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Un très bon reportage TV sur la face cachée du géant américain d'internet Google.

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00:00 C'est mon ami intime.
00:04 Tous les jours, je lui pose toutes sortes de questions.
00:07 Un hôtel pas cher, un restaurant coréen, des horaires de train,
00:14 une recette de cuisine.
00:15 Google ne me quitte jamais.
00:17 En quelques secondes à peine, il a réponse à tout.
00:21 C'est ça, la magie de Google.
00:23 Google, c'est aussi mon programme télé et mon traducteur préféré.
00:29 Je ne peux plus m'en passer.
00:31 Grâce à la messagerie Gmail, j'écris où je reçois des mails,
00:34 j'organise mon agenda et cet ami me suit partout.
00:38 En voiture, je ne me déplace plus sans Google Maps.
00:42 Dans la rue, je passe des coups de fil avec un téléphone Android
00:49 exploité par Google.
00:51 Je peux même lui parler.
00:53 Il me fait des nouvelles.
00:55 Il me fait des nouvelles.
00:57 Je peux même lui parler.
00:59 OK, Google, quel temps va-t-il faire aujourd'hui ?
01:02 - Prévision concernant Paris pour aujourd'hui,
01:06 17 degrés avec un ciel partiellement nuageux.
01:09 - Google est devenu mon magasin en ligne
01:12 grâce à son comparateur de produits, Google Shopping.
01:15 Je peux aussi acheter des billets d'avion
01:18 sur le comparateur de vol Google Flights,
01:20 regarder les derniers clips à la mode sur YouTube,
01:23 le site vidéo de Google.
01:26 Alors, à force de vivre en permanence avec Google,
01:29 il connaît mes goûts, mes rendez-vous,
01:32 mes vidéos préférées, ce que j'aime acheter
01:34 ou je pars en vacances.
01:36 Bref, il sait tout de moi.
01:38 Et moi, que sais-je de Google ?
01:40 - Google veut tout savoir sur nous,
01:44 mais il veut qu'on ne sache rien sur lui.
01:46 - En 17 ans, Google est devenu le moteur de recherche
01:50 le plus riche du monde,
01:51 avec 66 milliards d'euros de chiffre d'affaires
01:54 et un million de nouveaux chiffres d'affaires.
01:57 A sa tête, deux hommes aux ambitions les plus folles.
02:00 Faire rouler des voitures sans conducteur,
02:03 créer des robots pour remplacer les hommes.
02:05 - Tous les jours, je me demande
02:07 comment je vois le futur et comment puis-je le créer ?
02:10 - Alors, peut-on faire confiance à Google ?
02:14 Au fil de mon enquête, je vais aller de surprise en surprise.
02:18 Aux Etats-Unis, au siège de la firme,
02:21 je vais découvrir que derrière l'ambiance de club de vacances,
02:24 tout est fait pour rendre les salariés
02:26 les plus productifs possibles et que certains finissent par craquer.
02:30 - J'ai fait un burn-out à force d'être connecté tout le temps.
02:34 - En Irlande, à Dublin, je vais comprendre
02:38 comment Google réussit à gagner beaucoup d'argent
02:41 grâce à la publicité, tout en payant un minimum d'impôts.
02:44 En France, je vais voir à quel point Google nous suit à la trace
02:50 dans notre vie quotidienne.
02:52 Et ça commence même à l'école.
02:55 Des traces parfois embarrassantes et difficiles à effacer.
03:00 Enfin, à Londres, je vais découvrir
03:05 comment Google livre nos données personnelles
03:08 au service de renseignements à notre insu.
03:11 - Créer la machine d'espionnage du futur.
03:15 - Faut-il avoir peur de Google ?
03:18 Comment ce moteur de recherche est-il devenu aussi puissant ?
03:22 Enquête sur la face cachée du géant du Net,
03:26 le plus secret du monde.
03:28 ...
03:34 Google, c'est d'abord une success story,
03:38 comme l'Amérique les aime.
03:40 ...
03:47 Comme souvent dans les belles histoires,
03:49 celle de Google commence en Californie,
03:51 sur le campus de la prestigieuse université de Stanford.
03:55 Nous sommes en 1995.
03:57 Larry Page et Sergey Brin sont alors étudiants en informatique.
04:02 Ces deux jeunes surdoués ont un projet de thèse un peu fou,
04:05 créer un nouveau moteur de recherche pour surfer sur Internet.
04:09 Leur professeur de l'époque, Terry Vinograd,
04:12 est fier de jouer les guides pour les journalistes.
04:15 ...
04:17 - Lydia, il y a une équipe de télé française
04:19 qui fait un reportage sur Google.
04:22 Et comme tu le sais, ton bureau est célèbre.
04:24 - Oui, je sais.
04:25 - Larry avait son bureau ici,
04:27 et celui de Sergey était là-haut avec un autre groupe.
04:30 - Dire que je mets mes pieds là où Larry Page
04:33 a entreposé les premiers serveurs de Google !
04:35 ...
04:37 Pour créer leur moteur de recherche,
04:39 ils vont d'abord enregistrer et stocker
04:41 des millions de pages Internet sur des disques durs.
04:45 Mais à l'époque, les deux étudiants ont peu d'argent.
04:47 Ils doivent faire appel à leur imagination
04:50 pour protéger leur bibliothèque numérique.
04:52 Comment témoignent ces drôles de constructions en Lego
04:55 qui trônent dans l'entrée de l'université ?
04:58 ...
04:59 - Voici les premiers disques durs
05:01 où ils ont enregistré toutes les pages du Web de l'époque.
05:04 Comme ils n'avaient pas les moyens de s'acheter un boîtier
05:07 pour protéger leur disque, ils ont fait un boîtier en Lego.
05:10 C'était solide, ça marchait bien, c'était amusant.
05:13 Ils avaient un côté très enfantin.
05:15 - L'imagination débordante de ces deux grands enfants
05:18 attire les investisseurs.
05:19 Encore étudiants, ils décrochent un chèque de près de 100 000 euros.
05:23 Leur chèque en poche,
05:25 ils s'installent, comme toutes les start-up, dans un garage.
05:28 C'est ici que naît Google en 1998.
05:31 Très vite, le moteur atteint les 3 millions de requêtes par jour.
05:36 Plus rapide, plus performant,
05:38 Google dame le pion à ses concurrents de l'époque
05:41 comme Lycos ou Altavista.
05:43 6 ans plus tard, Google entre en bourse.
05:46 Les 2 fondateurs deviennent en une journée
05:49 les nouveaux milliardaires de la Silicon Valley.
05:52 Aujourd'hui, à 42 ans,
05:55 Larry Page et Sergey Brin pèsent chacun 30 milliards d'euros
05:59 et font partie des 20 plus grosses fortunes mondiales.
06:03 Alors, forcément, vu comme ça,
06:05 Google a une chance.
06:08 Alors, forcément, vu comme ça,
06:10 Google, ça fait rêver.
06:12 J'aurais bien aimé rencontrer les fondateurs,
06:21 voir leurs équipes travailler
06:23 pour comprendre comment fonctionne cette énorme machine.
06:26 J'ai donc envoyé un mail à leur service de presse.
06:29 Quelques jours plus tard, voici la réponse de Google.
06:33 "Nous n'avons pas de bande passante suffisante
06:36 "pour nous engager dans un reportage."
06:38 Drôle d'expression pour me dire qu'ils n'ont pas le temps.
06:43 Alors, je me suis invitée sur leur terre, en Californie.
06:49 Au cours de mon voyage, je vais constater
06:52 que l'esprit start-up, cher à ces 2 ingénieurs,
06:55 a bien changé.
07:04 Voici San Francisco et son célèbre Golden Gate Bridge.
07:08 Je suis en route pour la Silicon Valley.
07:12 C'est ici que l'empire Google est né.
07:15 Le logo est à lui seul une adresse,
07:17 omniprésent à chaque coin de rue.
07:19 Le géant du Net occupe une trentaine de bâtiments
07:23 et il attire les touristes du monde entier.
07:26 Mets-toi là, près de la voiture Google.
07:31 Ce jour-là, un groupe d'étudiants japonais
07:34 prend la pause devant un véhicule qui a fait le tour du monde.
07:37 Cette voiture un peu étrange a cartographié la planète
07:40 et c'est grâce à elle que l'on peut se localiser.
07:43 -Oui ? -Merci.
07:44 -Que pensez-vous de Google ? -C'est sympa.
07:47 C'est génial. Ils ont des super bureaux.
07:50 -Vous aimeriez travailler ici ? -Oui.
07:53 -Voilà ce qui fait rêver les jeunes.
07:57 Au siège de Google, à Mountain View,
07:59 l'ambiance est plutôt cool.
08:02 Beach volley, petits coins bars à l'ombre,
08:05 déjeuner gratuit en terrasse,
08:07 on se croirait dans un club de vacances.
08:10 Les salariés, qu'on appelle les "Googlers",
08:12 ont en moyenne moins de 30 ans et tous ont l'air très heureux.
08:16 Quand je les interroge discrètement, ils ne disent pas autre chose.
08:20 -C'est cool de travailler ici ? -Oui.
08:23 Regardez.
08:24 Je travaille ici depuis un an.
08:27 L'énorme avantage, c'est la nourriture gratuite.
08:32 Ça, c'est top.
08:33 On est très bien payés,
08:36 donc ça résout pas mal de problèmes au quotidien.
08:39 Les conditions de travail sont incroyables.
08:41 -Il y a des enfants partout ? -Non, pas tous les jours.
08:44 Là, c'est juste une journée spéciale
08:48 où les salariés peuvent venir travailler avec leurs enfants.
08:52 -Pour cette journée spéciale enfants de Googlers,
08:55 tout est prévu.
08:57 Jeux, activités en plein air, à la gloire de Google.
09:00 Et pour finir, une jolie photo souvenir.
09:03 Comme cette jeune fille, fière d'afficher sur son écriteau
09:06 que son papa travaille chez Google.
09:09 C'est comme ça que la firme américaine construit son mythe.
09:12 Pour nous convaincre que l'ambiance est aussi cool à l'intérieur,
09:16 Google a mis en ligne ses vidéos.
09:18 Cantine gratuite, salle de gym, fauteuil de massage, baby-foot...
09:23 Bref, à en croire ses belles images,
09:25 Google, c'est l'endroit rêvé pour travailler.
09:29 Chaque mois, l'entreprise recrute des dizaines de nouveaux salariés.
09:33 Mais devenir un Googler n'est pas donné à tout le monde.
09:36 L'entreprise reçoit 2,5 millions de CV par an
09:39 et n'en retient en moyenne que 7 000.
09:42 La firme a l'embarras du choix et la sélection est impitoyable.
09:46 David Bizer est un ancien chasseur de Googlers.
09:54 Pendant 7 ans, cet Américain a participé
09:56 à l'embauche de 5 000 salariés en Europe.
09:59 Pour comprendre les méthodes de recrutement du géant du Net,
10:02 il nous montre cette vidéo qu'il a réalisée pour le site.
10:05 Google réunit les personnes les plus créatives de la planète.
10:09 C'est pour ça que nous souhaitons savoir ce que vous avez d'unique
10:13 et voir en quoi vous pouvez devenir un pur produit Google.
10:16 Avant de devenir un pur produit Google,
10:19 il faut d'abord passer 8 entretiens en moyenne.
10:22 Et parfois, c'est bien pire.
10:25 -Une fois, un candidat qui postulait pour un poste marketing
10:29 a passé 21 entretiens.
10:31 C'est un cas extrême, bien sûr.
10:33 Pourtant, le pire dans cette histoire,
10:36 c'est qu'à la fin, j'ai dû l'appeler pour lui dire
10:39 qu'il n'était pas pris.
10:40 -Google veut embaucher les plus créatifs et les plus diplômés.
10:44 Ce qui fera la différence, c'est un critère plutôt étonnant,
10:48 la "googlitude".
10:50 -C'était à propos de ce qu'on appelle
10:52 "le "googlitude".
10:54 Ca veut dire "qu'avez-vous fait d'impressionnant dans votre vie ?"
10:58 Ce n'est pas juste dire "j'aime voyager, j'aime faire du bateau".
11:02 C'est plutôt "j'ai appris à faire du bateau quand j'avais 5 ans,
11:05 "j'ai fait partie d'un club,
11:07 "j'ai fait de la compétition à haut niveau et j'étais bon.
11:11 "J'ai participé à des régates nationales,
11:14 "j'ai eu des récompenses."
11:16 Bref, c'est ce niveau d'intensité que Google recherche.
11:19 -La "googlitude", cette expression créée de toutes pièces
11:23 par les fondateurs, n'a qu'un but.
11:25 Repérer ceux qui seront capables de tout donner pour Google.
11:29 Celui qui connaît le mieux la "googlitude"
11:32 se trouve dans ce restaurant,
11:34 à 30 minutes du siège du géant du Net.
11:37 -Deux poulets au curry.
11:38 -Charlie Hyers est un mythe pour les "googlers".
11:42 C'est lui qui a créé la "googlitude".
11:44 -C'est un truc qui est très, très, très, très, très, très, très,
11:48 très, très, très, très, très, très, très, très, très, très, très, très, très.
11:52 -C'est lui qui a créé la cantine de Google,
11:55 et en a fait la meilleure de toutes les entreprises de la Silicon Valley.
11:59 -Ici, on sert entre 125 et 200 repas par jour.
12:02 -Et chez Google, c'était combien ?
12:05 -Ah, c'était des milliers par jour.
12:07 -Ce qui a fait le succès de sa cuisine,
12:10 ce sont ces petits plats dignes des meilleurs restaurants,
12:13 avec des ingrédients locaux et bio.
12:15 -Ma spécialité, c'est un plat végétarien.
12:20 Il y a du riz complet, une purée de choux-fleurs,
12:22 une bonne poêlée de légumes et de champignons,
12:25 des oignons caramélisés et des carottes.
12:27 -Vous faisiez les mêmes recettes chez Google ?
12:30 -Oui. La mission était de faire des menus bons pour la santé
12:33 et qui n'intoxiquent pas le corps des salariés
12:36 pour qu'ils puissent rester concentrés toute la journée.
12:40 C'est mieux que de leur offrir un plat bien lourd à digérer
12:43 et dormir après le repas.
12:45 En fait, mes menus augmentaient leur productivité.
12:47 -Bien nourrir ses salariés pour les faire travailler plus,
12:51 c'est ça, l'une des recettes du succès de Google,
12:54 inventée dès le départ.
12:55 Charlie a été l'un des premiers salariés embauchés
12:58 par les fondateurs.
12:59 -Ah, c'était il y a longtemps.
13:01 -Vous vous reconnaissez ?
13:03 -Oui, mais j'ai l'air bien plus jeune.
13:06 -Sur cette vidéo de 1999, on voit le jeune Charlie.
13:11 Et dans la queue, les deux patrons de Google,
13:13 Larry Page et Sergey Brin.
13:15 Dès cette époque, ils ont quelques astuces
13:18 pour rendre les salariés plus efficaces.
13:20 -Larry m'a demandé d'afficher le menu à la dernière minute
13:23 pour éviter que les salariés n'aillent manger au restaurant.
13:27 Parce qu'une journée d'ingénieur, ça coûte cher.
13:30 S'ils prennent trop de temps pour leur pause déjeuner,
13:33 la productivité ne monte pas, elle s'effondre.
13:40 Donc, mon menu, c'était la surprise du chef tous les jours.
13:44 -Ca fonctionne si bien que la cantine de Google
13:50 devient vite un lieu de vie incontournable
13:52 pour les salariés et les anciens s'en souviennent
13:55 comme si c'était hier.
13:56 Christophe Pépin est un ancien Googleur.
14:00 Pendant ses temps, il a travaillé comme commercial chez Google.
14:06 Aujourd'hui, il est fier de nous montrer son album souvenir.
14:10 Il a bien connu les avantages de la firme
14:12 et ses effets sur les salariés.
14:14 -La magie du système, c'est que, sans s'en rendre compte,
14:22 on va avoir envie de bien faire, quoi.
14:25 Quand vous avez fait un break de 30 minutes
14:27 parce que vous avez pu vous dégourdir les jambes, les bras, les yeux,
14:31 faire un petit baby-foot, une partie de PlayStation
14:33 avec vos collègues,
14:35 vous retournez à votre poste de travail...
14:37 à fond, quoi.
14:40 -A la cantine, les salariés dînent souvent en famille,
14:43 même le soir.
14:44 Chez Google, vie privée et vie professionnelle
14:47 n'ont plus de frontières.
14:48 -L'idée de leur offrir le repas du soir,
14:52 c'est aussi de dire qu'on ne veut pas que vous vous préviez
14:55 de voir votre femme et vos enfants.
14:57 Dites-leur de venir, ils vont manger avec vous,
15:00 vous leur faites la bise,
15:01 les enfants, la petite famille retournent à la maison,
15:04 et vous, s'il vous reste 2 heures de travail,
15:06 vous pouvez le faire, vous êtes contents,
15:09 vous avez vu vos enfants avant qu'ils se couchent.
15:11 Comme vous êtes contents, vous retournez travailler
15:14 l'heure qui vous reste,
15:16 vous rentrez à la maison contentes,
15:18 et de jour en jour, on est contents.
15:20 C'est aussi simple que ça.
15:21 Applaudissements
15:23 -La cantine est bien plus qu'un restaurant d'entreprise.
15:26 Sur cette vidéo mise en ligne sur Google,
15:29 les salariés n'hésitent pas à y dévoiler leur vie privée.
15:32 -Tell me that's not baby !
15:35 Tell me that's not baby !
15:37 Applaudissements
15:39 -Comme ce Googleur qui fait une demande en mariage
15:41 devant ses collègues de bureau.
15:43 Applaudissements
15:45 ...
15:47 -Il y a un moment où la vie...
15:50 Chez Google peut devenir la vie tout court,
15:54 une raison d'être, une raison de faire.
15:58 Et là, ils se projettent éventuellement à long terme.
16:02 -Entrer chez Google, c'est entrer dans une nouvelle famille.
16:06 -Mais pour ceux qui en ont déjà une, comme Christophe,
16:09 cela peut devenir un peu lourd.
16:11 Cette culture d'entreprise a fini par peser sur sa vie de famille.
16:16 Au bout de ses temps, il a préféré partir.
16:19 -Il y a 3 ans, ça a été aussi une période
16:23 où je voulais consacrer un peu plus de temps à mes enfants.
16:26 J'ai eu un petit peu envie de...
16:28 Un petit peu de lever le pied, aussi.
16:30 -La Googlitude ne convient pas à tout le monde,
16:33 et ceux qui ont du mal à s'intégrer s'en vitent remercier.
16:37 C'est ce qui est arrivé à un ancien salarié
16:41 que nous avons contacté par téléphone.
16:44 Voilà ce que lui a dit son chef le jour de son licenciement.
16:48 -Il m'a juste répondu
16:50 "Tu es culturellement incompatible."
16:52 Et là, sur le coup, ça veut dire quoi ?
16:54 A la réflexion, après,
16:56 je pense que le mot "culturellement incompatible"
16:59 voulait dire surtout "pas assez dans le moule",
17:01 "pas assez aligné sur la culture Google."
17:04 -Ca veut dire que vous n'étiez pas assez "googlée" ?
17:07 -Ah oui, clairement.
17:08 C'est un peu la même chose qu'on retrouve chez Disney, Apple,
17:12 toutes ces boîtes-là,
17:13 cette capacité à s'injecter un peu de la DN de la boîte,
17:16 mais à un point où on laisse son cerveau au rétard.
17:20 C'est pas aussi caricatural qu'une secte,
17:22 mais on sent qu'il y a un poids comme ça,
17:25 un peu indicible, mais très présent.
17:27 -Cette culture de la "googlitude",
17:32 d'anciens salariés de Google l'ont dénoncée sur ce blog.
17:36 La plupart, anonymement.
17:38 Stress, fatigue, productivité,
17:43 ces témoignages bousculent le mythe de l'entreprise parfaite.
17:47 L'un des seuls anciens "googlers" qui ose signer de son nom,
18:07 c'est Joe Cannella.
18:09 Je décide d'aller le rencontrer.
18:12 Retour en Californie,
18:15 au dernier étage de cette maison typique de San Francisco.
18:19 Joe prend enfin le temps de profiter de cette vue unique.
18:23 -On voit bien le Golden Gate, là-bas,
18:27 juste à gauche de l'église.
18:29 -Joe a quitté Google il y a deux ans,
18:33 après y avoir travaillé pendant neuf ans.
18:35 De ses années Google,
18:38 il a gardé cette drôle de couverture qu'il a lui-même fabriquée.
18:42 -Ha !
18:43 Ca, c'est tous les T-shirts que je portais
18:46 quand j'étais chez Google.
18:48 Là, y a le T-shirt de Charlie, le chef-cuisinier.
18:51 Ma vie a été "googolisée".
18:55 J'étais un "googler", je mangeais Google,
18:58 je portais des T-shirts Google, etc.
19:01 -A l'époque, Google est devenu rapidement sa nouvelle famille.
19:05 -Aller au bureau, c'était comme rentrer à la maison.
19:09 Je travaillais tout le temps,
19:10 j'envoyais des mails à 2 ou 3h du matin.
19:14 C'était comme une seconde nature.
19:15 C'est vrai dans beaucoup de grandes sociétés,
19:18 mais chez Google, la culture d'entreprise est forte et sympa.
19:22 Si vous ne faites pas attention,
19:24 Google peut prendre une grande part de votre identité.
19:27 -Mais au bout de neuf ans, Joe finit par craquer.
19:31 -J'ai fait un burn-out,
19:35 à force d'être connecté tout le temps.
19:37 Ce qui est unique chez Google, c'est que vous ne le voyez pas venir.
19:41 Tout le monde vous dit sans arrêt
19:44 que vous seriez fou de quitter une entreprise si géniale.
19:47 Du coup, je n'arrivais pas à me convaincre
19:51 que je pouvais avoir une vie en dehors de Google.
19:54 Qui nous a offert tout ça ?
19:59 -Désormais, pour lui, une nouvelle vie commence.
20:03 Cet ancien célibataire sera bientôt papa pour la première fois.
20:06 -Vous êtes prêts, les gars ? Nous, on est prêts.
20:09 -Joe est prêt à vivre sans Google,
20:12 loin de son ancien métier de commercial.
20:15 Parmi les 54 000 Googlers,
20:18 il y a de nombreux ingénieurs,
20:20 mais aussi des commerciaux qui vendent de la publicité.
20:23 Le moteur de recherche est gratuit.
20:26 C'est grâce à la pub que Google gagne de l'argent.
20:29 Ses annonces, c'est même 90 % de ses revenus.
20:32 ...
20:43 Retour à Paris.
20:45 Allons faire un peu de shopping.
20:47 -Quelle pièce tu veux qu'on mette en avant ?
20:50 -Ces chemisiers, ces vestes, ces robes
20:54 sont des vêtements de grandes marques.
20:56 Renaud les vend à prix cassé sur son site Internet.
21:00 -On a plus de 100 000 robes.
21:02 -Son produit phare, les robes.
21:05 Pour les écouler sur le web, il a un moyen simple et efficace.
21:09 Il fait de la publicité sur Google.
21:11 -Je voulais voir avec toi,
21:13 le positionnement sur Google.
21:15 -Dès qu'il tape les mots "robe", "occasion", "noir"
21:19 sur le moteur de recherche, voilà le résultat.
21:22 Son site est en tête dans une partie réservée à la publicité.
21:28 Identifiée par cet encart annonce en orange.
21:31 Pour arriver à ce résultat,
21:33 il a dû acheter les mots "robe", "occasion", "noir" à Google.
21:37 Et cette combinaison de mots a un prix.
21:40 -Pour être sur la 1re page, c'est 20 centimes le clic.
21:44 -20 centimes le clic, ça ne paraît pas beaucoup.
21:47 Sauf que le prix varie tout le temps,
21:49 car les mots sont vendus aux enchères.
21:51 C'est le plus offrant qui emporte la 1re place sur Google.
21:55 -On n'est pas les seuls à essayer de se positionner
21:58 sur la combinaison de mots "robe", "noir", "occasion".
22:01 On a des concurrents.
22:04 L'enjeu, c'est de pouvoir se maintenir à la meilleure place,
22:07 la 1re place, sur les annonces.
22:10 -Justement, lors de notre tournage,
22:12 Google prévient que l'enchère est insuffisante
22:15 pour rester en tête des résultats.
22:17 Alors, pour garder la 1re place,
22:20 le site va payer 25 centimes le clic.
22:23 Et c'est comme ça pour tous les mots qu'il achète.
22:26 Plus de 60 000 par mois,
22:28 avec des dizaines de combinaisons différentes.
22:31 Renaud doit enchérir tous les jours,
22:34 un jeu très compliqué.
22:36 -Dans ce système d'enchères, on ne connaît pas la concurrence.
22:39 On n'est pas dans une salle de vente.
22:42 Vous voyez les personnes qui enchérissent.
22:44 Vous savez combien ils sont, jusqu'où ils sont prêts à aller.
22:48 Là, on ne sait pas.
22:49 On ne sait pas s'il y a eu 10 personnes qui enchérissent.
22:52 On est un peu dans le flou.
22:54 On doit faire notre meilleure estimation
22:56 pour avoir la position qu'on souhaite.
22:58 -Il y a Google qui sait, lui seul. -Exactement.
23:01 -Au final, cet entrepreneur
23:03 verse 300 000 euros par an à Google,
23:06 la moitié de son budget marketing.
23:09 Ses mots rapportent beaucoup d'argent à la firme américaine.
23:13 Plus de 60 milliards d'euros en 2014.
23:15 Des millions de sites Internet font de la publicité
23:18 sur le moteur de recherche.
23:20 Désormais, le géant du net veut aller plus loin
23:23 et conquérir aussi les commerçants du coin de la rue.
23:26 Pour ça, il a trouvé une technique efficace
23:28 qui ne lui coûte pas un centime.
23:30 Quand Eric se rend dans le centre de La Rochelle,
23:35 ce n'est pas pour faire du lèche-vitrine ni pour consommer.
23:38 C'est lui qui vient proposer ses services.
23:40 -Bonjour, monsieur. -Bonjour.
23:42 -Je suis Eric Gabouriau, photographe agréé Google
23:45 pour le service des visites virtuelles.
23:47 -Eric photographie l'intérieur des commerces,
23:49 les visites virtuelles qui permettent à l'internaute
23:52 de voir les lieux avant de se déplacer.
23:54 -Donc, l'intérêt, c'est que vous lui permettez
23:58 de découvrir l'ambiance directement depuis son ordinateur.
24:02 -Ce restaurant est déjà répertorié sur le moteur de recherche.
24:06 Téléphone, localisation, tout est indiqué.
24:09 Google l'a fait gratuitement,
24:11 et c'est comme ça pour tous les commerçants.
24:13 Ajouter une visite virtuelle,
24:15 c'est plus de clients potentiels pour le restaurant,
24:18 mais pour ce service supplémentaire, il faut payer.
24:21 -Et pour un établissement comme le vôtre,
24:23 il faut compter à peu près 400 euros hors taxes
24:26 pour la réalisation de la visite virtuelle.
24:28 -Cet argent n'ira pas dans la poche de Google,
24:31 mais dans celle d'Eric.
24:32 Pour le moteur de recherche,
24:34 le but, c'est d'approcher les petits commerces en douceur.
24:37 -C'est tout bénef pour Google,
24:39 parce qu'il a sur le terrain des gens
24:41 qui vont être des ambassadeurs, qui vont présenter Google
24:44 et qui vont aider Google à venir sur le terrain
24:47 du commerce local.
24:48 -Au revoir.
24:49 -Cet ancien photographe indépendant
24:51 est devenu ambassadeur Google depuis deux ans.
24:54 Chaque semaine, il arpente les rues du département
24:57 pour convaincre les commerçants locaux,
24:59 et ses arguments finissent par payer.
25:02 Nous retrouvons Eric sur l'île de Ré.
25:05 Il a décroché une visite virtuelle dans cet hôtel.
25:09 -Le jardin-piscine.
25:12 -D'accord.
25:13 Donc, je vais faire deux photos à 360 degrés.
25:16 -Pour réaliser cette visite virtuelle,
25:19 Eric va prendre plus de 1 000 photos
25:21 des plus beaux endroits de l'hôtel.
25:23 -Voilà, c'est terminé.
25:28 -Vous avez pu faire tout ce que vous vouliez faire.
25:31 -Dans quelques semaines, cette visite virtuelle
25:34 sera mise en ligne sur Google.
25:35 Et voilà à quoi elle ressemble.
25:37 Pour visiter l'hôtel en un clic,
25:40 la directrice va payer 750 euros à Eric.
25:44 Google ne touche rien,
25:46 mais compte bien réussir à en tirer profit.
25:48 -La visite virtuelle, c'est aussi un moyen pour Google,
25:52 détourné, de se faire connaître auprès des commerçants
25:55 pour leur vendre un produit qui va être de la publicité en ligne.
25:58 -Qui va gagner le plus d'argent ?
26:00 -Google gagnera forcément plus d'argent
26:03 en vendant de la publicité derrière.
26:05 -Après la mise en ligne de cette visite virtuelle,
26:08 la directrice de l'hôtel recevra ce mail de Google,
26:11 un bon de réduction de 75 euros
26:14 pour l'inciter à faire de la publicité.
26:16 Mais aujourd'hui, Google a trouvé un autre moyen
26:19 de gagner de l'argent.
26:20 Il crée ses propres services,
26:23 Google Shopping et Google Flights,
26:25 des comparateurs de prix
26:27 qui concurrencent directement les comparateurs classiques.
26:30 Pour Jean-Pierre Nadir, patron d'Easy Voyage,
26:33 Google est devenu son meilleur ennemi.
26:36 -Ils ont peaufiné, donc...
26:38 -Jean-Pierre aime nous faire voyager dans le monde entier.
26:41 -C'est de belles photos.
26:42 -Depuis 15 ans, il dirige un site de comparateurs de vols et d'hôtels.
26:46 -Très chouette.
26:47 -Son site est en plein lifting.
26:49 Avec ses nouvelles photos, il espère séduire de nouveaux clients.
26:53 Depuis quelques mois, il en a perdu beaucoup.
26:56 Il a même dû licencier 20 personnes,
26:58 tout ça, selon lui, à cause de Google.
27:00 Pour nous expliquer le problème,
27:02 il va nous faire une démonstration avec un vol Paris-Casablanca.
27:06 -Donc si on cherche, par exemple, un vol pour Casablanca,
27:10 vous trouvez trois résultats sponsorisés, donc publicitaires,
27:14 puis les résultats publicitaires sur le côté,
27:17 et en plein milieu, le moteur, donc, de Google Flight.
27:22 -Depuis l'arrivée de Google Flight, il y a 4 ans,
27:25 le site de Jean-Pierre apparaît en bas de page,
27:27 beaucoup moins bien placé qu'avant.
27:29 -Pourquoi on trouve que c'est grave ?
27:34 Pour être très simple, on constate une perte de près de 30 % de trafic
27:39 sur cette partie spécifique au vol.
27:41 -Ce qui met Jean-Pierre en colère, c'est que le comparateur de Google
27:45 est toujours en tête des résultats,
27:47 alors que ses prix ne sont pas forcément les meilleurs.
27:50 Pour nous le prouver, il fait une comparaison avec son site.
27:53 -Le meilleur prix proposé par le moteur de Google est 237 euros.
27:57 Si on fait la même recherche sur Easy Voyage,
28:00 on constate assez rapidement
28:02 que le meilleur tarif est à 164 euros,
28:05 vendu par Voyage SNCF.
28:07 -Le vol proposé par Google
28:10 est 70 euros plus cher que celui de son site.
28:13 -Donc là, on voit bien qu'il y a le fait du prince
28:18 qui décide que ses services sont systématiquement en tête,
28:21 quel que soit le niveau de performance
28:25 des autres compétiteurs.
28:26 C'est là qu'est le vrai problème.
28:28 -Google manipule-t-il les résultats
28:30 pour mettre en avant ses propres services
28:33 au détriment de ses concurrents ?
28:35 C'est la conviction de Jean-Pierre Nadir.
28:37 Comme d'autres sites, il s'est plaint à la Commission européenne
28:41 pour dénoncer les méthodes de la firme américaine,
28:43 qui détient 90 % du marché en Europe.
28:46 Les concurrents de Google ont fini par être entendus.
28:50 Cinq ans après les premières plaintes,
28:52 l'Europe vient de déclencher une procédure officielle
28:55 pour abus de position dominante.
28:57 Un coup dur pour la firme américaine.
28:59 Au siège de la Commission européenne,
29:04 je vais rencontrer celle qui fait trembler Google.
29:07 Bonjour, enchantée. -Bonjour, bienvenue.
29:12 -Merci de nous accueillir.
29:14 Margret Verstager est la nouvelle commissaire européenne
29:17 à la concurrence.
29:18 Lorsqu'elle est arrivée en décembre dernier,
29:21 cette ancienne ministre danoise a hérité
29:23 de nombreux dossiers très sensibles.
29:25 J'imagine que vous aviez beaucoup de dossiers
29:28 quand vous êtes arrivée.
29:29 -Oui. Il y avait plein de dossiers partout
29:32 qui m'attendaient sur ce bureau.
29:34 -Pour commencer.
29:35 -Parmi ses priorités, le dossier Google.
29:38 Pendant des mois, elle a reçu la trentaine de plaignants,
29:42 puis elle a tranché.
29:43 Le géant américain ne respecte pas les règles de concurrence
29:46 en Europe.
29:47 -Ce n'est pas un problème d'être gros.
29:49 Vous pouvez avoir beaucoup de succès,
29:52 créer plein d'emplois,
29:53 mais en Europe, vous n'avez pas le droit
29:56 d'utiliser vos muscles et votre poids
29:58 pour abuser de la situation.
30:00 Le problème,
30:01 c'est que Google utilise sa position dominante sur le marché
30:05 pour favoriser ses propres services.
30:07 -Et c'est un problème pour le consommateur ?
30:10 -Oui, parce qu'il n'a pas les résultats les plus pertinents.
30:13 -Réputée inflexible, la nouvelle commissaire
30:16 est déterminée à aller jusqu'au bout.
30:19 Mais la procédure pourrait durer des années.
30:21 Google risque une amende qui peut aller jusqu'à 10 %
30:24 de son chiffre d'affaires, soit 6 milliards d'euros.
30:27 -C'est un problème qui est très important
30:30 pour la société.
30:31 -Dans le viseur de Bruxelles,
30:33 il y a aussi les pratiques fiscales
30:35 de la firme américaine.
30:36 Je m'envole pour l'Irlande, à Dublin.
30:39 Nous allons découvrir comment Google réduit ses impôts
30:42 grâce à un système très ingénieux.
30:44 ...
30:48 Il y a 30 ans à peine,
30:50 personne n'aurait misé sur ce quartier de Dublin.
30:53 Aujourd'hui, c'est le nouveau royaume de la high tech.
30:56 Des buildings très design ont surgi là-bas.
30:59 Parmi eux, cet immense bâtiment, aux couleurs de Google.
31:02 La firme américaine s'y est installée il y a 12 ans
31:05 et elle emploie près de 2 500 salariés.
31:08 Mais que font-ils à Dublin ?
31:10 Quand nous cherchons à les interroger,
31:12 difficile d'obtenir une réponse.
31:14 -Bonjour. Vous travaillez pour Google ?
31:16 -Oui.
31:18 -Quel type de travail faites-vous ici ?
31:20 -Bonjour.
31:21 -Quel type de travail faites-vous ici ?
31:23 -Mais vous êtes qui ?
31:25 -Je suis journaliste.
31:26 -Vous êtes journaliste ?
31:28 -Je suis journaliste pour la télévision française à Paris.
31:31 -On n'est pas supposé vous parler.
31:33 -Vous ne pouvez pas parler aux journalistes ? Pourquoi ?
31:37 Pouvez-vous au moins me dire
31:38 quel genre de travail vous faites ici ?
31:41 -Si vous voulez, je peux vous rediriger
31:43 vers le service de presse.
31:45 -Mais la sécurité interrompt notre discussion.
31:47 -Vous n'avez pas le droit de filmer nos bâtiments.
31:50 -Je suis dans la rue, j'ai le droit de filmer.
31:53 -Non, vous êtes sur la propriété de Google.
31:55 -Où est la limite ?
31:57 -Juste là.
31:58 -OK, donc là, je suis chez Google, là, je suis dans la rue,
32:01 donc si je reste là, je suis bien.
32:03 -Arrêtez de filmer.
32:04 -Pourquoi ?
32:06 -Je vous ai demandé d'arrêter de filmer.
32:08 -OK.
32:09 -Nous tentons notre chance un peu plus loin.
32:12 Bonjour, vous travaillez pour Google ?
32:14 -Non.
32:15 -Mais je vois votre badge, là.
32:17 -Je vois ça.
32:18 -On nous a appris à dire non.
32:20 -Vous faites quoi comme travail, ici ?
32:23 -Je vends de la publicité comme un boulot.
32:25 Je vends de la publicité comme la majorité de mes collègues.
32:28 Ici, c'est le siège de Google Europe.
32:31 On couvre tout le marché européen de la pub.
32:33 -Pourquoi Google facture-t-il toutes ses publicités depuis l'Irlande ?
32:37 La réponse, je vais la trouver
32:40 à la prestigieuse université de Trinity College.
32:43 Je vais y rencontrer un professeur de finances réputé.
32:47 -Bonjour, comment allez-vous ?
32:51 -Bonjour, enchantée.
32:52 -Come in and take a seat.
32:54 -James Stewart tient dans ses mains un document précieux,
32:57 les comptes annuels de Google Irlande.
32:59 Le chiffre d'affaires donne le vertige.
33:02 Plus de 17 milliards d'euros en 2013.
33:05 -Google Irlande facture ses clients basés en France,
33:11 en Grande-Bretagne ou en Allemagne.
33:13 Donc, tous les revenus de cette filiale irlandaise
33:17 viennent des publicités facturées dans les pays européens.
33:21 C'est comme ça que Google Irlande est devenue
33:24 la principale source de revenus du groupe, en dehors des Etats-Unis.
33:27 -Si Google a fait de l'Irlande sa principale source de revenus
33:31 en Europe, c'est parce qu'il profite d'un système fiscal
33:34 très avantageux qu'on appelle le "double Irish",
33:37 un système un peu compliqué.
33:39 Alors, James va me l'expliquer grâce à un petit schéma.
33:43 -Google Irlande reverse une grande partie de ses 17 milliards d'euros
33:49 à une autre société,
33:50 la holding Google Irlande,
33:52 qui détient les droits de propriété du moteur de recherche.
33:55 Cette holding a une double adresse,
33:58 en Irlande, mais aussi au Bermude,
34:03 où le taux d'imposition est de 0 %.
34:07 Donc, sur la totalité de ses revenus,
34:10 Google a un taux d'imposition très faible.
34:13 -Le double Irish, c'est donc une société domiciliée
34:17 dans deux pays à la fois.
34:19 Grâce à cet avantage fiscal tout à fait légal,
34:21 Google a un taux d'imposition de 2,4 % en Europe,
34:25 10 fois moins que la moyenne.
34:27 Google a ainsi économisé
34:29 près de 3 milliards d'euros d'impôts depuis 2007.
34:32 Un manque à gagner énorme pour de nombreux Etats européens.
34:36 La Grande-Bretagne a d'ailleurs auditionné
34:38 le patron de Google Europe
34:39 pour qu'il s'explique sur ce montage financier.
34:42 -Nous payons tous les impôts que vous nous demandez.
34:45 -Je ne vous accuse pas d'agir illégalement,
34:48 mais je vous fais confiance.
34:49 -Face à la pression des pays européens,
34:51 l'Irlande a fini par céder.
34:53 En novembre dernier, elle a mis fin au double Irish.
34:56 Désormais, Google ne pourra plus transférer ses profits
34:59 dans un paradis fiscal.
35:01 Le groupe a cinq ans pour se mettre en conformité.
35:04 Pour les associations qui luttent
35:06 contre l'évasion fiscale des multinationales,
35:09 la fin du double Irish ne suffit pas.
35:12 -Bonjour.
35:15 -Bonjour, Sophie. Enchantée.
35:18 -Bien ? -Très bien.
35:19 -Il faut que les entreprises payent des impôts
35:22 dans les pays où elles ont des activités,
35:24 là où elles font réellement leurs profits.
35:26 -Sans harmonisation fiscale en Europe,
35:29 Google pourra continuer à facturer ses publicités
35:32 dans les pays où les taxes sont les moins élevées.
35:34 Si Google est devenu aussi puissant,
35:37 ce n'est pas seulement grâce à ses astuces fiscales.
35:40 C'est aussi parce qu'il en sait beaucoup sur nous.
35:42 Google est un moteur totalement gratuit.
35:45 En contrepartie, il veut nous connaître
35:47 dans les moindres détails pour nous envoyer
35:50 de la publicité toujours plus ciblée.
35:52 Musique rythmée
35:54 ...
35:57 Direction la banlieue parisienne,
35:59 au petit matin.
36:01 Même quand il s'occupe de sa fille,
36:04 Pégevane garde toujours son téléphone avec lui.
36:08 ...
36:10 -Bonjour. -Bonjour.
36:12 -Ca va ? -Oui.
36:13 -C'est Matisse ?
36:15 -Oui, c'est Matisse.
36:18 -Ces photos, c'est son dernier album de vacances,
36:21 entièrement géolocalisé.
36:23 L'itinéraire du voyage, la date où a été prise chaque photo,
36:27 tout est indiqué.
36:28 Pourtant, Pégevane n'a rien fait.
36:30 Google a créé cet album tout seul.
36:33 -Regarde.
36:34 La première fois, je me suis dit "Mais qu'est-ce que c'est que ça ?"
36:38 Après, j'ai regardé et j'ai trouvé que le rendu était vraiment sympa.
36:43 Tout de suite, l'appréhension disparaît.
36:45 -Grâce à une nouvelle application créée par Google,
36:49 Pégevane est géolocalisé en permanence.
36:51 La firme sait toujours où il est
36:53 et peut même lui dire à quel moment il doit partir.
36:56 -Il est temps de partir pour l'entretien.
36:59 Ce qui est pratique, c'est que quand il sait où il est,
37:02 il calcule les trajectoires, les directions,
37:05 il sait si il y a des embouteillages,
37:07 et il m'avertit au moment où il pense qu'il faut que je parte.
37:10 -Avant de partir, c'est lui qui laisse un message à Google.
37:15 -OK, Google.
37:16 Rappelle-moi de sortir les poubelles en rentrant chez moi.
37:20 -Voici votre rappel défini pour se déclencher
37:22 lorsque vous êtes à l'endroit suivant, domicile.
37:25 Voulez-vous l'enregistrer ? -Oui.
37:28 -Pégevane n'a pas besoin de préciser l'heure.
37:31 La firme américaine connaît l'adresse de son travail
37:34 et de son domicile.
37:35 Elle saura donc exactement quand il rentre chez lui.
37:38 -Au moment où je vais rentrer, il va se rendre compte
37:41 que je suis chez moi et me rappeler de sortir les poubelles.
37:44 -Si Google arrive à faire tout ça,
37:46 c'est parce qu'il croise toutes les données de Pégevane.
37:49 Ses contacts, ses mails, ses photos, son agenda.
37:54 Un assistant personnel très intrusif
37:58 qui l'alerte, même sur son lieu de travail.
38:02 -Par exemple, là, en fait,
38:04 j'ai mon prochain rendez-vous pour le déjeuner.
38:07 Donc, il m'affiche l'endroit du déjeuner, l'heure
38:10 et notre emplacement de parking.
38:12 Sachant qu'on n'a à aucun moment informé Google
38:15 qu'on prenait la voiture et qu'on se garait quelque part.
38:18 Il a tout déduit de lui-même
38:20 sans que j'aie besoin de faire la moindre intervention.
38:23 -Google anticipe tout ? -Il essaye, oui.
38:26 Donc, avec ce que ça peut avoir d'un peu effrayant...
38:32 -Effrayant, en effet.
38:34 A force d'être géolocalisé,
38:36 Peshwan a donné beaucoup d'informations
38:38 à la firme américaine.
38:40 Pour s'en rendre compte,
38:41 il suffit de regarder sur son compte Google.
38:44 Le géant du Net connaît l'historique
38:47 de toutes ses recherches sur le web depuis des années.
38:50 Il a stocké ses 3 330 photos,
38:54 ses 86 709 mails
38:57 et ses déplacements jour par jour, heure par heure.
39:00 Google peut même reconstituer tous ses trajets
39:05 au mètre près.
39:06 -Google sait énormément de choses sur moi.
39:09 -Que fait Google de ces données ?
39:12 Combien de temps sont-elles stockées ?
39:15 Là-dessus, les règles de confidentialité sont floues.
39:18 C'est bien ce que lui reproche la CNIL.
39:20 La Commission nationale informatique et liberté
39:23 l'a même condamnée à payer l'amende maximale de 150 000 euros.
39:27 Plus d'un an après cette sanction,
39:30 Google a fait des modifications qui restent insuffisantes
39:33 au regard du droit français et européen.
39:35 Pourtant, Google va encore plus loin.
39:38 Désormais, la firme collecte même les données des enfants.
39:42 Albi, à une heure de Toulouse.
39:47 Dans la cour du lycée,
39:49 la plupart des élèves sont branchés sur leur smartphone
39:53 et surfent sur Google, bien sûr.
39:55 Mais ici, Google ne s'arrête pas à la porte de la classe.
39:59 -Allez-vous rentrer, s'il vous plaît ?
40:01 -Chanel Brun est professeur d'informatique
40:04 dans cette classe de terminale.
40:06 Depuis 3 ans, il a totalement changé sa façon de faire cours.
40:09 -Normalement, vous êtes autonome.
40:11 Dans 20 minutes, vous avez rendu la copie.
40:14 Bon, allez-y.
40:15 -Pour faire leurs exercices, fini les feuilles de papier.
40:18 Le professeur envoie un document sur ordinateur.
40:21 Chaque élève peut ainsi y accéder et faire l'exercice en direct.
40:26 Tout ça grâce à un outil
40:27 créé spécialement par Google pour les écoles.
40:30 -Bien, les 20 minutes sont à présent écoulées.
40:33 Donc, vous allez rendre la copie.
40:36 -Pour rendre leur copie, rien de plus facile,
40:39 un clic suffit.
40:40 Le professeur les reçoit sur son ordinateur.
40:44 Il peut les corriger
40:45 et les noter bien plus vite qu'une copie papier.
40:48 -C'est assez pratique. Ça fait gagner du temps.
40:53 -Un bon moyen pour Google de fidéliser ses élèves
40:56 dès leur plus jeune âge, mais pas seulement.
40:59 Pour utiliser cette application, le professeur a créé un compte
41:03 sur la messagerie de Google Gmail
41:05 pour chacun de ses élèves, comme Joris.
41:07 Nous lui demandons de regarder dans l'historique de son compte.
41:11 Surprise ! Google connaît ses déplacements
41:14 en dehors de l'école, son numéro de carte bancaire
41:17 et les achats qu'il a fait avec.
41:18 -C'est fou. Je ne savais pas tout ça.
41:21 Les paiements, les trajets qu'on faisait,
41:23 tout ça, je ne savais pas.
41:25 -En fait, Joris est connecté en permanence
41:28 à son compte Gmail grâce à son téléphone Android
41:30 qui le suit partout.
41:32 Il y fait également des achats, comme ses jeux, par exemple.
41:35 C'est comme ça que Google peut savoir ce qu'il fait
41:38 quand il n'est pas en classe.
41:40 Google profiterait donc de l'école
41:42 pour collecter les données personnelles des élèves.
41:45 Le professeur en est bien conscient.
41:47 -Est-ce que je suis gêné par le fait
41:49 que des grandes entreprises collectent des informations
41:53 sur des jeunes ?
41:54 Si, mais c'est pas plaisant.
41:56 Pour l'instant, la balance est penchée du côté des usages,
42:00 donc on préfère l'utiliser.
42:02 -Ce professeur a donc choisi de faire confiance à Google,
42:07 et il n'est pas le seul.
42:09 30 millions d'élèves dans le monde
42:11 utilisent aujourd'hui Google à l'école.
42:14 Il est toujours possible de désactiver
42:16 l'historique de ses recherches, sa localisation,
42:19 mais ça ne suffit pas toujours.
42:21 Sur Google, il y a des traces indélébiles
42:23 qui nous suivent partout
42:25 et que certains aimeraient oublier pour de bon.
42:28 Vous ne verrez pas son visage.
42:36 Nicolas préfère témoigner de façon anonyme,
42:39 et voilà pourquoi.
42:41 Quand il tape son nom et son prénom sur Google,
42:45 s'affiche en tête des résultats,
42:47 une série de photos de lui en petite tenue.
42:53 -Les photos ont été reprises par plein de sites,
42:56 par plein de blogs, et ça nuit à mon image,
42:59 donc ça, je veux pas.
43:00 -Ces photos, il les a prises il y a 3 ans.
43:03 Il était étudiant en école de commerce
43:05 et faisait du mannequinat pour arrondir ses fins de mois.
43:08 Depuis, il a essuyé de nombreux refus
43:11 lors de ses recherches d'emploi.
43:13 -Je recherchais de l'emploi, j'ai postulé,
43:15 j'ai fait parvenir mon CV, j'ai passé l'entretien,
43:18 ça s'est très bien passé.
43:20 Après, ma candidature n'avait pas été retenue,
43:22 j'avais trop de contenu sur Internet,
43:25 ça passait pas, c'était trop osé, ça posait un problème.
43:28 -Il a fini par décrocher un poste de commercial.
43:31 Son patron lui a donné sa chance à une condition,
43:33 faire le ménage sur Google.
43:35 Alors, il a rempli ce qu'on appelle
43:37 un formulaire de droit à l'oubli disponible en ligne.
43:40 En clair, il a demandé à Google de supprimer tous les liens
43:44 vers les sites Internet associés à son nom.
43:47 Il y en a près d'une centaine.
43:49 Quelques semaines plus tard,
43:51 il a reçu une réponse, négative.
43:53 Pour Google, Nicolas est mannequin,
43:55 ses photos peuvent l'aider dans son travail.
43:58 -C'est pas mon métier, donc...
44:00 Ils sont... Ils sont à côté de la plaque.
44:03 Je peux pas avoir créé quelqu'un de téléphone,
44:06 je peux pas envoyer le courrier, c'est...
44:08 Il y a une réponse, elle est définitive,
44:11 et après, on peut plus rien faire.
44:13 -Le cas de Nicolas n'est pas exceptionnel.
44:15 Google reçoit près de 500 demandes par jour,
44:18 et en refuserait les trois quarts.
44:20 Alors, pour nettoyer son passé sur Google,
44:22 Nicolas a décidé de faire appel à une agence spécialisée.
44:26 -Bonjour. -Bonjour.
44:27 -Ca va ? -Très bien.
44:29 -Bertrand Girin dirige cette agence depuis 3 ans.
44:31 Sa spécialité, aider les internautes
44:34 à retrouver leur réputation sur Internet,
44:36 et cela ne va pas être simple.
44:38 -Ces photos, on peut pas les effacer.
44:40 Ce qu'on peut faire, c'est faire en sorte
44:43 que Google ne choisisse plus dans le bandeau images
44:46 les photos qu'il a, lui, choisies là,
44:48 mais les photos que le client choisit.
44:50 -Pour ça, Bertrand a demandé à Nicolas
44:53 d'apporter de nouvelles photos plus habillées.
44:56 Il va les poster sur des blogs,
44:58 créer un compte Twitter, un CV en ligne.
45:00 Nicolas aura bientôt une nouvelle identité numérique sur Google.
45:04 -Les contenus qui lui posent problème aujourd'hui,
45:07 qui sont sur la 1re page, n'apparaîtront plus en 1re page.
45:10 Ils seront relégués en 2e ou en 3e page.
45:13 -Mettre en avant la nouvelle identité
45:15 de Nicolas sur le moteur de recherche,
45:17 c'est le rôle de ses ingénieurs.
45:19 Mais tout ça va lui coûter très cher,
45:21 plus de 4 000 euros.
45:23 -C'est un budget.
45:25 Après, je pense que le jeu en vaut la chandelle.
45:27 Donc, il y a vraiment... On capitalise là-dessus,
45:30 et je pense qu'effectivement, il y aura un retour derrière.
45:34 J'ai hâte de voir le résultat.
45:35 -Nicolas va devoir être patient.
45:38 Plus d'un mois après la fin de notre tournage,
45:40 les nouveaux blogs sont bien visibles
45:42 sur la 2e page de Google.
45:44 Mais il faudra encore attendre 5 mois
45:46 avant qu'il n'arrive en tête des résultats
45:49 à la place des photos dénudées.
45:51 Pour se faire oublier,
45:52 Nicolas avait une solution moins chère
45:54 que cette agence privée.
45:56 Déposer plainte auprès de la CNIL,
45:58 la Commission nationale informatique et liberté.
46:01 Daniela Parrault est inspectrice à la CNIL.
46:04 Chaque mois, elle reçoit des plaintes d'internautes
46:07 qui ont essuyé un refus de Google d'effacer leurs traces.
46:11 -On voit la liste des plaintes qui sont arrivées ce mois-ci.
46:14 Ca va varier d'une vingtaine
46:16 à, pour les mois où il y en a le plus, une quarantaine.
46:19 -Mais les dossiers sont souvent complexes.
46:21 Daniela a du mal à trancher seule.
46:23 -Bonjour, Mathias.
46:24 -Avec son collègue, elle étudie les dossiers les plus litigieux.
46:28 -Petite réunion.
46:29 -De référencement.
46:30 -C'est une personne, donc le plaignant,
46:33 a raté son examen parce qu'il était en garde à vue.
46:36 Il y a eu un article, il était interdit,
46:38 il y a eu un article sur ce moment délicat.
46:40 -Le plaignant demande la suppression de son nom
46:43 associé à un article gênant, car il n'arrive pas à retrouver un emploi.
46:47 Pour trancher, la CNIL a défini 13 critères.
46:49 Dans ce cas précis, pas de doute.
46:51 -On regarde de l'ancienneté, du préjudice pour la personne
46:55 et de l'intérêt, effectivement, de l'article au regard
46:58 de l'information du public, on peut considérer
47:01 qu'on serait plutôt sur un déréférencement.
47:03 -Sur un déréférencement, oui.
47:05 -C'est un peu comme un article
47:07 qui est un peu plus déréférencé.
47:08 -En clair, l'article n'apparaîtra plus sur le moteur de recherche
47:12 quand l'internaute appera son nom.
47:14 C'est ce que va demander la CNIL à Google.
47:16 Mais il n'obtiendra pas totalement gain de cause.
47:19 Le lien disparaîtra en France, sur google.fr,
47:22 mais pas en dehors de l'Europe, sur google.com.
47:25 Exemple avec un cas traité récemment.
47:27 -Je suis sur le .fr,
47:30 donc le contenu en question n'apparaît pas.
47:33 Je vais passer à l'article
47:35 qui, en fonction de l'information, n'apparaît pas.
47:37 Je vais passer sur le .com.
47:39 Et là, le blog en question ressort en premier résultat.
47:43 Donc l'information qui posait problème pour la personne
47:46 est finalement toujours accessible en .com.
47:49 -La CNIL a mis en demeure Google
47:52 pour que les traces des utilisateurs soient effacées,
47:55 même en dehors de l'Europe.
47:57 Google a la mémoire longue.
47:59 C'est d'autant plus inquiétant
48:01 que les agences de renseignement américaines
48:04 nous espionnent avec l'aide des moteurs de recherche.
48:06 C'est ce qu'a révélé le lanceur d'alerte Edward Snowden
48:10 il y a deux ans.
48:11 Je pars pour Londres.
48:15 Je vais rencontrer un membre de Wikileaks.
48:17 Cette organisation, créée par Julian Assange,
48:20 est connue pour avoir publié sur son site
48:23 des documents classés "secrets défense" aux Etats-Unis.
48:26 ...
48:35 A Londres, un homme m'a donné rendez-vous
48:38 dans un lieu plutôt inattendu.
48:40 L'ambassade d'Équateur.
48:44 Menacé d'extradition vers les USA pour espionnage,
48:47 Julian Assange y a trouvé refuge il y a trois ans.
48:50 Son porte-parole, Christine Harfson,
48:53 vient le voir toutes les semaines.
48:56 Comme souvent après chaque visite,
48:57 il vient saluer les quelques irréductibles
49:00 qui viennent apporter leur soutien.
49:02 ...
49:06 -Ca fait du bien de savoir que nous avons des soutiens.
49:09 ...
49:11 C'est très important pour Julian Assange de se sentir entouré.
49:14 ...
49:16 -Cet ancien journaliste d'investigation
49:18 à la télévision islandaise
49:20 est porte-parole de Wikileaks depuis cinq ans.
49:23 Une fonction exposée est sensible.
49:26 Il y a six mois, il a eu une grosse surprise
49:28 sur sa messagerie Gmail.
49:30 Google l'informe avoir transmis toutes les données personnelles
49:34 de son compte Gmail à la justice américaine.
49:37 -La justice a demandé à avoir accès à tous les mails
49:41 que j'ai envoyés et reçus,
49:42 les brouillons des mails et même les mails que j'ai supprimés.
49:46 Elle voulait aussi savoir où j'étais connecté avec mon compte.
49:50 J'étais vraiment sous le choc quand ils m'ont prévenu.
49:53 C'est une invasion de ma vie privée.
49:55 -Cette perquisition virtuelle a été faite à la demande
49:58 de la justice américaine,
50:00 car elle poursuit Wikileaks pour espionnage.
50:02 Mais la justice a exigé que cette perquisition reste secrète.
50:06 Google vient seulement d'informer Christine
50:09 alors que ces données ont été transmises il y a trois ans.
50:12 ...
50:14 -Si j'avais su immédiatement
50:17 que mes données personnelles avaient été saisies,
50:20 j'aurais pu me défendre tout de suite.
50:24 Je trouve que le secret dans cette affaire
50:28 est vraiment très inquiétant.
50:30 On sait que la justice a aussi demandé à Twitter
50:33 de ne rien dire.
50:34 Mais Twitter a contesté.
50:36 Et ils ont finalement obtenu le droit de me prévenir sans attendre.
50:41 -Selon lui, cette affaire est révélatrice
50:44 de la collusion de Google avec les autorités.
50:48 ...
50:53 -Google affirme avoir résisté à la demande de la justice américaine.
50:57 Mais nous pensons qu'ils ne se sont pas battus très fort.
51:01 Nous connaissons plutôt bien cette entreprise
51:06 et depuis longtemps.
51:08 Et nous ne serions pas surpris qu'elle ait tout fait
51:12 pour garder les meilleures relations possibles
51:15 avec les autorités américaines.
51:19 -Christine n'est pas le seul concerné.
51:22 L'an dernier, 50 000 comptes Gmail ont été transmis à la justice
51:27 et à la NSA, l'agence de renseignement américaine.
51:30 Des données personnelles largement collectées,
51:34 des traces difficiles à effacer,
51:37 des comptes Gmail espionnés à notre insu.
51:40 Pour protéger leur vie privée,
51:43 certains internautes ont fait un choix radical,
51:46 se dégoogliser.
51:48 ...
51:53 "Did You Stand There All Alone" de Alexia
51:57 ...
52:02 Même quand elle chante,
52:04 elle ne peut plus se passer de son ordinateur.
52:07 Comme son frère Antoine, elle est accro aux écrans.
52:10 Mais quand elle navigue sur Internet,
52:14 elle a des habitudes différentes des jeunes de sa génération.
52:18 Quand elle ouvre son ordinateur,
52:20 voilà ce qu'apparaît, un petit canard.
52:23 C'est grâce à ce petit canard
52:24 que cette étudiante en agronomie
52:27 fait toutes ses recherches sur Internet.
52:29 Ce qui a séduit Alexia,
52:31 c'est ce slogan qui s'affiche sur la 1re page.
52:34 -Le moteur de recherche qui ne vous espionne pas.
52:37 -Contrairement à Google, ce moteur de recherche
52:40 n'enregistre pas l'historique de ses requêtes sur Internet.
52:44 -Le droit à ma vie privée, il n'y a pas de raison.
52:47 Que quelqu'un sache ce que je fais sur Internet,
52:49 c'est comme si j'avais une caméra dans mon salon.
52:52 -Pour les mails, elle utilise une messagerie française
52:56 équipée d'un système de protection Enigmail.
52:58 Démonstration.
53:00 ...
53:02 Lorsqu'elle envoie un message à son frère,
53:04 elle clique sur ce cadenas.
53:06 Quelques minutes plus tard, quand Antoine le reçoit,
53:09 voilà ce qui apparaît.
53:11 -Le texte incompréhensible,
53:12 c'est le message qu'Alexia vient de m'envoyer.
53:15 Il est illisible, on ne peut pas obtenir
53:17 aucune information de ce texte.
53:19 -Pour pouvoir le lire, il doit entrer un mot de passe
53:22 que lui a donné sa sœur.
53:24 En un clic, le message est déchiffré.
53:26 Contrairement à Google, ce service n'est pas gratuit.
53:29 -Avec Google, on paye avec nos données
53:31 sans vraiment en avoir conscience,
53:33 sans savoir ce qu'ils vont en faire derrière.
53:36 Mes données ne concernent que moi,
53:38 je n'ai pas envie de marchander ma vie privée.
53:41 Moi, j'ai préféré choisir de payer avec de l'argent,
53:45 c'est pas énorme, c'est 3 euros par mois,
53:48 et avec ces 3 euros par mois, je sais que je reste propriétaire
53:52 des mails que j'échange avec n'importe qui.
53:54 -Mais il y a un domaine où se dégoogliser reste compliqué,
53:59 c'est le téléphone.
54:00 Sonnerie.
54:01 Alexia utilise encore un portable Android
54:05 exploité par Google.
54:07 -Bonjour, ça va très bien ?
54:08 -Elle essaie de limiter ses traces.
54:11 -On va où ?
54:12 -Aux magasins de musique.
54:13 -Pour se déplacer,
54:15 elle a trouvé une alternative à Google Maps,
54:17 OpenStreetMap,
54:18 une application qui n'enregistre pas
54:21 les déplacements des utilisateurs.
54:23 -OpenStreetMap fonctionne très bien.
54:25 Leur objectif, c'est pas du tout de récupérer des données
54:29 pour en tirer quelque chose et faire de l'argent.
54:31 C'est vraiment juste, voilà,
54:33 mettre à disposition une carte pour les utilisateurs.
54:38 -Au final, Alexia et Antoine
54:40 ont presque réussi à vivre sans Google.
54:43 D'ailleurs, aujourd'hui,
54:44 de nouveaux moteurs de recherche viennent le concurrencer,
54:48 comme les Français Quant ou Framaby.
54:51 Mais Google a toujours une longueur d'avance
54:53 et des projets un peu fous.
54:55 Envoyer des montgolfières,
54:57 connecter la planète à Internet,
54:59 faire rouler des voitures sans conducteur,
55:02 créer des robots intelligents,
55:05 des lunettes interactives
55:07 et même nous rendre immortels.
55:10 Alors, je peux toujours arrêter d'utiliser Google.
55:15 Mais Google, lui, où s'arrêtera-t-il ?
55:18 ...