Dépression et sportif de haut niveau : Camille Lacourt raconte comment il a vécu "cette lente et incessante descente aux enfers" | Speech

  • l’année dernière
Ancien nageur pro, Camille Lacourt raconte comment il a vécu "cette lente et incessante descente aux enfers". En tant que sportif de haut niveau, il veut montrer que la dépression peut toucher tout le monde.

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Transcription
00:00 J'ai fait une dépression ou un burn-out.
00:02 Je mange parce qu'il faut manger mais il n'y a pas vraiment de faim.
00:04 Je vais dormir parce qu'il faut dormir mais j'ai pas vraiment sommeil.
00:06 On a perdu goût à tout ce qui se passe dans la vie.
00:09 Je pense que c'était assez important en tant que sportif de haut niveau de dire que ça arrive à tout le monde.
00:13 Mon plus gros échec c'est les Jeux Olympiques en 2012 parce que je finis au pied du podium, 4ème.
00:19 Et c'est vrai que le sentiment que j'ai c'est vraiment violent.
00:22 Déjà j'ai l'impression d'avoir déçu tout le monde, tous les gens qui avaient eu confiance en moi.
00:25 Évidemment je me déçois moi-même aussi parce que j'étais champion du monde en titre.
00:28 J'ai l'impression qu'à ce moment-là j'ai raté ma vie.
00:31 Simplement c'était mon objectif ultime.
00:33 Ça faisait des années et des années que je m'entraînais pour cette course-là.
00:35 Et je passe à côté.
00:37 Alors comment j'ai vécu cette lente et incessante descente aux enfers ?
00:40 Au début je me suis autorisé de me morfondre sur mon sort pendant quelques jours.
00:44 Et puis ces quelques jours se sont transformés en quelques semaines.
00:47 À un moment donné on se rend compte qu'il n'y a plus de sentiments, il n'y a plus de tristesse, il n'y a plus de colère, il n'y a plus rien.
00:51 Et c'est ce vide-là qui est vraiment violent parce qu'on n'a plus aucun objectif.
00:55 En fait on n'a plus envie de se lever, on n'a plus envie de se laver, de se raser, d'aller chercher le pain ou de sortir faire les courses.
01:00 On a perdu goût à tout ce qui se passe dans la vie.
01:03 J'ai eu de la chance à ce moment-là.
01:05 Ma compagne de l'époque était enceinte, on avait une échographie.
01:08 Et donc je me suis dit voilà c'est le premier jour où je me relève.
01:10 Et puis maintenant je dois être une personne responsable, je vais quand même être papa.
01:14 Je me suis fixé des tout petits objectifs qui semblent ridicules comme ça.
01:16 Mais j'avais besoin de vraiment quelque chose de très abordable.
01:18 C'était de mettre un réveil, de me lever, d'aller prendre une douche, d'aller chercher le pain, d'aller faire quelques courses.
01:22 De relancer un peu la machine, un peu comme une voiture qui est en panne.
01:26 On ne parlait pas beaucoup en 2012 de burn-out, la dépression, c'était pas quelque chose dont on parlait énormément.
01:32 Donc voilà pour moi c'était juste un moment difficile et puis presque je le banalisais.
01:36 Et c'est après, à la fin de ma carrière, quand je me suis retourné sur tout ce qui s'est passé, que je me suis dit ouais quand même ça a été sacrément violent.
01:41 L'arrêt de ma carrière c'est vrai que c'est la deuxième étape la plus difficile de ma première partie de vie.
01:45 En fait on a toujours été défini comme un sportif de haut niveau.
01:48 On sait pourquoi on se lève, on connaît notre philosophie de vie, on sait ce qu'on veut faire, on veut exceller dans notre sport.
01:52 Et puis le jour où on raccroche le maillot, ben en fait on est qui ? J'avais l'impression d'être un vase vide.
01:57 À ce moment là si on m'avait demandé de me présenter en une minute, je pense que ça aurait duré cinq secondes.
02:00 J'étais juste une semaine sur deux papa et un ancien champion.
02:03 Alors c'est quoi la petite mort du sportif ? C'est de changer d'identité.
02:06 On est sportif de haut niveau, on est champion et d'un coup on ne l'est plus en fait.
02:09 C'est à dire que quand on veut être champion, toute notre vie est tournée vers la performance.
02:12 Et puis tous nos choix sont tournés vers cet objectif ultime.
02:15 Une fois qu'on l'a plus, il faut se retrouver à un objectif, il faut se retrouver à une motivation.
02:19 J'avais balayé cette idée de petite mort en me disant moi je vais renaître en fait, ça va être le côté plus positif de la chose.
02:24 J'ai déjà la chance d'avoir l'expérience de ma précédente vie.
02:26 Et en fin de compte, non, il y a vraiment cette remise en question où on est obligé de se redéfinir, obligé de retrouver des valeurs et essayer de se les approprier.
02:35 Pourquoi je prends la parole ? C'est parce que quand j'ai commencé à parler de cette dépression ou de ce burn out,
02:40 il y a énormément de gens autour de moi qui m'ont dit mais moi aussi j'ai vécu ça et j'ai réussi à me reconstruire.
02:44 Ça fait du bien que tu en parles parce que déjà on a tous l'impression qu'il y a pire ailleurs.
02:47 On se sent illégitime d'en parler, on a honte en fait d'avoir ça parce que moi j'avais juste perdu une course en fait, c'était pas la mort.
02:54 J'étais quand même champion du monde, j'étais aussi champion d'Europe et j'étais juste pas champion olympique.
02:59 C'est pas très grave en fait si on regarde ça mais dans ma vie en fait c'était vraiment un gouffre.
03:02 Ça arrive et je pense que c'est un peu à l'image d'un roseau en fait.
03:05 On reste droit, on reste droit, on veut pas plier et en fait à un moment donné il y a trop de poids et puis ça casse.
03:09 Et c'est là où on se perd, c'est là où il y a le burn out, c'est là où il y a la dépression.
03:13 Et si on commence à en parler déjà ça pourra être moins puissant et moins fort pour ces gens là et ils pourront s'en sortir encore plus vite.
03:19 plus vite.

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