Comment lutter contre l'antisémitisme ?
Trois mois après le pogrom du 7 octobre, Emmanuel Debono, rédacteur en chef du Droit de Vivre, la revue de la Ligue internationale contre le racisme et l'antisémitisme, revient sur les nouveaux vecteurs de l'antisémitisme qui peuvent permettre, notamment sur les réseaux sociaux, de contourner la loi.
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NewsTranscript
00:00 Il ne suffit pas de parler de la Shoah, on l'a bien vu, ça ne vaccine pas contre l'antisémitisme.
00:05 En 1990, à la suite de la profanation du site de Carpentras,
00:21 on avait eu des manifestations monstres, et on se souvient notamment du rassemblement à Paris du 14 mai 1990.
00:28 Après Carpentras, on n'a plus eu de grandes manifestations en faveur des Juifs
00:34 qui pouvaient être assassinés ou agressés en France.
00:36 Il y en a eu effectivement un certain nombre à partir des années 2000,
00:39 après Ilhan Alimi jusqu'à Liber Kachir, en passant par la suite par Mireille Knoll ou Sarah Alimi.
00:46 Et c'est vrai que ces assassinats terribles commis par des tueurs islamistes, des djihadistes,
00:52 les Juifs se sont sentis quand même assez seuls dans ces moments-là.
00:56 On a coutume d'évoquer le rôle des éducateurs, des enseignants, des formateurs sur ces questions-là.
01:06 Je crois qu'il faut, hélas, insister.
01:09 Il ne suffit pas de parler de la Shoah, on l'a bien vu, ça ne vaccine pas contre l'antisémitisme.
01:15 Il faudrait dans les programmes un véritable enseignement de ce que c'est que l'antisémitisme,
01:18 le racisme, les discriminations, dans une tendance longue de l'histoire,
01:23 et pas uniquement à travers des points paroxystiques.
01:26 Il faudrait une réflexion sur les mécanismes, une inscription aussi dans le présent,
01:30 c'est-à-dire une actualisation de ces questions-là dans les programmes,
01:33 que les enseignants également soient formés, mais également la police, mais également les magistrats.
01:38 Alors, il y a beaucoup de choses qui se font actuellement,
01:40 mais on voit bien que c'est un peu une course de vitesse par rapport aux réseaux sociaux.
01:44 On voit bien comme les choses peuvent basculer assez rapidement,
01:47 et je pense qu'il faut également que le "personnel politique", que les élus,
01:53 fassent un effort véritablement au sein des partis, au sein des courants politiques,
01:59 pour se former à ces questions-là.
02:00 Certains partis l'ont fait, ont initié des groupes de travail sur le sujet,
02:05 mais ce n'est pas quelque chose à régler en interne,
02:06 c'est quelque chose où il faut faire venir des spécialistes.
02:10 L'antisémitisme, on le comprend avec des historiens,
02:12 mais on le comprend aussi avec des sociologues, avec des anthropologues.
02:14 Et puis, il faut travailler évidemment avec des juristes,
02:16 puisque l'antisémitisme, comme le racisme, c'est un délit.
02:19 On ne doit pas judiciariser systématiquement,
02:21 mais il y a très clairement aujourd'hui, et notamment sur les réseaux sociaux,
02:25 une forme d'impunité qui est absolument intolérable.
02:28 Alors, il y a un des aspects qui fait de l'antisémitisme une question assez complexe,
02:36 en particulier aujourd'hui, ce sont finalement des nouveaux processus
02:40 qui sont à l'œuvre des processus qui contournent la loi,
02:43 qui vont être des manières finalement atténuées, ou cachées,
02:46 de faire de l'antisémitisme des manières dissimulées.
02:49 On songe par exemple à la codification,
02:51 c'est-à-dire on va utiliser un pronom relatif, comme "qui".
02:53 On va mettre un pronom d'interrogation, "qui domine le monde",
02:56 "qui, qui, qui", évidemment les Juifs, c'est l'implicite.
02:58 On pense également à un célèbre manga,
03:01 dont des personnages, les dragons célestes,
03:02 qui est un peuple doté de pouvoir,
03:06 qui est assez imbu de lui-même, qui domine, etc.,
03:09 est utilisé pour désigner les Juifs sans les nommer.
03:11 Toutes ces manières un petit peu détournées de protester contre le système
03:16 et de protester contre les Juifs,
03:17 qui sont censés finalement incarner le système,
03:20 sont des formes qui sont aussi assez difficiles à déterminer ou à comprendre,
03:25 parfois dans le cadre d'une audience judiciaire.
03:28 Et ça, c'est aussi un enjeu actuel très très fort.
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