• il y a 2 ans
Transcription
00:00 Ça, c'est Illumination.
00:01 Le studio derrière moi, moche et méchant,
00:02 les mignons, comme des bêtes,
00:04 tous en scène, ou encore Super Mario Bros, le film.
00:06 Leur nouveau film, Migration, est co-réalisé par un français,
00:08 Benjamin Renner.
00:09 Parce que Cocorico, depuis toujours,
00:11 l'animation d'Illumination est faite à Paris.
00:13 Et pour la première fois, le studio nous a ouvert ses portes.
00:15 L'occasion de découvrir toutes les étapes de préparation d'un film,
00:17 du premier dessin au rendu final.
00:19 Là, on est dans le hall d'entrée d'Illumination, le lobby.
00:23 Le petit sas de décompression avant le bordel ambiant
00:25 qui se passe derrière ses portes.
00:26 Illumination, moi, ce que j'en connaissais, c'était leurs films.
00:29 Je connaissais Chris Mélendandry, le producteur,
00:31 qui avait "créé" le studio Illumination Maguef.
00:34 Illumination !
00:37 Leur premier film, c'était Mois Moche et Méchant.
00:39 Est-ce que ça, c'est un bruit énervant ?
00:41 Oui !
00:44 Qui était un événement, en fait, quand il est sorti,
00:45 parce que dans le monde de l'animation,
00:47 c'était un film qui allait être projeté partout dans le monde,
00:51 mais fait par des Français, fait complètement en France.
00:53 Ensuite, ils ont fait plein d'autres films.
00:55 Ils ont fait Tous en scène, Comme des bêtes.
00:57 Ils ont fait Mario récemment.
00:58 Un truc que je trouve très particulier dans les films d'Illumination,
01:03 c'est le graphisme d'Éric Guillon,
01:05 qui, pour le coup, je trouve très, très français,
01:08 vraiment influencé entre 100p et franquin.
01:10 Et ils ont réussi à le transformer en 3D,
01:12 en fait, à le rendre palpable.
01:13 Et je trouve qu'on retrouve finalement cette culture un peu franco-belge.
01:16 On sort vraiment des carcans disneyiens.
01:17 Les mignons, c'est littéralement des tic-tacs, quoi.
01:20 Enfin, tu vois, c'est un design complètement débile,
01:22 mais ça marche, quoi. C'est super drôle.
01:23 Le studio qui se trouve à Los Angeles,
01:25 ça va être plus la partie production.
01:27 Donc, il y a le grand patron qui travaille là-bas.
01:29 Les voix sont enregistrées aux États-Unis,
01:31 évidemment, parce que c'est des acteurs américains qu'on enregistre.
01:33 Les scénarios sont écrits aux États-Unis aussi.
01:34 Mais sinon, effectivement, l'image elle-même,
01:36 elle est vraiment créée en France.
01:37 Le fonctionnement, en fait, d'un film avec Illumination,
01:46 c'est que tu as un scénariste qui écrit un scénario
01:48 et tu as surtout le producteur, en fait, Chris Mellet d'André,
01:51 qui chapote un petit peu tout ça.
01:52 Moi, je suis arrivé, on m'a filé le script et on m'a dit
01:54 "Débrouille-toi, fais des images avec ça en 3D si possible,
01:57 ça nous arrangerait."
01:58 Et c'est comme ça que ça a commencé.
01:59 Alors, l'idée, elle ne vient pas de moi, en fait.
02:01 Elle vient du scénariste qui s'appelle Mike White,
02:04 qui a scénarisé une série que vous connaissez peut-être,
02:07 qui s'appelle The White Lotus.
02:08 Son point de départ, c'était vraiment comment, dans un coup,
02:12 avec les années, on peut avoir des envies différentes dans la vie
02:15 et comment, malgré leur amour commun,
02:17 ça peut les amener à potentiellement se séparer.
02:20 Ils ont écrit quelque chose autour de ça.
02:21 En partant du principe que c'est un papa canard
02:23 qui vit dans sa mare, il est ultra heureux.
02:25 Il a créé vraiment le paradis.
02:26 Tu es insupportable !
02:27 Parce que j'ai trouvé un endroit où on vit en sécurité ?
02:29 Et en fait, il se rend compte que le reste de sa famille,
02:33 ils veulent plus que ça, ils veulent se confronter aux obstacles de la vie,
02:35 ils veulent découvrir les challenges de la vie.
02:37 Je ne gâcherai pas ma vie sous prétexte que tu as peur de quitter cet étang.
02:40 Et donc, il comprend qu'il doit changer pour le bien de sa famille,
02:43 pour l'amour de sa famille.
02:44 C'est parti !
02:45 Contre les plumes arrière ?
02:47 Si !
02:47 Tout ce qui est étang, on a été très inspirés par Bambi.
02:49 C'est vraiment de la peinture au niveau des arbres, au niveau des feuilles.
02:52 C'est quelque chose qu'on a essayé de réavoir dans l'image finale.
02:55 Parce que c'est vrai qu'en 3D,
02:56 souvent on a des choses vraiment très réalistes.
02:59 Et là, on a voulu vraiment trouver le juste milieu.
03:02 C'est-à-dire qu'on a des choses très réalistes,
03:03 mais en même temps, on a essayé de garder un côté un tout petit peu plus pictural.
03:06 Généralement, dans nos décors, plus on regarde au loin,
03:08 plus c'est simple au loin.
03:09 Justement pour ramener cette clarté dans l'image
03:11 et tout de suite comprendre là où on voulait en venir.
03:14 Celui-là, c'est un plan où on donnait l'exemple des plans sous-marins,
03:18 de bateaux sous la mer, où on juste découvre quelques formes.
03:21 Généralement, les films d'animation pour enfants,
03:29 il y a quand même un rythme assez soutenu.
03:31 Et là, on a essayé de créer du contraste,
03:33 c'est-à-dire d'avoir des moments un peu plus tranquilles,
03:35 où on pose des plans un peu longs, etc.
03:37 Ça, c'est purement des choses qu'on peut retrouver dans l'animation japonaise.
03:40 D'une certaine manière, même moi, venant du dessin animé traditionnel,
03:44 donc où je dessine en 2D, des choses comme ça,
03:46 de faire un film en 3D, je retrouvais aussi un peu ce côté complètement déboussolé.
03:50 En fait, on cherchait à designer les canards
03:52 et notre producteur, il voulait vraiment des canards ultra réalistes.
03:54 Et en fait, le problème qu'on avait, c'est qu'en faisant des canards réalistes,
03:57 il manquait un petit peu de distinction.
03:59 Là, tu vois, c'est des petits designs que je faisais pour le fils.
04:02 Enfin, c'est des tâches, presque.
04:03 Le fils, c'est un personnage hyperactif.
04:05 Salut !
04:05 Donc j'ai pris mon pinceau,
04:07 l'aquarelle, tac, paf, paf, paf, paf, tu vois, je fais des trucs avec vachement d'énergie.
04:10 J'ai juste rajouté des yeux et un petit bec, tu vois,
04:13 enfin, juste pour exprimer le truc.
04:15 Et ça a permis, en fait, de donner l'intention de ce que serait le personnage.
04:19 Pam, qui est un personnage, tu vois, qui est très capable de s'adapter.
04:22 Je veux qu'on aille découvrir le monde !
04:24 Elle va être vachement plus dans la courbe, tout ça.
04:26 Mac, au contraire, c'est un personnage qui est très "je suis les règles".
04:29 Une migration, c'est n'importe quoi.
04:31 Donc on l'a fait de manière très droite, tu vois.
04:33 Gwen, c'était littéralement une goutte d'aquarelle que j'ai laissée sécher
04:36 pour exprimer ce côté très contenu, tu vois, du personnage,
04:39 un petit personnage tout timide.
04:40 Vous êtes sûr que personne ne regarde ?
04:42 Gwen, colle vers !
04:43 Dépêche-toi ou on part sans toi !
04:44 Et à partir de ça, tu vois, un petit cro-bar qui indique justement le côté rigoureux,
04:48 j'ai dit, bah, ramenez le naturel du canard,
04:50 ramenez le côté "réaliste", entre guillemets,
04:53 en remettant les courbes, en remettant les formes qu'un canard peut avoir.
04:56 Et c'est comme ça qu'on a designé les personnages.
04:58 Le rigging, c'est presque une marionnette en bois.
05:00 Faut imaginer une petite marionnette en bois.
05:01 Et on va lui créer une ossature pour qu'elle puisse avoir toutes les expressions,
05:05 enfin, exprimer toutes les expressions, les émotions qu'on veut pour le film.
05:09 On va le faire une fois par personnage.
05:11 Et une fois qu'il sera fait, il pourrait être utilisé dans plein de plans différents à l'animation.
05:16 Ça, par exemple, c'est le résultat de notre travail au rig,
05:20 donc sur ce personnage.
05:21 Donc quand on travaille, du coup, le personnage, il ressemble à ça.
05:25 Ce qu'on fait lors du rig, c'est qu'on va mettre en place son squelette.
05:28 Et du coup, on a plein de contrôleurs qui sont toutes les formes un petit peu spécifiques par ici,
05:35 qui vont nous permettre ensuite de bouger la marionnette, comme on dit, le personnage.
05:43 Et donc le travail, ça va être de faire en sorte qu'on puisse le déformer
05:48 et petit à petit pouvoir lui donner des poses pour lui donner vie.
05:51 Ça demande pas mal de travail au niveau anatomique.
05:56 On a fait venir un canard au studio pour se servir de...
06:00 Ça a créé une scène un peu étrange d'un canard ennuyeux d'une foule de techniciens
06:04 qui l'analysaient en silence.
06:06 Donc on regardait juste le canard bouger, puis on prenait des notes.
06:09 Une fois qu'on a fait un personnage, on peut réutiliser une partie,
06:11 mais chaque personnage a une morphologie différente.
06:14 Donc il faut s'adapter à chaque morphologie, tout replacer en fonction de la morphologie.
06:18 Quand on regarde Gwen, elle est assez petite, elle est assez ronde,
06:23 elle a une grosse tête, etc.
06:25 Quand on regarde là sur, par exemple, Mac, on va garder la même base,
06:30 mais en réalité, quand on regarde, niveau morphologie, c'est complètement différent.
06:35 Donc on va devoir replacer les éléments, les articulations en fonction des personnages
06:39 et en fonction de...
06:41 Par exemple, là, il a une tête beaucoup plus petite.
06:44 La déformation qu'on va travailler va être complètement différente.
06:47 Donc on va tout refaire de zéro là-dessus.
06:49 Nous, on va arrêter de travailler sur le film
06:51 et il va encore y avoir au moins deux ans de production derrière
06:56 pour tout finir, pour faire une image de A à Z.
06:59 Vous avez un pire coffin sauvage là.
07:01 Quand le fameux département du layout va nous donner son travail,
07:04 il n'y a pas d'expression de visage, etc.
07:06 C'est juste pour qu'on ait le rythme, la durée du plan, le rythme du plan
07:11 et surtout le mouvement de caméra.
07:13 Sur ce travail-là, on se base beaucoup sur la prise de vue réelle.
07:15 Quand on fait même un gros mouvement de caméra comme celui-là,
07:18 il faut que physiquement, on puisse le faire en réalité.
07:21 Sinon, tout de suite, ça va faire jeu vidéo et on va perdre ce côté cinéma, en fait.
07:24 Là, c'est une vue, si vous voulez, une vue de film.
07:26 Là, c'est une vue, si vous voulez, une vue perspective de l'animation
07:31 où on voit la caméra qui est la caméra du film, ici.
07:34 Et en fait, on a les mêmes réglages, si vous voulez,
07:37 que dans un vrai film à prise de vue réelle.
07:40 C'est-à-dire qu'on peut changer la focale, changer l'objectif,
07:43 avoir une profondeur de champ, etc.
07:44 C'est vraiment le même travail qu'un directeur photo sur un film, en fait.
07:48 Une fois qu'on est content avec ça, qu'on l'a monté, etc.
07:51 Ça, on va l'envoyer chez Julien et Gwenoly en animation
07:55 et eux, ils vont donner ça à des animateurs
07:57 qui vont travailler l'animation de chaque personnage beaucoup plus précisément.
08:00 Sur les films, en général, l'illumination, on met entre un an et demi,
08:09 un an et demi, deux ans sur un film.
08:10 Là, on a passé plus de temps.
08:11 Déjà, il fallait qu'on appréhende les ailes.
08:14 Rien qu'à dessiner, c'est compliqué.
08:15 Il y a tellement de formes différentes, tellement de perspectives aussi.
08:19 C'est quelque chose qu'il fallait appréhender graphiquement.
08:22 Tu vois tous les petits détails que tu peux voir dans les pattes,
08:24 dans la manière dont les ailes bougent,
08:25 l'espèce de petit équilibre instable qu'il y a d'un oiseau dans le ciel.
08:28 Comme ça, c'est vraiment en regardant les vidéos.
08:29 Tu peux sentir la flottaison.
08:30 Ouais, le petit côté réaliste, entre guillemets, du mouvement.
08:34 L'autre gros challenge, c'est de les caractériser vraiment,
08:38 de leur donner vie en termes de personnages, vraiment de films.
08:44 Du coup, ça, c'est encore l'autre défi, vraiment sur les expressions,
08:46 sur comment on raconte quelque chose.
08:48 En fonction de l'expression, ça donne vraiment le mood à la séquence,
08:52 l'ambiance et puis l'état d'esprit.
08:55 Il suffit que je change d'expression pour que le voyage se passe autrement.
09:00 Ça apporte vraiment toute l'expression du personnage au niveau du visage.
09:04 Vous avez créé chacun des regards.
09:06 Ouais, exactement.
09:08 Juste pour pas que vous pensez qu'il y a un bouton magique
09:10 qui fait que l'on clique sur le truc et hop, ça...
09:13 Toutes les poses qui sont là, à la base, elles partent de rien.
09:15 Enfin, le perso est "mort", entre guillemets.
09:17 Il est neutre, il n'a pas d'expression, il n'a pas d'expression du tout.
09:21 L'expression de base, il est comme ça.
09:23 Le compositing, pour moi, c'est surtout mettre en valeur
09:28 ce que le plan veut vraiment raconter.
09:31 Qu'est-ce que veulent dire les réalisateurs ?
09:33 Qu'est-ce que le spectateur doit percevoir ?
09:36 Il faut qu'on comprenne bien ce qui se passe à l'image.
09:38 Et puis après, il y a tout un travail aussi d'étalonnage, d'effet d'optique
09:44 et puis aussi trouver un look à l'image.
09:47 Et ça, c'est vraiment un ping-pong avec les réalisateurs.
09:49 Par exemple, à gauche de l'écran,
09:52 ça, c'est la scène sans du tout de lighting ni de compositing.
09:57 Ensuite, on va passer à l'étape d'après qui est le lighting.
10:01 Là, c'est ce que vous voyez à droite.
10:04 On voit bien, par exemple, le soleil qui tape sur l'oiseau, sur Mac.
10:09 Et ensuite, là, je vais passer au compositing.
10:14 Donc voilà, c'est ça.
10:15 Donc nous, au compo, on va quand même, effectivement,
10:19 donc pas mal étalonner l'image en fonction de ce que veulent bien sûr les réalisateurs.
10:23 Le ciel a été vraiment retouché.
10:25 On a rajouté des nuages, chose qu'il n'y avait pas en amont.
10:28 On a renforcé la lumière sur les montagnes, par exemple.
10:32 On a changé la teinte.
10:33 On a fait quelque chose d'un petit peu plus chaud.
10:35 On a même rajouté le bras de la rivière au fond du décor
10:39 parce qu'on voulait voir un petit peu plus la lumière,
10:42 enfin la rivière au fond, on trouvait que c'était plus graphique.
10:44 Ce plan-là nous a demandé énormément de boulot parce qu'il est très, très long.
10:48 En plus, on a vraiment deux ambiances très différentes entre le début,
10:51 qui est très brumeux, assez sombre, etc.
10:53 Et puis, toute l'envolée à travers les arbres.
10:56 On a fait ici un effet un peu de surexposition
11:00 qui correspond finalement à ce qui peut se passer avec une vraie caméra.
11:04 On essaye de retrouver un petit peu les mêmes effets optiques par rapport à un vrai tournage.
11:07 On rajoute aussi, par exemple, des effets d'optique,
11:10 comme un flair qu'on peut retrouver vraiment sur une caméra réelle.
11:14 On va dire qu'un plan d'une séquence, c'est à peu près une semaine.
11:17 J'ai passé un peu moins de trois ans sur le film.
11:21 Voilà, deux ans et huit mois.
11:23 Nous sommes le dernier département de la création visuelle,
11:26 on va dire, parce qu'après, bien sûr, il y a le son, la musique, etc.
11:30 Mais nous, quand même, on est le dernier département qui livrons l'image.
11:33 C'est ce qu'on va voir au cinéma.
11:35 Pourquoi on est les seuls à voler dans cette direction ?
11:37 On a envie que ça marche pour qu'on ait encore plus envie de faire des films
11:43 qui ne sont pas un numéro 8 ou un numéro 3.
11:45 [Musique]

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