La lettre de ELLE à Emmanuel Macron : "Non, nous ne sommes pas fières"

  • l’année dernière
La réponse d'Alice Augustin, au nom du magazine ELLE, à Emmanuel Macron, après son propos sur Gérard Depardieu.

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Transcription
00:00 Non, monsieur le président, nous ne sommes pas fiers
00:02 ni de Gérard Depardieu, ni de vos propos.
00:05 Il y a les vrais coups, ces coups qui font mal,
00:11 qui laissent des bleus, et il y a les coups symboliques,
00:14 qui abîment tout autant.
00:15 Celui qu'Emmanuel Macron a asséné à la cause des femmes
00:18 sur le plateau de Sétabou le jeudi 20 décembre
00:21 restera dans les mémoires comme un tournant de sa présidence.
00:24 Après avoir fait de la lutte contre les violences faites aux femmes
00:26 une cause prioritaire de ces deux quinquennats,
00:29 le chef de l'État vient de trahir, sans ciller,
00:32 les millions d'électrices tous bords confondus
00:35 qui ont voté pour lui, contraintes ou convaincus.
00:37 Je suis un grand admirateur de Depardieu.
00:40 Il rend fière la France.
00:41 Voilà ce que nous avons toutes entendues il y a deux jours.
00:45 Voilà les paroles qui nous ont laissées estomaquées,
00:48 abasourdies, nauséeuses,
00:49 dans le sillage des insanités proférées par Depardieu en Corée du Nord.
00:53 Autre uppercut, les mots "dénonciation" et "on dit",
00:56 utilisés par Emmanuel Macron pour qualifier les deux plaintes
01:00 pour viols et agressions sexuelles déposées contre Depardieu
01:03 et dont l'une a conduit à une mise en examen.
01:06 Les 13 témoignages de femmes parues dans une enquête Mediapart
01:10 demandant deux ans de travail aux journalistes.
01:12 Les récits d'actrices qui ont fréquenté Depardieu de près,
01:16 comme Anouk Grimberg, Sophie Marceau ou Emmanuel de Bévert.
01:20 "Je suis contre les chasses à l'homme", a-t-il eu besoin d'ajouter,
01:23 reprenant la ligne de défense classique des agresseurs mis en cause.
01:28 Que dire du choix de cette expression pour soutenir un acteur
01:31 qui se vante face caméra d'être un grand chasseur de femmes ?
01:36 Ce que nous avons véritablement entendu hier, le voici.
01:40 "Taisez-vous, je ne vous crois pas",
01:42 un des aveux magistral de la parole des femmes et des victimes,
01:45 devenu présumément heuse.
01:47 Venant du chef de l'État, cette régression est gravissime.
01:51 Ses propos constituent une faute morale et politique.
01:54 Comment analyser cette séquence folle ?
01:57 Est-ce une volonté autoritariste de recadrer Rima Abdulmalak,
02:01 sa ministre de la Culture, une femme de surcroît,
02:04 qui avait déclaré quelques jours plus tôt que Gérard Depardieu
02:07 faisait honte à la France et évoquait le retrait de sa Légion d'honneur ?
02:11 Est-ce une nouvelle main tendue à la frange la plus conservatrice de son électorat ?
02:17 L'hypothèse la plus probable est sans doute celle de la fin de l'hypocrisie.
02:20 Emmanuel Macron, qui n'a plus le souci de se faire réélire,
02:24 a dévoilé son vrai visage.
02:26 Celui d'un homme qui se range aux côtés des prédateurs,
02:29 celui d'un président qui nous a fait croire à son engagement auprès des femmes
02:33 pour mieux les trahir.
02:34 Faire le choix de retirer la Légion d'honneur,
02:36 refuser de célébrer le talent d'un prédateur
02:38 n'est pas une question de présomption d'innocence
02:41 qui ne vaut que dans le cadre d'une procédure judiciaire,
02:44 mais d'exemplarité, de valeur, de compassion.
02:47 D'ailleurs, ce même président qui s'indigne aujourd'hui
02:50 avait engagé les démarches pour déchoir Harvey Weinstein de sa Légion d'honneur
02:54 dès octobre 2017,
02:56 avant même toute décision de justice.
02:59 De poids, de mesure,
03:00 l'art de dire tout à la fois et son contraire,
03:02 comme une nouvelle violence faite aujourd'hui aux femmes par Emmanuel Macron.
03:07 Non, monsieur le président, nous ne sommes pas fiers,
03:10 ni de Gérard Depardieu, ni de vos propos.
03:13 ♪ ♪ ♪

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