AVENIR - Interview de Maxime Chattam au sujet de son dernier roman, Lux
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00:00 C'est vrai, mais je pense que c'est un roman dans lequel il y a justement beaucoup de sujets
00:14 qu'on n'attend pas, en tout cas pas dans mes livres habituellement.
00:16 C'est un livre qui parle d'écologie, qui parle du climat, de la peur du changement
00:23 climatique, qui parle des mœurs, des changements dans la société, des rapports hommes-femmes,
00:28 qui parle de notre rapport à la politique, à la crise économique globale et au fond
00:35 finalement au changement de civilisation.
00:36 Ce sont des thématiques qui sont plutôt angoissantes, stressantes, donc théoriquement
00:41 on doit pouvoir faire un thriller avec tout ça.
00:43 C'est un roman qui est tellement différent de mes romans précédents, qui est un roman
00:47 plus solaire, c'est un roman d'aventure, philosophique, avec un grand mystère, c'est
00:52 ça qui nous porte dans le livre.
00:53 Ça reste encore un livre qui me permet de faire un portrait de la société dans laquelle
00:57 je vis et de me dire dans Le Signal je m'intéressais à ça, dans L'Illusion à ça.
01:03 Et donc dans chaque livre j'essaie d'avoir un angle différent pour tourner autour de
01:09 ce que nous sommes en fait, la société, les êtres humains.
01:11 Ce n'est pas un combat personnel du tout, c'est une préoccupation.
01:20 Ce qui est certain c'est que la littérature de divertissement populaire, donc ce que je
01:25 fais, ce que j'incarne notamment, elle a je crois ce devoir pour aller au bout de son
01:31 utilité de pas seulement divertir mais de se servir du prétexte du divertissement pour
01:37 amener à interroger.
01:38 Et à partir du moment où je fais ça, si mon livre est équilibré, le lecteur, la
01:42 lectrice est censée sortir du livre avec des interrogations et des moments où elle
01:46 s'est renvoyée à elle-même toutes les questions du livre.
01:49 C'est ça un livre qui fonctionne.
01:50 Donc oui un livre comme celui-ci c'est un livre qui doit divertir, mais au-delà de
01:54 ça, il faut qu'on sorte du livre avec des interrogations et de creuser tout simplement.
01:58 Si un livre arrive à avoir ce pouvoir d'interaction avec ses lectrices, ses lecteurs, si on en
02:03 sort avec des questions et qu'on va creuser sur internet la question ou qu'on continue
02:08 d'évoluer dans sa tête avec ses questions ou qu'on va en parler avec d'autres, le
02:11 livre a fonctionné.
02:12 Pour moi, Romy, elle est juste là parce que j'ai envie d'un livre qui représente
02:22 le monde dans lequel je vis et le monde dans lequel je vis aujourd'hui, il permet à
02:26 tous d'être ce dont il a besoin.
02:28 On est né dans le corps d'un homme mais on voulait être une femme ou inversement.
02:33 Aujourd'hui, on peut accompagner les gens pour y parvenir et c'est normal et c'est
02:37 bien.
02:38 C'est rare dans les livres.
02:39 Donc je voulais juste dire, mes livres, il y a des hommes, il y a des femmes, mais il
02:43 y a aussi des gens qui sont différents de ça et qui ont besoin de faire cette transition-là.
02:47 C'est juste représenter le monde tel qu'il est, tel que je le vois, tel que je l'aime
02:51 et tel que j'aimerais qu'il soit dans toutes les lectures.
02:53 J'ai écrit beaucoup sur les tueurs en série, je n'ai jamais tué personne, mais je n'ai
02:57 jamais été flic non plus.
02:58 C'est ça le métier de romancier, c'est se glisser dans la peau des autres et faire
03:01 l'éponge, s'imprégner et parvenir à restituer ça dans un récit.
03:07 Et donc à un moment, il faut être capable de le faire de manière différente et de
03:11 voir de quelle manière on a envie de raconter le monde dans lequel on vit avec sa diversité,
03:16 avec tout ce qu'il y a de beau dans ce monde de possibilités.
03:20 Le personnage de Romy est né comme ça.
03:21 À très très très très très long terme, on est totalement foutu, ça je n'ai aucun
03:30 doute.
03:31 On pourrait penser que je suis quelqu'un de très négatif, en fait non, je suis fondamentalement
03:35 optimiste.
03:36 Moi je crois fondamentalement en l'être humain.
03:38 Je suis convaincu qu'on a cette ressource en nous et qu'on trouve toujours des solutions,
03:43 qu'on s'adapte.
03:44 Le monde de demain, le monde dans 50 et 100 ans va être très différent de celui qu'on
03:48 vit aujourd'hui à cause de ces problématiques écologiques.
03:50 Je crois aussi que quand on est au pied du mur, confronté à quelque chose d'extrêmement
03:54 violent et dur, qu'on n'a plus le choix, on arrive à faire bloc et à construire,
03:59 à trouver des solutions.
04:00 La vraie difficulté, c'est d'arriver à faire un bloc commun et pas une multitude
04:06 de blocs en fonction des pays, des nationalités.
04:12 Parce que la première conséquence la plus évidente de ces changements-là, c'est
04:15 qu'en changeant le monde, vous allez devoir changer énormément la géographie, les climats.
04:19 Donc les pays et les nations vont devenir invivables.
04:22 Il va y avoir des flux migratoires formidables, formidables au sens gigantesque.
04:27 Aujourd'hui, c'est un sujet, les migrations dans beaucoup de pays, ça ne sera plus un
04:32 sujet, ce sera la préoccupation quotidienne dans quelques décennies.
04:36 Parce que tôt ou tard, il y a des dizaines et des dizaines de pays qui seront les seuls
04:40 encore à peu près viables, ne serait-ce qu'au niveau de l'agriculture et de l'élevage.
04:43 Et eux vont se prendre dans la tête des flux migratoires colossaux.
04:48 Il faudra être capable de les absorber et de trouver des solutions pour que tout le
04:53 monde puisse vivre ensemble, travailler ensemble dans des sociétés qui déjà n'ont plus
04:56 beaucoup de travail.
04:57 Il va falloir repenser à la société de demain.
04:59 Et moi là où je suis optimiste, c'est que je pense qu'on peut y arriver.
05:01 J'ai envie de croire à ça.
05:02 Je n'ai pas envie de croire que l'avenir du monde, ça va ériger des murs pour se
05:06 protéger, pour se fermer égoïstement parce que nous, on a la chance d'être nés là
05:12 où il fallait et que nos enfants aussi.
05:15 C'est ce que j'essaie de transmettre à mes enfants, c'est ce que j'essaie de transmettre
05:18 dans mes livres.
05:19 J'espère qu'on aura plus de gens qui veulent travailler de concert plutôt que de gens
05:24 qui vont faire des murs avec des mèches oranges sur leur crâne, sans citer quelqu'un.
05:31 Merci.
05:32 Au revoir.
05:32 ♪ ♪ ♪
05:35 [SILENCE]