40 Le prix, il a presque doublé des canards.
11:42 Il a doublé. Il a doublé.
11:44 Il y a des matières sur le canard qui ont triplé.
11:46 Est-ce que ça met en péril le cassoulet de Castelnau d'Arry ?
11:51 Ça pourrait.
11:52 Ça pourrait parce qu'aujourd'hui, on ne sait pas comment s'en relever la filière.
11:56 Elle est aidée quand même par le gouvernement.
11:58 Le législateur, qu'est-ce que vous voulez qu'il fasse de plus
12:02 si ce n'est accompagner la filière pour qu'elle puisse s'organiser,
12:05 déjà financièrement pour qu'elle puisse passer le cap, et ensuite la recherche ?
12:10 Sébastien, est-ce que ce cassoulet, vous y retrouvez le goût du cassoulet de votre enfance ?
12:16 Tout à fait.
12:17 Surtout quand je recherche les coins qui apportent à la fois la texture…
12:22 Que mamie mettait au fond de la cassoule.
12:24 Tout à fait.
12:25 Bon Vincent, pour vivre heureux vivant caché, je t'amène à la ferme de Carus,
12:35 chez Jean-Baptiste Eclair, voir des éleveurs de chèvres et de poules pondeuses.
12:39 Tu vas voir, c'est le pareil.
12:41 Oui mais alors, il faut grimper comme une chèvre.
12:43 Ah oui, oui.
12:44 Bonjour.
12:46 Bonjour, bienvenue à Carus.
12:47 Oh mais qu'elles sont belles.
12:49 Ça crapailloute quand même beaucoup, les chèvres.
12:51 Ça monte, ça descend.
12:52 Oui, mais ça fait 50 ans qu'elles sont là.
12:54 Ici, Gachard, frère et sœur, comment se fait la répartition des tâches ?
12:59 Votre boulot, c'est quoi à vous Jean-Baptiste ?
13:01 Alors moi, je ne suis pas trop les papiers.
13:03 Si je comprends bien, Eclair s'occupe un peu de l'administratif ici ?
13:08 Un peu beaucoup, oui.
13:09 Quand on s'est installés, il y avait peut-être une journée par semaine de papiers.
13:12 Et là, on est à 2-3 jours par semaine.
13:14 Tu vois que c'est important de simplifier les normes, les règles,
13:17 pour faciliter la vie des producteurs et des agriculteurs.
13:20 Dans le métier, ce n'est pas de faire de la paperasse,
13:22 c'est d'élever des chèvres.
13:24 Bien sûr.
13:25 Qu'elles soient belles, en bonne santé, qu'elles donnent du fromage extraordinaire.
13:27 Eclair, combien de chèvres ici ?
13:29 Il y a une soixantaine d'adultes et une vingtaine de petites.
13:33 Chèvres et poules.
13:34 On a 650 poules.
13:35 Combien ?
13:36 650 poules.
13:37 650 poules.
13:38 Ah oui ?
13:39 Autrement dit, vous produisez combien d'œufs par an ?
13:41 On est autour de 200 000 œufs à peu près par an.
13:45 Et votre débouché principal, ce sont les marchés de la région ?
13:49 On travaille à 90% en direct sur les marchés.
13:54 Mais ce n'est pas courant de faire chèvres et poules ?
13:58 La polyculture, c'était la manière dont travaillaient nos aïeux,
14:02 nos grands-parents dans chaque village.
14:04 Chacun avait son cochon, sa chèvre, ses poules, ses canards,
14:07 son petit morceau de jardin.
14:08 Ils travaillaient la vigne.
14:10 Et on vivait très bien comme ça.
14:11 Et presque en autarcie, c'est-à-dire qu'on se nourrissait entièrement sur l'exploitation.
14:15 Tout à fait.
14:16 Et la cuisine, c'était les loges de la venteur.
14:18 Manger bon, il faut prendre le temps de cuisiner,
14:21 des bons produits et frais.
14:23 Ce qui est compliqué aujourd'hui quand on fait de la polyculture,
14:26 c'est que les normes s'additionnent.
14:28 C'est la solidarité ici qui s'exprime.
14:30 Il y a une entraide qui se fait entre les éleveurs.
14:33 On est tous solidaires et on a un peu les mêmes problèmes.
14:36 Donc quand il y en a un qui a un souci, il n'hésite pas à faire appel aux autres.
14:40 Et puis un agriculteur n'a pas le droit de tomber malade.
14:43 On ne peut pas le remplacer du jour au lendemain.
14:45 Donc s'il n'y a pas cette solidarité entre agriculteurs, entre éleveurs ou entre viticulteurs,
14:49 quand l'un d'entre eux a un pépin, qu'est-ce qui se passe à l'exploitation ?
14:54 On a parlé de vos fromages.
14:57 On n'a rien goûté encore.
14:59 On va y passer.
15:01 Allez, venez, venez !
15:03 On s'abdoque trop en vie.
15:05 Voilà les chèvres à la production de la ferme Carus.
15:11 Celui-là, j'aime bien en chèvre chaud.
15:13 Et là, les saveurs s'affinent.
15:15 Jusqu'au plus sec.
15:17 Il faut se faire plaisir.
15:19 Mais il faut partager aussi.
15:21 Il y a ce gras quand même, cette richesse crémeuse.
15:25 C'est bon, hein ?
15:26 C'est très bon.
15:27 Je pense qu'on pourrait bien l'accompagner avec un petit peu de vin rouge.
15:30 Je crois qu'il y a ce qu'il faut dans le Sud-Département.
15:32 Allez, on y va. On va à Limoux.
15:34 À Limoux, bien sûr !
15:36 Merci à vous.
15:38 Merci, Claire.
15:40 Qu'est-ce que c'est ce beau château, Sébastien ?
15:48 C'est le château de Flandry qui appartient à la cave du Sueur d'Arc.
15:52 Le Sueur d'Arc, c'est la coopérative de Limoux.
15:56 C'est là qu'on fait la principale de la Blanquette de Limoux.
15:59 C'est la plus grande sable du territoire de Limoux.
16:01 D'ailleurs, le président de la cave est là, Dan Lévine.
16:03 Ah ben, on va aller le voir.
16:05 Bonjour.
16:06 Qu'est-ce que vous êtes en train de faire, Pierre-Louis ?
16:08 Je suis en train de défeuiller parce que c'est vrai que cette année,
16:11 vous voyez, il y a des tâches de mildiou.
16:13 Le mildiou, c'est une moisissure qui s'attaque aux feuilles
16:16 et qui va empêcher l'assimilation chlorophyllienne, en quelque sorte.
16:19 C'est ça.
16:20 Mais aussi, ce qu'on a en spécificité, que l'on a cette année,
16:22 c'est qu'au-delà de l'attaque sur feuilles,
16:24 on a des attaques directement sur grappe.
16:27 De mémoire d'ancien, il y a très longtemps qu'on n'avait pas vu
16:29 des attaques de mildiou de cette ampleur.
16:31 Nous sommes dans un schéma de raisonnement au vignoble.
16:34 Et aussi, on utilise beaucoup plus de produits, je dirais...
16:37 Naturels ?
16:39 Des biocontrôles, qu'on appelle, c'est-à-dire
16:41 qui ont moins d'impact sur l'environnement.
16:43 Dans l'Aude, il y a pratiquement un vigneron dans chaque famille.
16:46 Aujourd'hui encore, c'est le premier secteur économique
16:49 du département de l'Aude, la viticulture.
16:51 On est dans une région relativement viticole,
16:53 l'Anguedoc, maintenant l'Occitanie,
16:55 qui produit à peu près 30% de la production de vins françaises,
16:58 14 ou 15 millions d'hectolitres par an.
17:01 Et le département de l'Aude tient toute sa part dans cette production.
17:05 À l'intérieur de l'appellation Limoux,
17:08 la cave coopérative en production représente combien ?
17:12 On représente à peu près 65 à 70%
17:15 des volumes produits sur l'aire d'appellation.
17:18 L'économie de ce territoire-là, de Limoux,
17:20 est assise sur la coopérative.
17:21 C'est la première entreprise du territoire
17:23 qui permet de mutualiser les moyens,
17:25 qui permet de mettre des moyens en place
17:27 pour pouvoir conquérir des marchés
17:28 et permettre à ces gens-là de vivre correctement dans leur pays.
17:31 Vous avez créé un événement ici, Toque et Clocher,
17:34 d'où ces bornes qui sont plantées en bout de rang
17:36 avec les noms des grands chefs.
17:38 Les grands chefs qui nous ont accompagnés,
17:39 qui nous ont parrainés depuis le début.
17:41 Et c'est une fierté pour nous,
17:42 associer le nom de ces grands chefs à nos produits.
17:45 Mais vous, Sébastien, vous êtes vigneron vous aussi.
17:48 Oui.
17:49 Indépendant ?
17:50 Indépendant et en bio.
17:52 La conduite bio coûte excessivement cher
17:54 parce qu'il faut travailler le sol,
17:56 passer très souvent, travailler à la main,
17:58 recruter beaucoup de monde.
17:59 Et que si derrière, vous ne pouvez pas valoriser
18:01 avec des produits de qualité,
18:03 avec des bouteilles, avec des bons prix,
18:05 vous ne pouvez pas vous en sortir.
18:07 Vous, ça vous tente, par exemple ?
18:08 Vous avez été tenté de faire vos productions en bio ?
18:11 Alors non, je le dis clairement,
18:13 parce qu'on est dans un climat un peu particulier à Limoux
18:16 où on le voit cette année, les difficultés que l'on a
18:18 avec une pression, une maladie importante
18:20 où la pérennité de nos exploitations peut être engagée, je dirais.
18:23 Sébastien, ça demanderait presque une harmonisation
18:25 parce que la finalité de tout ça,
18:27 c'est le consommateur sur l'étiquette.
18:29 Oui, et en plus, d'ici la fin de l'année,
18:31 avec les normes européennes, au niveau de l'étiquetage,
18:33 il va falloir rajouter la composition,
18:35 les ingrédients que vous trouvez dans le vin.
18:38 Comme une recette de cuisine ?
18:40 Comme une recette de cuisine, tout ça va rentrer.
18:41 Tout à fait.
18:42 Donc, on ne va pas dans la simplification des choses,
18:44 bien au contraire.
18:45 On ne va pas tellement dans le bon sens, là ?
18:47 Il est vrai qu'on rentre dans des schémas
18:49 vraiment très complexes
18:51 et qui vont être aussi très difficilement compréhensibles
18:55 par les consommateurs.
18:56 Comment le vigneron va réussir à gagner sa vie correctement,
18:59 va pouvoir continuer à travailler,
19:01 et l'agriculteur en général,
19:02 par rapport à toutes les normes qui lui sont imposées.
19:04 Sébastien, Pierre-Louis,
19:06 mille questions restent encore en suspens,
19:09 mais moi je dis, la réponse, elle est au fond de la bouteille.
19:11 Au fond de la bouteille.
19:12 Je pensais que vous nous attendiez.
19:38 On va appeler.
19:39 Roland ?
19:40 Ah, il est là.
19:42 Ah bonjour Roland.
19:44 Je l'attendais.
19:46 Merci de nous recevoir au Moulin.
19:48 Salut Sébastien, bonsoir.
19:50 Ce qui est extrêmement important avec un moulin à vin,
19:52 c'est qu'on n'est pas vraiment le maître du jeu.
19:55 C'est le moulin qui est notre maître.
19:57 Ce n'est pas un peu l'histoire aussi pour le pain.
19:59 Le boulanger n'est pas vraiment le maître de son pain,
20:01 il est dominé quand même par son pain.
20:03 Dominer, ce n'est pas forcément le bon terme,
20:05 mais ce qui est sûr, c'est qu'il faut se mettre au service d'eux.
20:09 Faire preuve de la plus grande abnégation.
20:11 Si on est enfermé dans les filtres terribles de l'ego,
20:14 à vouloir dominer la matière,
20:16 c'est-à-dire que si on veut absolument être dominant du pain,
20:20 on ne fait pas du pain, on fait un machin, un truc, un bidule.
20:23 On fait un outil pour saucer, pour manger des sandwiches, etc.
20:26 Mais le pain, c'est autre chose que ça.
20:28 Est-ce que ce n'est pas le génie du pain
20:31 de se laisser un peu emmener par la matière ?
20:36 Surtout si on fait ce qu'on essaie de faire ici depuis 20 ans,
20:41 ce qu'on appelle de la variabilité génétique.
20:43 - Des blés anciens.
20:45 - Autrement dit, quand en plus ces blés anciens,
20:47 on les fait pousser dans des sols vivants,
20:49 c'est le sol qui lui-même est nourri,
20:51 on ne met aucun intrant, et c'est la fertilité du sol
20:54 qui va nourrir ces blés, qui ont des génétiques différentes.
20:57 Autrement dit, on est dans un autre monde.
21:00 Quand un ministre vient parler à l'Assemblée nationale
21:03 de la chute de la biodiversité en disant
21:06 "on vient de perdre le dernier mâle rhinocéros blanc",
21:09 on voit la tête des députés, on n'a pas le sentiment
21:12 que ça les travaille beaucoup aux tripes.
21:14 Alors que quand on fait manger de la biodiversité,
21:17 je pense que c'est le meilleur moment.
21:19 Je pense même qu'elle peut parler au-delà du cerveau,
21:21 au-delà du cortex, au-delà du système cognitif,
21:23 elle va parler aux cellules.
21:25 Si je suis venu dans l'alimentation,
21:27 c'est parce que je pense que le socle pour construire
21:31 quelque chose qui peut participer à donner les moyens
21:35 à nos contemporains de se conscientiser,
21:37 d'ouvrir leur esprit, d'ouvrir leur cœur,
21:40 d'ouvrir leur liaison.
21:42 Je pense que le moyen le plus efficace,
21:45 efficient, simple, facile, accessible à tous,
21:48 c'est l'alimentation.
21:50 Le socle de l'alimentation, ça demeure quand même le pain.
21:53 Nous on a environ, suivant comment on regarde
21:56 les données scientifiques, entre 31 000 et 40 000 gènes.
21:59 Un gène, c'est une carte programme, entre guillemets.
22:02 Le grand épôtre ancien en a 145 000.
22:05 Ce qui veut dire que sur le plan de l'inné,
22:07 il est plus intelligent que nous.
22:09 - Qu'est-ce que vous pensez du gluten bashing ?
22:13 - Je pense que c'est difficile de mettre en juste opposition
22:17 un aliment dont, grosso modo, justement,
22:20 on nous dit depuis 2000 ans qu'il représente le sacré,
22:23 le divin, etc., et d'en faire le diable,
22:26 je pense que c'est nous qui avons un souci.
22:28 C'est pas le gluten en tant que tel.
22:30 C'est pas le pain qui a un souci.
22:32 Surtout que ce que l'on raconte sur le gluten,
22:35 c'est un tissu de bêtise, de mensonges éhontés.
22:39 - D'accord.
22:40 Donc il faut réapprendre à manger.
22:44 - Roland, vous avez quand même quelques petits pains pour nous,
22:47 pour nous montrer votre travail.
22:49 - Voilà trois exemplaires qui sont intéressants
22:51 parce qu'on a trois étages de la généalogie du blé.
22:54 Dont la couleur de la mie est parfaitement naturelle.
22:58 - Vous savez quoi, Roland ?
23:03 Votre pain, il a le goût du grain.
23:06 - Bon, Sébastien, vous m'avez présenté des gens formidables.
23:22 Alors c'est mon tour de vous emmener chez un très grand chef,
23:26 Gilles Goujon.
23:28 Alors Gilles, ça m'étonne pas trop de te retrouver dans ton jardin
23:31 parce qu'il faut bien le dire, quand on est un grand chef,
23:34 il faut des grands produits.
23:36 D'ailleurs, il y en a une qui nous fait de l'oeil là.
23:38 - Elle est vachement bien.
23:39 - Elle va nous servir pour la recette.
23:41 - Courgette d'oni, c'est pour ça qu'elle a cette forme.
23:44 - C'est la meilleure courgette, la chair de cette courgette
23:46 est la meilleure courgette du monde.
23:48 - Allez, direction la cuisine, Gilles.
23:50 - Il est trop mignon, le chef, avec ses petites fleurs.
23:53 - C'est monsieur le sénateur qui va farcir.
23:57 - Je vous montre une.
23:59 - Il nous faut juste un petit peu pour voir.
24:01 Refermez. D'accord.
24:03 - Allez.
24:05 - On commence par le fond et on tourne.
24:07 Encore, encore, encore. C'est parfait.
24:10 Alors, on referme et après on tourne.
24:13 Alors pendant qu'on fait la petite sauce blanquette
24:15 et que la selle cuit, on va mettre ça au fond vapeur.
24:18 Et on est prêt.
24:20 - On a passé une journée incroyable.
24:22 On a le sentiment que cette croisade albigeoise
24:25 a été en fait l'annexion de l'Occitanie au Royaume de France.
24:29 - Ce qu'il faut savoir, c'est que l'Occitanie,
24:31 le territoire occitan et le territoire qui a vu naître
24:33 les troubadours, l'amour courtois, l'accueil, l'hospitalité.
24:36 - La poésie un peu dans la vie. - La poésie, tout à fait.
24:39 Donc ça, on est fiers de cette histoire.
24:41 - Ce département de l'Aude a énormément d'atouts.
24:45 - Parce qu'on a un territoire béni des dieux.
24:47 La montagne, vous l'avez vu, la Carcassonne,
24:49 c'est un pays où on trouve tout de suite
24:51 un concentré de France, ce département.
24:53 Et le Sénat, justement, c'est un lieu qui représente
24:56 l'ensemble de cette diversité française
24:58 de sous ces départements.
25:00 Et je crois que cette chambre haute représente bien
25:02 ce qu'est la France, nos traditions et notre histoire.
25:05 - Qu'est-ce qui permet d'agréger les Occitans
25:07 qui ont un caractère particulier à cette nation française ?
25:10 - Les profs, on les met attachés à la République.
25:12 En Occitanie, nous ne sommes pas des séparatistes.
25:14 Mais que la République tienne compte de nos spécificités,
25:17 de nos traditions, de nos savoir-faire.
25:19 Et la richesse de la France, c'est ça.
25:21 - On sent bien que votre territoire, il vous anime,
25:24 en quelque sorte, il vous nourrit.
25:26 - C'est mon sang.
25:28 Quelle chance que l'on a de vivre dans un jeune pays
25:30 aussi extraordinaire et formidable.
25:32 Soyons-en fiers et que le pouvoir central
25:35 donne la parole et mette en avant justement
25:38 ces spécificités-là de l'ensemble de nos territoires,
25:41 à la fois métropole et nos territoires ultramarins.
25:44 - Et voilà, messieurs, on est prêt !
25:47 - Oh, quelle merveille ! Qu'est-ce que c'est ?
25:49 - La selle de chevraud, avec un peu de tomate,
25:53 avec un petit beurre d'herbe à l'intérieur.
25:55 La fameuse courgette-fleur du sénateur.
25:59 Une belle planquette de riz de veau champignon.
26:03 - Oh là là !
26:05 - Un tout petit petit morceau de cèpe.
26:08 Et là, justement, le fameux jus de chevraud.
26:11 - Ah la népite !
26:13 - Dans le jus de chevraud.
26:16 Merci, monsieur le sénateur, de tant de bonheur.
26:19 Un bonheur que vous partagez, j'espère, avec nous.
26:22 Alors, le plat, ça sera difficile,
26:24 mais évidemment, l'émission, elle vous est entièrement offerte.
26:27 Et vous la retrouverez d'ailleurs sur la plateforme publicsenat.fr.
26:31 À très vite. Là, maintenant, on ne peut plus rien pour vous.
26:34 ...
26:45 - C'était "Manger ses vôtés"
26:48 avec Mutualia, la mutuelle des territoires.
26:51 territoire.
26:52 [Musique]