Gérald Darmanin annonce la fin des « imams détachés » : qu'est ce qui change ?

  • il y a 7 mois

Aujourd'hui dans "Punchline", Elodie Huchard et ses invités débattent de l'annonce de Gérald Darmanin concernant les imams détachés.
Retrouvez "Punchline" sur : http://www.europe1.fr/emissions/punchline
Transcript
00:00 Punchline, 18h-19h, Elodie Huchard sur Europe 1.
00:08 De retour sur CNE pour la dernière partie de Punchline.
00:17 On va parler maintenant des imams détachés
00:20 parce que la France n'acceptera plus de nouveaux imams détachés
00:23 à partir d'aujourd'hui, 1er janvier,
00:25 c'est-à-dire des imams envoyés par d'autres pays.
00:28 Alors forcément, avec cette mesure, le gouvernement souhaite limiter
00:31 l'influence des pays étrangers,
00:32 mais les contraintes sont encore nombreuses
00:35 et les questions ne sont pas encore toutes évidentes.
00:38 Regardez les détails avec Maxime Lavandier.
00:40 À compter de ce jour, la France n'accepte plus de nouveaux imams détachés,
00:45 c'est-à-dire des fonctionnaires formés et envoyés par leur pays d'origine.
00:48 Avec cette mesure, l'objectif du gouvernement est clair,
00:51 limiter l'influence des pays étrangers
00:53 et ainsi restreindre la diffusion du séparatisme islamiste.
00:57 Pour l'imam de Bordeaux, le gouvernement se trompe de cible.
01:00 L'intégrisme et le terrorisme se développent plutôt dans les réseaux sociaux,
01:04 ce n'est pas dans les mosquées.
01:05 Les mosquées sont très contrôlées.
01:07 Autre problématique, l'offre et la demande,
01:09 le nombre d'imams détachés a déjà diminué ces dernières années.
01:13 De 300 en 2020, il ne serait plus que 180 officiers dans les mosquées,
01:17 selon les associations religieuses.
01:18 Insuffisant pour Taraïk Oubrou.
01:20 La démographie musulmane est à l'image de la démographie française,
01:27 donc elle est croissante, donc il y a un besoin.
01:30 À cela s'ajoute l'absence d'un véritable institut de formation
01:33 pour assurer le recrutement aux 2 900 lieux de culte présents en France.
01:37 Là aussi, pour l'islamologue Bernard Godard, c'est un casse-tête.
01:40 En France, l'État ou les pouvoirs publics n'ont pas à intervenir directement
01:45 dans les contenus théologiques,
01:47 dans la formation des imams dans le sens théologique.
01:51 Donc c'est ces organisations qui doivent aménager
01:54 un certain nombre de types d'enseignements
01:56 qui permettent à ces imams de connaître la société française.
02:00 Le ministère de l'Intérieur promet d'aider à multiplier
02:03 le nombre de formations pour les imams sur le sol français
02:06 dans le respect de la laïcité.
02:07 Laurent Jacobelli, c'était une promesse d'Emmanuel Macron
02:10 début 2020 pour lutter contre le séparatisme.
02:13 Alors on peut se dire, pourquoi pas une mesure de bon sens,
02:16 mais rien que là, en quelques secondes,
02:17 on voit toutes les questions que ça pose,
02:18 la question de la rémunération, la question des réseaux sociaux,
02:21 la question de la formation, rien que ça déjà.
02:23 Si on croit que cette seule mesure va régler le problème
02:26 de l'islam radical et du communautarisme en France,
02:29 on se trompe.
02:30 D'abord, ça veut dire pas de nouveaux imams qui arrivent en France.
02:35 Aujourd'hui, selon une étude du Sénat,
02:37 c'est entre deux tiers et 80 % des imams qui prêchent en France
02:41 qui sont des imams étrangers,
02:43 qui sont venus exprès pour prêcher dans les mosquées françaises.
02:46 Donc c'est déjà le cas aujourd'hui.
02:48 Or, évidemment, un imam algérien, marocain,
02:51 d'où qu'il vienne d'ailleurs, vient avec sa propre culture,
02:53 avec son sens de son pays d'origine,
02:56 et ne vient pas ici pour travailler avec la France ou pour la France.
03:00 Donc ça pose déjà un problème.
03:01 Et plus que les imams qui arrivent,
03:03 l'autre question, c'est les imams qui partent ou qui devraient partir.
03:05 Parce qu'il y a aujourd'hui des prêcheurs de haine,
03:08 évidemment, pas tous les imams, il y en a parmi eux,
03:11 et ces prêcheurs de haine, qu'est-ce qui leur arrive ?
03:13 Eh bien, pas grand-chose, au final.
03:14 Reprenez, par exemple, l'imam de Boquer
03:17 qui avait appelé à tuer des Juifs.
03:19 C'est quand même pas rien, surtout dans la période
03:20 dans laquelle nous vivons, ça peut résonner
03:22 à l'oreille d'un certain nombre de gens.
03:24 Eh bien, que lui était l'arrivée ? Il a l'interdiction de prêcher, c'est tout.
03:27 C'est donc l'appel au meurtre, aujourd'hui, pour un imam,
03:30 ce n'est que ça. Non, tout ça ne va pas.
03:32 Il faut maintenant fermer les mosquées radicales,
03:34 empêcher les imams qui prônent la haine,
03:37 le crime qui ne corresponde pas
03:40 aux valeurs de l'égalité homme-femme en France.
03:43 Il faut prendre des mesures strictes,
03:44 et puis arrêter le financement des mosquées par l'étranger.
03:47 Moi, je suis élu du Grand Est.
03:49 L'État vient de donner son feu vert pour une mosquée à Mulhouse,
03:52 financée par l'association Miligorus,
03:55 Miligorus, c'est l'islam radical, d'Erdogan,
03:58 enfin, proche d'Erdogan.
03:59 Si vous croyez que demain, dans cette mosquée,
04:02 on va prôner l'amour des valeurs républicaines,
04:05 l'amour de la France et le respect de ceux qui croient différemment,
04:09 je peux vous dire, c'est déjà raté.
04:10 Donc, c'est à la base qu'il faut faire attention.
04:13 Donc, je pense qu'il y a une vigilance générale
04:16 qui n'est pas appliquée, et pour, comme d'habitude,
04:18 ne pas montrer la faillite totale de ce gouvernement
04:21 en matière de prévention de l'islam radical,
04:23 qu'est-ce qu'on fait ?
04:24 On détourne l'attention en parlant d'une mesure...
04:27 Ça va effectivement dans le bon sens,
04:29 mais si on croit qu'elle va tout régler, on se trompe.
04:31 Parmi, effectivement, les doutes,
04:33 et on les entendait notamment dans ce sujet, Rafaël Hamsalem,
04:35 la question des réseaux sociaux,
04:37 parce qu'on l'a vu aussi sur les réseaux sociaux,
04:40 il y a un certain nombre d'imams,
04:42 pas du tout en accord avec les valeurs de la République,
04:44 qui arrivent à récupérer beaucoup de jeunes,
04:46 qui apprennent comme ça l'islam sur les réseaux sociaux,
04:49 et se dire qu'on encadre un petit peu les imams détachés dans les mosquées,
04:53 ça ne change rien à ce qui se passe sur les réseaux sociaux.
04:55 C'est une mesure qui est d'évidence incomplète.
04:58 Sur le principe, elle me semble tout à fait légitime.
05:00 Si vous avez des personnes qui se positionnent,
05:03 pas seulement comme en infraction avec l'État de droit,
05:06 mais en ennemie des institutions,
05:08 il est tout à fait normal que l'État intervienne,
05:11 a fortiori que nous parlons de personnes
05:12 qui sont détachées par d'autres États,
05:15 qui eux-mêmes ont des visées géopolitiques, idéologiques,
05:20 qui sont au contraire à nos intérêts.
05:21 Donc en ce sens-là, cette mesure va dans le bon sens.
05:24 En revanche, elle est d'évidence incomplète.
05:26 Elle est incomplète d'abord parce qu'il y a,
05:29 comme c'était rappelé dans le reportage, un problème de formation.
05:32 Ce n'est pas le tout de retirer des imams détachés,
05:35 c'est d'avoir des imams qui puissent être, entre guillemets, en remplacement,
05:39 et pour le coup, il n'y a pas de mesures qui ont été annoncées,
05:41 même à savoir si c'est le rôle de l'État, quelque part,
05:44 de s'immiscer dans le fait religieux.
05:46 Et puis deuxième point, il me semble que c'était souligné par Olivier Roy,
05:50 la radicalisation, l'essentiel de la radicalisation,
05:54 ne se fait pas en réalité dans les mosquées, contrairement à ce qu'on croit.
05:57 C'est sur des prêcheurs qui sont un peu hors réseau,
06:00 qui ont des cercles d'influence sur les réseaux sociaux,
06:04 comme vous venez de le souligner,
06:06 et contre ça, il est très difficile de savoir quelles sont les mesures à adopter
06:11 parce que sur les réseaux sociaux, il y a évidemment la liberté d'expression,
06:14 maintenant, nous avons un arsenal juridique qui existe,
06:17 qui a été adopté notamment face aux menaces terroristes,
06:20 et je ne doute pas qu'en la matière,
06:22 il y a déjà des choses qui pourraient être appliquées dès aujourd'hui.
06:25 Il y a aussi la question, Joseph Souvenel, de la formation,
06:27 qui est rappelée aussi dans ce reportage.
06:29 On a vu, par exemple, à Strasbourg, un certain nombre de formations.
06:33 Alors, évidemment, pour les imams qui n'ont pas de problème
06:35 avec les valeurs de la République, on imagine qu'ils peuvent y aller
06:37 bien volontairement, en revanche, pour ceux qui ont un problème
06:41 avec nos valeurs, on imagine que ça ne va pas forcément
06:44 être les premiers volontaires pour aller assister à ces formations
06:46 et que quand bien même ils iront à ces formations,
06:48 je ne suis pas sûre qu'ils en tirent grand-chose.
06:50 - Est-ce le rôle d'une République qui se dit laïque de former des imams ?
06:53 - Non. - Quand on aille un petit peu plus loin,
06:56 on ne va pas le faire ce soir, mais c'est au moins une vraie question.
06:58 Et je pense que beaucoup de Français ont été surpris
07:02 par les imams détachés, où on nous dit qu'ils sont environ 300.
07:07 Environ, c'est intéressant, c'est qu'on ne sait pas exactement combien ils sont.
07:10 Ça veut dire qu'il y a des gens qui viennent représenter une religion
07:15 sur notre territoire qui sont des fonctionnaires étrangers,
07:17 c'est-à-dire qu'ils sont subordonnés à une puissance étrangère.
07:21 Et ça passe à crème.
07:22 Subordonnés à une puissance étrangère, beaucoup viennent d'Algérie,
07:26 on sait la sympathie que le gouvernement algérien a vis-à-vis de la France,
07:30 beaucoup viennent de Turquie, et moi, j'ai encore souvenir
07:33 qu'en Méditerranée, il n'y a pas si longtemps,
07:34 une frégate turque a allumé une frégate française,
07:36 elle s'est allumée sur ses radars de combat.
07:39 C'est le dernier geste avant d'envoyer un missile,
07:42 et c'est ces gouvernements-là
07:44 qui rémunèrent des fonctionnaires sur notre territoire.
07:46 Oui, effectivement, c'est une bonne mesure, il était temps de la prendre.
07:49 La question de la rémunération, Gabrielle Cluset, elle va devenir importante
07:53 puisqu'à compter du 1er avril, on aura un cadre spécifique
07:56 qui sera mis en place pour permettre aux associations gestionnaires
07:58 des lieux de culte de recruter elles-mêmes des imams
08:01 qu'elles vont salarier elles-mêmes.
08:04 Là, on se dit, il y a quand même un petit système occulte
08:06 d'où viennent les fonds, etc. C'est toujours la même question.
08:09 Là, c'est un peu le serpent qui se mord la queue, cette histoire.
08:10 Vous avez infiniment raison, mais cette question des imams,
08:13 en fait, c'est un serpent de mer, puisque vous parlez de serpent
08:15 qui se mord la queue, c'est un serpent de mer depuis longtemps.
08:18 Nicolas Sarkozy, en son temps, a voulu trancher le nœud gordien.
08:22 On se souvient que plus tard, Jean-Pierre Cheminon avait dit
08:25 "on va faire une université qui va former des imams
08:29 avec l'argent public",
08:31 ce qui était légèrement contraire à la laïcité, évidemment.
08:36 Donc, c'est un vieux sujet dont on ne trouve pas le bout,
08:41 tout simplement parce qu'il y a une méconnaissance, je pense,
08:44 de l'islam et de sa dimension politique
08:47 et que l'on ne veut pas voir.
08:48 On veut considérer qu'un imam, c'est un curé comme les autres,
08:51 sauf qu'il n'y a pas un clergé constitué,
08:54 comme on peut trouver dans la religion catholique,
08:57 et que la loi de 1905, elle a été créée pour la religion catholique.
09:01 On peut même dire que c'est le christianisme
09:03 qui a inventé la laïcité, vous savez, avec la célèbre expression
09:06 "il faut rendre à César ce qu'il a à César et à Dieu ce qu'il a à Dieu".
09:09 Donc, on essaie d'enfiler une robe à la côte mal taillée
09:13 sur une religion pour laquelle elle n'a pas été faite,
09:16 et ça ne fonctionne pas.
09:18 Moi, je vois... On parle des imams détachés,
09:20 mais il y a un certain nombre de spécialistes qui disent
09:23 "mais est-ce que nos propres imams ne sont pas travaillés par le frérisme ?
09:28 Est-ce qu'ils ont besoin des imams détachés
09:31 pour être travaillés par cela ?"
09:33 Gérald Darmanin aurait pu faire comme l'Autriche
09:35 et décider d'interdire le frérisme, les frères musulmans.
09:41 Il a dit d'ailleurs en novembre dernier "oui, on ne s'interdit rien,
09:44 il faut voir ce que va faire l'Europe",
09:45 parce que vous savez, la France a toujours besoin
09:46 de courir derrière l'Europe, de sa bénédiction.
09:50 Donc, c'est vrai que c'est un petit aspect du problème,
09:53 vous parlez du mode de rémunération qui va de fait être assez opaque
09:59 et une sorte de bocal de poisson rouge sur lequel on n'aura aucune vision,
10:03 mais c'est encore qu'un petit angle du problème.
10:08 Je crois que nous nous faisons face à une problématique extrêmement vaste
10:12 que nous n'avons pas voulu voir, encore une fois,
10:14 parce que par une forme de mépris d'ailleurs,
10:16 pour toutes les religions, nous n'avons pas voulu voir la singularité,
10:19 la part de singularité de chacune.
10:22 L'islam n'est pas le catholicisme, l'islam n'est pas le judaïsme
10:25 et ça ne va pas se passer de la même façon.

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