Pour un nouveau discours amoureux de l'entreprise [Gabriel Lomellini]

  • l’année dernière
Xerfi Canal a reçu Gabriel Lomellini, professeur assistant à ICN Business School et membre du CEREFIGE, pour parler de l'apport de Barthes pour penser l'amour dans l'entreprise. Une interview menée par Jean-Philippe Denis. 

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Transcript
00:00 Bonjour Gabrielle Le Mélini.
00:10 Bonjour Jean-Philippe Denis.
00:11 Gabrielle Le Mélini, "Les organisations rêvent-elles d'amour ? Les milléens visagent
00:16 des rosses au travail."
00:17 C'est l'article que vous publiez dans la revue française de gestion numéro 312.
00:21 On ne s'attend pas à lire sur l'amour dans la revue française de gestion.
00:26 Et peut-être que c'est une erreur précisément de ne pas penser amour pour penser l'entreprise.
00:32 Oui et pourtant, c'est vraiment l'idée de fond de l'article.
00:35 Les sciences de gestion paraissent être construites sur un idéal de rationalité, d'acteur
00:41 froid, calculateur qu'on retrouve finalement un peu en finance ou dans les théories classiques.
00:45 Mais est-ce que les sciences de gestion ce n'est pas une science plus même que de
00:49 l'amour, disons du fantasme ? Parce qu'il y a deux éléments là.
00:52 Le premier c'est ce qui se passe au travail.
00:54 C'est de l'ordre de la passion, de l'attachement, que ce soit entre collègues, que ce soit
00:59 à l'égard de son entreprise, de la culture d'entreprise, de ses idéaux.
01:03 Et la question de l'article, je dirais au-delà de l'aspect recherche en tant que tel, c'est
01:08 de dire finalement pourquoi les sciences de gestion ne font pas fantasmer ou plus fantasmer.
01:13 Encore une fois, quand on parle d'autres disciplines, on voit tout de suite, on a des
01:16 images qui sont rattachées.
01:18 Et la gestion, on se dit "un gestionnaire, qu'est-ce qu'il fait ?"
01:21 Peut-être qu'un gestionnaire finalement il étudie ça.
01:24 Il étudie qu'est-ce qui se passe d'amour et qu'est-ce qui se passe de fantasme dans
01:27 les organisations.
01:28 Et peut-être que c'est une façon aussi pour les sciences de gestion d'occuper le
01:32 devant de la scène et l'espace public et médiatique de dire "les sciences de gestion
01:36 sont aussi des sciences de l'amour".
01:37 Je vous écoute là et je vous ai lu et je me dis "marketing, l'amour de la marque,
01:44 l'amour des marques, le marketing passe son temps".
01:46 Vous avez évoqué la finance, le marketing passe son temps à jouer sur cette relation
01:49 "amour avec le client".
01:52 Complètement.
01:53 Et on pourrait encore prendre d'autres disciplines, mais même la finance, quelque part, elle
01:56 joue avec une forme même de fantasme, peut-être même de pulsion.
01:59 En tout cas, l'idée de prendre l'amour comme un cadre général, on pourrait presque
02:05 voir ça comme un programme de recherche en soi, voire même, pour emprunter un terme
02:08 de Barthes qui est omniprésent dans l'article, comme une nouvelle mythologie.
02:12 L'amour comme une nouvelle mythologie de la gestion.
02:14 Et de dire finalement, ce discours amoureux dont Barthes déplorait qu'il était très
02:18 solitaire, dont personne n'en parlait et ne le prenait en charge, si les sciences de
02:21 gestion finalement le prenaient en charge, est-ce que là, il n'y aurait pas à la fois
02:25 peut-être tout un champ intellectuel à explorer et à la fois tout un espace médiatique
02:31 qui finalement est laissé pour compte et que les gens prennent eux-mêmes ? Sur les
02:34 réseaux sociaux, on parle beaucoup de "like", on a des phénomènes aussi passionnels d'identification
02:40 ou de rejet.
02:41 On parle beaucoup de haine aussi.
02:42 Complètement.
02:43 À l'égard de son travail, il y a aussi un désamour.
02:44 On parle beaucoup de haine sur les réseaux sociaux de manière générale.
02:47 Et finalement, on se dit que la gestion, paradoxalement, qui a une image très froide, qui ne fait
02:52 pas fantasmer, pourrait être cette discipline.
02:55 C'est en tout cas ce que je souhaite et ce que je propose, pour être cette discipline
02:58 du discours amoureux dans les organisations, mais de manière plus large aussi.
03:02 Un papier qui ouvre un véritable boulevard de recherche, pour des recherches complètement
03:07 différentes avec d'autres mots.
03:09 Parce que jusqu'à preuve du contraire, l'amour, ça ne se met pas en équation.
03:12 Évidemment, ça c'est très ennuyeux du point de vue scientifique quand on pense mathématique.
03:17 Ça ne se met pas en équation, mais c'est encore ce qui nous distingue aussi des intelligences
03:20 artificielles.
03:21 Jusqu'à preuve du contraire, elles n'aiment pas.
03:22 On l'espère en tout cas, que ça nous distingue des intelligences artificielles.
03:26 Et c'est vrai, si je peux insister là-dessus, c'est vrai qu'en posant la discussion au
03:30 niveau de l'amour, il se passe au moins une chose.
03:33 Là, on ouvre effectivement un programme de recherche, on ouvre en tout cas des perspectives
03:38 que je ne suis pas le seul à avoir vu, mais en tout cas que d'autres ont vu avant moi
03:40 et je dis là, il y a quelque chose à explorer.
03:42 On parlait de marketing, mais on peut parler par exemple de tous les risques psychosociaux
03:45 dont on parle en entreprise.
03:46 Ils ont aussi des enjeux, à mon avis, d'attachement et passionnel très forts.
03:49 On parle quand même dans les cas de burn-out d'idéalisation.
03:52 Il ne faut pas non plus idéaliser, puisqu'on parle d'idéalisation, ce que peut apporter
03:55 l'amour.
03:56 Les phénomènes de rivalité, de jalousie entre collègues, de déception, de rancune,
04:02 tout ça, ça existe au travail.
04:04 Quand on perd son travail, il y a des phénomènes de deuil aussi qui peuvent être très forts.
04:07 Là où le recours à Barthes crée aussi peut-être une nouvelle mythologie en gestion,
04:12 c'est de dire, adoptons ce vocabulaire-là, cette grammaire et n'ayons pas peur de le
04:15 faire parce que peut-être aussi, pas seulement à la gestion, mais d'autres disciplines
04:20 n'ont pas osé peut-être aller sur ce terrain-là, l'aborder.
04:23 Vous dites peut-être par crainte de ne pas paraître scientifique, par crainte de ne
04:26 pas le mettre en équation et de ne pas le maîtriser, mais c'est ça aussi qui fait
04:29 la force de la gestion comme discipline qui n'est pas seulement une discipline calculatrice
04:32 et froide, mais c'est d'aller comprendre qu'est-ce qui se passe au travail.
04:35 Et ce qui se passe au travail, c'est peut-être beaucoup de l'amour aussi.
04:38 C'est peut-être beaucoup de l'amour.
04:39 Alors, si Valérie Trierweiler n'avait pas préompté le titre, je vous dirais merci
04:43 pour ce moment.
04:44 Merci beaucoup.
04:45 Puisqu'on parle d'amour.
04:46 Merci à vous.
04:47 Merci.
04:48 Merci.
04:49 Merci.
04:50 Merci.
04:51 Merci.
04:52 Merci.
04:53 Merci.
04:54 Merci.

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