• il y a 11 mois
Après déjà un épisode de crues exceptionnelles au mois de novembre, le Pas-de-Calais et le Nord sont à nouveau touchés en ce début d'année 2024 par des inondations. Comment expliquer ce phénomène ? Francis Meilliez, professeur émérite en géologie à l'université de Lille et directeur de la société géologique du Nord, était l'invité ce lundi du 6-9 de France Bleu Nord.

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Transcription
00:00 Bonjour Francis Meillet, vous êtes professeur, directeur également de la Société Géologique du Nord
00:04 et vous allez nous aider à comprendre finalement le pourquoi de ces inondations à répétition.
00:09 Tout d'abord en tant que spécialiste de cette question, le retour des crues,
00:12 le retour des inondations la semaine dernière après déjà un épisode très violent,
00:15 moi non, parce que cela vous a surpris.
00:17 Non, d'abord c'est la saison, ça c'est la première chose.
00:22 La deuxième chose c'est que l'aléa de départ c'est quand même la pluie,
00:26 c'est quand même un événement météorologique.
00:29 Et évidemment chacun d'entre nous réagit à l'échelle de son individu et de son entourage,
00:36 mais les événements météorologiques ce sont des événements qui sont gigantesques
00:40 à la fois dans l'espace et dans le temps.
00:42 Et les stations météo, les commentateurs météorologiques sur les différentes chaînes de télé
00:48 ont bien expliqué cette histoire de jet stream qui a amené de façon durable des courants atmosphériques
00:57 se chargeant d'humidité sur l'Atlantique Nord et venant se déverser sur les côtes ouest de l'Europe du Nord.
01:03 Et comme le haut Boulonnais c'est le premier relief, il ne fait peut-être que 200 mètres,
01:11 mais comparé aux 15 mètres qui sont à côté, ça marche à tous les coups.
01:15 Et c'est la même chose que les épisodes Slavenol dans le sud-est avec les orages à l'automne également.
01:20 C'est exactement pareil.
01:22 Donc nous avons des cumuls de plus importants,
01:24 ce phénomène météorologique que vous venez de décrire, sur des sols qui sont déjà gorgés d'eau.
01:29 Mais tout ça, vous l'avez souligné, cette saison, qu'est-ce qui est...
01:31 Alors en deux temps.
01:33 Parce qu'il y a eu l'épisode de novembre, après plusieurs de longues périodes de sécheresse.
01:39 Les sols étaient très durs, très secs.
01:42 C'est l'histoire de l'éponge qu'on laisse sur un évier et qui va se dessécher complètement
01:46 et qui ne peut pas jouer son rôle d'éponge dès qu'on remet tout dessus.
01:49 Donc il faut qu'elle se réimprime d'abord.
01:51 Et puis, ici en janvier, ce qui s'est passé, là effectivement, les sols étaient déjà saturés.
01:56 Et du coup, tout de suite ça a réagi et rien ne s'est infiltré.
01:59 Tout de suite ça a monté.
02:01 Au sein de la Société Géologique du Nord, vous avez également beaucoup étudié
02:04 toutes les questions d'artificialisation des sols.
02:07 Ce sont des choses sur lesquelles vous revenez énormément.
02:08 Est-ce que c'est décisif, dans ce qui se passe en ce moment,
02:11 sur le fait que l'eau se concentre à certains endroits, dans certaines communes.
02:15 On a cité le bassin de la, avec Blendec, avec Arcs, communes également très touchées.
02:20 Est-ce que cette donnée d'artificialisation des sols, de quoi parle-t-on ?
02:24 Est-ce que c'est décisif ?
02:25 Oui, c'est absolument décisif sur les effets.
02:29 Pas sur l'aléa, bien sûr.
02:31 L'aléa, il est météorologique, topographique, géologique, vous l'avez résumé.
02:36 Mais sur les effets, oui.
02:38 Parce que, si...
02:41 Une façon un peu brutale de le dire, c'est, si on constate que l'eau revient périodiquement sur un endroit,
02:49 même si ce n'est pas toutes les semaines, même si ce n'est pas tous les ans,
02:52 à un moment donné, il faut se poser la question,
02:54 qu'est-ce qui passe à sa place ? C'est l'eau ou bien c'est l'homme ?
02:58 Et quand ça revient de façon régulière comme ça,
03:01 bon, à un moment donné, il faut quelque part,
03:03 je ne sais pas à quel niveau, ce n'est pas mon bougeot de savoir à quel niveau,
03:06 mais il faut essayer quand même de prendre des décisions,
03:10 et puis, c'est le seul point sur lequel je suis d'accord avec la déclaration du ministre,
03:16 et là, il faut de la pédagogie, il faut expliquer,
03:20 il ne faut pas dire que les gens ne comprennent pas, il faut expliquer.
03:22 - 7h48, vous êtes sur France Bleu Notre,
03:25 invité ce matin est Francis Meillet,
03:26 professeur émérite en géologie à l'université de Lille.
03:30 Francis Meillet, si on vous écoute, ça veut dire qu'il y a des communes qui ne sont pas à leur place,
03:34 des constructions qui ne sont pas à leur place,
03:35 ça veut dire qu'on a trop construit à des endroits où il ne fallait pas, finalement ?
03:39 - Alors, je précise tout de suite, je ne fais le procès de personne.
03:44 Mon père était élu aussi, donc je ne fais le procès de personne.
03:48 Mais les torts sont largement partagés, très très largement partagés.
03:52 Ce qu'il faut aujourd'hui, c'est positiver, c'est facile à dire,
03:56 de ma place là, c'est facile à dire,
03:57 mais positiver, c'est ce que Pascal vient de dire avant,
04:01 c'est que fait-on aujourd'hui ?
04:03 Au moins, ne pas réentretenir, ne pas reconstruire,
04:07 ne pas redévelopper sur des terrains qui sont déjà comme ça.
04:11 Je vous ai préparé un document qui concerne à la fois le secteur de Saint-Omer-Blendec
04:18 et à la fois le secteur de Montreuil-sur-Mer.
04:21 - Deux secteurs qui ont effectivement été durement touchés,
04:23 que ce soit au Novembre, au Décembre, au mois de Janvier.
04:25 - C'est pour ça que j'ai préparé ces documents-là.
04:28 Et c'est tout bête.
04:29 Il existe, c'est le BRGM, le Bureau de Recherche Géologique et Minière
04:33 qui a mis à disposition deux outils qui s'appellent Infonap et InfoGéol,
04:37 qui sont accessibles à tout citoyen, sur n'importe quelle tablette,
04:41 sur n'importe quel téléphone portable.
04:43 Mais il faut expliquer aux gens comment s'en servir.
04:45 Et là-dessus, vous avez une carte géologique,
04:50 c'est un document technique, je suis bien d'accord,
04:53 mais notre rôle, c'est justement d'expliquer comment on le lit.
04:55 - Et que voit-on sur ces cartes ?
04:56 Que les zones où il y a le plus d'habitation,
04:59 ce sont les zones qui sont finalement les plus inondées ?
05:01 C'est ça, les deux se recoupent ?
05:02 - La carte géologique est un document hautement coloré,
05:05 vous montre ce qu'on appelle les alluvions récentes,
05:09 c'est-à-dire toutes les alluvions au cours du quaternaire,
05:11 même pas au cours des 10 000 dernières années,
05:14 c'est même pas tout le quaternaire.
05:16 Et quand on regarde où se situe 90% de l'habitat de arcs,
05:22 de blancs-taquets et de lacs-cadauteries,
05:25 pour ne pas dire 95% pour les lacs-cadauteries,
05:27 c'est en plein sur les zones inondables.
05:31 Une autre façon de le dire, peut-être moins pointue,
05:35 et plus technique,
05:39 une rivière est caractérisée par ce qu'on appelle un lit mineur,
05:45 c'est-à-dire là où l'eau est permanente,
05:48 et un lit majeur, c'est-à-dire là où la rivière peut déborder et s'étaler.
05:53 Et la caractéristique des lits majeurs,
05:55 c'est qu'ils sont absolument plats.
05:57 Pourquoi ? Parce que les alluvions viennent tout égaler.
06:00 - Et c'est une particularité de la région,
06:02 vous l'a souligné dans les différents travaux que vous faites
06:06 au sein de la Société Géologique du Nord,
06:08 le caractère plat de la région,
06:10 le fait que ce soit en dessous du niveau de la mer,
06:12 alors que le littoral n'est pas partout,
06:14 mais au moins plat,
06:16 et ce qui empêche aussi l'eau de se dégager vers la mer de manière efficace.

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