100% Sénat - Pacte de Stabilité et de croissance : B. Le Maire auditionné

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00:00 (Générique)
00:09 -Bonjour à tous et bienvenue dans cette nouvelle édition
00:12 "100% Sénat".
00:13 Pour suivre aujourd'hui, l'audition de Bruno Le Maire,
00:16 le ministre de l'Economie.
00:17 Il était auditionné cette semaine dans le cadre
00:20 de cette réflexion au niveau européen,
00:23 cette renégociation du pacte de stabilité économique.
00:27 Vous le savez, ce pacte limite dans la zone euro
00:30 à 3 % du PIB, le déficit budgétaire,
00:33 et l'endettement à 60 % de ce PIB.
00:36 La France milite pour plus de souplesse dans ce dossier.
00:39 Direction la salle de la commission des affaires économiques
00:42 pour écouter Bruno Le Maire.
00:44 -Merci, monsieur le président, monsieur le président
00:47 de la commission des finances, monsieur le rapporteur général,
00:50 mesdames et messieurs les sénateurs.
00:53 Merci de m'accueillir pour cette audition
00:56 sur les nouvelles règles du pacte de stabilité et de croissance.
00:59 Ca ne fait pas la une de la presse,
01:01 mais c'est probablement un des sujets
01:03 les plus stratégiques pour le pays
01:05 pour les années voire les décennies à venir.
01:10 Je voudrais partir de 2 constats avant de répondre
01:13 aux questions du président Rappin.
01:17 Le 1er constat, c'est que les écarts de dette
01:21 et de situation budgétaire entre les Etats membres
01:24 n'ont jamais été aussi élevés
01:27 depuis la crise du Covid et la crise inflationniste.
01:32 L'écart maximal de niveau de dette publique
01:35 entre l'Etat le plus endetté, la Grèce,
01:37 et les Etats les moins endettés, comme le Luxembourg ou d'autres,
01:41 atteignent 150 points.
01:44 La Grèce a un niveau de dette publique de 166 %,
01:47 le Luxembourg a un niveau de dette publique
01:49 de 25 % de sa richesse nationale.
01:53 Chacun mesure bien que, dans ce contexte-là,
01:55 les règles anciennes,
01:57 qui ne sont plus appliquées jusqu'à la fin 2023,
02:00 comme vous l'avez rappelé, sont obsolètes.
02:03 Le 60 % de dette publique a du sens
02:06 quand la marge est entre 40 et 70 %,
02:09 elle n'a plus aucun sens lorsque la marge est entre 25
02:13 et 160 ou 170 % de la richesse nationale.
02:18 Donc 1er constat, les règles actuelles sont obsolètes.
02:22 2e constat très important,
02:24 parce que le pacte de stabilité et de croissance
02:26 doit servir un objectif politique.
02:29 S'il y a bien un sujet qui me préoccupe aujourd'hui,
02:32 c'est l'écart de croissance et de productivité
02:34 entre les Etats-Unis et l'Europe.
02:37 Nous sommes en train de perdre la partie.
02:41 Les Etats-Unis ont aujourd'hui 2,5 % de croissance
02:44 pour l'année 2023.
02:46 La moyenne des Etats de la zone euro, c'est 0,6 %.
02:51 C'est 2 points de croissance de moins.
02:54 Nous ne pouvons pas continuer comme cela
02:57 avec des Etats-Unis qui ont une croissance forte,
03:00 qui créent beaucoup d'emplois, qui investissent, qui innovent,
03:03 qui récupèrent des pans entiers de l'industrie européenne
03:06 et l'Europe qui, elle, resterait des bras croisés.
03:10 Donc nous plaidons avec le président de la République
03:12 depuis maintenant plusieurs mois
03:14 pour que l'Europe fasse ses investissements nécessaires
03:17 sur la décarbonation, sur l'innovation,
03:19 sur la sécurité.
03:21 Il y a urgence à le faire. Il y a plusieurs façons de le faire.
03:23 Ca peut être des investissements nationaux,
03:25 ça peut être des investissements européens,
03:27 ça peut être des facilités qui sont données.
03:30 Mais je le redis, le pacte de stabilité et de croissance
03:33 doit servir un objectif politique.
03:36 Et nous, notre objectif politique,
03:38 c'est une Europe puissante et prospère.
03:42 Pas une Europe en récession et pas une Europe de l'austérité.
03:48 Je voudrais également souligner un impératif
03:51 en début d'audition.
03:53 Chacun mesure bien les besoins d'investissement massifs
03:57 qui existent aujourd'hui en ce début du XXIe siècle.
04:00 Les investissements dans la décarbonation économique
04:04 et dans l'industrie verte, ils sont indispensables
04:06 si nous ne voulons pas laisser des pans entiers de l'industrie
04:09 là encore aux Etats-Unis.
04:11 Des investissements dans la défense,
04:13 et j'ai bien peur que ce qui se passe en Ukraine
04:16 se rappelle douloureusement à notre bon souvenir.
04:20 Et enfin, des investissements dans l'intelligence artificielle
04:23 si nous avons encore l'ambition,
04:25 qui est en tout cas la mienne et celle de ma majorité,
04:28 d'avoir une intelligence artificielle
04:30 générative européenne indépendante.
04:34 Et là aussi, je voudrais que chacun mesure
04:35 le moment où nous sommes.
04:37 Soit demain, nous sommes clients
04:40 de Chats JPT, de Google et de Microsoft, très bien,
04:44 nous ne serons plus indépendants.
04:46 Soit nous créons notre propre intelligence artificielle
04:49 générative avec nos propres entreprises,
04:51 mais ça va coûter beaucoup d'argent
04:53 et demander des investissements colossaux.
04:56 A titre d'exemple, le président de Microsoft
04:58 que j'ai rencontré la semaine dernière
05:00 entend investir pour les années qui viennent
05:04 100 milliards d'euros d'achat de microprocesseurs.
05:09 Aucun Etat européen,
05:10 et même l'Union européenne dans son ensemble,
05:13 n'atteint à elle seule le montant de cet investissement
05:17 d'une seule entreprise privée américaine.
05:20 Dans ce contexte, il est évidemment indispensable
05:24 de revenir sur les anciennes règles
05:26 qui ont été définies il y a plus de 25 ans.
05:30 Si nous ne redéfinissons pas ces règles,
05:32 nous reviendrons au 1er janvier 2024
05:35 aux règles anciennes qui sont, je le redis,
05:37 totalement obsolètes.
05:39 Ce serait à la fois une erreur économique,
05:42 car ces règles sont procycliques
05:44 et donc nous entraîneraient dans l'austérité,
05:47 et ce serait en plus une faute politique
05:48 parce que cela marquerait l'impuissance
05:51 des Etats européens à se mettre d'accord
05:52 sur des éléments structurants de l'avenir en commun.
05:57 Il faut donc de nouvelles règles
05:59 qui doivent reposer à notre sang sur 3 principes,
06:03 nouvelles règles qui doivent être définies
06:05 pour le prochain quart de siècle à minima.
06:08 Ces 3 principes, ce sont ceux,
06:10 pour répondre à la question du président Rapin,
06:12 que nous avons défendu avec beaucoup de constance
06:14 depuis plusieurs mois au nom de la France.
06:16 Le 1er principe, c'est la différenciation
06:19 des trajectoires budgétaires nationales.
06:21 Ce n'est pas la même chose de partir de 25 % de dettes publiques
06:24 ou de 160 % de dettes publiques.
06:26 C'est basique, mais c'est une réalité
06:28 qu'il est bon de rappeler.
06:29 Donc nous voulons que, sur la base
06:32 d'une évaluation de la dette
06:34 et de la soutenabilité de la dette,
06:35 j'y reviendrai, la fameuse DSA,
06:37 Debt Sustainability Analysis,
06:40 nous puissions définir des trajectoires
06:43 de réduction de la dette et de réduction des déficits
06:46 correspondant à la situation particulière de chaque Etat.
06:50 C'est ce qu'on appelle la différenciation.
06:53 2e principe que nous avons défendu,
06:54 celui de l'appropriation.
06:56 C'est-à-dire que c'est chaque Etat
06:58 qui doit définir sa trajectoire budgétaire nationale.
07:03 C'est un point très important, ce que j'entends dire tout le temps,
07:05 notamment de la part de certains partis,
07:07 qu'on se fait dicter les règles par la Commission européenne.
07:09 C'est totalement faux.
07:10 Au contraire, ces nouvelles règles
07:12 reposeront sur les propositions des Etats membres.
07:15 Enfin, 3e principe que nous avons défendu,
07:17 qui est absolument fondamental
07:18 et qui a été au coeur de notre nuit blanche
07:21 de la semaine dernière,
07:22 c'est la nécessité de prendre en compte
07:24 les investissements et les réformes
07:27 dans le bras préventif comme dans le bras correctif.
07:30 Le bras préventif quand vous êtes sous les 3% de déficit
07:33 et le bras correctif quand vous êtes
07:34 au-dessus des 3% de déficit.
07:36 Pourquoi ? Parce que nous voulons
07:38 qu'il y ait dans tous les cas de figure,
07:40 tous les Etats membres aient un intérêt à investir
07:43 et à faire des réformes de structure.
07:45 Sans quoi, une fois encore,
07:46 nous serons le continent de l'austérité
07:47 au lieu d'être le continent de la prospérité.
07:49 Moi, je veux que l'Europe soit le continent de la prospérité
07:52 et certainement pas le continent de l'austérité.
07:55 Voilà la position que nous avons défendue depuis plusieurs mois
07:59 à longueur de négociations qui ont duré,
08:02 je le redis, plus d'un an maintenant,
08:05 qui m'ont amené à de multiples rencontres
08:07 avec mon homologue allemand
08:09 et qui me permettent de vous dire ce soir
08:11 que nous sommes désormais tout proches d'un accord.
08:14 Nous avons progressé sur chacun des points
08:20 que j'ai mentionnés.
08:22 Dans le cadre du bras préventif,
08:24 c'est-à-dire lorsque les Etats sont sous les 3%
08:27 de déficit public,
08:30 l'accord est quasiment complet.
08:33 Accord sur la différenciation,
08:36 une analyse de soutenabilité de la dette, une DSA,
08:39 sera faite par chaque Etat et pour chaque Etat membre.
08:43 Elle tiendra compte de la situation de chaque Etat,
08:45 sa croissance potentielle, sa démographie,
08:48 sa situation de finances publiques.
08:50 A partir de là, un système d'ajustement
08:53 sera mis en place pour mettre l'Etat
08:56 sur une trajectoire soutenable à moyen terme,
08:59 c'est-à-dire à horizon de 10 ans.
09:02 Cette différenciation reposera sur un indicateur
09:06 très précis, la croissance des dépenses primaires
09:09 hors charge d'intérêt de la dette,
09:10 net des mesures de prélèvement obligatoire
09:14 qui pourraient être décidées par les Etats.
09:16 Donc il y a bien un indicateur très clair.
09:18 Qu'est-ce que ça veut dire en bon français ?
09:20 Nous regarderons la croissance des dépenses
09:23 hors charge d'intérêt de la dette,
09:24 les dépenses primaires, dont nous retirerons
09:26 les mesures nouvelles qui restent à la main des Etats,
09:28 c'est-à-dire celles qui portent sur les impôts et les taxes
09:31 des prélèvements obligatoires.
09:34 Par ailleurs, dans ce bras préventif,
09:37 il est convenu, conformément à la position constante
09:39 de la France, qu'il y aura une extension possible
09:43 de redressement de la dette de 4 à 7 ans
09:48 si jamais un Etat fait des investissements
09:51 avec une liste d'investissements précis,
09:52 notamment sur la décarbonation,
09:54 ou fait des réformes de structure.
09:56 Donc ça nous semble un dispositif particulièrement vertueux.
09:59 On parle de la situation de chaque Etat.
10:01 On regarde comment définir sa trajectoire
10:03 des endettements adaptés à sa situation personnelle,
10:06 situation des finances publiques, situation démographique,
10:09 situation de croissance potentielle.
10:11 On lui laisse évidemment toute marge de manoeuvre
10:13 sur les impôts et sur les taxes.
10:15 Et si jamais il fait des mesures structurelles
10:20 ou il prend des investissements indispensables,
10:21 on lui donne 3 années de plus pour réduire sa dette.
10:26 Enfin, 2e principe dans le bras préventif,
10:28 l'appropriation, je le rappelle, c'est l'Etat membre
10:31 qui propose lui-même son propre plan de désendettement
10:35 de moyen terme.
10:36 Donc je ne peux pas laisser dire
10:38 que la Commission impose quoi que ce soit.
10:40 Simplement, on est dans un ensemble budgétaire commun.
10:43 Il y a des règles communes.
10:45 Chacun doit les respecter, mais chacun définit sa méthode
10:48 pour respecter ces règles budgétaires
10:50 et le nécessaire désendettement.
10:53 Toute la discussion qui a eu lieu lors de l'écofine
10:56 des 7 et 8 décembre 2023,
10:58 et qui a duré, pour tout dire, toute la nuit,
11:00 a porté sur le bras correctif,
11:03 c'est-à-dire lorsque le déficit des Etats
11:05 est supérieur à 3 %.
11:07 Il est évident que l'intérêt direct de la France
11:10 était engagé, puisque nous sommes au-dessus
11:13 les 3 % de déficit, et nous le serons jusqu'en 2027.
11:17 Si on peut faire mieux, si la croissance est un rendez-vous
11:19 et que les parlementaires, dans leur très grande sagesse,
11:22 proposent des économies supplémentaires
11:24 et que nous pouvons aller plus vite,
11:25 nous serons très heureux d'aller plus vite,
11:27 mais dans l'état de la loi de programmation
11:29 des finances publiques, nous passons sous les 3 %
11:31 de déficit public en 2027.
11:35 Donc nous sommes dans le bras correctif,
11:38 dans la procédure pour déficit excessif.
11:41 Dans ce cas-là, la règle qui s'applique,
11:44 c'est une règle de 0,5 point d'ajustement structurel par an,
11:51 c'est-à-dire un ajustement qui tient compte
11:53 de la charge d'intérêt de la dette.
11:57 C'est la règle qui a toujours été définie,
11:59 et c'est une règle sur laquelle l'immense majorité
12:02 des Etats membres ne veut pas revenir,
12:05 en estimant que tout assouplissement de cette règle
12:08 poserait une difficulté.
12:11 Le problème que pose l'application stricte de cette règle,
12:14 et c'est le point sur lequel j'ai insisté,
12:16 c'est qu'elle est procyclique.
12:18 Et dans une situation où vous avez tant d'Etats
12:20 qui sont en récession,
12:22 ou d'autres Etats qui ont des niveaux de croissance très faibles,
12:25 et une croissance moyenne de l'Union européenne
12:27 qui est aussi faible,
12:29 avoir une règle d'ajustement en bras correctifs aussi stricte
12:33 va conduire à alimenter la récession
12:36 et le ralentissement de la croissance en Europe.
12:38 C'est exactement ce que nous avons connu
12:41 pendant la période de la crise financière,
12:43 avec des règles trop strictes qui ont été imposées à la Grèce
12:45 et qui ont finalement ralenti le redressement de la Grèce.
12:50 Nous avons donc beaucoup négocié,
12:52 notamment avec notre partenaire allemand,
12:53 et nous sommes tombés d'accord avec mon homologue allemand,
12:56 Christian Lindner,
12:57 sur la possibilité de déduire pendant ces 3 ans,
13:00 2025, 2026, 2027,
13:04 de l'augmentation de la charge d'intérêt de la dette,
13:08 les investissements et les réformes qui seraient faites.
13:12 Donc on regardera quelle est la charge d'intérêt supplémentaire
13:14 de la dette sur cette période-là,
13:16 et on pourra en déduire les investissements et les réformes,
13:19 ce qui est une incitation, évidemment,
13:21 à faire des investissements dans la décarbonation
13:24 et à faire des réformes de structure,
13:26 et donc à alimenter la croissance,
13:29 y compris quand on est au-dessus des 3% de déficit
13:33 et qu'on est dans le bras correctif.
13:35 Je salue d'ailleurs l'esprit d'ouverture
13:37 dont a fait preuve mon homologue allemand.
13:40 Cela permet de trouver un compromis.
13:41 Je pense que nous, nous avons été très clairs
13:43 sur le respect des règles.
13:44 Nous avons accepté, je vais y revenir,
13:46 un certain nombre de garde-fous,
13:47 et l'Allemagne, de son côté, a accepté de tenir compte
13:51 de cette demande que je crois justifiée et indispensable
13:54 d'inclure les investissements et les réformes
13:57 dans le bras correctif.
14:00 D'autre côté, nous avons accepté
14:02 que les garde-fous soient rigoureux et sérieux.
14:06 Et je pense qu'il est indispensable
14:08 que les règles qui sont définies, les nouvelles règles,
14:11 fassent l'objet de contrôles et de garde-fous sérieux,
14:13 contrairement aux anciennes règles,
14:14 qui sont tellement strictes et avec des garde-fous tellement durs
14:17 que finalement, elles ne sont jamais appliquées
14:19 depuis 25 ans,
14:20 ce qui n'est pas la meilleure garantie de crédibilité
14:23 de ces règles.
14:25 Premier garde-fou, premier safeguard sur la dette.
14:29 L'obligation est faite aux Etats de réduire d'un point
14:32 la dette en moyenne par an,
14:35 une fois que les Etats sont sortis de la procédure
14:37 pour déficit excessif.
14:39 Là aussi, c'était une longue négociation,
14:41 l'Allemagne préférant un point de baisse
14:43 de la dette systématiquement chaque année.
14:46 Et pendant plusieurs semaines,
14:48 nous avons négocié un point de baisse de dette
14:51 en moyenne par an,
14:53 ce qui me paraît bien préférable,
14:54 parce qu'il faut tenir compte des aléas conjoncturels,
14:57 qu'il vaut parfois mieux faire 0,8 une année et 1,2
15:00 l'année suivante et faire 1 en moyenne
15:02 que d'être obligé chaque année de faire systématiquement
15:05 un point de baisse de dette.
15:08 Sur le déficit,
15:09 le point d'accord sur lequel nous sommes parvenus,
15:12 c'est 1,5 % de déficit structurel
15:16 comme objectif cible.
15:18 Je rappelle là aussi, pour éviter toute confusion,
15:21 que ce n'est pas, comme je l'ai lu
15:23 à longueur de journée dans les journaux,
15:25 une division par deux de l'objectif cible
15:27 de l'actuel pacte de stabilité.
15:31 Dans le pacte de stabilité actuel, la cible est à 0,5.
15:36 Et le 3 % que tout le monde a en tête est un plafond.
15:40 Donc il faut comparer ce qui est comparable.
15:42 Nous passons d'un objectif cible de 0,5
15:44 à un objectif cible de 1,5,
15:46 ce qui laisse un peu plus de marge de manœuvre.
15:49 Et le plafond est toujours à 3,
15:51 parce que c'est le plafond à partir duquel la dette
15:54 et le niveau de dette publique peuvent baisser
15:56 dans un état membre.
15:59 Sur ce déficit, l'objectif est d'avoir
16:01 0,4 points par an d'ajustement
16:04 pour parvenir à cet objectif cible
16:06 de 1,5 de déficit structurel,
16:09 avec là aussi, en bras préventifs,
16:11 la possibilité d'avoir un ajustement plus lent
16:14 de 0,25 par an
16:16 si un Etat fait des investissements
16:19 ou des réformes de structure.
16:21 Donc je pense que la vraie victoire française
16:24 dans cette discussion a été d'obtenir
16:27 qu'en bras correctifs comme en bras préventifs,
16:30 il y ait une incitation à faire des investissements
16:33 et à faire des réformes de structure,
16:35 comme la réforme des retraites
16:37 ou la réforme de l'assurance chômage.
16:40 Enfin, dans ces nouvelles règles sur lesquelles nous travaillons,
16:44 les sanctions sont plus progressives,
16:46 moins procycliques.
16:47 Elles peuvent être révisées tous les 6 mois.
16:49 Elles sont donc plus crédibles que les règles actuelles,
16:51 dont je le redis, elles n'ont jamais été appliquées.
16:55 3 conclusions pour terminer.
16:58 D'abord, nous n'avons pas d'accord définitif.
17:01 Nous avons aujourd'hui un accord entre la France et l'Allemagne
17:04 qui a été soutenu par l'Italie et la présidence espagnole.
17:08 Donc c'est déjà une avancée majeure.
17:11 Il reste à convaincre les Etats du Nord,
17:14 les Etats dits frugaux, les Etats baltes,
17:16 les Pays-Bas, la Finlande, la Suède, le Danemark,
17:20 de rejoindre cet accord.
17:22 Il y aura donc un nouvel écofin,
17:24 une nouvelle réunion des ministres des Finances
17:26 avant la trêve de fin d'année pour finaliser cet accord.
17:31 Et je tiens vraiment à souligner
17:33 l'état d'esprit très coopératif
17:35 dans lequel nous avons travaillé avec l'Allemagne,
17:37 avec l'Italie et avec la présidence espagnole.
17:40 Et je salue le travail remarquable qui a été fait
17:42 notamment par la présidente espagnole Nadia Calvino,
17:44 qui est appelée à devenir présidente
17:46 de la Banque européenne d'investissement.
17:49 Le 2e point que je veux souligner,
17:51 après des règles qui sont adaptées à la situation économique,
17:55 c'est que ces règles sont aussi moins brutales.
17:59 Je donne juste l'état actuel du droit.
18:03 Aujourd'hui, vous avez cette fameuse règle des 1/20e,
18:06 quand votre dette est supérieure au plafond
18:08 de 60% de richesse nationale.
18:11 Dans ce cas-là, vous êtes obligés
18:13 de réduire le montant de votre dette publique
18:15 de l'écart à 60% de 1/20e par an.
18:19 C'est cette fameuse règle des 1/20e
18:21 qui est à la fois absurde et totalement hors de portée.
18:25 Je prends l'exemple de la France,
18:27 qui a un niveau de dette publique de 110% de son PIB.
18:30 Il y a donc, entre la cible à 60% et la rarité de la dette,
18:34 un écart à la cible de 50 points.
18:37 Si on divise par 20, suivant cette règle du 20e,
18:40 cela fait 2,5 points de PIB d'ajustement
18:43 de la dette par an obligatoire, suivant les règles actuelles.
18:47 Le point de PIB étant à 26 milliards d'euros,
18:49 cela voudrait dire qu'il faudrait que nous trouvions
18:51 67 milliards d'euros d'économie par an.
18:55 Autant vous dire que c'est la récession garantie
18:57 pour toutes les années qui viennent.
18:59 Donc vous tuez la croissance,
19:01 vous tuez le rétablissement des finances publiques
19:03 et vous tuez le pays tout court.
19:05 Donc ces règles n'ont plus aucun sens aujourd'hui.
19:08 Enfin, dernier élément, ce sont des règles
19:10 qui préservent les investissements et les réformes.
19:13 Je le redis, je pense que c'est le point-clé
19:14 que nous avons obtenu après des mois de négociations.
19:18 Ca me paraît très important.
19:19 J'espère maintenant, et je vais me battre pour ça,
19:21 que nous aurons d'ici la fin de l'année un accord global,
19:26 non seulement entre France, Italie, Espagne et Allemagne,
19:29 mais également avec les 23 autres Etats membres
19:32 pour que de nouvelles règles s'appliquent,
19:34 qui soient à la fois plus responsables et plus efficaces.
19:38 -Merci, M. le ministre.
19:40 Avant de passer la parole au président
19:42 de la Commission des finances,
19:43 juste deux petites questions
19:45 qui peuvent avoir une réponse rapide.
19:48 Je suis allé à Berlin avec le président du Sénat
19:51 et nous avons rencontré le ministre Schmitt.
19:56 On n'a pas réussi à percevoir
19:59 si l'impact de la décision de la Cour de Karlsruhe
20:03 avait été ressenti dans la négociation qui a eu lieu.
20:08 Vous avez beaucoup parlé de l'Allemagne.
20:09 Donc est-ce que vous pensez qu'il y a un impact
20:13 et que la trajectoire allemande,
20:15 en tout cas la trajectoire politique,
20:16 puisse encore évoluer à ce sujet ?
20:19 Et puis, deuxième point,
20:21 on pense que, finalement,
20:22 l'organe de surveillance restera bien sûr la Commission.
20:27 On voit qu'on est sur des échéances moyennes.
20:30 Y a-t-il une clause de revoyure qui sera prévue
20:33 imaginant qu'à un certain moment,
20:35 on peut penser que les mesures prises
20:39 seraient insoutenables ou deviendraient compliquées ?
20:43 -Ce premier point, la réponse est oui.
20:47 Je rappelle que la décision de Karlsruhe
20:49 vise à requalifier dans le budget allemand
20:54 les fameux fonds spéciaux à hauteur de 60 milliards d'euros.
20:57 Imaginez que je sois dans une situation
20:59 où il fallait que je requalifie
21:01 60 milliards d'euros de dépenses publiques.
21:04 Cela me compliquerait sacrément la tâche.
21:08 Il faut se faire aucune illusion
21:10 sur les conséquences de cette décision
21:12 de la Cour constitutionnelle de Karlsruhe.
21:14 Ca amène à l'Allemagne à avoir une position plus dure
21:17 sur les sujets de finances publiques.
21:19 Mais je le redis,
21:21 nous avons construit une relation de confiance
21:23 avec Christian Lindner,
21:26 et je pense que cela nous a aidés à bâtir ce compromis
21:31 qui respecte les intérêts et les attentes
21:33 du peuple allemand et du peuple français.
21:36 Sur la clause de revoyure,
21:37 il n'y a pas de clause de revoyure dans le texte,
21:39 mais je rappelle qu'il y a 2 points qui sont importants.
21:42 C'est sur les sanctions.
21:44 Elles peuvent être révisées tous les 6 mois.
21:46 Et enfin, il y a bien entendu, j'aurais dû le dire,
21:48 une "escape clause", une possibilité de suspendre
21:51 l'application des règles du pacte en cas de crise
21:53 comme celle du Covid
21:55 ou la crise inflationniste que nous avons connue.
21:57 -Merci, c'était clair.
21:58 Je vais passer la parole à Claude Reyna,
22:00 président de la Commission des finances.
22:02 -Oui, merci, monsieur le président.
22:05 Monsieur le ministre, merci de ces précisions.
22:09 Moi, je ne suis pas venu dans cette réunion
22:12 avec des idées préconçues ou des questions préconçues,
22:15 mais je réagis à vos propos
22:17 parce qu'il était important d'avoir un point
22:20 un peu d'actualité sur ces sujets
22:24 dont on sait qu'ils sont...
22:25 Comment dire ? Ils sont très difficiles
22:28 dans leur relation européenne depuis quelques mois, maintenant.
22:31 Donc, vous nous marquez quelques évolutions
22:34 tout en ayant la prudence de dire que cet accord préalable,
22:39 ce compromis entre la France et l'Allemagne
22:41 doit encore être partagé.
22:44 Et la phrase est courte,
22:47 mais ce que ça sous-tend est lourd.
22:51 C'est-à-dire avoir l'accord des pays frugaux,
22:55 de certains pays qui viennent d'exercer des votes
22:58 très compliqués.
23:00 Comment ils vont trouver les relations,
23:05 trouver chacun un point d'intérêt dans cet accord.
23:09 On est loin de la coupe aux lèvres, sans doute.
23:12 Je voudrais d'abord avoir un point
23:16 sur, finalement, l'Allemagne dans cette présentation
23:21 apparaît comme ayant à coeur
23:23 de trouver une solution avec la France.
23:25 Est-ce que vous pourriez nous dire
23:27 quel est le point de vue allemand ?
23:28 C'est-à-dire, pourquoi les Allemands
23:31 sont-ils favorables à ce compromis ?
23:33 Nous avions eu, avec le rapporteur général et quelques autres,
23:36 une vision de parlementaires allemands
23:39 extrêmement, quel que soit d'ailleurs le parti,
23:43 extrêmement raide sur cette question.
23:46 On ne les a pas sentis quand on les a rencontrés
23:51 à plusieurs reprises, très allant sur les positions françaises,
23:56 c'est le moins qu'on puisse dire.
23:57 Donc, d'après vous, il est toujours important
24:00 de voir quand il y a un compromis,
24:01 c'est que tout le monde gagne quelque chose, si je puis dire.
24:04 Il y a sans doute quelque chose en relation
24:06 avec la situation économique de l'Allemagne,
24:08 qui est une nouveauté pour elle
24:10 et qui peut-être amène à une facilitation de cet accord.
24:14 Mais je vous laisse vous exprimer sur ce point.
24:17 Ce serait intéressant d'avoir un peu, d'après vous,
24:19 votre compréhension de la position allemande sur ce sujet.
24:25 Deuxième point que nous avions évoqué
24:27 lors du vote, ou du non-vote, d'ailleurs,
24:32 ce qui nous concernait sur la loi de programmation
24:34 des finances publiques,
24:36 est-ce que ces accords, s'ils allaient au bout,
24:41 sont compatibles avec la loi de programmation
24:44 des finances publiques telle qu'elle est,
24:46 telle qu'elle a été finalement votée,
24:49 certes au 49-3, mais votée ?
24:51 Où faudra-t-il ?
24:53 C'était un des points, d'ailleurs,
24:54 que nous avions nous-mêmes levés dès le départ.
24:57 On avait dit, est-ce que la loi de programmation
24:59 ne vient pas un peu tôt ?
25:02 C'est-à-dire, puisqu'elle est votée avant l'accord,
25:04 est-ce que l'accord modifie, d'une certaine façon,
25:06 la trajectoire des finances publiques
25:09 que vous nous proposez ?
25:11 Troisième sujet,
25:15 l'investissement.
25:17 C'est un sujet dont on avait déjà aussi
25:20 beaucoup débattu au Sénat,
25:22 sur la question...
25:23 Alors, on disait à l'époque "investissement d'avenir".
25:27 On avait des formules comme ça, un peu vagues,
25:30 un peu générales, mais finalement, là, vous dites,
25:33 bon, OK, il y a une prise en compte de l'investissement
25:35 sur certaines...
25:37 dans certains objectifs de transition,
25:40 de décarbonation, etc.
25:42 Est-ce qu'aujourd'hui, on a quelque chose
25:44 d'un peu clair sur le sujet ?
25:47 Quel type d'investissement peut être pris en compte ?
25:49 Je pense que beaucoup d'Etats se disent
25:52 que ça peut être un système dérogatoire
25:54 finalement assez lâche,
25:56 c'est-à-dire qu'on y met dedans beaucoup d'éléments.
26:00 Est-ce qu'on va finalement aboutir
26:04 sur une espèce de liste, enfin, une liste de principes,
26:07 évidemment, d'investissements qui pourraient
26:10 permettre de justifier, effectivement,
26:12 d'avoir, comment dire,
26:15 une sortie de déficit excessif
26:19 plus lente que prévue ?
26:22 Voilà les 3 types de questions
26:25 que j'aurai à vous poser,
26:27 mais en réaction immédiate à vos propos.
26:29 -Alors, d'abord, je partage, évidemment,
26:38 l'appréciation du président Reynaud
26:41 sur le fait que nous ne sommes pas encore
26:44 à un accord global.
26:46 Il m'a fallu un an de négociations
26:49 pour parvenir à un accord franco-allemand.
26:51 Et j'y reviendrai parce que ça a été de longues négociations.
26:55 Je me suis rendu à de multiples reprises à Berlin.
26:57 Christian Lindner s'est rendu à de multiples reprises à Paris.
27:02 Pourquoi est-ce que nous sommes finalement tombés d'accord ?
27:06 Du côté allemand, il y a le souci
27:08 de parvenir à des règles crédibles.
27:11 Des règles dures, mais jamais appliquées,
27:14 ce ne sont pas des règles.
27:16 Des règles crédibles, ce sont des règles
27:18 qui sont plus efficaces.
27:21 Du côté français, notre ligne constante
27:24 a été de préserver les investissements
27:26 et la capacité de réforme,
27:28 puisqu'elles sont au coeur de notre stratégie
27:29 de politique économique visant à avoir plus de croissance
27:32 et plus d'emplois.
27:34 Et je conçois d'ailleurs que nous avons
27:35 plus de croissance aujourd'hui en France qu'en Allemagne.
27:40 Nous y avons donc gagné cette assurance-là.
27:42 Enfin, dernier point,
27:45 peut-être le point qui a été le plus au coeur
27:47 de la discussion de la nuit dernière.
27:50 Les Allemands n'acceptent de dérogation
27:56 à la règle du 0,5 point d'ajustement structurel par an
28:02 quand on est dans le bras correctif.
28:05 En fonction des investissements et des réformes de structure,
28:10 qu'à la condition que cette dérogation,
28:12 cette flexibilité ne s'applique qu'en 2025,
28:15 2026 et 2027.
28:18 Ce qui, nous, dans le fond, nous va très bien.
28:20 On n'a pas vocation à rester structurellement
28:23 au-dessus des 3 %,
28:26 mais ça veut dire, pour être tout à fait clair,
28:28 qu'une fois qu'on est revenu sous les 3 % de déficit,
28:32 en 2027 ou plus tard,
28:35 eh bien, il faudra y rester.
28:39 Et c'est ça, le point le plus important,
28:41 qui a fait l'objet de 12 heures de discussion avec l'Allemagne.
28:46 Dans un cas inverse, si cette règle avait été permanente,
28:49 on aurait voulu dire, voilà, on revient sous les 3 %
28:51 dans des investissements et des réformes de structure,
28:54 puis, dans le fond, on peut très bien repasser à nouveau
28:57 sous les 3 % dans 2 ans ou dans 3 ans,
28:59 puisqu'on a cette flexibilité permanente.
29:02 La flexibilité que j'ai obtenue est une flexibilité transitoire.
29:06 Et je pense que c'est bon pour la France
29:08 parce que ça va nous amener à respecter cette obligation
29:12 d'être sous les 3 % de déficit.
29:14 Il n'y a pas d'incitation permanente
29:16 à être au-dessus des 3 % et à déroger aux règles.
29:19 Donc ça a été cela, le point clé.
29:22 J'ai accepté que ces règles soient transitoires
29:24 parce que la France n'a pas vocation
29:26 à être en permanence au-dessus des 3 %,
29:28 et l'Allemagne a accepté de son côté
29:30 que pour revenir sous ces 3 %,
29:31 on tient compte de notre stratégie économique
29:33 d'investissement et de réforme de structure.
29:38 Sur la compatibilité avec la loi de programmation
29:40 des finances publiques, la réponse est oui,
29:42 puisque nous faisons 0,35 points en moyenne
29:46 d'ajustement structurel par an,
29:48 et qu'avec la souplesse qui nous est donnée
29:50 par les investissements et les réformes de structure,
29:54 cela correspond aux 0,5 qui ont été fixées comme règle.
29:57 C'est précisément là que la flexibilité nous sera très utile
30:01 pour les années 25, 26 et 27.
30:05 Enfin, sur les investissements,
30:07 nous sommes en lien avec les objectifs stratégiques
30:10 fixés par l'Union sur le climat,
30:13 FILFOR 55 et le Net Zero Investment Act,
30:17 et également la défense.
30:19 J'ai beaucoup plaidé sur ces sujets-là.
30:21 Je pense qu'il faut que nous fassions très attention.
30:24 C'est vraiment un des choix structurants
30:26 pour l'avenir de l'Europe.
30:27 Si nous n'investissons pas,
30:29 je le vois sur la décarbonation, sur les batteries électriques,
30:32 sur l'hydrogène vert, sur les anodes ou sur les cathodes,
30:35 sur l'éolien, sur les panneaux solaires, sur la chimie,
30:40 nos industries iront s'installer aux Etats-Unis
30:43 et il n'y aura pas de cadeau.
30:45 Il n'y aura pas de cadeau.
30:48 Donc si l'Europe n'investit pas massivement
30:50 dans l'industrie verte,
30:52 l'industrie verte s'implantera aux Etats-Unis,
30:55 avec l'Inflation Reduction Act,
30:56 le crédit d'impôt qui a été mis en place
30:58 et toutes les facilités qui ont été mises en place
31:00 par le gouvernement américain.
31:02 Et nous aurons été responsables
31:04 de la désindustrialisation du continent européen.
31:07 Il y a une nouvelle révolution industrielle,
31:09 c'est l'industrie verte.
31:11 La France a poussé un projet de loi industrie verte,
31:14 et merci du soutien qui m'a été accordé ici au Sénat.
31:16 Nous sommes le premier Etat en Europe
31:18 à avoir mis ce crédit d'impôt sur l'industrie verte en place.
31:21 Il sera effectif au 1er janvier.
31:23 Nous voulons que la décarbonation
31:26 soit une opportunité de réindustrialisation.
31:29 Les Etats-Unis l'ont parfaitement compris,
31:30 la Chine l'a parfaitement compris,
31:32 l'Europe l'a à moitié compris.
31:34 Nous voudrions qu'elles le comprennent à 100%.
31:37 Même chose sur les innovations,
31:39 et en particulier sur l'intelligence artificielle.
31:44 Si nous ne mettons pas en place les moyens financiers,
31:46 nous n'y arriverons pas.
31:47 Et je rappelle aussi que sur la régulation,
31:49 le président de la République s'est exprimé très clairement hier,
31:52 si nous avons une régulation
31:54 qui est plus stricte que celle des Américains,
31:56 alors que nous avons moins d'innovations que les Américains,
31:59 il y a peu de chances que prospèrent les entreprises
32:02 d'intelligence artificielle européenne.
32:05 C'est pour ça que nous plaidons
32:06 pour que les niveaux de régulation mis en place en Europe
32:09 ne soient pas plus stricts que ceux qui sont mis en place
32:12 par l'exécutive order du président Biden.
32:16 Enfin, tout dernier mot sur l'investissement.
32:18 Ils ne doivent pas reposer uniquement sur les Etats,
32:21 sur les finances publiques qui sont dégradées.
32:24 Un des enjeux clés, c'est de mettre en place
32:26 l'union des marchés de capitaux.
32:28 Le financement bancaire sera insuffisant.
32:30 Vous ne trouverez pas 100 milliards d'euros chez les banques.
32:33 Ca, ça n'existe pas, surtout dans une période de taux d'intérêt
32:36 qui sont beaucoup plus élevés.
32:37 Donc il faut un financement différent,
32:39 notamment par des fonds d'investissement.
32:42 Aujourd'hui, l'Europe n'a pas d'union des marchés de capitaux.
32:44 Je ferai des propositions dès le début de l'année prochaine
32:47 pour qu'on reparte sur des bases qui soient différentes.
32:50 Aujourd'hui, dans le fonds, ça fait 5 ans
32:52 qu'on négocie l'union des marchés de capitaux
32:53 sur une base globale,
32:55 qui suppose une supervision générale
32:57 et la fusion de tous les superviseurs nationaux
32:59 en un seul superviseur européen.
33:01 C'est trop ambitieux, on n'y arrivera pas.
33:03 Donc autant prendre une autre méthode,
33:05 qui est une méthode d'opt-in,
33:06 où on partirait à 2, 3, 4 Etats
33:09 qui mettraient ensemble leur supervision,
33:12 et puis ensuite, que nous rejoignent
33:13 tous ceux qui sont intéressés par l'union des marchés de capitaux.
33:16 Et on verra combien d'Etats nous rejoignent.
33:18 Je pense qu'il faut être plus pragmatique, plus rapide.
33:21 Il y a des besoins de capitaux qui sont massifs.
33:23 Nous ne ferons pas l'union des marchés de capitaux
33:25 en une seule fois, donc autant partir
33:26 avec une méthode différente,
33:28 qui est une méthode où se rassemblent
33:31 tous ceux qui veulent avancer,
33:32 et puis les autres suivront ensuite.
33:34 -Merci, M. le rapporteur général.
33:38 Puis nous laisserons la parole à nos 2 rapporteurs,
33:40 Christine et Florence.
33:42 -Oui, merci, M. le ministre.
33:45 Moi, j'entends vos propos,
33:50 votre volontarisme.
33:51 J'ai envie de dire...
33:56 Il me réjouit, mais j'ai quand même une question.
33:59 C'est ce volontarisme,
34:02 votre appel...
34:04 Comment dirais-je ?
34:07 À la différenciation, à la fin, d'ailleurs.
34:10 Ce qui m'a le plus intéressé, c'est votre propos final,
34:13 parce que sur une union des marchés de capitaux,
34:17 est-ce que j'ai beau...
34:19 Je vous écoute, et en même temps,
34:21 j'ai en tête la situation des finances publiques de la France,
34:24 qui est particulièrement dégradée.
34:26 On est quand même dans les plus mauvais élèves de la classe
34:31 de l'Union européenne.
34:33 Ce qui, moi, me pose un problème,
34:36 je reviens toujours à l'histoire,
34:38 d'une France et d'une Allemagne qui se sont réconciliées
34:42 et qui ont posé les 2 pays et de l'Europe,
34:44 la communauté européenne du charbon et de l'acier,
34:46 ça me parle un peu en tant que Lorrain,
34:48 et la politique agricole commune,
34:50 ça me parle beaucoup en tant que fils et frère de paysan.
34:53 Et je vois aujourd'hui les dégâts d'un affaiblissement
34:57 de ces 2 piliers dans le tandem France-Allemagne,
35:02 mais dans le concert européen.
35:05 Et donc, je dirais, les orientations que vous proposez,
35:11 j'ai quand même aujourd'hui des inquiétudes,
35:15 et je dirais même des doutes,
35:17 parce qu'il faut pouvoir tenir la voilure.
35:22 Or, le niveau d'investissement nécessaire
35:27 ne sera possible,
35:30 alors, selon qu'il soit porté par l'Europe,
35:32 il faut voir à quelles conditions,
35:34 mais on a quand même besoin, simultanément,
35:37 parce que c'est attention au mot que j'utilise,
35:40 de redresser notre situation,
35:42 parce qu'au regard des indicateurs économiques et financiers,
35:47 on va quand même avoir plus de difficultés,
35:49 avoir des conditions de financement
35:52 de notre politique d'investissement et d'innovation,
35:56 elles seront moins favorables que les pays
35:58 qui sont en meilleure santé.
36:00 Je pense à l'Allemagne, mais je pense aussi
36:03 aux pays d'Ifrugo, et ce qui m'inquiète, moi,
36:06 c'est le tandem historique, le moteur franco-allemand,
36:10 dont j'ai peur qu'ils connaissent éventuellement des ratés.
36:15 Alors, j'entends, je sais votre implication,
36:18 je dirais que je la salue,
36:21 dans la volonté de tenir ce couple franco-allemand,
36:23 mais je regarde aussi les chiffres,
36:26 et puis je regarde la situation politique dans les deux pays.
36:29 En France, ça devient...
36:33 Je dirais que...
36:37 la force politique de la majorité s'effrite un peu.
36:41 En Allemagne, la coalition présente des signes de fragilité,
36:45 donc, comment dirais-je ?
36:48 Il faut absolument qu'on puisse, je dirais,
36:52 non seulement reconsolider ce couple,
36:56 mais surtout faire en sorte que le noyau dur
36:59 autour de ce couple,
37:02 vous l'avez peut-être un peu esquissé en disant
37:04 que ça peut être 3, 4 pays,
37:07 moi, je ne crois pas du tout
37:09 aux forces que j'appellerais multipolaires.
37:11 C'est souvent des beaux contextes, des belles explications,
37:15 c'est des beaux mots,
37:16 et en général, ça se fracasse
37:18 sur les premières difficultés quand elles se présentent.
37:21 Donc, une force politique,
37:24 la place de la France et de l'Allemagne,
37:26 ou d'un noyau plus dur
37:29 pour emmener l'Europe sur le chemin de la réussite,
37:32 parce que, vous le savez comme moi,
37:34 les Français, aujourd'hui, doutent,
37:36 et ça me fait plutôt mal de voir
37:39 que l'Europe est plutôt vécue
37:42 et ressentie comme étant la source de nos difficultés,
37:45 alors que, sans Europe,
37:48 la France n'a plus la capacité
37:52 de donner, de battre la mesure et de donner le tempo.
37:56 Voilà, donc, c'est plutôt des...
37:59 J'ai besoin de comprendre,
38:03 comment dirais-je, le chemin réaliste,
38:07 et je le trouve, en tous les cas,
38:09 je trouve la pente très escarpée
38:11 pour arriver à la fois à désendetter,
38:13 investir au bon niveau,
38:15 et à faire en sorte que la France retrouve
38:17 la place que, malheureusement, elle a perdue,
38:21 que ce soit dans sa capacité, je dirais,
38:24 à avoir les bons indicateurs économiques et budgétaires,
38:27 mais aussi avoir cette capacité à entraîner.
38:30 -Je partage ce que vient de dire le rapporteur général.
38:35 En réalité, si on résume les choses à grands traits,
38:40 la France a plus de dettes,
38:42 mais l'Allemagne a moins de croissance.
38:45 Et l'Allemagne a aussi ses propres difficultés,
38:48 avec le risque qui est que l'Allemagne
38:50 taille dans ses investissements,
38:52 notamment depuis la décision de Karlsruhe.
38:57 Je redis à quel point la situation économique difficile
39:00 de l'Allemagne
39:02 n'est pas dans l'intérêt du tout de la France.
39:06 Quand l'Allemagne est en récession, l'analyse du FMI,
39:08 c'est que cela a un impact sur la croissance française
39:11 de 0,1 à 0,2 points de PIB par an.
39:14 Donc c'est considérable.
39:17 Point de PIB, c'est, je le rappelle,
39:20 26 milliards d'euros.
39:22 Donc c'est un impact absolument considérable.
39:25 Deuxième chose, je vais être très honnête, comme toujours.
39:27 On a eu de longues discussions avec vous,
39:29 avec la Commission des finances, sur le sujet.
39:31 L'histoire de la France, c'est l'histoire
39:34 d'une lente dégradation de ses finances publiques
39:36 sur un quart de siècle.
39:38 Un quart de siècle.
39:39 Nous sommes en 2023, presque au début 2024.
39:43 En 2000, nous étions à peu près
39:45 au même niveau de dette publique que l'Allemagne.
39:48 60 %.
39:51 Premier choc, ça a été celui de la crise financière.
39:55 Ca a été le choc le plus massif.
39:58 Nous sommes sortis de ce choc
40:00 avec 30 points de dette publique de plus que l'Allemagne.
40:05 L'Allemagne a rétabli ses comptes.
40:07 Elle est revenue à 60, 62 % de dette publique sur PIB en 2011,
40:12 là où la France était au-dessus de 90 %.
40:16 Nous n'avons jamais rattrapé ces 30 points.
40:19 Ensuite, de 2011 à 2017,
40:23 là aussi, les choses se sont lentement dégradées,
40:27 mais à un rythme plus faible,
40:28 pour passer de 90 à 98 % de dette publique.
40:33 Nous sommes revenus en 2018 sous les 3 %.
40:38 Nous avons accéléré le désendettement.
40:41 Et ensuite, le double choc, le triple,
40:44 les gilets jaunes, du Covid et du choc inflationniste
40:48 nous ont amenés à augmenter la dette publique de 15 points,
40:52 ce qui est un peu au-dessus de la moyenne européenne,
40:55 qui est de 12 ou 13 points,
40:57 mais pas considérablement au-dessus.
40:59 Donc l'histoire sur 25 ans,
41:02 c'est l'histoire d'une lente dégradation
41:04 des finances publiques françaises,
41:05 qui nous ont amenés à réagir en 2017 et en 2018,
41:10 à amortir les chocs ensuite,
41:11 mais une fois encore de manière comparable
41:13 à celle des autres Etats européens,
41:15 et réagir à nouveau maintenant.
41:18 Et je veux le redire avec beaucoup de force,
41:21 le redressement des finances publiques
41:23 est indispensable à l'indépendance française,
41:28 indispensable à notre souveraineté.
41:30 Et si certains n'aiment pas ces grands mots,
41:33 c'est tout simplement indispensable pour faire face
41:34 à n'importe quel nouveau choc conjoncturel
41:36 qui pourrait arriver.
41:38 Si demain, il faut faire face à risques militaires
41:42 encore plus élevés qu'aujourd'hui,
41:43 et qu'il faut réinvestir dans les capacités de défense,
41:45 on fait comment si on n'a pas les réserves financières nécessaires ?
41:50 Si demain, il faut faire un investissement massif
41:52 de l'intelligence artificielle, parce que nous sommes,
41:54 ceux que nous sommes aujourd'hui,
41:55 un des pays les plus attractifs en Europe.
41:57 Nous avons les scientifiques, nous avons les laboratoires,
42:00 nous avons les algorithmes et nous avons les supercalculateurs,
42:03 mais qu'on ne peut pas mettre les 10 ou 15 milliards.
42:05 Mais on sacrifie l'avenir des générations qui viennent,
42:09 des emplois, des emplois qualifiés,
42:10 une capacité de calcul indépendante.
42:13 Donc cet impératif de redressement des finances publiques,
42:17 il me tient extrêmement à coeur,
42:19 parce que c'est notre intérêt supérieur
42:22 qui est réellement en jeu.
42:25 C'est ce que prévoit la loi de programmation
42:26 des finances publiques, et elle doit être tenue
42:29 coûte que coûte.
42:31 Ce ne sera pas facile,
42:33 parce que la croissance économique aujourd'hui en Europe
42:37 est faible, mais ça reste tout autant nécessaire.
42:41 Et ce n'est pas parce que la situation économique
42:43 est plus difficile qu'il ne faut pas tenir rigoureusement
42:46 et scrupuleusement la trajectoire de rétablissement
42:49 des finances publiques de la loi de programmation
42:51 des finances publiques.
42:54 Alors, dans cet environnement global,
42:56 ce qu'il faut bien comprendre,
42:57 et je pense que vous l'avez tous présent à l'esprit,
43:00 c'est que nous avons réussi plus vite que prévu
43:02 à sortir de la crise inflationniste.
43:04 Les chiffres de l'inflation aujourd'hui baissent rapidement,
43:07 mais le prix à payer, c'est une croissance
43:10 un peu plus faible.
43:12 Parce que des taux d'intérêt élevés
43:13 font une inflation qui baisse,
43:16 mais ça fait aussi une croissance qui ralentit.
43:20 A partir de là, quelles sont nos solutions ?
43:23 Les seules solutions, c'est soit France 2030,
43:26 il y a 57 milliards d'euros dessus,
43:27 soit l'investissement privé.
43:29 Mais ça ne peut pas être de nouveaux investissements publics.
43:32 Ou alors, il faut qu'au niveau européen,
43:34 ça peut être une réflexion qu'on mène,
43:36 nous disions tous, bon, écoutez,
43:37 il y a besoin d'investissement sur la décarbonation,
43:39 il y a besoin d'investissement sur l'intelligence artificielle,
43:42 qu'est-ce que nous faisons collectivement ?
43:44 Mais je ne vois pas d'autre option
43:46 que cette réflexion collective sur l'investissement européen
43:50 pour gagner en productivité, en croissance et en emploi.
43:55 -Merci. Je vais passer la parole à nos 2 rapporteurs.
43:58 Alors, je ne sais pas dans quel ordre.
44:00 Florence, Christine. Florence.
44:03 -Allez, merci, monsieur le président.
44:06 Merci, monsieur le ministre, pour ces éclairages.
44:09 Donc, vous avez abordé la question du calendrier.
44:14 Elle est bien entendu cruciale.
44:16 Vous espérez un accord d'ici la fin de l'année.
44:21 S'il devait advenir,
44:24 les trilogues pourraient nous faire aboutir
44:27 à peu près à quelle échéance ?
44:29 Et si on n'avait pas d'accord d'ici la fin de l'année,
44:32 est-ce qu'on imagine une mise en oeuvre,
44:36 enfin, en tout cas, un accord final
44:38 avant les élections européennes ?
44:40 Bon, sachant quand même les risques
44:42 que l'on a sur ces échéances,
44:44 est-ce que ce risque-là peut pousser les pays
44:48 à un accord, à une volonté d'aboutir
44:51 avant ces échéances ?
44:52 Et même dans cette perspective,
44:55 l'année 2024 serait une année de transition,
44:59 et peut-être même l'année 2025,
45:02 en tout cas, c'est ce qui est ressorti de nos échanges
45:05 avec la Commission européenne.
45:06 Donc, sur cette année de transition 2024,
45:10 la France sera en déficit excessif.
45:13 Est-ce qu'une procédure pour déficit excessif
45:16 pourrait être engagée ?
45:17 Puisque la réforme ne serait pas encore complètement adoptée.
45:22 C'est une question que nous nous posions.
45:25 Ensuite, bon, je partage tout à fait votre avis
45:29 concernant les besoins d'investissement.
45:32 Et vraiment, je m'interroge,
45:33 parce qu'on a vu au fil des négociations
45:37 l'introduction de clauses de sauvegarde,
45:39 et donc de critères quand même relativement uniformes,
45:43 alors que l'esprit de la réforme,
45:46 l'esprit de la Commission, c'était davantage de différenciation.
45:49 Et finalement, depuis 40 ans, on a accumulé des déficits,
45:53 et alors qu'aujourd'hui, on a des défis immenses,
45:58 qu'on a les Etats-Unis qui sont très réactifs,
46:00 et vous l'avez très bien souligné,
46:02 dont la productivité augmente,
46:04 est-ce que finalement,
46:06 ce que vous avez abordé en fin de propos,
46:08 est-ce qu'on ne devra pas, au niveau européen,
46:10 s'interroger sur ce que nous faisons collectivement
46:14 face au niveau d'endettement de certains pays,
46:16 dont la France, que nous connaissons,
46:19 mais pour faire face à la rivalité extra-européenne
46:24 et aux enjeux qui sont essentiels de transition écologique ?
46:27 Je vous remercie.
46:28 -Merci, monsieur le Président.
46:33 Alors, juste une question un peu peut-être provocatrice,
46:38 parce que vous nous avez présenté la réforme
46:41 telle qu'elle est envisagée.
46:43 Et donc, finalement,
46:45 est-ce qu'on n'a pas déjà, finalement,
46:47 des règles qui vont être très complexes,
46:49 avec les nombreuses dérogations que vous avez évoquées ?
46:53 Par ailleurs, finalement,
46:54 est-ce qu'on ne va pas aussi retrouver
46:55 un autre défaut des règles anciennes,
46:57 à savoir la proclicité,
47:00 alors que c'était quelque chose dont on voulait se séparer ?
47:04 Après, une autre...
47:06 J'ai dit quoi ?
47:07 Oui, pardon.
47:08 -C'est la pratique.
47:09 -Procic...
47:11 Procic... Tout le monde m'a compris.
47:13 Ensuite, une seconde question
47:17 qui porte sur le sujet du contrôle démocratique,
47:20 notamment parce que les plans nationaux
47:23 vont pouvoir aller jusqu'à un horizon temporel de 17 ans.
47:27 Donc c'est déjà bien au-delà des mandats
47:31 des parlementaires dans les pays de l'Union européenne,
47:34 c'est bien au-delà des mandats des différents gouvernements.
47:38 Donc dans quelle mesure une nouvelle majorité
47:41 qui arriverait au pouvoir pourrait remettre en cause
47:43 ce qu'a décidé la majorité précédente,
47:46 puisque de ce qu'on comprend,
47:48 notamment de ce que la Commission avait fait comme ouverture
47:53 dans sa proposition d'avril 2023,
47:55 les choses étaient vraiment très, très limitées.
47:59 Et enfin, quel sera le rôle des parlements nationaux
48:04 dans ce cadre-là ?
48:07 Est-ce qu'ils auront un rôle à jouer,
48:09 notamment sur le respect des Etats membres
48:12 vis-à-vis de leurs engagements européens ?
48:15 Parce qu'en fait, ils sont quasiment jamais mentionnés
48:18 dans les documents qui circulent jusqu'à présent.
48:21 -Sur le calendrier,
48:34 donc de 2 choses. L'une,
48:37 soit il y a un accord d'ici la fin décembre,
48:41 soit il n'y a pas d'accord.
48:43 Je veux être très clair, s'il n'y a pas d'accord
48:45 d'ici fin décembre, il n'y aura pas d'accord du tout.
48:47 Je ne pense pas que nous puissions repartir
48:50 après une année de négociations
48:54 qui ont été longues, difficiles,
48:58 avec une nouvelle présidence sur de nouvelles négociations.
49:03 Donc nous devons conclure fin 2023,
49:05 comme je l'ai toujours indiqué.
49:07 Et je pense que l'état d'esprit de compromis
49:10 dont a fait preuve l'Allemagne, l'Italie, l'Espagne, la France
49:13 devrait inspirer l'ensemble des autres Etats membres.
49:16 Faute de quoi, nous reviendrions aux anciennes règles.
49:20 Elles sont inapplicables
49:22 et elles marqueraient une faiblesse politique européenne.
49:25 S'il y a un accord,
49:26 c'est pourquoi je vais continuer à me battre tous les jours
49:29 en appelant régulièrement mes homologues.
49:31 Le Trilogue devrait avoir lieu en février au plus tard.
49:34 L'année 2024 serait une période de transition
49:37 et les nouvelles règles s'appliqueraient en 2025.
49:41 S'agissant de la procédure pour déficit excessif,
49:44 elle sera décidée au printemps prochain.
49:47 Il est hautement probable qu'au printemps 2024,
49:50 la France, comme une dizaine d'autres Etats européens,
49:54 sera en procédure pour déficit excessif.
49:57 Nous sommes au-dessus des 3 %, c'est une surprise pour personne.
50:00 Étant que nous ne sommes pas sous les 3 %,
50:02 nous sommes dans cette procédure,
50:04 d'où l'importance qu'il y a à conserver une marge de manœuvre
50:06 pour les investissements et pour les réformes.
50:10 Enfin, je rejoins totalement ce que vous avez dit
50:12 sur les bons choix pour l'Europe.
50:16 Les règles du pacte de stabilité et de croissance
50:17 sont importantes pour fixer un cadre collectif.
50:20 Mais ce qui se joue pour l'avenir européen,
50:23 c'est notre capacité à retrouver de la productivité.
50:28 Sans productivité,
50:30 ce sera un appauvrissement collectif de l'Europe.
50:34 Et la productivité, elle dépend de facteurs parfaitement identifiés,
50:38 la formation, la qualification,
50:41 l'accompagnement des salariés tout au long de leur vie
50:44 et l'investissement dans l'innovation,
50:46 dans les technologies de rupture
50:47 et en particulier dans l'intelligence artificielle.
50:50 Et là, il y a vraiment un choix stratégique à faire.
50:52 Certains pays d'Asie ont déjà fait une croix
50:55 sur l'intelligence artificielle indépendante,
50:57 mais utilisent massivement l'intelligence artificielle
51:01 importée des Etats-Unis.
51:02 C'est le cas de beaucoup de pays asiatiques.
51:04 C'est le cas, par exemple, de Singapour.
51:07 Et ces Etats vont avoir des gains de productivité
51:09 considérables dans les années à venir.
51:11 Si nous, Européens, nous n'investissons pas
51:14 non seulement sur l'application actuelle de l'IA,
51:17 mais sur notre propre IA,
51:19 nous serons laissés sur le côté
51:22 et nous perdrons la course
51:24 par rapport aux Etats-Unis, aux pays asiatiques,
51:28 à la Chine et à tous les pays développés.
51:31 Donc il faut faire très attention,
51:32 parce qu'il y a 2 Europes qui peuvent se profiler
51:35 à échéance de 25 ou 30 ans.
51:38 Une Europe qui se replie sur elle-même,
51:41 vieillissante,
51:42 qui perd la productivité
51:45 et qui s'appauvrit collectivement,
51:47 et une Europe qui fait le choix résolu
51:50 des nouvelles technologies, de l'investissement,
51:53 de la productivité, de la formation,
51:55 et qui reste une des grandes puissances économiques
51:57 de la planète.
51:59 Donc faisons attention à ne pas confondre
52:01 la fin et les moyens.
52:03 Le pacte de stabilité
52:05 est le moyen de garantir la stabilité financière
52:08 de l'Europe.
52:09 Ce n'est pas une fin en soi.
52:12 Et je me suis tué à expliquer cela
52:14 à tous les autres Etats européens,
52:16 matin, midi et soir,
52:17 à l'occasion de toutes les réunions,
52:19 une fois encore, très constructives,
52:20 que nous avons eues depuis maintenant 6 mois.
52:22 Le pacte de stabilité est une nécessité,
52:26 il est un moyen pour éviter tout dérapage.
52:29 Il n'est pas une fin en soi.
52:32 Il doit être au service d'un objectif politique,
52:34 celui d'une Europe prospère, sûre et décarbonée.
52:39 Christine Laval, est-ce que les règles sont trop complexes ?
52:42 Je pense qu'elles sont
52:43 beaucoup plus simples que les règles existantes,
52:46 beaucoup plus simples que cette règle du 1/20e
52:48 qui était incompréhensible pour tout le monde.
52:52 Est-ce qu'il y a un risque de prosécuté ?
52:53 C'est évidemment un des risques majeurs,
52:56 parfaitement identifié,
52:57 que vous avez raison de souligner,
52:59 parce que rien ne serait pire que des règles budgétaires
53:03 qui enfonceraient l'Europe dans la croissance molle,
53:06 voire dans la récession.
53:07 Je pense qu'il y a 3 éléments qui permettent de garantir
53:11 que ce risque-là est écarté.
53:15 Le 1er élément, c'est que ces règles
53:17 sont appliquées sur du moyen terme
53:19 et qu'il y a une possibilité d'étendre
53:21 de 4 à 7 ans les périodes d'ajustement
53:24 en fonction de l'investissement et des réformes de structures.
53:29 C'est une fois encore l'apport français.
53:30 Je pense que c'est un apport extrêmement important
53:32 qui a été très difficile à négocier.
53:33 L'Allemagne partait sur du 4 + 2 ans maximum,
53:36 voire sur 4 sec.
53:37 Nous avons obtenu 4 + 3,
53:40 ce qui est une vraie incitation
53:41 à éviter le caractère procyclique des mesures
53:44 et à investir et à faire des réformes de structures.
53:48 La 2e chose, c'est que les références
53:51 quantitatives ne sont que des garde-fous.
53:54 Ce ne sont pas des obligations en tant que telles.
53:58 Je pense que ça permet de garder une marge de manoeuvre.
54:00 Enfin, le 3e élément, c'est la révision tous les 6 mois
54:04 des sanctions qui s'appliquent à des Etats
54:07 qui ne respecteraient pas les règles,
54:08 ce qui permet aussi de garantir
54:09 que si elles ont un caractère procyclique,
54:11 on peut modifier ces sanctions.
54:14 Enfin, sur le Parlement, il devra naturellement
54:16 être consulté dès lors qu'il s'agit de règles
54:19 qui s'appliquent au budget français.
54:21 -Oui, Audrey. Audrey Lincolnel.
54:27 -Merci, M. le Président. Merci, M. le ministre.
54:30 J'ai peut-être posé une question un peu moins consensuelle,
54:34 ce qui ne veut pas dire que je n'adhère pas
54:36 à un certain nombre de propos qui ont été tenus avant moi,
54:39 en partie les vôtres,
54:40 ou encore les questions de Claude Reynal
54:43 ou de Florence Blatrix.
54:45 Néanmoins, il y a 5 000 personnes
54:47 qui ont marché contre l'austérité à Bruxelles,
54:50 notamment à l'appel des organisations syndicales
54:55 d'un certain nombre de pays.
54:56 Et ces personnes ont marché parce qu'elles craignent,
54:59 justement, contrairement à ce que vous avez essayé
55:02 de nous expliquer,
55:03 que le retour du pacte de stabilité de croissance
55:06 se traduise précisément par l'austérité
55:08 que vous-même, vous nous dites, souhaitez éviter.
55:12 Ces organisations demandent une flexibilité dans les critères,
55:17 notamment l'intégration des investissements
55:20 liés à la neutralité carbone.
55:21 Vous avez essayé de nous expliquer
55:23 en quoi cette flexibilité existait,
55:25 en quoi cette intégration des investissements
55:28 en faveur de la croissance verte existait,
55:31 mais vous avez aussi dit,
55:33 et c'est là où je vais poser ma question,
55:35 vous avez aussi dit que la souplesse
55:38 dans les mécanismes d'ajustement
55:41 était liée aux investissements qui seraient faits
55:45 ou aux réformes de structure.
55:47 Vous avez insisté plusieurs fois sur le fait
55:49 que c'était les investissements et les réformes de structure.
55:53 Et vous avez cité dans les réformes de structure
55:55 les exemples de la réforme des retraites
55:57 et de la réforme de l'assurance-chômage.
55:59 Et vous savez que sur cette question-là,
56:01 autant je pense qu'il y a probablement unanimité ici
56:05 sur le soutien aux investissements en général
56:08 et aux investissements de décarbonation
56:10 et d'innovation en particulier,
56:11 autant sur ces réformes de structure
56:13 et sur ces réformes des retraites et du chômage,
56:15 il n'y a pas unanimité, ni ici ni ailleurs.
56:18 Est-ce que vous avez une idée dans les négociations
56:21 que vous avez pu mener,
56:22 notamment avec le noyau de l'Eur des pays,
56:24 mais aussi avec les 23 autres Etats membres
56:26 qui restent à convaincre,
56:28 de la part que prendraient les réformes de structure
56:31 versus l'investissement ?
56:33 Parce que c'est cela aussi qui fera
56:36 que vous serez ou non convaincant
56:38 vis-à-vis de ces 5 000 personnes qui aujourd'hui marchent
56:40 et qui ont encore peur,
56:41 malgré le discours rassurant que vous nous tenez ici,
56:45 que ça se traduise par de l'austérité.
56:46 Merci.
56:48 -Alors moi, je veux rassurer ceux qui ont défilé.
56:56 J'espère qu'il n'y a pas beaucoup de Français parmi eux,
56:57 parce que je pense qu'avec 4,9 % de déficit public
57:01 et 56 % de dépenses publiques dans notre richesse nationale,
57:05 nous sommes face à une austérité généreuse.
57:08 En tout cas, je veux vraiment dire les choses avec franchise,
57:13 puisque c'est l'intérêt de ces échanges
57:16 devant la Commission des affaires européennes.
57:18 Moi, je ne veux pas que la France se singularise
57:20 par un niveau de déficit et de dette plus élevé
57:22 que ses partenaires.
57:24 Or, c'est le cas aujourd'hui.
57:26 Et ça ne me satisfait pas.
57:28 Et je souhaite que nous revenions dans la norme européenne,
57:33 parce que c'est bon pour l'intérêt national
57:36 et ça permet de garantir notre ancrage européen.
57:41 Voilà pour cette audition de Bruno Le Maire,
57:43 le ministre de l'Économie,
57:44 par la Commission des affaires européennes.
57:46 N'hésitez pas à lire les décryptages,
57:48 les analyses par nos journalistes sur publicsenat.fr.
57:52 Très belle suite des programmes sur Public Sénat.
57:54 (Générique)
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